Un homme éminent

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Nos Morts. Un homme éminent, un révolutionnaire intégral (P.-G. Smidovitch)

Péter Germogénovitch Smidovitch vient de mourir subitement. C’était un vieux bolchevik, à l’âme d’une pureté enfantine, aux yeux bleus bienveillants, un homme éminent, un révolutionnaire intégral, un esprit élevé !

Il m‘a été donné de rencontrer Péter Germogénovitch en pleine fièvre de réaction, immédiatement après l’écrasement de l’insurrection de décembre à Moscou, ainsi que dans les journées orageuses de 1917 et au cours de nombreuses années de développement victorieux de la révolution prolétarienne.

Participant de l’insurrection de Décembre, Péter Germogénovitch — qui portait dans le parti le nom quelque peu singulier aujourd’hui de Matriona — fut un des rares intellectuels du parti que la sanglante répression de l’amiral Doubassov ne brisa pas. La rouille du pessimisme ne mordit pas sur lui : il ne se laissa pas entortiller dans le tissu mensonger des pénibles tentatives faites pour la recherche de Dieu, au moyen desquels les idéologues bourgeois troublaient les « âmes déçues » qui avaient capitulé et qui étaient déjà prêtes à passer au camp de l’ennemi vainqueur. Rien de pareil ! « Germogénovitch » était l’incarnation la vie, de la joie, de la lutte, de la pureté d’âme, de l’optimisme. C’est avec une joie presque naïve qu’il aimait les fleurs, qu’il aimait les hommes, qu’il haïssait leurs oppresseurs et luttait pour le socialisme en tant qu’épanouissent extraordinaire à venir de la vie et c’est pourquoi une audace infinie émanait de toute sa figure, de sa tête, grise de bonne heure, de ses brillants yeux d’enfant, d’où rayonnait un éternel printemps de l’âme. Smidovitch accomplissait le travail révolutionnaire avec conviction et élan. L’usine électrique de la rue Kamenny [Mysl ?] à Moscou, où avait travaillé autrefois cet ingénieur bolchevik était un bastion absolument sûr du parti. Il y avait là une atmosphère d’amitié et de sécurité telle que nous nous réunissions souvent directement dans le logement de Smidovitch sans qu’il y eut jamais de « dégâts », tant était grand le nombre de» gens « à nous » qui étaient prêts nous avertir en temps voulu et à nous aider. Les magnifiques ouvriers bolcheviks de cette usine étaient l’orgueil de l’organisation moscovite.

Dans les pénibles années de la contre-révolution, Smidovitch n’abandonna pas un seul instant la veillée révolutionnaire. Février le plaça ouvertement à la direction de l’organisation de Moscou. En Octobre, il participa de la façon la plus active à la lutte en tant que membre du Comité militaire révolutionnaire. L’extrême douceur de son caractère l’empêcha plus d’une fois de prendre les mesures indispensables de résolution rigoureuse et de rigueur résolue. Ce. n est naturellement pas une qualité de guerrier. Mais cette lacune était compensée par un dévouement absolument sans borne au parti, par un grand courage, par la fidélité à la révolution, par la volonté d’accomplir pour elle n’importe quel travail.

Smidovitch ignorait, à mon avis, le sentiment de la peur. Il éprouvait un besoin joyeux de lutte joyeuse pour une vie joyeuse et heureuse pour ces hommes qu’il aimait de tout son cœur ardent. Aucun des postes qu’il occupa ne laissa sur cette figure la moindre tache de bureaucratisme. Il resta en effet aussi simple, aussi accessible, aussi poli qu’il l’avait été toute sa vie. Dans la célèbre cohorte de fer des vieux bolchéviks, parmi les sévères lutteurs, Smidovitch était un des camarades les plus aimés et nombreux seront ceux qui pleureront avec une douleur immense la mort prématurée et brutale de cet homme éminent.

Il y a peu de jours, il me fut donné de me trouver à côté de Smidovitch à la cérémonie en l’honneur des académiciens de William. Il parla, et l’on sentait qu’il vivait toute la révolution comme un splendide poème. Ce jour-là, il était si gai, plaisantait tant, ses yeux étincelaient tellement à travers ses lunettes d’écailles, que personne n’aurait pu croire à une mort aussi rapide et aussi inattendue.

Je ne sais si Ormogénovitch s’est rendu compte qu’il mourait. Si oui. il a dû sans doute penser : « ïl fait bon vivre ! Que les jeunes et les forts entrent plus vite dans la vie et que tout s’épanouisse et que soit victorieuse notre grande révolution ! »