François-Pierre Taboureau de Montigny
François-Pierre Taboureau de Montigny, dit « l'Enragé d'Orléans », est un écrivain qui tente de se faire le porte-parole des sans-culottes urbains d'Orléans. Sa radicalité le rattache aux Enragés, bien qu'il n'y ait aucun groupe structuré.
1 Idées[modifier | modifier le wikicode]
Lors de la crise des subsistances de l’automne de 1792, Taboureau rédigea un Projet de loi relatif aux subsistances qui fut transmis à la Convention, le 25 octobre 1792.
Ce projet comportait un exposé de principe qui traduisait les orientations essentielles de la mentalité populaire. De socialisme ou de communisme, il n’est point question. Taboureau opposait seulement l’état de nature où la communauté était de droit et l’état social où la propriété individuelle est légitime : la Convention avait condamné la loi agraire.
« On déraisonnera toujours sur cette matière tant qu’on se laissera subjuguer par les clameurs des propriétaires territoriaux et des gros capitalistes qui, de concert, ne tendent qu’à envahir toute la subsistance nationale pour acquérir un droit de vie et de mort sur l’espèce humaine au profit de leur cupidité... L’équité naturelle prescrit des limites au bénéfice des propriétés exclusives, et le bénéfice légitime du propriétaire territorial se réduit à l’intérêt de 5 % du fonds principal et à la restitution annuelle de sa mise en frais de culture... Le travail étant une voie ouverte à l’indigent, pour recouvrer sur la terre la portion des biens qui lui était dévolue au Tribunal du droit naturel, antérieurement à toute convention civile, il s’ensuit que l’état social doit nécessairement lui rendre, en échange de son travail, l’équivalent de ce qu’il a perdu ; or, ce qu’il a perdu, par la transmission immémoriale d’une fortune héréditaire, est égal à la somme de ses besoins indispensables, sur le montant desquels il faut fixer le tarif de son salaire ; d’où résulte la nécessité d’une loi compensatrice qui porte le salaire au niveau du prix courant des comestibles, ou baisse le prix des comestibles au niveau du salaire [le pain devant emporter le tiers au plus] ». « Dire que la population excède les ressources de la nature, comme plusieurs le prétendent, en parlant avec mépris de la multiplication des indigents, c’est blasphémer contre le Créateur en ridiculisant l’organisation physique de la créature ; enfin, c’est insinuer contre toute raison que l’effet a plus de force que la cause. La multiplication des indigents vient de l’inégale distribution de numéraire sur toutes les classes de la société. »
La libre circulation des grains était critiquée avec force. En dérobant à la surveillance publique les subsistances de la nation, elle favorise toutes les fraudes sur les prix et sur la qualité. L’accaparement doit être puni comme « un crime de lèse-majesté souveraine au premier chef ». Le Projet stipulait la déclaration de la récolte à peine de confiscation, la taxation des grains de telle sorte que le pain de 9 livres n’excède pas 15 sous, l’obligation de vendre à la taxe sur les marchés sous peine de mort ; défense était faite aux particuliers, marchands y compris, de constituer des stocks de grains sous peine de mort. Chaque ville sera pourvue d’un magasin national ; il n’y aura qu’une seule sorte de pain, deux tiers de froment, un tiers de seigle. Le caractère terroriste du Projet de Taboureau est frappant, comme aussi son insuffisance. La peine de mort était largement prévue en cas d’infraction : « La soif des richesses ne peut s’éteindre que dans des flots de sang. »
Mais à cette répression impitoyable ne répond pas la précision des moyens techniques. Ni réquisition, ni rationnement, ni municipalisation n’étaient prévus. Comment pourvoir les magasins nationaux en cas d’approvisionnement insuffisant ? Le Projet demeurait étroitement urbain : des sans-culottes des campagnes, il n’était point question. Ni d’un organisme central qui harmoniserait en fonction de la récolte les besoins des diverses régions. Les Enragés demeuraient prisonniers du contexte social urbain où s’inscrivait leur action : ils ne parvinrent pas à concevoir un programme cohérent répondant aux besoins de l’ensemble des masses, aussi bien rurales qu’urbaines.
2 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Georges Lefebvre, Quelques notes sur Taboureau l'« enragé » d'Orléans, Annales historiques de la Révolution française, no 44, mars-avril 1931, p. 140-148 (JSTOR 41924039).
- Albert Mathiez (1874-1932), La vie chère et le mouvement social sous la Terreur, Paris, 1973 (1re éd. 1927)
- Jacques Droz, Histoire générale du socialisme, 1972