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Une Fois de plus sur les cam. Vereeken et Sneevliet
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 24 mai 1938 |
I
J’ai soulevé la question du comportement erroné du camarade Sneevliet dans l’affaire Reiss en privé, dans une lettre à Sneevliet strictement confidentielle. Mon objectif était de donner à Sneevliet lui-même la chance de comprendre l’erreur qu’il avait commise.
Le camarade Vereeken a jugé bon d’introduire cette lettre confidentielle dans la discussion avec l’organisation de Bruxelles sur la politique du R.S.A.P. hollandais. En d’autres termes, le camarade Vereeken, dans un dessein fractionnel, a manifestement abusé de ma lettre – après quoi il se plaint qu’une lutte principielle est contaminée par des « méthodes » fausses. Mais maintenant que cette question a été posée au grand jour, je dois donner une explication.
La première erreur de Sneevliet a été d’apprécier de façon tout à fait fausse le contexte politique et pratique de l’affaire Reiss, et il n’a pas été capable de donner à Reiss les conseils nécessaires. J’en ai parlé, sans nommer Sneevliet, dans l’article « Une Leçon tragique » qui a été reproduit en plusieurs langues, y compris dans la presse de la section belge. Je ne vais pas répéter ici mes arguments. Walter Krivitsky et A. Barmine ont précisément employé la méthode que je suggérais dans mon article « Une Leçon tragique ». Jusqu’à présent, les résultats ont été infiniment meilleurs, que ce soit dans le domaine politique ou dans celui de la sécurité personnelle.
La deuxième erreur de Sneevliet a été de subordonner un fait politique d’une importance énorme (la rupture de Reiss avec Moscou) à des considérations secondaires touchant à la priorité de son organisation, son journal, son « entreprise ». Non seulement il n’a pas consulté les représentants de la section russe, moi en particulier, sur la voie à suivre, mais au contraire il a reporté la rencontre entre Reiss et Sedov par tous les moyens possibles et sous différents prétextes.
Quiconque connaît la politique de Sneevliet et ses modes d’action va comprendre également sans peine que Sneevliet était motivé par son hostilité à notre organisation internationale.
Reiss ne s’est pas adressé à Sneevliet en tant qu’individu, mais en tant que représentant de la IVe Internationale. Il voyait en Sneevliet une liaison avec notre organisation internationale, avec moi en particulier. Sneevliet ne pouvait pas ou ne voulait pas lui dire qu’en réalité il avait déjà rompu avec notre organisation et menait contre elle une lutte à l’échelle internationale. Sans expliquer à Reiss la situation à laquelle on était arrivé, Sneevliet manœuvrait, bloquait de toutes ses forces une rencontre et un accord entre Reiss et nous. Les rapports ambigus de Sneevliet avec la IVe Internationale créaient un rapport doublement ambigu entre Sneevliet et Reiss.
Si Reiss avait su que Sneevliet était engagé dans un combat contre la IVe Internationale, il aurait sans aucun doute trouvé d’autres canaux et nous serions peut-être arrivés à lui donner à temps un bon conseil politique.
Ceci nous amène à notre propre erreur politique : nous avons trop longtemps toléré l’attitude ambiguë de Sneevliet, c’est-à-dire que nous lui avons permis d’apparaître dans les projecteurs comme l’un des dirigeants de la IVe Internationale, et, en même temps, d’ignorer notre organisation internationale et de la saper par tous les moyens dont il disposait. Une organisation révolutionnaire n’a pas le droit de permettre pareilles ambiguïtés, car elles peuvent toujours aboutir à des conséquences sérieuses et même tragiques.
Il faut aller jusqu’au fond de cette leçon de façon sérieuse. Nous pouvons donner des preuves de la bonne volonté et de la patience les plus grandes à l’égard des partis qui sont à l’extérieur de notre organisation internationale mais avancent dans notre direction. Nous pouvons et devons prouver que nous sommes capables de la patience la plus grande quand il s’agit de résoudre des problèmes internes, dans notre organisation. Mais nous ne pouvons permettre la comptabilité en partie double, c’est-à-dire de donner à nos adversaires idéologiques le droit de se cacher derrière le drapeau de la IVe Internationale et en même temps, de violer à chaque pas sa discipline interne et de fouler aux pieds le devoir de loyauté élémentaire.
Cette leçon nous montre en particulier que nous devons rejeter une fois pour toutes l’expression ridicule et dépassée de « pour la IVe Internationale ». Notre organisation est l’organisation de la IVe Internationale. Que ceux qui ne veulent pas le comprendre conservent pour un temps leur indépendance. Mais nous ne pouvons permettre à personne d’avoir un pied dans notre organisation et l’autre à l’extérieur, pour nous frapper d’autant plus librement.
II
La tentative de Vereeken, pour des raisons purement fractionnelles, de blanchir Sneevliet aux dépens de Sedov est déplaisante au sens le plus plein du mot. L’histoire factuelle de cette affaire a été très bien mise en lumière par les camarades Étienne et Paulsen dans leur lettre reproduite dans le bulletin n° 14 du P.S.R. Seul un aveugle ou un homme sans conscience pourrait proposer – après cette lettre qui contient de nombreux faits et citations – une résolution dans le style de Vereeken.
Après d’innombrables retards imposés par Sneevliet, Sedov, qui était réellement malade, n’a pas eu la force d’aller à Reims le 6 septembre pour y rencontrer Reiss, comme il en a informé Sneevliet. Mais Sneevliet, à sa manière habituelle, a tonné : « Maintenant ou jamais ! ». Dans une lettre qu’il m’a adressée, Sneevliet parlait avec ironie du goût des gens de Paris pour les vacances. Vereeken reprend le même thème. En fait, Sedov n’a jamais su ce qu’étaient des vacances, car il a travaillé pour le mouvement, non pas moins, mais plus que beaucoup d’autres. S’il a jugé nécessaire de quitter Paris pour deux semaines, c’est seulement parce que son état physique était devenu intolérable, comme les médecins l’ont révélé quand il luttait contre la mort. Parler des « vacances » de Sedov, c’est non seulement déplaisant, mais absurde aussi, puisque, le 6 septembre, à la date fixée pour la rencontre de Reims, Reiss avait déjà été tué. Par conséquent, l’incapacité physique de Sedov de se trouver à cette rencontre n’a pas eu le moindre effet sur le sort de Reiss.
La première rencontre de Reiss et de Sneevliet a eu lieu le 10 juillet. Entre cette rencontre et celle qui était prévue à Reims, Reiss a passé une grande partie de son temps à Paris, c’est-à-dire exactement là où se trouvait Sedov, Le fait qu’ils ne se soient pas rencontrés pendant ce temps est entièrement de la faute de Sneevliet. Toutes les lettres de Sedov concernant cette affaire sont entre mes mains. S’il le faut, je les publierai.
Les erreurs de Sneevliet dans l’affaire Reiss ne relèvent pas du hasard. Sneevliet a complètement rompu avec la perspective révolutionnaire. Il aborde toutes les questions du point de vue de son petit appareil bureaucratique. Sneevliet n’est pas un marxiste, mais un pur et simple trade-unioniste. Il n’est concerné que par l’intérêt de sa petite entreprise, le N.A.S. Pour lui, le parti n’est rien de plus qu’un appendice du N.A.S. et le nom de la IVe Internationale qu’une couverture pour le public. Pendant la dernière conférence internationale, en 1936, Sneevliet, qui y était en tant que délégué de la ville de P., boycotta les séances sous le prétexte qu’on m’avait autorisé à critiquer sa politique dans une lettre à la conférence. Un tel manque de respect pour les délégations fraternelles est une preuve suffisante que Sneevliet se situe en dehors de notre mouvement. C’est de la même façon qu’il a abordé le cas Reiss, non du point de vue des tâches générales de la lutte révolutionnaire, mais du point de vue des intérêts secondaires de sa petite entreprise. Seuls des avocats fractionnels peuvent défendre la conduite de Sneevliet dans cette affaire.
III
Le camarade Vereeken mène la lutte contre « un esprit fractionnel ». C’est presque devenu sa spécialité. Il veut interdire aux bolcheviks de faire un travail « fractionnel » dans le P.O.U.M. centriste. Il veut empêcher les membres de la IVe Internationale de faire du travail fractionnel dans le parti centriste de Sneevliet. Il est concerné « en dehors de toute fraction » par la réputation du triste sectaire Eiffel avec lequel même la secte d’Oehler a publiquement rompu. Finalement, Vereeken assure que toute critique de sa propre politique est quelque chose de « fractionnel ». Tout cela n’est-il pas ahurissant? Pour le révolutionnaire, une fraction marxiste dans un parti opportuniste est une chose positive, une fraction centriste dans un parti marxiste une chose négative. Le bolchevik hollandais qui refuse de mener un travail « fractionnel » (que c’est horrible !) contre Sneevliet, qui a brisé déloyalement avec notre organisation, est un traître, pas un révolutionnaire. N’est-ce pas clair?
Le plus remarquable cependant est que le travail fractionnel le plus inlassable contre la IVe Internationale est précisément mené par Vereeken. Avec sa petite fraction, il a scissionné de notre organisation belge et internationale quand la section belge est entrée temporairement dans le parti socialiste. La critique fractionnelle et tout à fait déloyale de Vereeken a empêché notre section belge d’effectuer dans le parti socialiste un travail plus fructueux. Étant finalement revenu à l’organisation, Vereeken a joint ses forces à celles des adversaires ultra-gauchistes et centristes du bolchevisme dans différents pays. Avec Sneevliet, ensemble, ils ont soutenu Oehler et Muste contre notre section américaine. Où est Oehler maintenant? Où est Muste? Pendant tout ce temps, notre section américaine a remporté des succès importants – contre Vereeken et sa fraction internationale.
Toutes les tentatives pour amener Sneevliet à une discussion honnête ont été brisées par la résistance obstinée de ce bureaucrate syndical. Et chaque fois, Vereeken trouvait un argument pour défendre Sneevliet contre le marxisme. Oh, bien sûr, Vereeken n’est « pas en complet accord » avec Sneevliet. Mais cela ne l’empêche pas de toujours soutenir Sneevliet, comme, de façon générale, tous ceux qui se préparent à abandonner la IVe Internationale ou sont déjà en train de l’abandonner. Vereeken les accompagne amicalement jusqu’à la porte, reste parfois lui-même à l’extérieur, revient plus tard et accuse la IVe Internationale de « mauvaises méthodes ».
IV
Nous devons dresser une liste de tous les déserteurs et renégats à qui, à tour de rôle, Vereeken a étendu sa sympathie. Nous devons, par ailleurs, dresser la liste de tous les révolutionnaires intransigeants et dignes de confiance avec qui Vereeken, dans la lutte contre eux, ne s’est jamais retenu quant au choix des moyens. Défendant le P.O.U.M., il a décrit nos dévoués camarades espagnols comme des aventuriers. Défendant Sneevliet, il a essayé de jeter une ombre sur Sedov. En France, il a essayé de mettre notre organisation dans le même panier que le groupe Molinier. Il est déjà anxieux de savoir si Diego Rivera n’a pas offensé l’innocent Eiffel. A l’égard du secrétariat international, Vereeken se permet un ton absolument inadmissible. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
Tout récemment, notre « impartial » et « antifractionniste » Vereeken m’a accusé publiquement de « ne pas comprendre l’organisation belge ». Quelle est la base de cette accusation? Une lettre de Diego Rivera a été envoyée à l’adresse de Lesoil et pas à celle de Vereeken. Je n’avais rien à voir avec l’envoi de cette lettre et, de façon générale, je ne m’occupe pas des adresses. Le camarade Van a expliqué tout cela dans sa récente déclaration. Ce petit épisode indique combien loyal est Vereeken et combien sont bien fondées les accusations qu’il lance. Il vaut également d’être noté que ses accusations sont invariablement dirigées, non contre les ultra-gauchistes ou les centristes, mais contre ceux qui défendent la ligne marxiste dans la IVe Internationale.
Non le problème n’est pas quelque prétendue mauvaise méthode du S.I., mais les fondements même des idées de Vereeken. Dans le cours de sa lutte fractionnelle, il s’est beaucoup éloigné des principes du marxisme. La position bolchevique lui fait honte et l’embarrasse à chaque pas. Vereeken se sent mal à l’aise. C’est pourquoi il se plaint de nos méthodes, tout en attaquant les révolutionnaires et en défendant les opportunistes.
A mon avis, la conférence internationale rendra un très grand service à notre section belge si elle donne une appréciation convenable du travail fractionnel de Vereeken au niveau national et international. Nous accusons Vereeken non d’avoir une attitude fractionnelle – une attitude fractionnelle contre l’opportunisme et le sectarisme, c’est honorable ! – mais de perdre pied sur le terrain des principes, de diriger une fraction anti-marxiste, qui a joué et qui joue encore le rôle de frein au développement de la IVe Internationale. Espérons que, si la conférence internationale parle haut et clair, cet avertissement encouragera le camarade Vereeken à réviser radicalement sa position et particulièrement ses intolérables méthodes.
V
En même temps, aussi importante que soit la question personnelle du camarade Vereeken, celle du destin de notre section belge dans son ensemble est incomparablement plus importante. Elle semble actuellement traverser une période temporaire de stagnation. Autant qu’on puisse en juger de loin, la cause de cette stagnation est dans une large mesure la politique erronée du camarade Vereeken, qui a concentré l’attention du parti dans une direction tout à fait fausse. Pour permettre l’entrée dans le courant de notre section belge, les mesures suivantes sont à mon avis nécessaires :
1. II faut expliquer à tous les membres de la section l’impasse de la politique syndicale de Sneevliet et son incompatibilité absolue avec les tâches d’un parti révolutionnaire. Ceux qui veulent construire ou conserver leur propre caricature de syndicat n’ont pas de place dans la IVe Internationale.
2. La tâche fondamentale principale de la section belge doit être le travail sérieux, systématique et tenace à l’intérieur des syndicats réformistes. Tout abandon de ce travail, quels que soient arguments ou prétextes, doit être considéré comme une désertion du champ de bataille.
3. Par l’intermédiaire des syndicats, il nous faut pénétrer dans la vie intérieure du parti socialiste, nouer une alliance étroite avec les ouvriers socialistes et mener une agitation qui corresponde à la vie interne des organisations ouvrières de masse.
4. De la même manière, il nous faut pénétrer les organisations de jeunesse ouvrière.
5. Le journal doit refléter, dans une beaucoup plus large mesure que maintenant, la vie interne des organisations de masse et doit être concerné par leurs problèmes internes.
6. L’élévation du niveau théorique dans la section est la condition indispensable pour la sauver des tendances sectaires et centristes de différents dirigeants. A cette fin, il faut mettre sur pied un mensuel théorique sérieux en français. Si une telle entreprise est au-dessus des forces de la section belge, il pourra être nécessaire d’avoir une revue théorique unique pour tous les pays francophones.
Les conditions objectives pour le développement de la section belge sont extrêmement favorables. Il faut seulement écarter à temps les obstacles subjectifs.