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Special pages :
Un tournant des staliniens ?
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 30 juillet 1931 |
Selon une information du camarade N, le comité central du parti communiste espagnol a fait un tournant décisif dans sa politique...
D'après ce que dit N., il apparaît que le comité central du P. C. espagnol, tout en conservant formellement le mot d'ordre de "dictature démocratique", a changé sa politique de façon décisive sur deux points premièrement, il s'engage sur la voie de la lutte pour les mots d'ordre démocratiques, deuxièmement, il est prêt à appliquer la politique du front unique.
C'est là une victoire claire et indiscutable de l'opposition de gauche[1]. Savoir si le tournant des staliniens espagnols est profond et sérieux est une autre question. Mieux, toute réponse à cette question dépend dans une large mesure de notre propre politique. Mais, en tout cas, le fait même de ce tournant est un résultat direct de la critique de l'opposition de gauche. (...) Seule la fraction de l'opposition de gauche est une force progressive à l'intérieur du communisme. (...) C'est de ses succès que dépendent les succès du communisme et tout particulièrement ceux de la révolution espagnole.
Mais comment réagirons-nous à ce tournant des staliniens espagnols ? Là-dessus, nous avons déjà une expérience appréciable, bien qu'à dire vrai il s'agisse surtout de celle de nos propres erreurs. Quand les staliniens français, en grande partie sous l'influence de notre critique, ont décidé de battre en retraite et d'abandonner la fantastique politique de la "troisième période", l'ancienne direction de la Ligue[2] déclara d'avance que l'aventurisme cédait la place à l'opportunisme et que l'opposition de gauche devait continuer son chemin comme si de rien n'était. A l'époque, nous avons critiqué cette politique formaliste et sans ressort dont la conséquence a été que la Ligue française a laissé passer une occasion extrêmement favorable de se rapprocher du cœur prolétarien du parti. Espérons qu'on ne répétera pas cette erreur en Espagne.
Dans une courte lettre, le camarade N. souligne deux faits qui ont une signification exceptionnelle pour la politique de l'opposition de gauche espagnole dans la période actuelle : le parti officiel a fait, ou au moins a annoncé toute une série de pas en direction de la politique des bolcheviks-léninistes; d'un autre côté, la direction de la Fédération catalane sombre toujours plus profondément dans la confusion de l'opportunisme et du nationalisme petit-bourgeois. Le parti officiel a jusqu'à présent tout fait pour qu'on identifie l'opposition de gauche aux bourdes de Maurin. Nous avons aujourd'hui une occasion exceptionnelle de dissiper tous les malentendus. (...)
L'opposition de gauche doit soumettre le tournant du comité central du P.C. espagnol à une analyse sérieuse - sans crédulité naïve, mais sans préjugés sectaires non plus. Tout ce que nous avons gagné doit être clairement établi et pris en considération. Là où subsistent des divergences, il faut les définir sans indulgence ni enjolivements.
Plus vite et de façon plus décisive l'opposition de gauche réagira au tournant en se rapprochant du parti, plus cela tournera à l'avantage de l'opposition de gauche, du parti, et de la révolution espagnole[3].
- ↑ Sur ce point, il y avait accord total entre Trotsky et ses camarades espagnols : pour eux, les staliniens espagnols avalent été contraints d'opérer ce tournant sous le feu de leur critique et pour apaiser le mécontentement croissant dans leurs propres rangs.
- ↑ Trotsky fait ici allusion à la première équipe dirigeante des B.-L. français, notamment Rosmer et Pierre Naville, lesquels venaient, au cours de la discussion syndicale, de céder la place à Raymond Molinier et Pierre Frank.
- ↑ En fait, les militants de l'Opposition espagnole en viendront vite à la conclusion que le "tournant" n'était ni profond ni sérieux et parleront même bientôt de "prétendu tournant".