Staline et son Agabekov

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Les émigrés Gardes-blancs sont en train de célébrer une nouvelle victoire. Un autre agent soviétique, Agabekov, vient juste d'entrer dans leur camp: il est maintenant sous la protection spéciale des agents de Tardieu . Les vantardises des Blancs ne sont pas infondées: un collaborateur responsable du G.P.U. les a rejoints. Il est en train de préparer ou a déjà préparé un livre dans lequel il révèle l'activité du G.P.U. en Orient. Le modèle pour ce genre de livre a été fourni par Bessedovsky. Les questions privées et clandestines qui sont inéluctablement liées à la lutte de classes du gouvernement ouvrier contre ses ennemis impérialistes sont étroitement entrelacées avec les inventions et les calomnies de ces messieurs, taillées au goût de leurs maîtres.

La presse blanche a déjà donné un compte-rendu vivant du grand service rendu à la Siguranza (la police secrète) roumaine par le stalinien d'hier Bessedovsky, à travers ses révélations sur le gouvernement soviétique. Agabekov commence par donner l'adresse de l'agence soviétique à l'étranger.

Venu tout droit de Moscou à Constantinople, il a passé les quelques mois suivants a préparer sa dénonciation. Aussi ne s'agit-il pas du cas d'un fonctionnaire qui a vécu quelques années à l’étranger et ensuite "a rompu" avec son pays. Non, c'est le cas de quelqu'un qui avait franchi l'épreuve de Moscou et n'a été que récemment promu à un poste nouveau. Il avait subi l'épreuve deux fois: du point de vue de son travail spécial et du point de vue de la ligne du parti. S'il ne l'avait pas fait, Agabekov n'aurait pas été nommé à un poste rendu vacant seulement par la mort de Blumkine. C'est là l'ironie du sort de Staline: ayant tué Blumkine, il n'a trouvé pour le remplacer qu'Agabekov.

Nous avons reçu une confirmation de première main. Agabekov a dit à la presse que Blumkine a été fusillé parce qu'il était un partisan du "trotskysme", et que lui, Agabekov, a été convoqué à Moscou parce qu'il était un ferme partisan de la ligne générale. Il a été conduit dans cette situation à la fois parce qu'il avait son travail spécial et à cause du "trotskysme". Les experts staliniens comme Menjinsky, Iagoda, Trilisser (n'y avait-il pas Jaroslavsky ?) n'ont pas trouvé la moindre tâche politique sur Agabekov.

Après qu'ils l'aient soigneusement éprouvé et lui aient donné leurs instructions, il a été envoyé à Constantinople pour remplacer Blumkine qui avait été récemment fusillé par Staline.

Tout de suite après son arrivée, Agabekov a commencé a écrire un livre, ou plutôt un rapport pour les agents de l'impérialisme mondial sur les activités secrètes du G.P.U. et de l'I.C. en Orient. Dès qu'il a eu terminé son livre, il l'a emporté à Paris et s'est placé sous la protection des agents de Tardieu.

Le diplomate qui jouissait de la confiance de Staline, Bessedovsky, avant de sauter de la fenêtre de l'ambassade pour offrir ses services à la Siguranza roumaine, disposait de tous les documents et de tout ce qui concernait Rakovsky. Pas seulement. Il avait aussi un rôle dans l'expulsion de Rakovsky. Khristian Georgevitch Rakovsky n’était pas un homme à qui l'on pouvait suffisamment "se fier": d’abord il n'avait pas admis que le véritable socialisme russe puisse être construit au moyen du koulak, puis il nia que le koulak puisse être éliminé en deux ans par le G.P.U. "Indigne de foi" et "inconsistant", Rakovsky avait été mis dans des conditions qui l'empêchaient de poursuivre son travail révolutionnaire, qu'il avait poursuivi pendant quarante ans sans interruption et le livraient aux violences physiques. Mort à Rakovsky ! Feu vert pour les Bessedovsky !

A partir de 1924, la pratique a été instituée, dans le G.P.U. et peu après dans l'armée, que les communistes devaient non seulement dans l'armée remplir leurs obligations à l'égard du parti, mais devaient aussi être d'accord sur le moindre détail avec le comité central. Ultérieurement, la procédure a été étendue au parti et augmentée avec la clause que le comité central devait être d'accord avec Staline sur le moindre détail. Le monolithisme stalinien semblait garanti à 100%. Mais maintenant une brèche a été ouverte: sans le droit de penser, de raisonner, de douter, les staliniens monolithiques ont commencé à sauter directement des hauteurs des postes responsables dans les services secrets français, britanniques et roumains. Au cœur de la bataille menée par Staline et Boukharine contre les trotskystes, les centristes couraient derrière eux comme une immense queue réactionnaire qui les battait par-dessus leur tête. Les Bessedovsky et les Agabekov ne sont qu'une partie de cette queue. Les Thermidoriens dégénérés à l'étranger se sont complètement démasqués, car il n'y a pas grand chose qui les sépare de leur maître. Et en U.R.S.S. ? Combien y a-t-il de Bessedovsky et d'Agabekov dans chaque institution, chaque région, chaque district. Qui peut les compter, pendant qu'ils comptent eux-mêmes ? Qui les purgera du parti alors que c'est eux qui le purgent des autres ? Qui percevra leurs "hésitations" quand ils n'hésitent pas jusqu'à leur trahison ?

L’Opposition de gauche ne serait pas digne de ce nom si elle n'était pas capable de tirer les conclusions nécessaires de l'affaire Agabekov et de l'expliquer aux ouvriers communistes. Tout membre de l’I.C. doit être placé devant le fait que Blumkine, irréprochable soldat de la révolution, a été fusillé pat Staline pour "trotskysme" et qu'Agabekov, le stalinien loyal choisi pour le remplacer, s’est vendu à la police impérialiste.

Les Agabekov constituent une couche énorme de la bureaucratie stalinienne: ce sont un produit naturel du régime stalinien. Les fonctionnaires peuvent se fermer les yeux devant ces faits. L’ouvrier révolutionnaire doit discerner les graves dangers qu’indiquent ces symptômes.