Tâches des ouvriers allemands après la guerre

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On entend souvent affirmer que, si l'impuissance du prolétariat s'avère, si la lutte contre la guerre ne produit pas la révolution et surtout si l'Allemagne remporte la victoire, la guerre sera « vaine » et « vains seront tous nos sacrifices ».

S'il ne s'agissait que de cela et si le prolétariat international pouvait seulement recommencer après la guerre, son action avec les réserves de forces dont il disposait auparavant et sur ses anciennes positions ! Mais, en réalité, le prolétariat de tous les pays, belligérants est affreusement débilité, tant au physique qu'au moral ; les classes possédantes des pays victorieux ont remarquablement accru leur puissance économique et politique. La plupart des chefs et une partie considérable des masses ouvrières sont dans ces pays profondément démoralisés, stupéfiés, désemparés, découragés ; dans les pays vaincus, ils sont par contre la proie du chauvinisme et du désespoir.

Le prolétariat est moins que jamais capable d'action, alors que les classes possédantes envisagent plus clairement que jamais leurs intérêts et leurs buts. La solidarité internationale se heurte à de terribles obstacles, tandis que les dissientiments nationaux, trouvant un terrain favorable, sont devenus un mal chronique. L'impérialisme triomphe, le socialisme a perdu son influence, et ce qui s'accomplit aujourd'hui discrédite même rétrospectivement, la commune de 1871. Notre bilan ne se solde pas par un zéro, mais par un déficit énorme. Tels sont, pour le prolétariat révolutionnaire, les résultats de la guerre.

De la guerre franco-allemande, comme de toutes les guerres, la socialisme sortit propre, plus éclairé et mieux trempé ; mais la guerre mondiale actuelle n'en laisse que ruines. Son idéologie et son organisation se désagrègent et se désagrègent bien plus dans les pays où elles paraissent s'être le mieux maintenues, en se soumettant aux puissances régnantes, c'est-à-dire dans les pays, où elles ont fait sans réserve le jeu des ennemis mortels du prolétariat.

La classe ouvrière a rétrogradé jusqu'en deçà de 1870 ; tel est le bilan.

Dans chaque pays et dans l'Internationale, il faut maintenant recommencer notre œuvre de propagande et d'organisation, notre œuvre de préparation, de lutte de classe, de solidarité internationale

L'organisation internationale des masses ouvrières, et le mouvement de ces masses doivent renaître dans des conditions effroyablement dures. Tous au travail ! au travail et haut les cœurs !

Après la guerre, comme pendant la guerre et même davantage, l'Allemagne aura dans le monde un rôle décisif, surtout pour le développement révolutionnaire. Et le prolétariat allemand a pour devoir de déployer la plus grande activité, une activité d'autant plus intense que sa passivité aura été plus profonde pendant la guerre. Il rachètera ainsi son péché historique et ne le rachètera qu'ainsi. Mais, si le travailleur allemand ne prend pas conscience de son devoir et ne sait pas l'accomplir, les générations futures le maudiront avec juste raison.

Plus précisément, les tâches qui s'imposent à nous seront les suivantes :

  1. Au sein des Etats constitués après la guerre dans le milieu économique, social, politique, historique qu'ils nous offriront, grouper et organiser les éléments socialistes, faire leur éducation dans l'esprit de l'internationalisme révolutionnaire ; se servir de tous les moyens de l'action directe (sans respecter naturellement les limites de la légalité) pour créer un puissant mouvement d'agitation et d'organisation imbu du même esprit.
  2. Sur la base que nous offriront, après la guerre, les unités impérialistes, et en nous servant des relations internationales en régime capitaliste reconstituer l'Internationale des Prolétaires, mais comme une association des travailleurs de tous les pays, pénétrée de l'esprit révolutionnaire Internationaliste, comme un organisme mondial de lutte des classes.
  3. Tirer parti, dans tous les pays, des conséquences sociales, économiques et politiques de la guerre, en vue d'organiser les masses et de les mener au combat.
  4. Tirer également parti des antagonismes nationaux que la guerre aura développés, afin de les transformer intérieurement et, soit d'y trouver des forces pour la lutte des classes internationales soit d'en neutraliser l'effet contre cette dernière.
  5. Soutenir dans tous les pays et dans tous les domaines de la vie, la lutte des classes internationale la plus énergique ; consacrer une attention toute particulière à l'action antimilitariste (agitation et organisation) parmi les soldats et parmi les populations, en général.
  6. Consacrer une attention toute particulière à l'Allemagne. S'efforcer de la pousser à l'action révolutionnaire et d'entraîner dans la lutte ses masses populaires.
  7. Conformément aux exigences de tout ce travail, combattre les éléments indignes de confiance, enclins à la trahison, douteux, instables ou inaptes à l'action révolutionnaire, et les tendances qu'ils constituent au sein du prolétariat.