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==Les Juifs et les courants politiques==
 
==Les Juifs et les courants politiques==
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=== Les populistes russes ===
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===Les populistes russes===
 
Le comité central du célèbre parti populiste russe [[Narodnaïa Volia]] publia en 1882, après les premiers pogroms de masse antijuifs en Russie, une proclamation au peuple qui appelait à des insurrections contre les Juifs, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes<ref>On peut trouver le texte complet de cette proclamation dans la revue russe "Katorga i ssylka", 1928, n° 48, p. 36-59, article de Wolk "G. G.Romanenko".</ref>. La proclamation aurait certes été retirée immédiatement après, mais les organisations locales du parti en Ukraine ont encore en 1883 déployé une propagande en ce sens<ref>Voir ''M. Bushinskyi'', "Les proclamations révolutionnaires de 1883 dans la région de Poltava" (en ukrainien), Ukr. Akad. d. Wiss., Série "Za sto lit", tome III, p. 123-124, et ''S. Kozlov,'' "La vie des groupes de la 'Narodna Vola' dans la région de Romny", ibid. tome VI, p. 166-191.</ref>. Les sources de l'erreur étaient les mêmes : on croyait voir dans les exactions populaires antijuives les  signes avant-coureurs d'une révolution sociale. La confusion dans le camp révolutionnaire russe était générale, et ce n'est qu'avec les expériences humiliantes de la vague de pogroms de 1882/83 que le mouvement révolutionnaire russe et ukrainien a rectifié la ligne.
 
Le comité central du célèbre parti populiste russe [[Narodnaïa Volia]] publia en 1882, après les premiers pogroms de masse antijuifs en Russie, une proclamation au peuple qui appelait à des insurrections contre les Juifs, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes<ref>On peut trouver le texte complet de cette proclamation dans la revue russe "Katorga i ssylka", 1928, n° 48, p. 36-59, article de Wolk "G. G.Romanenko".</ref>. La proclamation aurait certes été retirée immédiatement après, mais les organisations locales du parti en Ukraine ont encore en 1883 déployé une propagande en ce sens<ref>Voir ''M. Bushinskyi'', "Les proclamations révolutionnaires de 1883 dans la région de Poltava" (en ukrainien), Ukr. Akad. d. Wiss., Série "Za sto lit", tome III, p. 123-124, et ''S. Kozlov,'' "La vie des groupes de la 'Narodna Vola' dans la région de Romny", ibid. tome VI, p. 166-191.</ref>. Les sources de l'erreur étaient les mêmes : on croyait voir dans les exactions populaires antijuives les  signes avant-coureurs d'une révolution sociale. La confusion dans le camp révolutionnaire russe était générale, et ce n'est qu'avec les expériences humiliantes de la vague de pogroms de 1882/83 que le mouvement révolutionnaire russe et ukrainien a rectifié la ligne.
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===Le Bund et le POSDR===
 
===Le Bund et le POSDR===
La première vraie organisation socialiste au sein de l'[[Empire_russe|Empire russe]] fut par ailleurs l'[[Union_générale_des_travailleurs_juifs|Union générale des travailleurs juifs]] (''Bund''), fondée en 1897, et elle le resta jusqu'en 1903.  
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La première vraie organisation socialiste au sein de l'[[Empire_russe|Empire russe]] fut par ailleurs l'[[Union_générale_des_travailleurs_juifs|Union générale des travailleurs juifs]] (''Bund''), fondée en 1897, et elle le resta jusqu'en 1903. Le [[Premier congrès du POSDR|premier congrès]] du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] (POSDR), qui a lieu à Minsk en 1898, est principalement organisé par les militants du Bund, et le délégué du Bund est alors le seul ouvrier du congrès.  
    
Les premières unités d’autodéfense - les Beovie Otriady - furent créées par le Bund en 1903, après le pogrom de Kichinev.
 
Les premières unités d’autodéfense - les Beovie Otriady - furent créées par le Bund en 1903, après le pogrom de Kichinev.
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En 1903, peu après le progrom, le Bund tient une conférence à Karlsruhe, à laquelle participe [[Trotski|Trotski]]. [[Vladimir_Medem|Vladimir Medem]], militant local et théoricien du Bund, relate dans ses mémoire cette conférence<ref>Vladimir Medem, ''Ma vie'', 1923 (traduit en français en 1969)</ref>. Il raconte que Trotski répondit ''«&nbsp;cordialement et avec humour&nbsp;»'' à de jeunes spectateurs [[Sionistes|sionistes]] qui prirent la parole. La discussion s’envenima lorsque fut abordée la politique que le POSDR devait adopter pour combattre l’[[Antisémitisme|antisémitisme]]. Medem accusa le parti de négliger cette tâche. Trotski lui répondit que le parti distribuait des tracts à ce sujet, mais qu'il était peu utile de combattre spécifiquement l’antisémitisme&nbsp;: pour éliminer un sentiment solidement enraciné, vestige de l’ignorance qui dominait à l’époque médiévale, il fallait surtout élever le niveau général de conscience des masses. Pour Medem, ce discours ''«&nbsp;n’était rien d’autre qu’une façon de se dissimuler à ses propres yeux la grave et réelle responsabilité des socialistes russes&nbsp;»''.<ref name="Clemesha">Arlene Clemesha, [http://www.mondialisme.org/spip.php?article269 ''Trotsky et la question juive''], En defensa del marxismo n°27, juin 2000</ref> Medem raconte que Trotsky ne se considérait ni juif, ni russe, ''«&nbsp;seulement social-démocrate&nbsp;»''.
 
En 1903, peu après le progrom, le Bund tient une conférence à Karlsruhe, à laquelle participe [[Trotski|Trotski]]. [[Vladimir_Medem|Vladimir Medem]], militant local et théoricien du Bund, relate dans ses mémoire cette conférence<ref>Vladimir Medem, ''Ma vie'', 1923 (traduit en français en 1969)</ref>. Il raconte que Trotski répondit ''«&nbsp;cordialement et avec humour&nbsp;»'' à de jeunes spectateurs [[Sionistes|sionistes]] qui prirent la parole. La discussion s’envenima lorsque fut abordée la politique que le POSDR devait adopter pour combattre l’[[Antisémitisme|antisémitisme]]. Medem accusa le parti de négliger cette tâche. Trotski lui répondit que le parti distribuait des tracts à ce sujet, mais qu'il était peu utile de combattre spécifiquement l’antisémitisme&nbsp;: pour éliminer un sentiment solidement enraciné, vestige de l’ignorance qui dominait à l’époque médiévale, il fallait surtout élever le niveau général de conscience des masses. Pour Medem, ce discours ''«&nbsp;n’était rien d’autre qu’une façon de se dissimuler à ses propres yeux la grave et réelle responsabilité des socialistes russes&nbsp;»''.<ref name="Clemesha">Arlene Clemesha, [http://www.mondialisme.org/spip.php?article269 ''Trotsky et la question juive''], En defensa del marxismo n°27, juin 2000</ref> Medem raconte que Trotsky ne se considérait ni juif, ni russe, ''«&nbsp;seulement social-démocrate&nbsp;»''.
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C'est dans ce contexte qu'eut lieu,&nbsp;en août 1903, le [[Second_congrès_du_POSDR|2<sup>e</sup> congrès]] du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] (POSDR), qui fut le vrai congrès de fondation. Le Bund revendiquait une [[Autonomie_nationale-culturelle|autonomie nationale-culturelle]] au sein du futur Etat démocratique (sans faire cependant de ce point une condition sine qua non). Il réclamait aussi une autonomie à l'intérieur du POSDR (droit d’élire son propre comité central et de déterminer sa propre politique sur les questions concernant la population juive). Le congrès, majoritairement composé d’ «&nbsp;[[Iskra|iskristes]]&nbsp;», s’opposait au Bund car il entrevoyait dans leurs exigences un séparatisme qui créerait des précédents pour d’autres groupes et mettrait en péril l’unité du parti. C’est aux iskristes juifs [[Martov|Martov]] et [[Trotsky|Trotsky]] que revint la tâche de réfuter les exigences du Bund. Martov avait été l’un de ses membres fondateurs&nbsp;; quant à Trotsky, il prit la parole en tant que ''«&nbsp;représentant des iskristes d’origine juive&nbsp;»''. Ce fut une des rares fois où Trotsky fit référence à sa judéité<ref>Isaac Deutscher, The Prophet Armed, New York, Vintage Books, 1954, p. 74. (Trad. en français par P. Péju et E. Bolo, Le Prophète armé, Julliard, 1962.)</ref>. Mené «&nbsp;entre Juifs&nbsp;», le débat n’en fut pas pour autant facile. Trotsky prit la parole dix fois contre le Bund durant le débat, provoquant leur colère et indignation. Mis en minorité, les délégués du Bund quittèrent le Congrès.
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C'est dans ce contexte qu'eut lieu,&nbsp;en août 1903, le [[Second_congrès_du_POSDR|2<sup>e</sup> congrès]] du POSDR. Le Bund revendiquait une [[Autonomie_nationale-culturelle|autonomie nationale-culturelle]] (inspirée de l'[[austro-marxisme]]) au sein du futur État démocratique (sans faire cependant de ce point une condition sine qua non). Il réclamait aussi une autonomie à l'intérieur du POSDR (droit d’élire son propre comité central et de déterminer sa propre politique sur les questions concernant la population juive). Le congrès, majoritairement composé d’ «&nbsp;[[Iskra|iskristes]]&nbsp;», s’opposait au Bund car il entrevoyait dans leurs exigences un séparatisme qui créerait des précédents pour d’autres groupes et mettrait en péril l’unité du parti. C’est aux iskristes juifs [[Martov|Martov]] et [[Trotsky|Trotsky]] que revint la tâche de réfuter les exigences du Bund. Martov avait été l’un de ses membres fondateurs&nbsp;; quant à Trotsky, il prit la parole en tant que ''«&nbsp;représentant des iskristes d’origine juive&nbsp;»''. Ce fut une des rares fois où Trotsky fit référence à sa judéité<ref>Isaac Deutscher, The Prophet Armed, New York, Vintage Books, 1954, p. 74. (Trad. en français par P. Péju et E. Bolo, Le Prophète armé, Julliard, 1962.)</ref>. Mené «&nbsp;entre Juifs&nbsp;», le débat n’en fut pas pour autant facile. Trotsky prit la parole dix fois contre le Bund durant le débat, provoquant leur colère et indignation. Mis en minorité, les délégués du Bund quittèrent le Congrès.
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Le Bund rejoignit formellement les rangs du [[POSDR|POSDR]] lorsque toutes ses factions se réunifièrent au 4<sup>e</sup> congrès (de l'Unité) tenu à Stockholm en avril 1906, néanmoins le parti resta fracturé autour de dissensions ethniques et idéologiques. En général, le Bund tendait à soutenir la faction des [[Mencheviks|Mencheviks]] conduite par [[Julius_Martov|Martov]] et s'opposait à la faction bolchévique conduite par [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]], et ce durant toutes les luttes factionnelles qui agitèrent le Parti social-démocrate jusqu'à la [[Révolution_russe|Révolution d'octobre 1917]]. Par ailleurs, les juifs étant un peu plus nombreux parmi les [[Menchéviks|menchéviks]] que parmi les [[Bolchéviks|bolchéviks]], [[Staline|Staline]] n'hésita pas opposer&nbsp; ''«&nbsp;la véritable faction russe&nbsp;»'' à la ''«&nbsp;faction juive&nbsp;»''...
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Le Bund rejoignit formellement les rangs du [[POSDR|POSDR]] lorsque toutes ses factions se réunifièrent au 4<sup>e</sup> congrès (de l'Unité) tenu à Stockholm en avril 1906, néanmoins le parti resta fracturé autour de dissensions ethniques et idéologiques. En général, le Bund tendait à soutenir la faction des [[Mencheviks|menchéviks]] conduite par [[Julius_Martov|Martov]] et s'opposait à la faction bolchévique conduite par [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]], et ce durant toutes les luttes fractionnelles qui agitèrent le parti jusqu'à la [[Révolution_russe|Révolution d'octobre 1917]]. Par ailleurs, les juifs étant un peu plus nombreux parmi les [[Menchéviks|menchéviks]] que parmi les [[Bolchéviks|bolchéviks]], [[Staline|Staline]] n'hésita pas opposer&nbsp; ''«&nbsp;la véritable faction russe&nbsp;»'' à la ''«&nbsp;faction juive&nbsp;»''...
    
Mais durant la [[Révolution_de_1905|révolution de 1905]] (et la réaction hostile qu’elle entraîna), le nombre de pogroms fut si élevé que les efforts isolés du Bund ne parvinrent pratiquement pas à défendre la population juive. Alors président du [[Soviet_de_Saint-Pétersbourg|soviet de Saint-Pétersbourg]], [[Trotsky|Trotsky]] prit part à la création des unités d’autodéfense juives à Kiev et à Saint-Pétersbourg&nbsp;; il prôna la participation conjointe de Juifs et de non-Juifs pour résister aux actes de vandalisme. Albert Glotzer raconte que Trotsky, après l’échec de la révolution de 1905, avait été choqué par l’atrocité des massacres et les évoqua dans ses écrits, plus que nul autre militant du parti. Dans ''1905''<ref>Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/1905/1905.pdf ''1905''], Écrit en 1905-1909</ref>, il fait une description de plus de trois pages, vivante et minutieuse, du pogrom d’Odessa.
 
Mais durant la [[Révolution_de_1905|révolution de 1905]] (et la réaction hostile qu’elle entraîna), le nombre de pogroms fut si élevé que les efforts isolés du Bund ne parvinrent pratiquement pas à défendre la population juive. Alors président du [[Soviet_de_Saint-Pétersbourg|soviet de Saint-Pétersbourg]], [[Trotsky|Trotsky]] prit part à la création des unités d’autodéfense juives à Kiev et à Saint-Pétersbourg&nbsp;; il prôna la participation conjointe de Juifs et de non-Juifs pour résister aux actes de vandalisme. Albert Glotzer raconte que Trotsky, après l’échec de la révolution de 1905, avait été choqué par l’atrocité des massacres et les évoqua dans ses écrits, plus que nul autre militant du parti. Dans ''1905''<ref>Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/1905/1905.pdf ''1905''], Écrit en 1905-1909</ref>, il fait une description de plus de trois pages, vivante et minutieuse, du pogrom d’Odessa.
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Les bolchéviks comme les menchéviks étaient bien sûr pour la suppression de toutes les lois antisémites de Russie, mais opposés à des formes d'organisations séparées dans le mouvement ouvrier et dans l’État (ils défendaient le droit au séparatisme territorial des minorités nationales, mais cela ne concernait pas les Juifs qui n'avaient pas territoire spécifique). Dans un texte polémique<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000e.htm Notes critiques sur la question nationale],'' 1913</ref>, Lénine compare même l’idée bundiste d’écoles juives distinctes avec celle des écoles ségréguées pour Noirs au sud des Etats-Unis.
    
===Mouvement sioniste===
 
===Mouvement sioniste===
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Quand la presse mondiale faisait référence à la révolution russe, elle mentionnait presque toujours l’origine juive de Trotsky, l’un de ses principaux leaders. La presse juive se montrait orgueilleuse des origines juives de Trotsky, même si elle condamnait presque toujours son bolchévisme, tandis que Trotsky tentait de détacher son image de celle d’un Juif. Quand, en 1918, une délégation juive lui demanda d’user de son influence auprès des bolchéviques pour que soit maintenue l’égalité des droits que la révolution de février leur avait concédée pour la première fois dans l’histoire de la Russie, Trotsky déclara&nbsp;: «&nbsp;Je ne suis pas un Juif mais un internationaliste.&nbsp;» Trotsky ne s’opposait pas pour autant aux droits des Juifs. Il souligne en effet, dans son Histoire de la révolution russe, le mérite de la révolution de Février qui abolit les 650 lois restreignant les droits des Juifs en Russie.
 
Quand la presse mondiale faisait référence à la révolution russe, elle mentionnait presque toujours l’origine juive de Trotsky, l’un de ses principaux leaders. La presse juive se montrait orgueilleuse des origines juives de Trotsky, même si elle condamnait presque toujours son bolchévisme, tandis que Trotsky tentait de détacher son image de celle d’un Juif. Quand, en 1918, une délégation juive lui demanda d’user de son influence auprès des bolchéviques pour que soit maintenue l’égalité des droits que la révolution de février leur avait concédée pour la première fois dans l’histoire de la Russie, Trotsky déclara&nbsp;: «&nbsp;Je ne suis pas un Juif mais un internationaliste.&nbsp;» Trotsky ne s’opposait pas pour autant aux droits des Juifs. Il souligne en effet, dans son Histoire de la révolution russe, le mérite de la révolution de Février qui abolit les 650 lois restreignant les droits des Juifs en Russie.
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Les violences de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile russe]] ont été particulièrement génératrices de pogroms anti-Juifs. La plupart d'entre eux ont été commis par les forces réactionnaires, qui attisaient officiellement l'antisémitisme (par exemple l'Osvag, le service de propagande du gouvernement de Dénikine, fait courir de nombreuses rumeurs pendant la guerre sur l'existence de complots juifs). Mais des bataillons de l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] en ont également commis spontanément, surtout dans les débuts où elle était très peu structurée. Les estimations sur la responsabilité de chacune des principales forces sont les suivantes&nbsp;:
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Les violences de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile russe]] ont été particulièrement génératrices de pogroms anti-Juifs. La plupart d'entre eux ont été commis par les forces réactionnaires, qui attisaient officiellement l'antisémitisme (par exemple l'Osvag, le service de propagande du gouvernement de Dénikine, fait courir de nombreuses rumeurs pendant la guerre sur l'existence de complots juifs). Mais des bataillons de l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] en ont également commis spontanément, surtout dans les débuts où elle était très peu structurée. Les estimations<ref>G. Kostyrtchenko, ''La politique secrète de Staline : pouvoir et antisémitisme'', Moscou, Relations internationales, 2001, p. 56.</ref> sur la responsabilité de chacune des principales forces sont les suivantes&nbsp;:
    
*Armée nationaliste ukrainienne de Petlioura&nbsp;: 40&nbsp;%
 
*Armée nationaliste ukrainienne de Petlioura&nbsp;: 40&nbsp;%
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*[[Armée_rouge|Armée rouge]]&nbsp;: 8,6&nbsp;%
 
*[[Armée_rouge|Armée rouge]]&nbsp;: 8,6&nbsp;%
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Des groupes juifs au sein du camp révolutionnaire ont été les premiers à réagir et à faire pression pour que la direction bolchévique condamne ces pogroms.<ref>Brendan McGeever, [http://revueperiode.net/auto-organisation-des-juifs-et-bolchevisme-lantisemitisme-dans-la-revolution-russe/ ''Auto-organisation des juifs et bolchévisme : l’antisémitisme dans la révolution russe''], 2016</ref> En 1918 fut créée la section juive du parti bolchévik, la ''[[Yevsektsia|Yevsektsia]]''. En tant que chef de l’armée, Trotsky fut amené à envoyer des Juifs sur le front pour éviter les commentaires antisémites qui accusaient les Juifs de rester dans les coulisses, à des fonctions administratives au lieu de prendre les armes pour défendre la révolution. Trotsky autorisa, à la demande du parti sioniste de Russie, la formation du bataillon [[Poale_Zion|Poale Zion]]&nbsp;; mais, conscient de l’antisémitisme de ses soldats, il suggéra que les bataillons juifs rejoignent les régiments où il y avait aussi des bataillons d’autres nationalités pour ''«&nbsp;éviter le chauvinisme qui résulte de la séparation entre les différentes nationalités, et qui, malheureusement, se fait jour quand sont formées des unités militaires nationales complètement indépendantes&nbsp;»''.
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Des groupes juifs au sein du camp révolutionnaire ont été les premiers à réagir et à faire pression pour que la direction bolchévique condamne ces pogroms.<ref>Brendan McGeever, ''[http://alencontre.org/societe/histoire/les-bolcheviks-et-lantisemitisme.html Les Bolcheviks et l’antisémitisme]'', ''Alencontre'', 19 juillet 2017</ref><ref>Brendan McGeever, [http://revueperiode.net/auto-organisation-des-juifs-et-bolchevisme-lantisemitisme-dans-la-revolution-russe/ ''Auto-organisation des juifs et bolchévisme : l’antisémitisme dans la révolution russe''], Revue Période, 2016</ref> En 1918 fut créée la section juive du parti bolchévik, la ''[[Yevsektsia|Yevsektsia]]''. En tant que chef de l’armée, Trotsky fut amené à envoyer des Juifs sur le front pour éviter les commentaires antisémites qui accusaient les Juifs de rester dans les coulisses, à des fonctions administratives au lieu de prendre les armes pour défendre la révolution. Trotsky autorisa, à la demande du parti sioniste de Russie, la formation du bataillon [[Poale_Zion|Poale Zion]]&nbsp;; mais, conscient de l’antisémitisme de ses soldats, il suggéra que les bataillons juifs rejoignent les régiments où il y avait aussi des bataillons d’autres nationalités pour ''«&nbsp;éviter le chauvinisme qui résulte de la séparation entre les différentes nationalités, et qui, malheureusement, se fait jour quand sont formées des unités militaires nationales complètement indépendantes&nbsp;»''.
    
Lénine reçut un jour un télégramme d’un sympathisant bolchévik ancien membre de [[Narodnaïa_Volia|''Narodnaïa Volia'']], Makari Vasiliev, qui disait&nbsp;: ''«&nbsp;Pour sauver le bolchévisme, il faudrait éloigner un groupe de bolchéviques extrêmement respectés et populaires&nbsp;: le gouvernement soviétique y gagnerait beaucoup si Zinoviev, Trotsky et Kamenev - dont la présence aux postes les plus élevés et influents ne reflète pas le principe d’autodétermination nationale - démissionnaient immédiatement.&nbsp;»'' Vasiliev exigeait également ''«&nbsp;l’éloignement volontaire de Sverdlov, Ioffé, Steklov et leur remplacement par des personnes d’origine russe&nbsp;»''<ref>Dimitri Volkogonov, ''Trotsky. The Eternal Revolutionary'', New York, Free Press, 1996</ref>
 
Lénine reçut un jour un télégramme d’un sympathisant bolchévik ancien membre de [[Narodnaïa_Volia|''Narodnaïa Volia'']], Makari Vasiliev, qui disait&nbsp;: ''«&nbsp;Pour sauver le bolchévisme, il faudrait éloigner un groupe de bolchéviques extrêmement respectés et populaires&nbsp;: le gouvernement soviétique y gagnerait beaucoup si Zinoviev, Trotsky et Kamenev - dont la présence aux postes les plus élevés et influents ne reflète pas le principe d’autodétermination nationale - démissionnaient immédiatement.&nbsp;»'' Vasiliev exigeait également ''«&nbsp;l’éloignement volontaire de Sverdlov, Ioffé, Steklov et leur remplacement par des personnes d’origine russe&nbsp;»''<ref>Dimitri Volkogonov, ''Trotsky. The Eternal Revolutionary'', New York, Free Press, 1996</ref>
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==Postérité : Controverses sur l'affaire des Romanov==
 
==Postérité : Controverses sur l'affaire des Romanov==
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Suite à l'[[Assassinat_de_la_famille_impériale_russe|assassinat de la famille impériale]], dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918 au sein de la maison d'Ipatiev, appelée de manière codée "maison à destination spéciale" un mythe antisémite va circuler dans les milieux les plus réactionnaires&nbsp;: celui selon lequel il s'agirait d'un ''«&nbsp;meurtre rituel juif&nbsp;»''. Tel fut en 1920 le cas du journaliste britannique Robert Wilton dans "The Last Days of The Romanovs". En 2017, sous le régime de Poutine, la justice ouvre officiellement une enquête pour étudier cette thèse...<ref>Le Monde, [http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/11/29/la-justice-russe-etudie-la-theorie-antisemite-d-un-meurtre-rituel-de-la-famille-imperiale-en-1918_5222258_3214.html ''La justice russe étudie la théorie antisémite d’un « meurtre rituel » de la famille impériale en 1918''], 29 novembre 1917</ref>
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Suite à l'[[Assassinat_de_la_famille_impériale_russe|assassinat de la famille impériale]], dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918 au sein de la maison d'Ipatiev, appelée de manière codée "maison à destination spéciale" un mythe antisémite va circuler dans les milieux les plus réactionnaires&nbsp;: celui selon lequel il s'agirait d'un ''«&nbsp;meurtre rituel juif&nbsp;»''. Tel fut en 1920 le cas du journaliste britannique Robert Wilton dans "The Last Days of The Romanovs". En 2017, sous le régime de Poutine, la justice ouvre officiellement une enquête pour étudier cette thèse...  
    
Mais sous un autre angle à partir des années 1970 cette thèse a été drastiquement mise à mal : l'antisémitisme en question relevait de la calomnie pure et simple. A partir d'une enquête approfondie de deux journalistes britanniques, Anthony Summers et Tom Mangold parue en 1976 ''The File on the Tsar'' (''le dossier Romanov'' 1980) un nombre croissant d'historiens  (Marina Grey, Marc Ferro, Jacqueline Monsigny, Michel Wartelle, Elie Durel, Franck Ferrand, Marie Stravlo) contestent la réalité de ce massacre. Ils limitent le régicide à l'exécution du tsar Nicolas II. Ce qu'avaient affirmé à l'époque le commandant français Joseph Lasies et divers dirigeants bolcheviks jusqu'en 1922 tels que Tchitchérine, Litvinov, Zinoviev. Or Wilton avait déclaré le 12 mai 1919 à Lasies : "Commandant Lasies, même si le tsar et la famille impériale sont en vie, il est nécessaire de dire qu'ils sont morts" <ref>Joseph Lasies, ''La tragédie sibérienne'', Paris, 1920 </ref>. Summers et Mangold avaient mis la main sur l'intégralité du rapport du juge Sokolov censé en 1924 démontrer la massacre de la famille et de la suite. Ce magistrat, proche des Blancs et de Wilton, avait expurgé du dossier de nombreuses pièces contredisant son diagnostic <ref> Anthony Summers, Tom Mangold, ''Le dossier Romanov'', Paris, Albin Michel, 1980</ref>. Nicolas II et sa famille subissaient de mai à début juillet  1918 à Ekaterinbourg les persécutions des gardes rouges. L'arrivée de la Tcheka y mit fin. Elle n'était absolument pas venue pour achever le travail par un massacre. Au contraire elle mettait à exécution l'engagement secret du pouvoir bolchevik pris auprès de l'Allemagne impériale après la signature du traité de Brest-Litovsk de protéger "les princesses" (la tsarine et ses quatre filles) et peut-être le tsarévitch. L'ouverture des archives diplomatiques montrera l'existence de négociations entre la mi-juillet et octobre 1918 entre les Bolcheviks, Tchitchérnine, Karakhan, Radek, Joffé et des représentants de l'Allemagne de Guillaume II, de l'Espagne d'Alphonse XIII, du pape Benoit XV sur l'avenir de la tsarine et des enfants. Il s'agissait soit de les échanger contre la libération des spartakistes, Karl Liebnecht, Léo Jogiches soit d'obtenir un assouplissement du traité de Brest - Litovsk voire la reconnaissance pleine et entière du régime bolchevik.  
 
Mais sous un autre angle à partir des années 1970 cette thèse a été drastiquement mise à mal : l'antisémitisme en question relevait de la calomnie pure et simple. A partir d'une enquête approfondie de deux journalistes britanniques, Anthony Summers et Tom Mangold parue en 1976 ''The File on the Tsar'' (''le dossier Romanov'' 1980) un nombre croissant d'historiens  (Marina Grey, Marc Ferro, Jacqueline Monsigny, Michel Wartelle, Elie Durel, Franck Ferrand, Marie Stravlo) contestent la réalité de ce massacre. Ils limitent le régicide à l'exécution du tsar Nicolas II. Ce qu'avaient affirmé à l'époque le commandant français Joseph Lasies et divers dirigeants bolcheviks jusqu'en 1922 tels que Tchitchérine, Litvinov, Zinoviev. Or Wilton avait déclaré le 12 mai 1919 à Lasies : "Commandant Lasies, même si le tsar et la famille impériale sont en vie, il est nécessaire de dire qu'ils sont morts" <ref>Joseph Lasies, ''La tragédie sibérienne'', Paris, 1920 </ref>. Summers et Mangold avaient mis la main sur l'intégralité du rapport du juge Sokolov censé en 1924 démontrer la massacre de la famille et de la suite. Ce magistrat, proche des Blancs et de Wilton, avait expurgé du dossier de nombreuses pièces contredisant son diagnostic <ref> Anthony Summers, Tom Mangold, ''Le dossier Romanov'', Paris, Albin Michel, 1980</ref>. Nicolas II et sa famille subissaient de mai à début juillet  1918 à Ekaterinbourg les persécutions des gardes rouges. L'arrivée de la Tcheka y mit fin. Elle n'était absolument pas venue pour achever le travail par un massacre. Au contraire elle mettait à exécution l'engagement secret du pouvoir bolchevik pris auprès de l'Allemagne impériale après la signature du traité de Brest-Litovsk de protéger "les princesses" (la tsarine et ses quatre filles) et peut-être le tsarévitch. L'ouverture des archives diplomatiques montrera l'existence de négociations entre la mi-juillet et octobre 1918 entre les Bolcheviks, Tchitchérnine, Karakhan, Radek, Joffé et des représentants de l'Allemagne de Guillaume II, de l'Espagne d'Alphonse XIII, du pape Benoit XV sur l'avenir de la tsarine et des enfants. Il s'agissait soit de les échanger contre la libération des spartakistes, Karl Liebnecht, Léo Jogiches soit d'obtenir un assouplissement du traité de Brest - Litovsk voire la reconnaissance pleine et entière du régime bolchevik.  

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