Confédération nationale du travail (Espagne)

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La Confédération nationale du travail (Confederación Nacional del Trabajo ou CNT) est une organisation anarcho-syndicaliste fondée en 1910 à Barcelone (Catalogne, Espagne).

1 Origines et formation[modifier | modifier le wikicode]

L'origine du mouvement ouvrier organisé en Espagne remonte à la Fédération régionale espagnole de l'AIT, qui fut fondée en 1870, et qui était déjà dominée par le courant anarchiste (celui de Bakounine à l'origine). Après 1888, le mouvement ouvrier traverse une période difficile et très répressive.

A partir des années 1880 se développent à la fois des tendances se réclamant du communisme anarchiste (prônant la propagande par le fait, l'insurrectionnalisme...) et des groupes d'affinité relevant plutôt de l'anarchisme individualiste (misant sur des communautés libertaires ici et maintenant - donc un sens de fait plus "collectif" que celui auquel on pense aujourd'hui).

À sa naissance en 1910 la CNT – qui au départ devait s’appeler la CGT – en référence à la centrale française créée en 1895 – s’inscrit dans le syndicalisme révolutionnaire de son temps, et se prononce pour « la grève générale, le sabotage et le boycott comme moyens, et le syndicalisme comme fin de l’émancipation ouvrière ». Il n’y a pas que des anarchistes dans ses rangs. Elle est plus directement l'héritière du militantisme de type FRE, mais s'appuyait sur de nombreux liens avec les autres courants anarchistes.

2 Essor des années 1910-1920[modifier | modifier le wikicode]

Depuis la guerre de 1914-1918, à laquelle l'Espagne n’a pas participé, le développement industriel s’accélère, et après des grèves générales imposantes et victorieuses, la CNT voit le nombre de ses affiliés grimper en flèche (de quelques dizaines de milliers en 1915 à près de 800 000 en 1919).

La Confédération combinait la lutte sur les lieux de travail comme la grève, et des luttes impliquant les familles et communautés de travailleurs, comme les coopératives de consommation, ateliers communautaires, colonies agricoles... du moment qu’ils étaient imprégnés « d’esprit libertaire anticapitaliste. »

Bien que de façon informelle, la CNT bénéficia de certains liens avec les groupes affinitaires d'anarchistes individualistes. Ceux-ci rassemblaient en général 4 à 8 jeunes hommes et femmes unis par l’affinité d’idées et de caractère. Ils diffusaient des publications, entretenaient maintes activités culturelles et d’auto-éducation dans une école rationaliste, ou un ateneo, dans un local propre ou dans celui de la CNT. Ils menaient aussi des actions de sabotage, d’expropriation, pour l’auto-financement, et pour soutenir grèves et prisonniers. On y trouvait aussi des naturistes, des espérantistes, des pacifistes, des coopérativistes. Certains groupes étaient éphémères, d’autres permanents. On en comptera plus de 3000 jusqu’en 1939.

Il y avait cependant des anarchistes « purs » qui se disaient absolument anti-organisation et contre le syndicat ; ils se méfiaient même de la notion de prolétariat. Ils s’opposaient aux luttes sectorielles dans les usines en affirmant que les quelques acquis seront immédiatement absorbés par le patronat, ou qu’ils endormiront les prolétaires. Ils estimaient que défendre les conditions de travail revient à admettre le principe du salariat lui-même. Mais dans les faits, la plupart participaient aux actions de la Confédération, surtout après 1919.

La CNT puisait une grande force dans le fait d'être devenue un point de référence pour toute une mouvance « révolutionnaire », malgré les nombreuses visions différentes que chaque sensibilité mettait derrière ce terme. Les masses en Espagne à ce moment disposaient d'une grande radicalité latente, et celle-ci s'incarnait dans la CNT. La plupart des militant·es sincères s'y affiliaient, même s'ils étaient en désaccord avec ce que beaucoup d'autres cénétistes faisaient.

Lors de son IIe congrès en 1919, la CNT reconnaît le communisme libertaire comme but, sans que le principe soit très défini : « Quelle sera la meilleure orientation à se donner pour arriver au plus vite à l’abolition du salariat et à l’implantation du communisme libertaire ? ».

Le syndicat spécifique des paysans est absorbé en 1919 dans la CNT. Beaucoup commencent à se plaindre que la condition paysanne est négligée.

3 L'anarcho-syndicalisme et le communalisme[modifier | modifier le wikicode]

En 1931, la CNT pèse environ 800 000 membres. À cela il faut ajouter les membres de la famille de chaque affilié car c'est souvent par familles entières que l'on allait manifester, se battre contre la police, faire la grève des loyers, piller des magasins, occuper des terrer, ou attaquer des prisons comme en avril 1931…

Lors de son IIIe congrès en 1931, la CNT se revendique toujours de l’action directe et du communisme libertaire, mais de fait, le contenu semble reprendre de plus en plus celui du « collectivisme » de la fin du 19e siècle. Le congrès déclare que le syndicat d’industrie, complété par la Fédération nationale d’industrie, « représente le modèle indépassable d’organisation, tant comme outil de résistance face au capitalisme » que comme structure permettant de le supplanter dans la société post-révolutionnaire.

Pour ce courant anarcho-syndicaliste, faire la révolution revient à adapter l’anarchisme aux formes du développement industriel, et à prôner la supériorité du mouvement ouvrier sur la bourgeoisie pour gérer l'industrie. il n’est plus question d’abolition du salariat dans les synthèses des congrès de la CNT de 1931 et 1936.

La CNT fut traversée par une division entre tendances « communaliste » (ou ruraliste, agrariste) et « industrialiste » :

  • les industrialistes défendent la vision « anarcho-syndicaliste », ils insistent sur la nécessité de baser l'organisation sur l'industrie engendrée par le capitalisme, qu'il s'agira de collectiviser ;
  • les premiers soutiennent l'importance de la paysannerie, de la ruralité, supposée porteuse de valeurs plus solidaires, spontanément anticapitalistes ; ils ont tendance à prôner des insurrections partant des campagnes ; ils considèrent que le capitalisme et l’industrialisme sont consubstantiels, et qu’il revient à la commune, surtout rurale, et non au syndicat de prendre en charge la socialisation après l’abolition du salariat ; d’ailleurs le syndicat qui lui est lié doit aussi disparaître.

Contrairement à Kropotkine ou à Reclus qui ne se référaient pas aux communes antérieures, qu'ils jugaient trop localistes, les communalistes espagnols restent attachés aux rapports communautaires dans les villages où l’on trouve encore les traces d’une démocratie directe, de comportements d’entraide, de mutualisme.

4 Explosions sociales et débats internes (1931-1935)[modifier | modifier le wikicode]

Après l’instauration de la république en avril 1931, s'ouvre une période d'intenses luttes de classe (une séquence que rétrospectivement on peut situer de 1931 à 1939).

En août 1931 un groupe de militants modérés (comme Peirò ou Pestaña) publie le Manifeste des trente. A ce moment-là des ouvriers et des chômeurs mènent d'inlassables guerres de rue et la CNT catalane est très insurrectionnaliste. Ces militants « trentistes » prônaient une sorte d’armistice avec les autorités pour que l’action syndicale puisse se développer, et ils critiquaient la violence des groupes comme le recours aux actions illégales. Ils sont les partisans d'un « syndicalisme pur » face à des « anarchistes/communalistes purs ». Ces trentistes seront expulsés de la CNT en 1933 et réintégrés en mai 1936.

En 1932-1933 il y eut plusieurs tentatives notables d'insurrections et de proclamations du communisme libertaire, en Aragon, en Catalogne et en Andalousie, impulsés notamment par le groupe Nosotros, avec Durruti et d’autres à la manœuvre. Mais elles échouèrent toutes devant la sauvage répression du gouvernement (qui comprenait des ministres socialistes). Il y eut en 1931-1932 pas moins de 30 grèves générales et 3600 grèves partielles, ce qui entraîna 400 morts, 9000 détentions et 160 déportations. Certains secteurs de la CNT partisans des luttes syndicales classiques, et les représentants du syndicalisme « pur » critiquèrent ouvertement la stratégie, qui se basait sur le spontanéisme et l'exemplarité (il suffirait de donner l'exemple pour que spontanément les masses inorganisées s'insurgent partout).

Les effectifs sont retombés en 1934 à 200 000. En 1935, 30 000 militants de la CNT étaient en prison. Cet échec renforça le courant industrialiste.

En 1933 plusieurs petits ouvrages vont beaucoup circuler et être discutés, notamment la brochure-programme d'Isaac Puente, Le communisme libertaire, ses possibilités d’organisation en Espagne (diffusée à 100 000 d’exemplaires en trois ans) qui sera adopté par la tendance la plus à gauche de la CNT. Puente essaya de réaffirmer la perspective du communisme libertaire, en y donnant une place aux syndicats.

Le communisme libertaire est l’organisation de la société sans État et sans propriété privée. Les axes organisationnels autour desquels la vie future se formera existent déjà dans la société actuelle, ce sont les syndicats et la commune libre. L’abolition du salariat et de la valeur d’échange sont rappelés ; la distribution des richesses est organisée par la collectivité, selon les besoins de chacun :

« Les échanges de produits entre localités se font sans équivalence de valeur car ils sont tous équivalents en soi, quel que soit le travail qu’ils ont demandé ou l’utilité qu’ils représentent, la notion de valeur est étrangère à l’économie libertaire, il n’y a donc aucune raison de la mesurer avec de la monnaie. »

A l'inverse, d'autres militant·es, surtout dans l'aile syndicale, évoluaient vers des positions plus pragmatiques, et parmi ce pragmatisme, une grande partie évoluaient clairement vers le réformisme.

Des militants comme Abad de Santillán ou Joan Peiró reprenaient et adaptaient en Espagne les théories de syndicalistes européens comme Pierre Besnard ou Christiaan Cornelissen (qui écrivit qu'après la révolution un gouvernement serait nécessaire pendant une période de transition).

Dans une série d’articles publiés en 1933 sous le titre « La révolution sociale et le communisme libertaire », Peiró écrit que l'argent sera utilisé dans les échanges entre les communes (même s'il perdra la signification qu’il avait dans la société capitaliste : il ne sera plus qu’un « signe de change ») les valeurs des différents biens étant déterminés par le « facteur travail », pont sur lequel il renvoie à Marx, « le plus fameux des grands économistes ».

Santillán, rédigea de nombreux textes de 1934 à 1936 dont son Organisme économique de la révolution. Ancien communaliste, il insiste sur la nécessité de conserver l'industrie moderne, mais semble ne pas du tout concevoir que la socialisation vise aussi à transformer les rapports de production :

« Il n’est pas nécessaire de détruire l’organisation technique existante de la société capitaliste, nous devons nous en servir. La révolution doit mettre un terme à la propriété privée des usines mais, si les usines doivent exister, et à notre avis elles le doivent, il est nécessaire de savoir comment elles marchent. Le fait qu’elles deviennent propriété collective ne change pas l’essence de la production ou la méthode de production. C’est la distribution des produits qui changera et deviendra plus équitable. »

Plus tard (1965), il dira sur son objectif de ce moment-là :

« Je voulais montrer une voie pratique de réalisation immédiate, et non un utopisme paradisiaque […]. Je voulais contribuer à dépasser l’infantilisme du communisme libertaire basé sur les prétendues communes libres et indépendantes, propagée par Kropotkine et autres, présentées comme étant plus parfaites que les perspectives dérivées du collectivisme de Bakounine ou du mutuellisme de Proudhon. J’estime en effet celles-ci plus proches de la vraie nature humaine, car l’homme est généreux, plein d’abnégation, mais il est également égoïste. »

Quant au futur secrétaire national de la CNT, Horacio Martínez Prieto, il écrivait en 1933 qu’en cas de situation pré-révolutionnaire, les travailleurs devront attendre les consignes syndicales.

L'historien Chris Ealham a étudié comment le chômage massif avait exercé une pression sur le code moral des syndicalistes : pour lutter contre le chômage, certains militants trentistes voulurent limiter le travail des femmes et des immigrés, et ils jugèrent que les actions offensives menées hors de l’usine par les chômeurs étaient « indignes des travailleurs ».

5 Congrès de Saragosse (mai 1936)[modifier | modifier le wikicode]

lors du fameux congrès de la CNT en mai 1936 à Saragosse, qui adopta, de manière retentissante, la motion sur le communisme libertaire – dont nous revisiterons les diverses moutures qui furent proposées – il fut rappelé que « deux manières d’interpréter le sens de la vie et les formes de l’économie post-révolutionnaire » s’agitaient au cœur même de la Confédération, et qu’il s’agissait de « rechercher la formule qui recueille la pensée des deux courants ».

La CNT atteint environ 400 000 en mai 1936.

6 Participation au gouvernement de Front populaire[modifier | modifier le wikicode]

Après juillet 1936, on parle d’un million et demi d’affiliés, mais la syndicalisation devint obligatoire, donc les chiffres ne veulent plus dire grand-chose ; et beaucoup des nouveaux affiliés n’étaient pas forcément anarchistes...

L'horizontalité mythifiée de la CNT laissa beaucoup de militants désarmés face à ce développement. Même ceux qui critiquaient très sévèrement la CNT pour son abandon de la stratégie révolutionnaire, et qui pensaient représenter tout autant l’Organisation que les « comités directeurs », ne quittaient pas l'organisation et ne se fixaient pas non plus le but de mener une lutte interne.

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7 Effectifs[modifier | modifier le wikicode]

  • 1931 : 800 000
  • 1934 : 200 000
  • mai 1936 : 400 000
  • juillet 1936 : plus d'un million

8 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]