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Un Post-scriptum après Munich
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 1 octobre 1938 |
La Tchécoslovaquie a disparu de la carte de l’Europe en tant que puissance militaire. La séparation d’avec trois millions et demi d’Allemands profondément hostiles constituerait un avantage du point de vue militaire si elle ne signifiait pas la perte de ses frontières naturelles1 2. Le mur le plus solide de la forteresse de Bohême s’est écroulé au son de la trompette fasciste. L’Allemagne a gagné non seulement trois millions et demi d’Allemands, mais aussi une frontière solide. Si la Tchécoslovaquie était considérée jusqu’à présent comme le pont de l’U.R.S.S. vers l’Europe, elle est devenue aujourd’hui le pont de Hitler vers l’Ukraine. La « garantie » internationale d’indépendance pour les débris qui restent de la Tchécoslovaquie a incontestablement moins de signification que celle de l’indépendance de la Belgique avant la guerre.
La faillite de la Tchécoslovaquie est celle de la politique internationale de Staline au cours des cinq dernières années. L’idée de Moscou de l' « alliance des démocraties » pour lutter contre le fascisme apparaît comme une fiction sans vie. Personne ne se bat pour un principe abstrait de démocratie : tout le monde se bat pour des intérêts matériels. L’Angleterre et la France préfèrent satisfaire l’appétit de Hitler sur le dos de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie plutôt que sur celui de leurs propres colonies.
Le pacte militaire entre la France et l’U.R.S.S. perd dès maintenant 75 % de son importance et peut facilement perdre les 100 %. La vieille idée de Mussolini, le concert des quatre puissances européennes sous la direction de l’Italie et de l’Allemagne est devenue une réalité, au moins jusqu’à la prochaine crise.
Le coup le plus terrible à la situation internationale de l’U.R.S.S. est le prix qu’elle paie pour la sanglante et permanente épuration qui a décapité l’armée, bouleversé l’économie, révélé la faiblesse du régime stalinien. L’origine de cette politique de défaites se trouve au Kremlin. On peut s’attendre aujourd’hui en toute certitude à une tentative de la diplomatie soviétique pour se rapprocher de l’Allemagne au prix de nouvelles concessions et capitulations, lesquelles, à leur tour, ne pourront que précipiter la chute de l’oligarchie stalinienne.
Le compromis conclu sur le cadavre de la Tchécoslovaquie n’assure la paix d’aucune façon, mais ne fait que créer pour Hitler une base plus favorable pour la guerre qui vient. Les vols de Chamberlain entreront dans l’histoire comme le symbole des convulsions diplomatiques vécues par la vieille Europe déchirée, affamée et impuissante, à la veille d’une nouvelle guerre qui se prépare à inonder de sang notre planète tout entière.