Tibor Szamuely (Nécrologie)

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Ce nom doit être et sera connu de tout prolétaire.

Quand la République des soviets eut été renversée en Hongrie, un de ses jeunes chefs, un homme de haute valeur, trouva la mort à la frontière. Nous ne savons pas encore dans quelles circonstances cette vie précieuse pour le prolétariat fut enlevée. Selon les communications officieuses, le camarade Szamuely se tua d'un coup de revolver dans la tête quand il fut arrêté par les gendarmes de Renner et de la Seconde Internationale, qui avaient été peu de temps auparavant encore les gendarmes de Charles de Habsbourg. C'est possible. Szamuely était une nature d'acier et fière, à qui la chute du pouvoir des soviets et le fait de se rendre vivant pouvaient sembler une capitulation inadmissible. Il se peut qu'en réalité il ne voulut pas remettre son épée révolutionnaire à ses ennemis et préféra la mort a la captivité. Mais une autre hypothèse peut être admise : est-ce que les gendarmes de Renner valent mieux que ceux de Noske ? Est-ce que Zeir et Bauer valent miens que Scheidemann et Bart ? Et si les bourreaux d'Allemagne purent assassiner Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht au moment où ils tentaient de s'enfuir, pourquoi les bourreaux d'Autriche n'auraient-ils pas pu régler une fois pour toutes leurs comptes avec Tybor Szamuely ?

Le prolétariat hongrois peut être fier de cette figure. Et la haine. furieuse, la rancune inextirpable que la bourgeoisie hongroise nourrissait contre feu Szamuely est tout à fait compréhensible. Ses qualités distinctives étaient une volonté inflexible, un rare sang-froid, une plume brillante, une inlassable énergie.

Comme Béla Kun. il passa par l'école révolutionnaire de Russie, et c'est dans ce pays que l'autour de cet article fit sa connaissance. Avant la guerre, Szamuely était l'un des rédacteurs de l'organe central de la social-démocratie hongroise, Népszava. Pendant la guerre, à laquelle il prit part avec le grade d'officier, il fut fait prisonnier. Ici, il vécut dans des conditions épouvantables. Il fut envoyé en Sibérie et en Mandchourie. Souvent, il dut travailler dans les marais et les mines, avec de l'eau jusqu'aux genoux et gravement malade. Il essaya rie fuir, mais fut arrêté à la frontière suédoise par les gendarmes du tsar. Enfin, la révolution lui donna la liberté.

Depuis lors, Szamuely déploie ses ailes comme un jeune aigle. Il est rare de rencontrer des hommes qui donnent avec autant de dévouement que lui toutes leurs forces jusqu'au bout à la cause qui meut et déplace actuellement les couches historiques. Un trait curieux et qui est propre au vrai révolutionnaire, Szamuely n'a jamais dédaigné aucune tache, fût-ce la plus difficile et la plus désagréable, la plus pénible et la moins en vue. Avec une ardeur égale, il travaillait à l'école des propagandistes, écrivait à la rédaction du journal, écrasait, les armes à la main, les révoltes contre-révolutionnaires, rédigeait des brochures, travaillait à la commission extraordinaire, prenait la parole aux meetings, ou établissait un programme de travail pour les camarades. À fout moment, il pouvait presser la gâchette de son Mauser, qu'il ne quittait jamais. D'un courage exceptionnel. Szamuely était en garde toujours.

En général, dans les nécrologies, il y a une dose d'exagération. Mais, en ce qui concerne Szamuely, on ne saurait exagérer. Au moment où j'écris ces lignes, je vois devant moi la figure aimée et chérie de ce camarade avec le regard fatigué de ses yeux intelligents et son sourire toujours légèrement sarcastique, figure nerveuse et surmenée, mais en même temps énergique. Szamuely ne dormait que quatre à cinq heures par jour : le reste du temps, il vivait pour la révolution.

J'ai eu l'occasion de voir les hommes les plus divers, et parmi eux des révolutionnaires de presque tous les pays ; mais rarement j'ai rencontré une personnalité aussi charmante, un camarade, aussi excellent que Szamuely. Il fut pendant toute sa vie un modèle de chevalerie communiste.

Szamuely est mort jeune. Il est certain que sa nature si bien douée se serait déployée avec plus d'ampleur encore. Mais ce que net homme, pendant sa courte existence, a donné au prolétariat ne sera jamais oublié. Sa figure restera toujours comme celle de nos autres martyrs, à la limite des deux époques, comme un symbole de communisme militant.