Une figure inoubliable

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Sémachko, Nikolaï Alexandrovitch (1874-1949), médecin, adhère au mouvement social-démocrate dès 1893. Arrêté pour sa participation à la révolution à Nijni-Novgorod en 1905, émigre en 1906 à Genève, puis à Paris, où il se lie à Lénine. Secrétaire et trésorier du bureau du CC du parti bolchevique à l’étranger. Après la révolution d’Octobre, dirige les services de santé du Soviet de Moscou, puis Commissaire du peuple à la Santé publique (1918-1930), spécialiste de l’hygiène sociale. En 1924, après la mort de Lénine, il lance dans les « Izvestias » un appel à tous ceux qui connurent Lénine pour qu’ils communiquent leurs souvenirs. Membre du présidium du Comité exécutif de l’URSS (1931). Membre de l’Académie de médecine et de l’Académie des sciences pédagogiques de l’URSS. Directeur de plusieurs instituts médicaux de recherche scientifique (1945-1949).

Ma première (mais fugitive) rencontre avec Vladimir Ilitch eut lieu à Moscou, en 1895. C’était une année remarquable. La lutte contre les populistes [1] battait son plein. Mais les marxistes étaient alors mal armés. Et voici qu’au début de l’année à Moscou, parut une publication illégale, tirée à la polycopie : Ce que sont les « amis du peuple » et comment ils luttent contre les social-démocrates [2], où Lénine démasquait la véritable physionomie des populistes, faux « amis du peuple ». Au milieu de la même année, nous eûmes le livré légal dé Beltov (Plekhanov [3]), Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire [4] qui servit à former toute une génération de marxistes russes.

Un soir de l’automne 1895, on m’invita à une discussion entre populistes et marxistes, à laquelle devait prendre part « un marxiste remarquable, venu de Pétersbourg ».

Avec les précautions habituelles, j’arrivai à la réunion illégale. Celle-ci se tenait dans un luxueux appartement : un salon immense, richement meublé, et, à coté, des pièces moins grandes. Comme cela arrivé toujours avant la bataille, dans l’attente du combat (et de l’arrivée du « remarquable marxiste »), il y avait dés collisions entre les unités de reconnaissance. Les populistes nous attaquaient. Ils étaient activement soutenus par un jeune et brillant avocat radical, bien connu à l’époque, Maklakov [5], le futur leader des cadets. Maklakov s’énervait :

– Le livre dé Beltov est un pamphlet diffamatoire, rien de plus.

Nous nous défendions, dans l’attente de notre chef. Enfin le « remarquable marxiste » arriva. Mais Vladimir Ilitch n’accepta pas lé combat. Je lé vis dans une des pièces voisines qui parlait à voix basse avec les personnes qui l’entouraient. Apparemment, il n’était pas venu pour organiser un combat de coqs contré les beaux parleurs libéraux, mais pour profiter de l’ambiance conspirative favorable et causer de taches importantes avec les personnes compétentes. La discussion n’eut pas lieu.

Je fis connaissance de plus près avec Vladimir Ilitch en 1908, pendant mon émigration, à Genève, dans les circonstances suivantes.

Au début de 1907, j’avais émigré à l’étranger. Genève passait alors pour le refuge le plus sûr pour les émigrées politiques, c’est donc là que je me dirigeai. Je m’attaquai avec ardeur en liberté au travail du parti, et, tout à coup, un jour fort désagréable, on m’arrêta. On m’enferma dans une énorme cellule avec des détenus de droit commun, qui disaient des obscénités et voyoutaient. On nous nourrissait d’une lavasse qu’on qualifiait de « soupe » et d’une infusion de glands intitulée « café ». Un mois, deux mois se passent. Je ne comprenais rien : pour mes « crimes » politiques commis en Russie, Genève n’aurait pas dû m’arrêter et je n’avais violé aucune loi suisse, pourquoi donc étais-je emprisonnée ?

Tout à coup, au troisième mois, je reçois du dehors trois mandarines. J’étais furieux : on n’avait rien trouvé de mieux à m’envoyer ! J’étais très épuisé après les « soupes » et le « café » pénitentiaires. On aurait pu m’envoyer du pain, du saucisson ! Et voilà qu’on m’envoyait trois mandarines ! Eh bien, me dis-je, je mangerai ces mandarines. Quelle ne fut pas ma surprise quand, de la mandarine que j’avais ouverte, tomba un petit papier ciré : là ou lés mandarines sont fixées à la branche de l’arbre, il y a une petite croûte, et en dessous, une cavité. Il est facile d’arracher la croûte, de glisser un billet dans le trou, et, ensuite, de remettre la croute en place. Je déroule le billet et je lis : « Du courage, Lénine est arrivé et s’occupe de ton affaire. »

Comme je le sus plus tard, voici de quoi il retournait. Avant mon arrestation, une grande expropriation de fonds tsaristes avait été opéré à Tiflis sous la direction du légendaire Kamo [6], révolutionnaire caucasien. En relation avec cette expropriation, plusieurs révolutionnaires avaient été arrêtés à l’étranger. L’une des appréhendées, venant de Genève, avait été emprisonnée à Munich. Pour avertir les camarades, elle avait décidé d’écrire de la prison dé Munich à Genève. A quelle adresse ? La mienne lui avait paru la plus sérieuse. La lettre avait été interceptée, et on m’avait arrêté.

Evidemment, pour la police de Genève il était clair que je n’avais aucun rapport à cette expropriation : je n’avais jamais été à Tiflis : les notes de la police attestaient que j’avais vécu toute cette année-là à Genève. Mais, apparemment, le gouvernement tsariste s’était saisi de ce prétexte pour exiger mon extradition et me châtier pour avoir dirigé les insurrections de Nijni-Novgorod et de Sormovo, en 1905, et pour mes anciennes activités. Le gouvernement suisse livrait volontiers au gouvernement tsariste les « expropriateurs » : la bourgeoisie suisse avait peur : « aujourd’hui ils pillent le tsar et la bourgeoisie russe, et demain ils s’en prendront à nous ! » Il était évident que j’étais menacé d’être livré aux griffes du gouvernement tsariste, et puis d’être pendu « pour le cumul des délits ».

Vladimir Ilitch déploya une énergie peu commune : il s’adressa à un des avocats suisses les plus en vue, alors candidat à la présidence de la république ; il suivit mon affaire avec la plus grande attention, Effectivement, au bout de quelques jours, je subis un interrogatoire : on établit que je n’avais rien à voir avec l’expropriation de Tiflis et l’on me remit en liberté. Le soir où je sortis de prison, j’appris que notre groupe bolchévique tenait séance. Je me rendis à cette réunion, et les premiers applaudissements qui m’accueillirent furent ceux de Vladimir Ilitch.

C’est ainsi que le camarade Lénine me sauva la vie. Par la suite, j’eus maintes fois l’occasion d’observer cette sollicitude de Lénine pour les gens. Implacable à l’égard des ennemis de la classe ouvrière, Vladimir Ilitch était plein d’attentions et de délicatesse pour ses camarades de lutte et de travail. L’immense majorité des émigrés vivaient dans des conditions très pénibles : on se couchait le soir sans savoir ce qu’on mangerait le lendemain. Nous avions une caisse de secours mutuel. Vladimir Ilitch aidait cette caisse par tous les moyens. On lui demandait parfois de faire un rapport payé au profit des camarades nécessiteux. Épuisé par un travail surhumain – rédaction du journal, articles, discours aux réunions, correspondance avec la Russie – Vladimir Ilitch ne refusait jamais et faisait de vastes exposés, soigneusement préparés, devant un auditoire nombreux. S’il voyait qu’un camaradé était dans le besoin, il se hâtait de lui venir en aide, de lui trouver du travail, ce qu’il fit maintes fois aussi pour moi.

Mais cette sollicitude se manifesta avec une ampleur particulière lorsqu’il se trouva à la tête du gouvernement d’un sixième du globe. Pendant l’intervention, la famine, la ruine, il était occupé de la question de savoir : saurons-nous repousser les ennemis ? La jeune république soviétique tiendra-telle ? Lénine trouvait le temps de voir ce qui manquait aux camaradés et de leur venir en aidé ; et non pas seulement à ses proches camaradés, mais aux travailleurs du rang, aux modestes collaborateurs à qui il avait eu affaire par hasard.

Je tiens à rappeler encore plusieurs exemples frappants.

Les mauvaises récoltes ont ruiné l’agriculture. Les koulaks [7] sabotent la lutte pour la récolte, Le manque de vivres se répercute gravement sur toute la vie du pays. La rédaction du journal « Bednota » [la Paysannerie pauvre] [8] informe Vladimir Ilitch qu’un vieux paysan expérimentateur, Tchékounov, est arrivé, qui veut absolument causer avec « Lénine en personne ». Vladimir Ilitch reçoit Tchékounov.

Pendant un grave entretien sur les destinées de l’agriculture du pays, Vladimir Ilitch apprend que son interlocuteur a cassé ses lunettes. Aussitôt après la réception, il m’envoie un petit mot – j’étais alors Commissaire du peuple à la santé publique :

« Le camarade Ivan Afanassievitch Tchekounov se trouve chez moi. C’est un paysan travailleur, très intéressant, qui fait à sa manière la propagande des principes du communisme. Il a perdu ses lunettes. Il a payé 15.000 roubles pour une camelote. Je vous prie instamment de lui venir en aide et priez votre secrétaire de me dire si vous y avez réussi ! »

Dans ce billet, tout est remarquable : le contenu, qui prouve sa sollicitude pour un travailleur qu’il voit pour la première fois de sa vie, et le style : « priez votre secrétaire »…

Le 30 aout 1918. Journée noire où les socialistes-révolutionnaires avaient organisé un attentat contre Lénine [9]. Après les coups de feu scélérats de la socialiste-révolutionnaire, une balle était resté dans le cou de Vladimir Ilitch : tiré dans le dos, elle avait passé à un ou deux millimètres seulement des vaisseaux vitaux et des nerfs du cou : seuls l’élasticité des parois de ces gros vaisseaux (des artères et des veines) les avait protégés contre une blessure et une lésion. Cependant, passé à côté d’eux, la balle ennemie n’était pas sortie au-dehors : elle était restée au-dessus dé la clavicule, sous la peau.

En 1922, on décida d’extraire la balle. D’abord on fit une radioscopie. A noter que Vladimir Ilitch, si attentif pour les autres, se préoccupait peu de lui-même. Le meilleur appareil Roentgen se trouvait alors à l’Institut dirigé par l’académicien P. Lazarev. On décida de radiographier Vladimir Ilitch à cet institut.

Lazarev faisait alors des recherches concernant l’anomalie magnétique de Koursk, et désirait vivement que Lénine prît connaissance de ces travaux. On sait que Vladimir Ilitch lui-même accordait une attention très grande à cette question. Il avait été convenu que Lazarev ferait un exposé de vingt minutes, pas plus, pour ne pas fatiguer Vladimir Ilitch, déjà malade. Devant la carte accrochée au mur, avec les signes topographiques montrant les postes de forage, l’académicien Lazarev commença son exposé ; mais entraîné par le sujet, il parlait depuis plus de vingt minutes, et on ne savait pas quand il finirait. Je fais des signes menaçants, des grimaces de reproche : il ne s’arrête pas.

Alors, j’essaie d’interrompre l’exposé ; mais Vladimir Ilitch continué, les yeux brillants, à écouter ; après le rapport, il assaille l’académicien Lazarev d’une foule de questions. Il le pria de lui présenter quotidiennement un bref exposé sur la marché des travaux, sur ce dont on avait besoin, et, dès lors, les travaux avancèrent rapidement.

Pour extraire la balle, on plaça Vladimir Ilitch à l’hôpital Botkine. Le personnel qui le soignait avait été prévenu : personne ne devait importuner Vladimir Ilitch par des requêtes : d’ailleurs, le personnel le comprenait fort bien lui-même. Mais Vladimir Ilitch savait prêter aidé aux travailleurs non seulement lorsque ceux-ci la sollicitaient, mais même alors qu’ils cachaient leurs besoins. Par exemple, il sut faire avouer à l’infirmière Grechnova qui le soignait, qu’elle avait un grand chagrin : sa petite fille était malade et la tuberculose ; mais la mère avait peur d’envoyer l’enfant toute seule pour la faire soigner, elle aurait voulu l’accompagner. Or, d’après la règle, on ne permettait pas aux parents de séjourner dans les sanatoriums pour enfants. Et Vladimir Ilitch m’écrit un billet en me priant d’aider Grechnova.

Les collaborateurs immédiats de Vladimir Ilitch étaient l’objet d’une attention soutenue de sa part. Il s’intéressait à tous leurs besoins, il obligeait les camarades à se ménager, se reposer, à se soigner. À cette chaude époque, bien des camarades non seulement n’écoutaient pas les conseils des médecins, mais n’obéissaient pas aux prescriptions de Vladimir Ilitch. En ces cas-là, Vladimir Ilitch était expéditif : au bout de quelques jours le camarade en question recevait une résolution du Comité Central – la discipline du parti lui faisait un devoir d’obéir.

Autre exemple. Un jour, Vladimir Ilitch me dit :

– On se plaint que Tchitcherine (alors Commissaire du peuple aux affaires étrangères) [10] organisé après minuit des réunions qui durent jusqu’à quatre ou cinq heures du matin. Parlez-lui : pourquoi se fait-il du mal et en fait-il aux autres ?

J’allai trouver Tchitcherine et j’essayai de lui faire comprendre cette simple vérité qu’il fallait dormir la nuit et travailler le jour. Mais Tchitcherine était un original : il se mit à me démontrer que c’était précisément la nuit, quand personne ne vous gêne, qu’il faut travailler, et dormir le jour. Il voulut même justifier cette thèse scientifiquement, en se référant à un livre sur le chant du coq qui venait de paraître et que j’avais feuilleté : je devais être au courant de tout ce qui paraissait comme littérature biologique. J’eus beau démontrer à Tchitcherine que les coqs se couchent « comme il sied à des coqs », et que c’est pour cette raison que vers deux heures du matin ils ont « un afflux d’énergie », il resta inflexible. À mon entrevue suivante avec Vladimir Ilitch je lui dis :

– Que faire de Tchitcherine ? Dans cette question, il est tout bonnement loufoque.

Au bout de quelques jours je reçois une résolution écrite du Comité Central : l’original pour Tchitcherine, une copie pour moi. Il était interdit à Tchitcherine de convoquer des réunions du collège du ministère passé une heure du matin.

Le docteur F. Guétié était un des médecins les plus aimés à l’époque. Il soignait les camarades ; il assista Vladimir Ilitch jusqu’à sa dernière heure. Guétié était fonctionnaire d’État et, semblait-il, avait tout le nécessaire. Mais Vladimir Ilitch savait comme on s’arrachait le vieillard ; dans un de ses billets, il m’écrivit :

« À propos de Guétié. Il ne prend pas d’argent. Or, maintenant, tout est payant. Il soigne beaucoup de monde. Ne pourrait-on pas, au nom du Comité Central ou du Présidium du Comité exécutif central de Russie, lui fixer un traitement mensuel élevé ? Faites cette proposition au Comité Central, en mon nom, et écrivez-moi un mot. »

Vladimir llitch était particulièrement attentif et délicat, je dirais même tendre à l’égard des enfants. On sait que sur l’initiative directe de Vladimir llitch furent promulgués plusieurs décrets, défendant lés intérêts des enfants ; dés décrets particulièrement importants en faveur des enfants furent promulgués pendant les années de famine. Lénine fit adopter un décret sur les tribunaux spéciaux destinés à juger, avec la participation dés éducateurs et des médecins, les délinquants mineurs, etc.

Je me rappelle plusieurs épisodes de notre vie quotidienne pendant l’émigration, alors que j’habitais dans la banlieue de Paris. Vladimir llitch passait souvent me voir en vélo. J’avais alors deux enfants : un petit garçon de dix ans et une fillette de treize ans. Lorsque Vladimir llitch ne me trouvait pas à la maison, il restait à m’attendre. En rentrant chez moi, je vois cette scène : mon gamin est assis sur un genou, ma fillette sur l’autre et, les bras passés au cou de Vladimir llitch, les yeux brillants, ils écoutent son récit. J’admirais la façon dont Vladimir llitch savait parler aux enfants, simplement et clairement, comme un ami et un éducateur. Après de sérieux entretiens, Vladimir llitch disait quelquefois à mon fils :

– Allons, Sergueï, retrousse tes manches ; un petit coup de lutte.

Et mon flegmatique gamin, l’air affairé, retroussait ses manches, se mettait en position vis-à-vis de Vladimir Ilitch, et ils commençaient à boxer,

Voici un autre épisode. Vladimir Ilitch, les jours de repos, aimait faire du vélo et prendre l’air. Un jour, il vint me chercher pour faire une promenade ensemble. Comme nous devions être occupés ce soir-là, nous décidâmes de faire une petite course de 15 à 20 kilomètres, jusqu’à la jolie colline « La terrasse », d’où l’on découvre un merveilleux panorama dé Paris. Ayant appris que nous n’irions pas loin, ma fille nous supplia de l’emmener avec nous. Craignant qu’elle ne gênât Vladimir Ilitch, je refusai. Elle fondit en larmes. Vladimir llitch prit sa défense et, en dépit de mes protestations, elle partit avec nous. La routé n’était pas longue, mais elle se révéla très pénible : les montées et les descentes se succédaient. Ma fille était fatiguée et accablée de chaleur. Cela inquiétait beaucoup Vladimir Ilitch. J’avais beau chercher à le rassurer : « La fillette est solide, c’est une sportive, elle se reposera », il lui montrait une sollicitude constante. Il fallait le voir : en nage lui-même, il ne permettait pas à ma fille de gravir les montées ; d’une main il traînait son vélo, et, de l’autre, celui de ma fille ; la sueur ruisselait sur son visage ; il se penchait pour l’essuyer à ses manches, ses mains étant occupées par les vélos. Et lorsque je riais et le priais de cesser, il se fâchait et me répondait :

– Des parents comme vous, il faudrait leur retirer leurs enfants.

Vladimir Ilitch garda jusqu’aux derniers jours de sa vie son amour des enfants. Comme on sait, peu de temps avant sa mort, un sapin avait été orné dans sa maison, à Gorki [11], pour les enfants des paysans. A l’époque, un arbre de Noël était quelque chose d’extraordinaire. Voyant pour la première fois de leur vie un sapin illuminé et couvert de cadeaux, les petits, tout joyeux, polissonnaient : Vladimir Ilitch demanda qu’on le conduisit au salon (il ne pouvait plus marcher). Les petits polissons grimpaient sur ses genoux, le tarabustaient. Nadejda Konstantinovna et Maria Ilinitchna [12] qui, elles-mêmes, aimaient beaucoup les enfants, essayaient de les écarter. Vladimir Ilitch, gravement malade, souffrant de terribles maux de tête, protestait et attirait vers lui les bambins.

La petite salle, étroite et longue, des séances du Conseil des commissaires du peuple, avec son poêle hollandais qui avançait dans la pièce, avec ses plafonds bas, ne ressemblait pas à la salle de séances d’un gouvernement qui gérait un pays couvrant la sixième partie du globe. Mais la modestie de cette ambiance s’harmonisait on ne peut mieux avec le caractère de ce gouvernement et avec celui de son chef, le camarade Lénine.

A six heures précises, heure à laquelle commençait ordinairement la séance du Conseil des commissaires du peuple, la porte ménagée derrière le simple fauteuil en bois du président, s’ouvrait, et le camaradé Lénine sortait de son cabinet de travail. Tous les Commissaires du peuple étaient présents

– Lénine avait instauré une discipline de travail rigoureuse.

Vladimir llitch parcourait la salle d’un rapide coup d’œil il vérifiait si tous les Commissaires du peuple étaient présents, si les fenêtres, les vasistas ou les ventilateurs étaient ouverts. Il s’asseyait dans son fauteuil, devant la tablé, et se penchait sur ses papiers, éclairant, eut-on dit, du réflecteur de son crane socratique le travail dés assistants…

Vladimir Ilitch dirigeait la séance de telle façon, que tous devraient suivre son exemple. Il veillait aux conditions de la réunion, pour qu’avec le minimum de dépenses de force elle donnât le maximum de résultat. L’air pur, le silence pendant le travail, le bon ordre des questions examinées, la brièveté et la précision dés interventions, étaient l’objet de ses constantes préoccupations. Parfois, en été, pendant la séance, il s’asseyait sur le rebord de la fenêtre donnant dans la cour du Kremlin, pour respirer l’air frais. Vladimir Ilitch était un ennemi acharné du tabac : il était sévèrement interdit de fumer pendant la séance ; pour éviter qu’on ne sortit trop souvent de la salle, les Commissaires du peuple, fumeurs enragés, étaient autorisés à fumer dans le coin, derrière le poêle, en rejetant la fumée par la bouche d’air du poêle. Quand deux ou trois fumeurs s’assemblaient dans ce coin, ils commençaient à parler entre eux à voix basse.

Vladimir Ilitch, bon enfant, les rappelait à l’ordre :

– Hé, là-bas, les cafards, derrière le poêle, parlez moins haut !

La haine de Vladimir Ilitch pour le tabac fut causé d’un épisode comique de ma vie. Un jour que nous nous étions rencontrés, Vladimir Ilitch me dit :

– Pourquoi n’éngagez-vous pas la lutte contre le poison du tabac ? Je vous soutiendrai.

Encouragé, moi qui étais aussi un ennemi du tabac, j’engageai l’offensive. Les mesures que je proposais se divisaient comme suit : 1) mesures instructives et culturelles – propagande contre le tabac dans la presse, par les jeunesses communistes, les sections féminines ; interdiction de fumer dans les lieux publics, etc., et 2) mesures touchant l’économie nationale : limitation dés plantations de tabac, réduction de la production du tabac, du commerce du tabac.

À noter que les représentants des commissariats du peuple de l'économie nationale (Conseil supérieur de l’économie nationale, Agriculture, Commerce, etc.), que j’avais mandés à une conférence, furent si effrayés qu’ils souscrivirent à toutes mes propositions. Mais au Conseil des commissaires du peuple, on m’accueillit à coups de fourche. Tous les Commissaires du peuple de l'économie nationale m’attaquèrent. Je vois que les chefs de l’économie vont blackbouler mes propositions, et je lance un regard suppliant à Vladimir Ilitch ; mais lui penche la tête encore plus bas et sourit malicieusement. C’est ainsi que les dirigeants de l’économie me blackboulèrent (et ils eurent raison) ; il ne resta que la partie instructive et culturelle du décret. Par la suite, je reprochai à Vladimir Ilitch :

– Pourquoi donc ne m’avez-vous pas soutenu ?

– C’est que, mon petit père, vous êtes allé un peu fort !

Aux séances du Conseil des commissaires du peuple, il était rare que Vladimir Ilitch parlait le premier pendant les débats (a moins qu’il né fut rapporteur) : apparemment, il ne voulait pas que son autorité fit pression. Il attendait que les autres se fussent prononcés. Si personne ne prenait la parole, il encourageait souvent les camarades :

– Et que dira à ce sujet le camarade un tél ?

Pour conclure, il résumait les débats d’une façon si convaincante et faisait des propositions telles qu’en règle générale, elles étaient adoptées à l’unanimité, ou bien à une énorme majorité des voix. D’un façon générale, la logique de Vladimir Ilitch était surprenante, et il était difficile de résister à son argumentation : ses preuves étaient étonnamment simples, claires et, de ce fait, irréfutables.

La simplicité de la logique de Vladimir Ilitch agissait toujours de façon irrésistible sur ses auditeurs. En 1910, à Paris, on avait organisé une grande discussion avec les anarchistes. J’étais rapporteur. Je fis une analyse détaillée de la doctrine de Kropotkine [13] et des anarchistes occidentaux, célèbres à l’époque. Pendant les débats, Vladimir Ilitch fit un bref discours. Il indiqua clairement et simplement que le bavardage des anarchistes sur « l’absence de pouvoir » était stupide et nuisible : la bourgeoisie ne demande que cela ; elle veut écraser les ouvriers « sans pouvoir » et anéantir toute résistance de leur part ; il indiqua que, tout au contraire, les ouvriers devaient prendre le pouvoir solidement en mains, instaurer une dictature de fer, écraser la résistance de la bourgeoisie et édifier le socialisme. Et je voyais, dans les yeux des auditeurs, que ces paroles de Vladimir Ilitch portaient juste.

Tout en ayant un impétueux tempérament révolutionnaire, Vladimir Ilitch était étonnamment concentré, précis, « ramassé ». Il existe un film où Vladimir Ilitch apparaît comme un homme un peu agité. C’est faux. Bien plus : ce film attribué à Vladimir Ilitch des traits qu’il exécrait de toutes les fibres de son âme.

Dans la façon dont Lénine dirigeait le parti et le gouvernement, comme du reste dans toute sa vie, ce qui frappait par-dessus tout, c’était sa fidélité aux principes. La définition de la morale qu’il a donné au IIIe Congrès du Komsomol [14] lui convenait étonnamment :

– Notre morale est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte de classe du prolétariat.

Chaque pas dans la vie de Vladimir Ilitch était entièrement subordonné aux intérêts du socialisme.

J’ai déjà parlé de la sollicitude de Lénine pour les hommes. Mais cette sollicitude pour les travailleurs, il la combinait avec une haine implacable pour les ennemis du prolétariat. Lénine avait une très grande estime pour Plekhanov. Nadejda Konstantinovna rappelle que Vladimir Ilitch ne dormit pas des nuits entières après ses premiers entretiens avec Plekhanov. Comme j’étais le neveu de Plekhanov, je le fréquentais régulièrement un certain temps (par la suite, nos chemins s’étant nettement séparés, nous ne nous vîmes plus du tout) ; après chacune de mes visites à Plekhanov, Vladimir Ilitch m’interrogeait en détail ; il me demandait ce que Plekhanov avait dit, m’interrogeait sur sa santé, etc. Néanmoins, « se subordonnant entièrement aux intérêts de la lutte de classe du prolétariat », Lénine attaqua Plekhanov, qui avait trahi la cause de la classe ouvrière, le frappa durement et l’anéantit idéologiquément. Et il en usait ainsi avec tous les ennemis de la révolution prolétarienne.

J’ai conservé un petit mot de Lénine, daté du 4 octobre 1910. C’était une carte postale à mon adresse. J’ignoré si Vladimir Ilitch y avait prêté attention, mais la carte était symbolique. Elle représentait l’endroit où lé Rhône, cet énorme fleuve, s’enfonce sous terre, disparaît, puis s’échappe au-dehors, écumant, balayant tout sur son passage ; ensuite, il roule tranquillement ses flots, dans son large lit. N’est-ce pas l’image de notre parti qui, après 1905, dut se cacher, passer à l’action clandestine, pour, après une dizaine d’années, s’échapper au-dehors, balayer sur son chemin le tsarisme et le capitalisme, et avancer d’un pas ferme vers le communisme !

Lénine était un homme physiquement robuste, vigoureux. Sa silhouette râblée, ses solides épaules, ses bras courts mais puissants, tout révélait en lui une force peu commune. Lénine savait, dans la mesure du possible, veiller à sa santé. Dans la mesure du possible, c’est-à-dire autant que le lui permettait son travail extrêmement intense. Il ne buvait pas, ne fumait pas. Lénine était un sportif, au sens le plus exact du terme : il aimait et appréciait l’air frais, la marché ; il nageait à merveille, patinait, faisait du vélo. Emprisonné à Pétersbourg, Lénine faisait tous les jours de l’exercice, en arpentant sa cellule. Pendant l’émigration, à chaque jour libre, nous partions en bande, à bicyclette, pour une promenade en banlieue. Après la révolution, Lénine faisait des promenades en automobile. N’eut été sa santé de fer, Vladimir Ilitch n’aurait pas survécu aux graves blessures qu’il avait reçues pendant l’attentat de la socialiste-révolutionnaire.

Ces blessures étaient extrêmement graves. La balle, qui avait traversé la cage thoracique, en déchirant de gros vaisseaux, l’avait inondé de sang. La balle qui avait traversé le cou, avait passé si près des vaisseaux vitaux (artère carotide et la veine) que, dans les premiers jours, Vladimir Ilitch crachait le sang. Néanmoins, au bout de quelques jours il se sentit mieux, et redevint d’humeur optimiste. Malgré les instances des médecins qui le priaient d’attendre, de ne pas se remettre trop vite à ses occupations, Vladimir Ilitch reprit son travail très tôt ; aux reproches, il répondait en souriant :

– Vous exagérez en sagesse…

La dernière maladie dé Vladimir Ilitch débuta par des symptômes insignifiants : il eut le vertige, en se levant du lit, et dut s’accrocher à l’armoire qui se trouvait à coté. D’abord, les médecins, mandées aussitôt auprès de lui, ne prêtèrent pas d’importance à ce symptôme. Le professeur Darkchévitch, neuropathologiste connu, appelé auprès de Vladimir Ilitch, diagnostiqua une maladie si banale (« surmenage »), qu’il se permit même de se plaindre à Vladimir Ilitch, disant que les savants avaient la vie difficile, qu’ils devaient monter eux-mêmes le bois de chauffage, etc.

Vladimir Ilitch devint triste et songeur ; il pressentait un malheur et, à toutes les paroles rassurantes, il répondait :

– C’est le premier signal.

Pour le malheur dé toute l’humanité, son pronostic se vérifia.

Puis commencèrent les terribles journées du lent dépérissement de Vladimir Ilitch. Son puissant organisme s’obstinait à lutter contré la grave maladie. C’était une lutte rare dans la lutte d’un cerveau puissant contré la maladie qui le rongeait : l’artériosclérose. En janvier et février 1923, une amélioration se dessina dans l’état de santé de Vladimir Ilitch. Il était encore en état de dicter ses remarquables articles politiques. Mais le 9 mars, une grave attaque paralysa le coté droit du corps, accompagnée de la paralysie de la langue, qui revêtit aussitôt un caractère stable.

À la mi-mai, Vladimir Ilitch s’installa à Gorki ou il demeura jusqu’à sa mort. En juillet, de nouveau il se sentit mieux. Fidèle à son habitude, Vladimir Ilitch s’efforçait d’être le plus longtemps possible à l’air frais ; il faisait des promenades dans son fauteuil roulant, cherchait volontiers des champignons.

Peu à peu, il commença à marcher, en se faisant aider et, dès le début du mois d’aout, il fit des exercices pour recouvrer la parole perdue. En octobre, il pouvait déjà marcher tout seul dans sa chambre en s’aidant d’une canne. Peu à peu, sa parole s’améliora. Vladimir Ilitch prenait le journal, le parcourait et indiquait les articlés qu’on devait lui lire, s’intéressant vivement à leur contenu. Lentement, avec difficulté, il commença à écrire de la main gauche. En hiver, comme je l’ai déjà dit, on organisa un arbre de Noel auquel assista Vladimir Ilitch.

Le puissant organisme luttait. Tous espéraient que la santé de Vladimir Ilitch se rétablirait. Et, tout à 9 coup, le 21 janvier, à six heures du soir, ce fut la catastrophe : il perdit connaissance ; l’attaque très violente, avec une forte tension générale de tous les muscles, dura près d’une heure. La température du corps atteignit 42,30. Vladimir Ilitch mourut, sans avoir repris connaissance.

L’autopsié du corps de Vladimir Ilitch établit une très ancienne artériosclérose des vaisseaux du cerveau. Le diagnostic disait : sclérose due à une tension excessive. Fait caractéristique : on ne trouva pas dé sclérose importante ni dans les vaisseaux du cœur, ni dans lés vaisseaux des autres organes.

La sclérose, due à la trop grande tension, avait frappé le cerveau, l’organe des idées et des méditations de Vladimir Ilitch. La sclérose du cerveau de Vladimir Ilitch était si forte, que les vaisseaux s’étaient calcifiées : pendant l’autopsie, quand les pinces métalliques heurtaient les vaisseaux ils rendaient un son de pierre. Les parois d’un grand nombré de vaisseaux étaient devenues si épaisses et l’ouverture si étroite, qu’on ne pouvait y faire passer même un cheveu. C’est ainsi que des secteurs entiers du cerveau, privées de l’afflux de sang frais, étaient restées sans aliment.

Tous les médecins qui assistaient à l’autopsié n’avaient jamais rien vu de pareil ; ils étaient stupéfaits : alors que de si grands secteurs de son cerveau étaient gravement atteints, comment Vladimir Ilitch avait pu penser, dicter ses articlés remarquables par la profondeur de pensée, s’intéresser à la politique ? Les quelques secteurs du cerveau qui n’avaient pas été atteints par la maladie, avaient suffi à produire les géniales pensées de Vladimir Ilitch.

  1. Les Populistes (Narodniki), étaient les partisans d’un courant politique socialiste non marxiste surgi en Russie dans les années 1860-1870. Principale force révolutionnaire jusqu’à la fin du XIXe siècle, les populistes estimaient que la classe paysanne serait l’acteur clé d’une révolution et d’une transformation socialistes. A partir des années 1880, une tendance du mouvement se lança dans les actions terroristes audacieuses mais isolées des masses, tandis qu’une autre (le « populisme libéral ») renonça à la lutte révolutionnaire contre le tsarisme en prônant l’obtention de réformes graduelles.
  2. Voir sur MIA : Ce que sont les « amis du peuple » et comment ils luttent contre les social-démocrates
  3. Plekhanov, Georgi Valentinovitch (1856-1918). Après avoir été populiste de 1876 à 1880, contribue à introduire le marxisme en Russie. Fonde le groupe « Libération du Travail » (1883). Membre du bureau de la IIe Internationale en 1889. Participe à la fondation du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie (1898) et collabore avec Lénine dans la rédaction de son journal, l' « Iskra ». Soutient d’abord les bolcheviques, puis les mencheviques. En 1914, il souhaite la défaite de l’Allemagne. Rentre en Russie en mars 1917, soutient le Gouvernement provisoire et s’oppose aux bolcheviques.
  4. Voir sur MIA : Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire
  5. Maklakov, Vassili Alexeïévitch Maklakov (1869-1957), avocat, d’abord proche du tolstoïsme, adhère en 1905 au Parti constitutionnel-démocrate (Cadet). Élu à la Douma d’État (1907-1917), il occupe plusieurs postes dans le Gouvernement provisoire après la Révolution de Février 1917. Nommé ambassadeur en France juste avant la Révolution d’Octobre, il participe ensuite aux organisations contre-révolutionnaire à l’étranger.
  6. Kamo, pseudonyme de Ter-Petrossian, Semeno Archakovitch, (1882-1922) révolutionnaire arménien de Géorgie, bolchevique et proche compagnon de Staline au début des années 1900. Spécialiste des opérations clandestines, organisateur des braquages de banques pour alimenter les caisses du parti. Arrêté et condamné à mort en 1912, sa peine fut commuée en prison à vie. Libéré par la Révolution de Février 1917. Pendant la guerre civile, organise l’approvisionnement en armes et en fonds des organisations communistes clandestines dans le Caucase. Travaille ensuite dans les administrations du commerce extérieur et au Commissariat du peuple aux Finances de la République soviétique de Géorgie. Meurs dans un accident.
  7. Koulak (littéralement « le poing »), terme péjoratif employé pour désigner les paysans riches et leur brutalité dans l’exploitation des paysans pauvres.
  8. « Bednota » (La Paysannerie pauvre), hebdomadaire destiné à la paysannerie édité sous la responsabilité du Comité central du Parti communiste de 1918 à 1931.
  9. Le 30 août, 1918, en sortant d’un meeting tenu à l’usine Mikhelson de Moscou, Lénine était blessé par deux balles tirées par la socialiste-révolutionnaire Fanny Kaplan. Celle-ci fut exécutée le 8 septembre. Cet attentat poussa les bolcheviques à décréter la « terreur rouge » le 5 septembre.
  10. Tchitchérine, Georgi Vassiliévitch (1872-1936), d’origine noble, employé au Ministère tsariste des Affaires étrangères (1898). Émigré de 1904 à 1918 (Allemagne, France, Belgique, Angleterre). Membre du POSDR à partir de 1905, d’abord bolchevique puis menchevique, avant de se rapprocher à nouveau des premiers au début de la Première guerre mondiale. Rentre en Russie en janvier 1918. Adhère au Parti bolchevique et nommé adjoint de Trotsky au Commissariat du peuple aux Affaires étrangères. Membre de la délégation qui signe le traité de paix de Brest-Litovsk (3 mars 1918), il est ensuite désigné Commissaire du peuple par intérim le 8 mars et remplace définitivement Trotsky le 30 mai 1918. Vice-président de la délégation russe à la Conférence Gênes (1922) et président de la délégation russe à la Conférence de Lausanne (1922-1923). Gravement malade et en désaccord avec Staline, quoique s’abstenant de toute opposition ouverte, il est déchargé de son poste et remplacé par Maxime Litvinov (25 juillet 1930) avant de mourir d’une hémorragie cérébrale et dans l’oubli 6 ans plus tard.
  11. Il s’agit de la résidence de Lénine à Gorki (aujourd’hui appelée « Gorki Leninskiye », littéralement : « Les collines Lénine »), localité située à 35 Km au sud de Moscou. Lénine y meurt le 21 janvier 1924.
  12. Kroupskaïa, Nadejda Konstantinova (1869-1939), militante marxiste depuis 1891, arrêtée et déportée en 1896. Épouse Lénine en 1898 et fut sa principale collaboratrice. Secrétaire de rédaction de l’Iskra, elle organise son réseau clandestin de diffusion ainsi que la liaison des dirigeants bolcheviques à l’étranger avec les sections du parti en Russie. Après la Révolution d’Octobre, se consacre aux questions pédagogiques et à la gestion des bibliothèques en tant qu’adjointe du Commissaire du peuple à l’Instruction publique, Lounatcharsky. Membre de la Commission centrale de contrôle du Parti bolchevique, elle est aussi membre de l’opposition unifiée jusqu’à sa capitulation devant Staline-Boukharine en 1927. Oulianova, Maria Ilinitchna (1878-1937), adhère à la social-démocratie dès les années 1890, bolchevique depuis 1903, sœur de Lénine. Plusieurs fois arrêtée et déportée. Travaille au secrétariat du Comité central (1903). Dans l’émigration, à Genève et à Paris (1908-1909) où elle étudie les langues à la Sorbonne. Membre puis secrétaire du Comité de rédaction de la « Pravda » (1917-1929). Membre de la Commission centrale de contrôle du Parti, membre du Comité exécutif central de l’URSS (1935), traductrice de lettres de Marx.
  13. Kropotkine, Piotr Alexéiévitch (1842-1921), prince, géographe, un des plus importants théoriciens de l’anarchisme. Adhère à l’étranger à l’organisation de Bakounine en 1872. Social-chauvin pendant la Première guerre mondiale. D’abord opposé aux bolcheviques, il appelle ensuite le prolétariat international à empêcher l’intervention militaire contre la Russie des soviets.
  14. « Union Communiste de la Jeunesse », organisation de jeunesse du Parti communiste fondée le 29 octobre 1918. Rebaptisée en 1924 « Union des jeunesses léninistes communistes » en hommage à Lénine.