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Un grand parti marxiste
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | 1923 |
Depuis cinq ans le prolétariat russe garde le pouvoir et les adversaires mêmes constatent l’affermissement de son pouvoir. Ce pouvoir plonge de profondes, de fortes racines dans la molle terre russe, transforme le peuple russe, conduit d’une main de fer des millions d’hommes, le long d’une voie pierreuse, semée de ronces et d’épines, barrée de fils barbelés, balayée par le feu de l’ennemi, à travers la steppe affamée — vers la claire victoire de l’humanité unanime.
Comment s’est accompli ce miracle qui fait l’ébahissement et l’impuissante rage de la médiocrité bourgeoise ?
Certes, en sont d’abord « coupables » les circonstances historiques que les bataillons noirs du travail ont traversées de leur pas puissant. L’histoire a fait à la classe ouvrière russe des conditions de succès extrêmement favorables : une autocratie dont la machine infernale était ébranlée par la guerre ; une bourgeoisie faible, pas encore armée d’impérialisme et assez bête pour désorganiser pendant la guerre la force du tsarisme ; de puissantes frustes masses paysannes pas encore nées au patriotisme, haïssant sauvagement le propriétaire, désirant âprement la terre pétrie de leurs sueurs. Voilà ce qui donna la victoire au prolétariat qui déploya ses jeunes ailes et prit son essor.
Mais il y avait encore une chose : l’existence d’une cohorte de fer dévouée sans retour à la Révolution, l’existence d’un parti tel qu’il n’y en a pas encore eu dans l’histoire des grandes batailles de classes. Ce parti avait traversé les dures écoles de l'action clandestine, trempé sa volonté de classe dans la fumée de la poudre, formé ses militants dans les privations et les souffrances, formé, éduqué, instruit d’admirables ouvriers dont la mission est de transformer et de conquérir le monde.
Jetons, pour nous rendre compte de la formation de ce parti, un coup d’œil sur les traits principaux de son développement.
Quelques mots d’abord sur son quartier général. Nos adversaires ne contestent plus que nous avons une excellente direction. Un des grands idéologues de la bourgeoisie allemande, un des maîtres de la pensée allemande actuelle, le comte Kayserling, a même écrit dans son livre Wirtschaft, Politik, Weisheit (Economie, Politique, Sagesse), que la force de la Russie des Soviets s’explique exclusivement par la supériorité de ses hommes d’Etat qui « dépassent de loin » tous ceux des pays bourgeois. L’exagération est manifeste. Et il ne s’agit pas exclusivement de cela. Mais il est aussi incontestable que ce facteur explique bien des choses. Quel est-il ? Tout est dans la sélection attentive des chefs, dans une sélection qui garantit à la fois la compétence, la cohésion, l’unité absolue de volonté. Sous ces mots d’ordre s’est trempée la direction du parti. Sur ce point le parti doit beaucoup à Lénine. Ce que les opportunistes incompréhensifs appelèrent « antidémocratisme », « manie de la conspiration », « dictature personnelle », « sotte impatience » était en réalité un des plus efficaces principes d’organisation. La sélection d’un groupe d’hommes, rigoureusement unanimes dans leur pensée, brûlant d’une même flamme révolutionnaire, était la première condition d’une action couronnée de succès. Cette condition fut réalisée par la lutte impitoyable contre toute déviation du bolchevisme orthodoxe. L’intransigeance, l’autoépuration constante cimenta le groupe principal du parti de telle façon qu’aucune force n’allait plus pouvoir le diviser.
Autour de lui se cimentaient les cadres fondamentaux du parti. La rude discipline du bolchevisme, sa cohésion Spartiate, son rigoureux « esprit de tendance » même aux époques de collaboration avec les mencheviks, dans un seul parti, son extrême unité de vues, la centralisation de tous ses rangs, tels furent toujours les caractères de notre parti. Les militants étaient tous dévoués. Le « patriotisme » de parti, la passion apportée dans la lutte contre tous les groupements adverses, à l’usine, dans les réunions publiques, en prison même, faisaient de notre parti une sorte d’ordre révolutionnaire. C’est pourquoi le bolchevik horripilait les libéraux, les réformistes, tous les invertébrés, les mous, les larges, les tolérants.
Le parti exigeait de tous ses membres un travail réel dans les masses, quelles qu’en soient les conditions et les difficultés. Rappelons que c’est à ce propos que commencèrent nos premiers désaccords avec les mencheviks. Sur ce point précis s’accomplissait la sélection des cadres. Ils se constituaient non de beaux parleurs, d’intellectuels sympathisants, de compagnons de route qui sont ici aujourd’hui et demain seront là, mais d’hommes prêts à tout pour la révolution, pour la lutte, pour le parti. Prêts à aller au bagne, sur les barricades, prêts à subir toutes les tribulations, prêts à la constante persécution. Ainsi se formait le deuxième cercle concentrique de notre Parti : ses cadres ouvriers fondamentaux.
Et pourtant notre parti ne fut jamais sectaire, fermé, borné. Il le faut souligner énergiquement, jamais il ne se considéra comme une fin en soi. Il se considérait comme un instrument d’acier travaillant le cerveau de la masse, cimentant la masse, dirigeant la masse. Car tout l’art de la dialectique politique consiste à avoir des formations cohérentes, compactes, mais à n’être pas une secte, à ne pas se mouvoir dans le vide, mais à être une force motrice véritable, mettant en mouvement le formidable mécanisme de la classe entière, de la masse entière des travailleurs. L’histoire de notre parti, surtout celle des années révolutionnaires, montre combien il fut attentif aux aspirations des masses. Quel était le militant le plus actif à l’armée de l’ancien régime — au risque constant d’être torturé et tué par les officiers ? Le bolchevik. Quel était l’agitateur, l’organisateur le plus infatigable ? Le bolchevik. Aucune occasion d’agir sur la masse ne lui échappait. A la Douma d’Empire, au syndicat, à la réunion ouvrière, au club, à l’école du dimanche, au réfectoire d’usine, le bolchevik était partout, perçait partout, ce bolchevik dont un littérateur contemporain[1] dit qu’il « fonctionne énergiquement ». Il a toujours fonctionné énergiquement, le bolchevik. Notre parti a toujours été un parti de classe, donc un parti de masse.
Ainsi se formaient le troisième et le quatrième cercles concentriques du parti, sortant déjà de ses cadres proprement dits : le cercle des organisations ouvrières influencées par le parti, puis celui de la classe ouvrière, de la masse entière dirigées, par le moyen des premières organisations par son avant-garde de parti.
Arrêtons-nous maintenant sur quelques particularités de la politique du parti, qui expliquent aussi les grands succès du P.C.R.
D’abord sa fermeté marxiste. Ce n’est pas à tort qu’après la crise du printemps 1921 M. Martov expliquait la persistance de la dictature prolétarienne en disant que : « tout de même, le Parti bolchevik a passé par l’école marxiste ». Il est vrai. Le parti a fait de solides études marxistes. La prévision théorique des événements, l’analyse des groupements de classe, le calcul « par millions » qui constituent, comme le remarque fort justement Lénine, l'essence de la politique, voilà qui caractérise au plus haut point la direction de notre Parti. Remarquons ici une particularité spécifique, qui est avant tout celle du chef reconnu du parti, Lénine. Jamais le marxisme ne se fige chez nous en un dogme mort. Il est toujours un instrument pratique. Ce n’est pas un texte, c’est un esprit. Ni scolastique, ni talmudisme, mais l’intelligence générale de la dialectique de Marx, instrument pratique de lutte. Nous avons un enseignement marxiste, nous n’avons pas de préjugés marxistes. Nous avons un bel instrument dont nous sommes les maîtres et qui ne nous maîtrise pas. Et ce marxisme révolutionnaire vivant aide vraiment à accomplir des miracles !
De là l’extraordinaire élasticité tactique du parti. L’immense majorité des fautes politiques proviennent de l'emploi de méthodes, excellentes dans une situation donnée, dans une situation différente, dans laquelle elles deviennent nuisibles. L’incompréhension des situations concrètes est cause de la bonne moitié des erreurs politiques. Et justement, quant à l’intelligence des situations concrètes, notre parti peut être pris pour modèle.
Il a su se montrer extrêmement patient, lorsqu’il fallait compter avec les errements, de bonne ¡foi, des masses. Rappelons-nous le lendemain de la révolution de février, quand il nous fallut « expliquer patiemment » tant de choses et conquérir les masses avec tant de retenue.
Il a su être incomparablement hardi et résolu, incomparablement prompt à l’action. Ce fut aux jours d’octobre. L’histoire plaçait le parti devant un tourbillon. Il fallait, tout bien pesé, s’y jeter pour en sortir à la crête d’une vague géante. La moindre tergiversation eût été mortelle. Une audace, une ténacité, une résolution sans bornes étaient nécessaires. Le parti plongea dans le tourbillon et prit le pouvoir.
Il a su tourner brusquement le gouvernail quand il le fallait. Rien n’est plus instructif que sa politique sur ce point- Si nous nous rappelons comme le Parti Communiste russe s’est appuyé sur la classe paysanne, en faisant sien le programme paysan du parti socialiste révolutionnaire, comme il a brusquement tourné son gouvernail et celui de l’Etat du « communisme de guerre » à la « Nouvelle politique économique », ces deux exemples suffiront à attester l’élasticité de tactique du parti qui réunit à un réalisme intégral la claire conscience du but final vers lequel il va d’un pas ferme.
La classe ouvrière ne peut pas, en régime capitaliste, grandir assez pour devenir capable d’assumer la direction de la société. La classe ouvrière est asservie, écrasée, par le capitalisme. Dressée de toute sa hauteur elle ne peut que briser l’enveloppe capitaliste de la société. Elle ne prépare ses forces, ne forme ses administrateurs, ne devient le dirigeant de la société entière que dans la période de dictature. Dans cette période elle « refait sa propre nature » ; l’esclave devient un créateur et un chef. Cet immense labeur requiert, de la masse et de son avant-garde de classe, la plus grande tension de forces. Notre Parti Communiste russe peut en être fier : il a créé ses chefs d’armée, ses soldats, ses administrateurs, ses gouvernants d’ouvriers ; il crée ses cadres de culture intellectuelle et d’édification économique. Sa nouvelle génération entre tout de suite dans l’immense laboratoire de l’Etat Soviétiste. Après une atroce guerre civile, après la famine le grand Pays Rouge se relève et sa trompette de victoire appelle les travailleurs du monde, les esclaves des colonies, les coolies, à la lutte finale contre le capital A l’avant de l’innombrable armée des exploités voici la vaillante phalange couverte de cicatrices, dont les drapeaux sont troués par les balles et déchirés par les baïonnettes, la vaillante phalange la plus avancée, qui appelle et guide toutes les autres : le Parti Communiste Russe, cohorte de fer de la révolution prolétarienne.
Note
- ↑ Boris Pilniak.