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Special pages :
Stabilisation capitaliste et révolution prolétarienne
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | novembre 1926 |
Reproduction de La Correspondance Internationale, n°131, 6e année 7 décembre 1926, pp.1613-1644.
WH 1374 ou 1375
Rapport in extenso de Boukharine sur le premier point de l’ordre du jour :
La situation mondiale et les tâches de l’Internationale communiste
I. La stabilisation du capitalisme[modifier le wikicode]
La politique marxiste est l’unique politique scientifique de la classe ouvrière. C’est pourquoi elle est tenue de se baser sur une analyse scientifique minutieuse de toute époque historique dans laquelle agit la classe ouvrière et de chaque situation économique et politique donnée qui détermine la conduite des partis ouvriers. C’est pourquoi il est tout naturel que l’étape toute particulière que traverse actuellement l’évolution du capitalisme, caractéristique pour la période d’aujourd’hui, acquiert une importance de premier ordre.
Il est certain que la crise violente de tout l’organisme capitaliste, qui atteignit son point culminant en 1919-1921, a considérablement perdu de son acuité. Si, à cette époque, il y avait dans plusieurs pays une situation qu’il convenait, dans le langage de Lénine, de définir comme une « situation directement révolutionnaire » et si cette situation directement révolutionnaire existait dans les principaux, centres du capitalisme européen, il n’est pas douteux qu’au cours des années qui suivirent, le capitalisme a réussi à consolider sensiblement sa situation ébranlée. Cela s’est traduit et se traduit par l’absence de cette « situation directement révolutionnaire » dans les principaux centres de l’économie capitaliste. Il va de soi que ce fait, à lui seul, n’est pas suffisant pour caractériser la situation. Il faut répondre à la question : dans quelle mesure le capitalisme est-il parvenu et parvient encore à se dépêtrer de l’ornière où l’a conduit la profonde crise d’après-guerre ? Il faut répondre à la question : quelles sont les tendances principales de l’évolution actuelle du capitalisme et, par conséquent, quel est l’avenir du capitalisme ? Ce faisant, il ne faut pas oublier les circonstances suivantes : en faisant tel ou tel pronostic, nous ne pouvons aucunement nous satisfaire de théorèmes formulés a priori et devant se justifier coûte que coûte. Il s’agit surtout d’une étude approfondie des faits, d’une étude de la réalité. C’est seulement ainsi que l’on pourra répondre aux questions qui ont été posées. C’est seulement sur cette base que l’on pourra obtenir une vérification complète de nos généralisations théoriques.
On comprend que les théoriciens bourgeois doivent forcément se placer à un point de vue apologétique, car, par nature, ils ne peuvent abandonner l’idée que la société capitaliste existera éternellement. Même un fait d’une portée historique mondiale, comme les neuf années d’existence de la dictature du prolétariat dans un immense pays qui couvre une grande partie de l’ancien continent, ne peut être compris par eux dans sa véritable signification. De là, les illusions permanentes des milieux capitalistes qui considèrent les tendances fondamentales de l’évolution économique de l’Union Soviétiste comme des tendances de restauration d’une société capitaliste « normale », dont l’essor a subi une perturbation fortuite par suite de l’intervention extra-économique des Huns bolchéviks. D’autre part, une des forces principales qui étayent le régime capitaliste actuel, la social-démocratie « internationale », en partageant entièrement le point de vue bourgeois sur l’évolution de la dictature du prolétariat dans l’Union Soviétiste, partage par là même l’opinion théorique essentielle de la bourgeoisie quant à la fermeté et l’éternité de l’ordre pacifique capitaliste. Les représentants les plus éminents de la pensée théorique des social-démocrates, considèrent la période actuelle de l’évolution capitaliste mondiale comme étant caractérisée par les faits suivants : 1° consolidation absolue du régime capitaliste, de son organisation politique et économique, ouvrant des perspectives de prospérité capitaliste ; 2° entrée du capitalisme dans une phase essentiellement nouvelle de son histoire, phase où l’anarchie de la production est vaincue, non seulement dans les limites des économies nationales, mais même dans l’ensemble de l’économie mondiale. Ce fait se traduit, de l’avis de ces théoriciens, par la formation de fédérations politiques d’Etat (Ligue des Nations, etc.) qui rendent superflues les convulsions guerrières de la société capitaliste ; 3° un regroupement des forces internes de la société capitaliste qui rend possible une « évolution vers le socialisme » pacifique ou quasi-pacifique, sans secousses révolutionnaires et, à plus forte raison, sans dictature du prolétariat. Ainsi, nous avons affaire à un système achevé qui, comme il est facile de le voir, est une capitulation complète devant l’idéologie bourgeoise et un reniement complet (une « émancipation ») des derniers vestiges du marxisme.
Mais une simple réfutation de cette théorie grossièrement antimarxiste ne saurait épuiser la question, car, même si le capitalisme n’a pas le moins du monde supprimé ses contradictions internes fondamentales, s’il n’est nullement entré dans la phase historique claironnée par tous les hérauts de la social-démocratie, néanmoins la question de ce qu’il deviendra dans un avenir immédiat reste pendante, ainsi que celle de savoir s’il a surmonté tous les malaises de la période d’après-guerre, celle du caractère de la période actuelle considérée de ce dernier point de vue. Or c’est là précisément la question de la stabilisation capitaliste prise dans le sens qui a déjà été consacré par la littérature actuelle.
Sur cette question, des divergences se manifestent également entre communistes. Ainsi, nous trouvons chez le camarade Trotski, d’une part, l’affirmation de la toute puissance, du capitalisme américain qui mettra l’Europe à la ration, tandis que « l’économie de l’Europe et des autres parties du monde deviendra partie intégrante de l’économie des Etats-Unis » (« Europe et Amérique », p. 74) et, d’autre part, l’affirmation que la stabilisation capitaliste n’existe pour ainsi dire pas.
« Mon idée, dit le camarade Trotski, est qu’une période critique est de nouveau imminente et que cette année l’on ne connaîtra en Europe ni équilibre, ni ordre, ni tranquillité. Il n’y a pas si longtemps que nous avons établi le fait d’une « stabilisation relative », d’un certain équilibre, momentané du capitalisme européen, c’est-à-dire de sa consolidation, Mais elle a été beaucoup plus éphémère qu’on n’aurait pu le supposer ».
(Discours du camarade Trotski. Pravda du 31 janvier 1926).
A ce sujet, nous voyons également chez le camarade Zinoviev une incertitude qui le fait hésiter entre la reconnaissance d’une stabilisation partielle et sa négation. Dans sa conférence intitulée : « La grève générale et sa portée mondiale » (Pravda du 5 juin 1926), le camarade Zinoviev a dit :
« Je pense que ce n’est pas la stabilisation, mais une nouvelle désorganisation du capitalisme. La tempête secoua la nef capitaliste, l’inclinant tantôt à bâbord, tantôt à tribord. Lorsque le navire s’incline à droite, ce sont évidemment les ouvriers qui en pâtissent. N’empêche que le navire est secoué. La stabilisation est un état d’équilibre. Or, lorsque le capitalisme est jeté tantôt à droite, tantôt à gauche, de quel équilibre peut-il être question ? Le navire capitaliste est aux prises avec la tempête, non seulement en Allemagne et en Pologne, mais même en Angleterre. Or, l’Angleterre, ce n’est pas l’Allemagne, ce n’est pas la Pologne, ce n’est pas l’Esthonie. L’Angleterre est le pays capitaliste qui détient l’hégémonie sur le continent. (De toute évidence la tempête a tellement secoué le « navire » du camarade Zinoviev et la désorganisation du monde est si grande, que non seulement la stabilisation est disparue, mais que l’Angleterre a été emportée de ses îles sur le continent ! N. B.)
Elle est après l’Amérique, le pays le plus riche du monde. Ceux dont le regard ne s’arrête pas a la surface, ceux qui pénètrent de leur analyse de classe la charpente de l’économie capitaliste diront que les événements de la dernière année démentent l’existence d’une stabilisation capitaliste ».
Ici, comme on le voit, le camarade Zinoviev, en dépit de nombreuses déclarations précédentes, estime qu’il n’y a pas de stabilisation et que le fait de son existence est « démenti ». Il est certain que les chefs de l’opposition ne possèdent pas, quant à la question de la situation mondiale, un point de vue fermement établi, clair et bien fondé. Cependant, il est évident que l’organisation révolutionnaire internationale et chacun des partis communistes séparément ne peuvent mener une politique juste, ne peuvent choisir la bonne cible pour leur tactique sans posséder une appréciation ferme, nette, conforme à la réalité, de la situation. Voilà pourquoi la question de la stabilisation du capitalisme et de ses caractéristiques concrètes, joue et jouera encore un rôle important en tant que point de départ de nos discussions politiques.
A. Les indices mondiaux de la stabilisation capitaliste[modifier le wikicode]
a) La production mondiale[modifier le wikicode]
L’expression la plus saillante et la plus profonde des crises de la période de guerre et d’après-guerre fut la baisse de la production, cette base essentielle de toute l’existence de la société. C’est là surtout que les ravages de la guerre ont été les plus sensibles. Ce rétrécissement de la base économique de la société fut le principal indice de l’impasse où le développement du capitalisme poussait inexorablement la société. C’est pourquoi le fait de sortir de cette impasse devait se traduire tout d’abord par une hausse consécutive de la production. Lorsque nous disons tout d’abord, nous voulons faire apparaître non pas la succession des événements dans le temps, il ne s’agit pas du cours du processus de relèvement des divers phénomènes. Le fait de la hausse de la production, en général, et des divers moyens de production, en particulier, est hors de doute. Or, c’est cela qui exprime l’augmentation de la composition organique du capital et la croissance des forces productives de l’organisme capitaliste mondial. Voici les principales données à ce sujet :[1]
191 | 192 | 192 | 192 | 1923 | 1924 | 1925[2] | |
9 | 0 | 1 | 2 | ||||
Charbon | 86.3 | 97.6 | 80.5 | 86.8 | 98.3 | 96.9 | 97.6 |
Fonte | 70.0 | 83.5 | 49.4 | 73.6 | 89.8 | 87.2 | 95.7 |
Acier | 81.1 | 90.2 | 60.6 | 90.5 | 105.5 | 105.0 | 115.4 |
Consommation mondiale de coton
(en millions de balles ; une balle égale 478 livres américaines)
1913 | 1921 | 1923 | 1924 | 1925 |
---|---|---|---|---|
22.1 | 16.9 | 21.3 | 20.0 | 22.6 |
Le bilan général est celui-ci : 1° la tendance à la hausse de la production mondiale est indubitable ; 2° l’élévation quantitative de cette hausse montre que le capitalisme mondial se rapproche dans ce domaine, de son niveau d’avant-guerre. De cette façon, on peut dire que le capitalisme termine, cette année, sa phase de restauration, Il est vrai que le terme de restauration, même appliqué aux organismes capitalistes, n’exprime qu’imparfaitement le sens essentiel, car il ne s’agit pas d’un simple retour aux rapports d’avant-guerre. Il existe une technique nouvelle autre qu’avant la guerre, des formes nouvelles d’organisation du travail, un regroupement des centres économiques et de certaines branches de la production. Mais ces changements d’ordre qualitatif dont il sera question plus loin, ne peuvent, toutefois, modifier la principale déduction concernant le côté quantitatif. Ainsi, en ce qui concerne la production, le capitalisme mondial approche du niveau d’avant-guerre.
b) Le commerce extérieur[modifier le wikicode]
Un autre facteur très important de la réorganisation de l’économie mondiale durant ces crises de la période de guerre et d’après-guerre était l’énorme diminution du commerce extérieur. Le résultat de la guerre a été de tronçonner l’économie mondiale par suite de la rupture des canaux de l’échange international, ce facteur principal de l’unité de l’économie mondiale. Il est clair que cette rupture des liens commerciaux internationaux impliquait une profonde désorganisation de l’économie de chaque pays, puisque le rapport qui existe entre les divers domaines industriels au sein de chaque pays est lié au marché mondial et qu’à un certain degré il est déterminé par cette interdépendance. Cependant, dans ces dernières années, nous voyons ces liens rompus par la guerre se renouer. Cela se traduit par une croissance de l’échange commercial international. En voici les principales données :
moyenne par mois | ||
---|---|---|
1913 | 1924 | 1925 |
11 566 | 10 512 | 11 259 |
1924 | 1925 |
---|---|
91 | 97 |
Déductions : dans le domaine du commerce extérieur également, le capitalisme, quoiqu’il n’ait pas atteint le chiffre d’avant-guerre, s’en est sensiblement rapproché. Là encore, on peut dire que sous le rapport de l’échange international le capitalisme achève son étape de relèvement. Cependant, il faut faire la même restriction qu’en ce qui concerne la production. Il s’agit seulement du côté quantitatif ; qualitativement, il y a un vaste regroupement des centres commerciaux, un déplacement des principaux nœuds de l’échange international, un changement radical des grandes directions suivies par les masses de marchandises allant d’un pays à l’autre.
c) Les changes[modifier le wikicode]
Un troisième indice qui caractérise l’état des choses actuel c’est l’indice des changes. La situation des finances de chaque pays est un des indices les plus sensibles de la santé de tout l’organisme économique. Toute désorganisation dans l’économie, dans la production, l’échange, le système des crédits, toute rupture de l’équilibre économique se répercute par plus ou moins de désarroi dans la circulation monétaire. Voilà pourquoi la crise de la période d’après-guerre fut accompagnée, et ne pouvait pas ne pas l’être, par le phénomène qui a reçu la définition spécifique de « chaos » des changes. L’état des changes en économie marchande et monétaire est un nœud qui relie les canaux économiques les plus divers. Aussi il ne faut pas s’étonner que le problème des changes reste un des problèmes les plus ardus qui se posent à la bourgeoisie mondiale. Là aussi, en dépit de l’intense diversité du tableau, nous voyons se dissiper peu à peu le chaos qui était si typique pour la période du plus grand déclin du capitalisme. Voici les principales données sur cette question.
Allemagne | Angleterre | France | Belgique | Pologne | ||
---|---|---|---|---|---|---|
1924 | moyenne | 98,80 | 90,78 | 27,07 | 24,01 | 101,88 |
1925 | moyenne | 99,96 | 99,25 | 24,69 | 24,66 | 92,16 |
1926 | janvier | 99,96 | 99,87 | 19,58 | 23,52 | 69,53 |
1926 | juillet | 89,96 | 89,87 | 12,72 | 12,59 | 52,04 |
Ce tableau montre que la livre anglaise et le mark allemand ont atteint leur pair. D’autre part, la France, la Belgique, la Pologne, en partie l’Italie, restent des pays à change en baisse.
Parmi les autres pays, il faut relever l’affermissement du cours de la devise roumaine, grecque, yougoslave et bulgare, de même qu’une hausse de la devise norvégienne, danoise, espagnole et japonaise. Il ressort de ces chiffres que dans le domaine des changes, le tableau est beaucoup plus varié et que l’inégalité de développement des différents pays est plus nettement accusée que dans le domaine de la production et de l’échange. Par ces données nous voyons qu’il n’y a pas mouvement parallèle avec les autres indices économiques. De même on peut dire que le degré de rapprochement avec les chiffres d’avant-guerre est sensiblement inférieur à celui des indices précédents. Néanmoins, là aussi, si nous prenons une moyenne conventionnelle, il y a incontestablement une tendance générale à la stabilisation.
B. Indices mondiaux de la fragilité de la stabilisation[modifier le wikicode]
Néanmoins, les faits cités plus haut n’épuisent nullement la question, tant ils sont généraux, « moyens », insuffisants pour faire une analyse complète de la situation. Pour nous, l’important n’est pas seulement de connaître cette moyenne où s’entrecroisent toutes les déviations, tous les antagonismes, toute la lutte des différentes tendances. Une évaluation exacte demande également une analyse de toutes les contre-tendances, de leur rôle, de leur orientation probable, de leur dynamique. Il est de la plus haute importance de connaître aussi la caractéristique qualitative de toutes ces forces qui s’entrecroisent. Or, seule une analyse de ce genre, embrassant autant que possible tous les côtés du sujet, pourra servir de base solide pour les conclusions pratiques à en tirer.
Tout d’abord, nous devons constater que malgré le nombre d’années écoulées depuis la conclusion de ce qu’on appelle la paix de Versailles, le capitalisme atteint avec peine le niveau d’avant-guerre de sa production. Constatons ensuite la modification totale du caractère de la courbe de conjoncture économique. Les crises « normales » de la production capitaliste étaient des crises périodiques qui se répétaient à des intervalles plus ou moins réguliers et qui se produisaient d’après un « schéma » bien défini. Ainsi, nous étions en présence de cycles de développement au sein desquels alternaient les différentes phases et qui, par conséquent, suivaient une courbe de conjoncture économique des mieux définies. Il est vrai qu’il ne faut pas comprendre d’une façon trop simpliste la diversité de structure « des capitalismes » dans les différents pays (leur particularité « nationale »), les divers degrés de relation entre les pays, l’inégalité du développement capitaliste en général et toute une série d’autres particularités, dont en l’occurrence nous n’avons pas à faire l’analyse. Tous ces facteurs provoquaient, et devaient fatalement provoquer, de multiples déviations, une inégalité du développement des phases du cycle industriel et un manque da coïncidence dans le temps de tels ou tels phénomènes de développement de ce cycle. Néanmoins, la loi des crises industrielles était suffisamment définie. Or, la courbe de conjoncture économique dans la période d’après- guerre revêt un caractère bien différent. La période même du cycle industriel fait apparaître une autre loi et, partant, une nature différente des crises par rapport aux crises « normales » d’avant-guerre. Ce développement est au plus haut degré irrégulier, coupé de mouvements brusques. Il n’est pas possible de parler ici de périodicité au véritable sens du mot. La courbe du développement est empreinte d’un caractère fébrile, maladif ; cette régularité, qui était la caractéristique des anciennes crises, ne se manifeste plus. Si nous prenons, par exemple, la production mondiale, nous la voyons diminuer en 1919, progresser en 1920, traverser de nouveau une crise aiguë en 1921, parvenir en 1922-1923 à une prospérité relative accompagnée, en Allemagne, d’une crise des plus violentes par suite de l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises. En 1924, nous observerons de nouveau une certaine diminution de la production, tandis qu’en 1925, nous assistons à une nouvelle augmentation qui se termine à son tour par une crise des plus graves en Allemagne et par une dépression sensible en Angleterre. L’année 1926 est marquée par la continuation de la crise en Allemagne qui s’atténue dans le troisième trimestre, et par une crise formidable de l’industrie anglaise due à la grève des mineurs, etc. Ainsi le développement des cycles économiques revêt des formes qui annulent presque complètement l’idée même de ce cycle. L’économique est si souvent intimement liée à des facteurs d’ordre extra-économique (occupations militaires, conflits sociaux de classe, « politique » générale), qu’il ne peut pas être question d’une marche régulière normale de développement. C’est là le premier fait que nous devons souligner, car pour tout observateur impartial il indique l’état pathologique de l’organisme économique et, partant, du caractère pas très naturel, ou plus exactement des plus antinaturels, des difficultés que traverse le capitalisme. Pour illustrer ce qui est dit plus haut sur le caractère de la courbe de conjoncture de l’économie d’après-guerre, il suffira de citer des chiffres au sujet de l’amplitude des fluctuations de la production et des prix dans « le cycle de conjoncture » de la période d’avant-guerre et d’aujourd’hui. La baisse la plus forte de la production de la fonte au cours des crises de la période d’avant-guerre a été de 19,4 % en Angleterre (1889-1892) et de 39 % aux Etats-Unis, en 1908. Après la guerre, en 1921, l’Angleterre a enregistré une baisse de 60 %, les Etats-Unis de 48 % en 1920-1921 et de 22,5 % en 1924. Il est vrai que la crise de 1924 est considérée comme très faible et que certains vont même jusqu’à nier qu’elle ait existé.
La baisse des prix la plus forte qui ait été enregistrée avant la guerre en Angleterre, a été de 24,8 % pendant les quatre années qui vont de 1883 à 1887. Aux Etats-Unis, elle avait été en 1867-1871 de 20 %. Or, après la guerre, en 1920-1921 seulement, nous avons une baisse des indices de 40 % en Angleterre et de 40 % aux Etats-Unis.[5]
Le deuxième fait dont on doit tenir compte lors de l’analyse du côté qualitatif de la question, c’est, si nous prenons chaque pays isolément, l’extrême inégalité de développement. Si, déjà auparavant, nous constations une certaine inégalité de développement (à ce sujet, il suffit de comparer la courbe du développement du pays classique du capitalisme européen, l’Angleterre, à la courbe correspondante du développement des Etats-Unis) à plus forte raison maintenant les chiffres comparatifs, typiques pour les conditions actuelles de l’économie mondiale, indiquent un désaccord frappant dans l’allure de développement des différents secteurs de l’économie capitaliste. Si, d’un côté, les forces productives des Etats-Unis croissent assez rapidement, d’un autre côté, l’économie européenne est loin d’avoir atteint son niveau d’avant-guerre. La moyenne dont nous avons parlé plus haut efface ces différences essentielles, en faisant la balance de l’actif et du passif sans fournir de matériaux pour une appréciation qualitative du processus. D’autre part, au sein de l’Europe même, il y a une différence énorme, par exemple entre la France qui se relève et l’Angleterre dont les forces productives déclinent d’une façon quasi-régulière. La moyenne européenne efface ces différences, et, de cette façon, ne permet pas de se faire une idée de cette immense inégalité si caractéristique pour le développement actuel et qui a, incontestablement, ses causes profondes.
Si nous prenons 1es indices essentiels de conjoncture des principaux pays du monde, nous obtenons le tableau suivant de l’extraordinaire inégalité de développement de conjoncture : 1920-21. — Crise en Angleterre et aux Etats-Unis ; prospérité en France et en Allemagne.
1923. — Crise en Allemagne ; partout ailleurs prospérité.
1924. — Prospérité en France et en Italie ; conjoncture incertaine aux Etats-Unis et en Allemagne ; dépression en Angleterre.
1925. — Prospérité aux Etats-Unis et en France ; en Allemagne, prospérité au début, puis crise ; en Angleterre, dépression.
1926. — Dépression en Angleterre et en Allemagne ; en France et aux Etats-Unis, prospérité.
Mais les phases du « cycle » de conjoncture des différents pays ne sont pas les seuls qui agissent dans des directions contraires ou différentes. Rien ne saurait mieux caractériser l’inégalité du développement de l’économie mondiale dans la période d’après-guerre que la diversité d’allure du processus « de restauration » des différents pays. Le tableau ci-dessous le démontre on ne peut mieux :
Charbon | Fonte | Acier | Surface emblavée de froment | |
---|---|---|---|---|
Production mondiale (sans l’URSS) | 97,6 | 95,7 | 115,4 | 112,9 |
Europe (sans l’URSS) | 90,1 | 78,4 | 93,9 | 90,8 |
Etats Unis | 102,5 | 118,8 | 141,2 | 110,8 |
Angleterre | 84,2 | 60,8 | 96,5 | 83,8 |
Allemagne | 93,6 | 93,2 | 103,5 | 92,6 |
France | 107,9 | 95,0 | 99,6 | 82,0 |
(Chiffres de l’Institut de conjoncture du Bureau d’économie mondiale du Conseil Supérieur de l’économie nationale. L’économie mondiale, 1919-1925.) Edition de la direction centrale de la presse, 1926.
Le troisième indice de cette situation toute spéciale, c’est le fait que l’appareil productif est très loin de travailler à plein rendement. Jamais encore les contradictions entre, d’une part, ce qu’on appelle la capacité de production, et d’autre part, la production réelle n’ont été aussi grandes qu’à l’époque que nous traversons. Comme nous le démontrerons plus loin, ce fait est en relation directe avec l’intense appauvrissement des larges masses, avec l’immense rétrécissement des marchés intérieurs des pays capitalistes, avec tout l’héritage que la guerre mondiale a légué.
Voici des chiffres, par exemple, sur le degré d’exploitation de l’appareil de production aux Etats-Unis et en Allemagne
Moyenne | Moyenne | Juin |
---|---|---|
1924 | 1925 | 1926 |
71 | 77 | 78 |
…faible | … satisfaisant | …bon | |
---|---|---|---|
Juillet[ ?] | 62 | 26 | 12 |
(Calculé par le Secteur d’Economie mondiale du « Gosplan »).
Enfin, le quatrième fait que nous devons mentionner, c’est le chômage qui, outre les proportions exceptionnelles qu’il revêt, a encore cette grave particularité d’être passé à l’état chronique. Certes, le chômage a été, est et sera toujours un attribut constant du régime capitaliste de production. L’armée de réserve de l’industrie est toujours appelée à grossir dans les périodes de crises industrielles. Mais ce que nous voyons aujourd’hui n’est en rien comparable avec ce qui se passait autrefois au cours des crises capitalistes « normales ». C’est un phénomène à tel point caractéristique, tellement frappant, que des tentatives ont été faites, dans la littérature économique, de « faire découler » la nature des crises du capitalisme contemporain des modifications qui subviennent dans les rapports entre les différentes catégories d’individus et de présenter les crises chroniques que traverse le capitalisme comme des crises du travail.[6]
Le nombre total des chômeurs pour toute l’Europe a augmenté, par rapport à 1924-25, d’après les chiffres officiels, de 61 %. Il s’élevait en 1925-1926 à 3 700 000 chômeurs. Mais le chiffre réel des chômeurs (sans compter les ouvriers en chômage partiel) est évalué à 5 870 000.
Le tableau suivant montre la croissance inouïe du chômage en Allemagne et en Angleterre par rapport au chômage d’avant-guerre :
Allemagne
En % des chômeurs syndiqués |
Angleterre
En % des chômeurs assurés | ||
---|---|---|---|
- | - | ||
1913 | 2.9 | 3,7 | |
Janvier | 1926 | 22,6 | 11,1 |
Juin | 1926 | 18,1 | 14,7 |
(Chiffres du Vierteljahrshefte für Konjunkturforschung Berlin 1926. 2, H.).
C’est surtout en Allemagne que le chômage chronique a pris d’immenses proportions malgré que le capitalisme de ce pays fasse les plus grands efforts pour étayer ses fondements ébranlés par la guerre. L’Angleterre, pays classique dans le passé, de l’état florissant des éléments capitalistes, puissance capitaliste mondiale de première grandeur, possède aussi une immense armée de chômeurs qui ne diminue pas. Cette énorme masse ouvrière, placée en dehors du procès de la production, est un lourd boulet que traîne la société capitaliste et qui continue à peser de tout son poids lors même que les fluctuations des conjonctures économiques sont favorables, et que la courbe des forces productives suit une ligne ascendante. Il est évident que ce « symptôme » dénote l’existence d’un profond vice organique inhérent au capitalisme actuel et que ne connaissait pas le capitalisme d’avant-guerre.
Tous les « symptômes » signalés, pris dans leur ensemble, nous renseignent on ne peut mieux sur la nature singulière de la crise que le capitalisme traverse actuellement. D’autre part, ils mettent en relief, l’extrême fragilité de la stabilisation capitaliste. Quoi qu’en disent les thuriféraires de l’exploitation capitaliste, quel que soit l’appui que leur apportent les choristes social-démocrates, le fait reste incontestable que la stabilisation capitaliste revêt un caractère partiel et instable. La caractéristique que les résolutions de nos congrès internationaux ont donné de cette stabilisation est une fois de plus confirmée par l’analyse des statistiques de ces temps derniers. Nous n’avons aucune raison de la réviser. Au contraire, nous pouvons déclarer avec une assurance accrue que la caractéristique qui en a été faite a été corroborée par l’histoire de l’année dernière et de ces derniers mois. Si nous tenons compte de faits d’une énorme importance, faits qui directement ou indirectement vont à l’encontre de la stabilisation capitaliste, et qui, en vérité, ont une portée historique mondiale, nous nous rendrons compte encore plus clairement de toute la relativité et de la fragilité de la stabilisation capitaliste ; nous voulons parler du développement du socialisme dans l’Union soviétiste, de la grande révolution chinoise et de la grandiose grève des mineurs anglais.
C. Principaux facteurs de décomposition du capitalisme[modifier le wikicode]
1. Union soviétiste[modifier le wikicode]
Le principal facteur dirigé contre le développement capitaliste, c’est le développement des éléments de production socialiste dans l’Union soviétiste. De tous les points de vue économique, politique, du point de vue culture générale, l’Union soviétiste est en définitive un formidable instrument de décomposition du régime capitaliste des autres pays. Il serait complètement erroné de considérer, en analysant la situation internationale, le monde capitaliste et l’Union Soviétiste comme des facteurs indépendants. L’Union Soviétiste est actuellement un facteur d’une importance tout à fait exceptionnelle. La « question russe », qui, en réalité, constitue la question principale de la révolution internationale, est aussi la plus grande question qui se pose devant la bourgeoisie internationale et ses chefs politiques. Il faut, dans cet ordre d’idées, considérer ces problèmes de plusieurs points de vue :
1. Le fait que le territoire soviétiste a été soustrait à l’échange capitaliste « normal », signifie en lui-même une grande brèche dans le développement « régulier » de l’économie mondiale. La Russie d’avant-guerre était un vaste débouché pour le capital étranger et cela non seulement pour les marchandises, mais aussi pour les investissements de fonds. L’importation de capitaux étrangers en Russie et leur placement fructueux dans ce pays revêtait une grande importance pour plusieurs pays bourgeois. Ce rôle de la Russie est caractérisé par les chiffres suivants.
Toute l’émission mondiale de papiers-valeurs durant les années 1910-1912 se montait à 66 milliards de francs, soit 24 800 millions de roubles. Durant la même période, il fut émis en Russie pour 3 471 500 000 de roubles de papiers-valeurs. Ainsi, la part de l’émission des valeurs russes dans le chiffre total d’émission mondiale était, avant la guerre, d’environ 14 %. Or, il est de notoriété que l’émission de valeurs russes était étroitement liée à l’importation de capitaux étrangers en Russie. Il suffit de dire que le tiers environ des émissions russes ont été placées sur les marchés étrangers[7].
L’importance de l’Union Soviétiste, en tant que marché d’écoulement de marchandises étrangères et de source de produits agricoles, ressort du fait que durant les cinq années 1909-1913 la Russie a fourni au marché mondial des céréales 27,8 % de l’exportation mondiale quant aux cinq principales céréales. Le rôle de la Russie dans l’exportation mondiale du bois était, en 1913, de 23 % ; pour l’exportation du lin[8] , de 40 % ; dans l’exportation des œufs, de 44,7 % etc., etc...)[9].
Il faut ajouter à cela que par ses formidables réserves naturelles de combustibles industriels, de matières premières, l’Union Soviétiste occupe une des premières places parmi les pays du globe. L’Union Soviétiste possède 35,1 % des réserves mondiales de naphte (les Etats-Unis, 12 %), 78 % des réserves [de] tourbe, 28 % des réserves de bois (les Etats-Unis 8 %), etc., etc...
Les importations en Russie constituaient, en 1913, 8,7 % des exportations de l’Allemagne, 8,45 % des exportations de l’Angleterre et de 4 à 5 % des exportations mondiales. En même temps, l’extension rapide du marché russe lui assignait une importance particulière pour l’industrie des pays industriels d’Europe occidentale.
2. Les nouvelles relations commerciales entre les pays capitalistes et la Russie, transformée en Union Soviétiste, représentent cependant, du point de vue du monde bourgeois, une menace permanente pour son développement ultérieur. Ces relations contribuent à accélérer le relèvement de l’industrie d’Etat et de l’économie nationale du pays de la dictature du prolétariat. Il est vrai que ces relations (aussi bien sous le rapport des échanges que sous celui des crédits et des concessions possibles) font office de soupape de sûreté pour le monde capitaliste qui a tant besoin actuellement de débouchés pour ses marchandises et ses capitaux. De ce point de vue, les liens économiques entre l’Union Soviétiste et les pays capitalistes qui l’encerclent, deviennent, jusqu’à un certain degré, des facteurs de stabilisation du capitalisme. Cependant, seuls des esprits appauvris comme les renégats de l’extrême-gauche ou les charlatans social-démocrates peuvent affirmer qu’en nouant des liens économiques avec les puissantes capitalistes, le pays de la dictature prolétarienne renonce à sa mission révolutionnaire. Il n’est pas difficile de comprendre que ces liens commerciaux profitent beaucoup plus à la croissance des forces de la révolution qu’à la croissance des forces capitalistes. Si les rapports avec l’Union Soviétiste donnent à plusieurs pays des avantages partiels, les mêmes relations économiques se concentrant autour du pôle opposé, représenté par le pays soviétiste, contribuent à un degré beaucoup plus élevé, à l’essor économique de ce pays. D’autre part, la même somme de valeurs, mise en œuvre chez nous d’après un plan bien défini et de la façon la plus rationnelle a, pour cette raison, grâce à sa répartition suivant un plan établi d’avance, une importance économique et un effet productif beaucoup plus grand que dans tout autre pays. C’est là le résultat de l’organisation socialiste des leviers de commande de notre économie nationale.
C’est pourquoi du point de vue des rapports entre le monde capitaliste et l’Union Soviétiste, la politique visant à utiliser économiquement les pays capitalistes entourant l’Union Soviétiste est une politique renforçant et relevant la base du mouvement prolétarien international.
3. La direction dans laquelle s’opère le développement économique de l’Union Soviétiste, de même que la vitesse de ce développement comparée à celle des pays capitalistes, ont une importance décisive. Déjà en 1919, Lénine écrivait, (Œuvres complètes, tome XVI, p. 350) :
« Quels que soient les mensonges et les calomnies des bourgeois de tous les pays et de leurs auxiliaires, masqués ou non (les « socialistes » de la IIe Internationale), un fait est certain : du point de vue du principal problème économique, la victoire de la dictature du prolétariat, la victoire du communisme sur le capitalisme, est assurée. La bourgeoisie du monde entier rage contre le bolchévisme, organise des expéditions militaires, des complots, etc., contre les bolchéviks, précisément parce qu’elle comprend fort bien que nous remporterons la victoire dans la transformation de l’économie, si elle ne nous écrase pas par les armes. Mais elle ne réussira pas à nous écraser de cette façon ».
Ces paroles sont confirmées à la lettre par chaque année de notre essor. Si nous posons la question de l’allure de cet essor par rapport à la stabilisation du capitalisme, il ne sera pas difficile de voir que l’allure de l’Union Soviétiste sera beaucoup plus rapide. En effet, aucun pays n’a subi comme l’Union Soviétiste de telles dévastations du fait de la guerre impérialiste, de la guerre civile, des interventions, etc... On sait que dans plusieurs branches industrielles importantes, la production tomba à moins de 1 % du niveau d’avant-guerre. Cependant, l’Union Soviétiste approche du niveau d’avant-guerre, presque en même temps que l’ensemble des pays capitalistes. Il est aisé d’en déduire que le développement de l’Union Soviétiste est plus rapide. On peut, en outre, confirmer cette idée par des calculs statistiques très précis. L’agriculture de l’Union Soviétiste, par suite de la guerre et de la révolution, était tombée presque à la moitié du niveau d’avant-guerre, alors que dans les pays de l’Europe occidentale, l’agriculture n’est jamais descendue, durant toute la période 1914-1925, à un tel niveau. Cependant, dès 1925, l’agriculture de l’Union Soviétiste quant à son degré de relèvement, s’est trouvée être en avance sur la France, et presque au niveau de l’Angleterre et de l’Allemagne.
Voici, à l’appui, le tableau suivant[10]:
1909- 1913 | 1922 | 1923 | 1924 | 1925 | |
---|---|---|---|---|---|
- | - | - | - | - | |
Union Soviétiste | 100 | 63,6 | 77,0 | 83,2 | 86,4 |
France | 100 | 80,0 | 81,8 | 81,2 | 81,7 |
Allemagne | 100 | 82,1 | 87,2 | 88,9 | 90,7 |
Angleterre | 100 | 105,3 | 97,6 | 82,8 | 89,4 |
Comme on le voit, grâce à la croissance constante et rapide de la surface emblavée en Union Soviétiste et à la croissance hésitante et lente des surfaces emblavées dans les pays capitalistes, l’Union Soviétiste les a en somme rattrapés dans le relèvement de son agriculture. Nous obtenons un tableau encore plus frappant dans l’industrie. Ainsi, l’extraction du charbon en % de celle d’avant-guerre représentait[11]:
1913 | 1921 | 1925 | 1 er sem. 1926 | |
---|---|---|---|---|
Union soviétiste | 100 | 29 | 61 | 85 |
[Europe occidentale ?] | [100] | ? | ? | 75[12] |
La métallurgie, la production de l’acier notamment, offre un tableau un peu moins favorable Mais là aussi la tendance est la même. L’Union soviétiste qui, en 1921, était tombée au niveau dérisoire de 1,3 % de la production d’acier d’avant- guerre, atteignit, durant le dernier semestre du 1925, 69,4% c’est-à-dire augmenta en cinq ans sa production de 50 fois.
En même temps, l’Europe occidentale passa de 48,7 % en 1921 à 90,8 % durant le premier semestre: de 1926. Ainsi Union Soviétiste, en dépit de sa désorganisation économique, de l’encerclement capitaliste, etc., a relevé sa métallurgie beaucoup plus vite que l’Europe occidentale, de sorte qu’en 1926 la différence de niveau est relativement insignifiante. Les chiffres concernant la fonte, la production des cotonnades, etc., permettent de faire les mêmes déductions.
Un fait très important est que, en Europe et même aux Etats-Unis, la production qui a, en somme, une tendance à la hausse, subit de temps en temps des périodes de crises, de piétinement, de baisse, tandis que dans l’Union Soviétiste la ligne est toujours ascendante, ne donnant depuis 1921 ni baisse ni arrêt[13].
1919 | 1920 | 1921 | 1922 | 1923 | 1924 | 1925 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Europe (sans l’URSS) | 100 | 124.3 | 104.0 | 130.7 | 133.3 | 165.8 | 170.5 |
Union soviétiste | 100 | 81.9 | 92 | 181.7 | 364.8 | 571.4 | 1066.0 |
Europe (sans l’URSS) | 100 | 107.7 | 93.8 | 118.2 | 113.6 | 127.7 | 123.1 |
Union soviétiste | 100 | 91.3 | 101.8 | 108.3 | 159.3 | 192.1 | 210.8 |
De ce fait, comme de ceux qui précèdent, résulte on ne peut plus clairement, la confirmation éclatante des avantages de nos méthodes, socialistes de plan sur les méthodes bourgeoises et capitalistes.
Quant à la direction où s’opère le développement économique de l’Union Soviétiste, l’existence d’une tendance de plus en plus accusée de croissance absolue et relative des éléments économiques socialistes, de même que des éléments économiques étroitement reliés à la principale citadelle du socialisme grandissant, la grosse industrie étatisée et socialisée et autres leviers de commande étatisés de l’économie nationale, est hors de doute. Seuls les gens qui nient a priori la possibilité d’une révolution socialiste dans l’Union soviétiste ne peuvent admettre, du fait de leur idée préconçue, les succès de l’édification socialiste dans l’Union Soviétiste. S’il ne leur est pas possible de nier purement et simplement nos succès économiques, ils s’efforcent de les attribuer au développement capitaliste de l’Union soviétiste en criant à tous les vents que la trame économique de la république prolétarienne a dégénéré. En réalité, le prolétariat de l’Union soviétiste a remporté de très importants succès dans le domaine de l’édification économique, justement dans le sens de la marche vers le socialisme. L’existence de ces succès peut être confirmée par les données statistiques suivantes. La production globale de l’économie nationale de l’Union Soviétiste s’est accrue entre l’exercice 1923-1924 et celui de 1925-1926 de 12 272 millions de roubles d’avant-guerre à 18 299 millions de roubles, soit de 40 %. On prévoit pour 1926-1927 une production de 19 757 millions, ce qui marquera une augmentation de 8 % sur l’année écoulée. Il faut remarquer que l’industrie s’accroît plus rapidement que l’agriculture et que, par conséquent, le rôle de l’industrie grandit. Voici, exprimé en % de l’année précédente, la production de l’industrie et de l’agriculture :
Agriculture | Grande industrie | Petite industrie et artisanerie | |
---|---|---|---|
1924-1925 | 108 | 155 | 124 |
1925-1926 | 119 | 143 | 115 |
1926-1927 | 105 | 114 | 108 |
Grâce à ce rapport des vitesses de croissance des diverses branches, la part de la production industrielle, qui s’était réduite dans la période de guerre civile et de désorganisation économique, à cause du dépérissement intense de la grande industrie, et qui constituait, en 1923-1924, 27,4 % de la production totale, atteignit en 1925-1926 la proportion d’avantguerre, environ 38%. En 1926-1927, la part de l’industrie dans la production totale du pays dépassera sa valeur d’avant- guerre et atteindra environ 40 %. Ce fait montre que l’Union soviétiste est déjà entrée dans la voie de l’industrialisation et sans aucun doute elle saura y persévérer.
Ajoutons que notre industrialisation est et sera une industrialisation socialiste. Si, en 1923-1924, l’Etat et la coopération détenait 94,8 % de toute la grande industrie, en 1925-1926, cette part vraiment léonine a encore augmenté, atteignant 95,9 %. En même temps, dans le chiffre d’affaires total, le commerce étatisé et coopératif a augmenté de 59,2 à 76 % Dans toute la production du pays (la grande industrie, l’agriculture et la petite industrie artisane), la part de l’Etat et de la coopération s’est accrue de 37,1 % en 1925-1924 à 42,4 % en 1926-1927. La part de l’économie privée a baissé dans le même espace de temps de 62,9 à 57,6 %[14].
Enfin, un fait très intéressant et très probant est la croissance de la part du prolétariat dans le revenu national de l’Union Soviétiste. Si en 1925-1924 cette part occupait 23,2 %, en 1926-1927, elle atteindra environ 30 %. Au contraire, la part des revenus des éléments bourgeois tombe. La part de la population non-agricole et n’appartenant pas aux salariés, c’est-à-dire du groupe dont fait partie toute la bourgeoisie urbaine, est tombée relativement à tous les revenus nonagricoles) de 43,5 % en 1925-1924, à 31,7 % en 1926-1927[15].
On pourrait multiplier les preuves numériques à l’appui de ce fait que dans l’Union soviétiste les tendances socialistes surmontent la résistance que leur opposent les éléments capitalistes de notre économie, et acheminent cette dernière vers le socialisme. Cependant, il nous semble que les données qui viennent d’être citées montrent avec suffisamment de certitude et de clarté que le prolétariat de l’Union soviétiste se meut effectivement dans la voie de la réalisation graduelle, mais continue, d’une société socialiste intégrale. Jamais un régime économique nouveau ne naquit tout fait, complètement achevé sous tous les rapports. Le mode de production capitaliste, qui a mûri longtemps dans le giron de la société féodale, s’est développé après les révolutions bourgeoises au cours de longues dizaines d’années. Il serait absurde de penser que le socialisme, surtout dans un pays aussi retardataire que la Russie, peut naître à bref délai, en tant que système achevé de modes nouveaux de production. Il pousse et se bâtit dans la lutte contre les autres formes, en éliminant certaines, transformant les autres, et étendant peu à peu le réseau des nouveaux modes de production sur tout l’organisme économique de l’Union soviétiste. De même, dans maints autres cas, le facteur décisif, c’est la dynamique de l’évolution. Or, cette dynamique réside avant tout dans le développement des éléments socialistes. C’est pourquoi non seulement la stabilisation mais aussi la croissance rapide du socialisme dans l’Union Soviétiste est un fait certain. Il devient en lui-même un facteur immense, primordial, fondamental, le grand levier de la révolution prolétarienne internationale et, partant, de la décomposition des forces du capital universel. La puissante influence de l’Union soviétiste et son action en tant que point autour duquel, en cercles concentriques, se groupent toutes les forces luttant contre le régime capitaliste, doivent être considérées comme les plus importantes des tendances adverses qui s’opposent au renforcement du système capitaliste mondial.
2. Angleterre[modifier le wikicode]
Dans l’Europe occidentale, l’une des preuves les plus frappantes de la désagrégation du régime capitaliste, c’est la profonde décadence de l’Empire britannique, naguère le maître tout puissant des mers. L’Empire britannique, cet ancien bastion du capitalisme mondial, cet « atelier du monde », glisse infailliblement de toutes ses anciennes positions et de modèle classique du capitalisme omnipotent se transforme en modèle classique de son déclin. Cette déchéance est due à de multiples causes : 1° le routinisme et la technique périmée de la production anglaise ; 2° le remplacement du charbon, sur lequel reposait toute l’importance économique mondiale de l’Angleterre, par d’autres formes d’énergie ; 3° l’industrialisation des colonies et des Dominions de la Grande-Bretagne — industrialisation qui a acquis une très vive impulsion pendant la guerre mondiale et qui, depuis, n’a cessé de s’accroître ; 4° le soulèvement des pays coloniaux et semi-coloniaux et la lutte révolutionnaire d’émancipation nationale sur de nombreuses parties du globe qui, jusqu’ici, servaient de débouchés aux marchandises et aux capitaux de l’industrie anglaise ; 5° la puissante concurrence de l’Amérique, de certains pays européens et du Japon.
Toutes ces causes ont eu pour résultat d’ébranler gravement la suprématie économique de l’Angleterre sur le marché mondial. Tandis que périclite la situation de l’Angleterre sur le marché mondial, le rôle des autres pays, des Etats-Unis notamment, grandit. Le déplacement du centre même du commerce mondial s’opère sous nos yeux. Voici, par exemple, ce que dit la Frankfurter Zeitung au sujet des changements survenus dans le commerce mondial :
« La caractéristique du développement du commerce mondial est que, depuis 1913, il se déplace de l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique. Les Etats-Unis achètent de moins en moins en Europe et de plus en plus en Asie, tandis que la Chine et le Japon achètent de plus en plus en Amérique et de moins en moins en Europe. Les exportations du Japon en Europe qui, en 1913, atteignaient 23,3 % de son exportation globale, sont tombées à 6 % en 1925, alors que ses exportations en Amérique s’élevaient, par contre, de 30 % à 74,5 % ; de même les importations européennes en Australie sont tombées de 71 % à 54 % et en Argentine de 80 % à 64 %. (Frankfurter Zeitung du 3 novembre 1926, N°821).
Un des traits très curieux de l’éviction de l’Angleterre des positions qu’elle occupait dans le commerce mondial est la croissance simultanée des rapports commerciaux des Dominions et des colonies anglaises avec les Etats-Unis et les autres Etats au détriment de l’Angleterre. L’édifiant tableau ci-dessous donne une idée caractéristique de l’accroissement de l’influence commerciale des Etats-Unis dans les possessions anglaises.
1910-1914 | 1923 | 1924 | 1925 | |
---|---|---|---|---|
- | - | - | - | |
Australie | 38.7 | 119.4 | 125.2 | 148.5 |
Egypte | 17 | 6.2 | 5.9 | 7.4 |
Indes britanniques | 14.2 | 39.5 | 44.3 | 52.1 |
Afrique du Sud | 12.9 | 28.4 | 36.0 | 46.2 |
Afrique Occidentale | 3.2 | 8.1 | 8.0 | 10.7 |
Afrique Orientale | 0.7 | 1.5 | 2.6 | 3.8 |
Les immenses surprofits qu’acquérait le capitalisme anglais, qui formaient le fondement de la splendide prospérité économique de l’Angleterre, qui servaient à garantir la paix civique à l’intérieur du pays et à apprivoiser la classe ouvrière, ont échappé à l’Angleterre lorsqu’elle perdit l’hégémonie qu’elle détenait sur le marché mondial. L’hégémonie capitaliste mondiale est passée maintenant aux Etats-Unis. On l’observe dans de multiples statistiques et surtout sur les indices du développement des branches essentielles de la production en Angleterre et aux Etats-Unis. Si l’on prend la part des Etats-Unis et de l’Angleterre dans la production mondiale de la fonte, de l’acier, du charbon, ainsi que les statistiques sur la consommation du coton, nous obtiendrons le tableau suivant :
1913 | 1925 | |
---|---|---|
Extraction du charbon | ||
Angleterre | 24.4 | 21.4 |
Etats-Unis | 43.3 | 45.7 |
Production de la fonte | ||
Angleterre | 13.3 | 8.3 |
Etats-Unis | 39.8 | 48.1 |
Production d’acier | ||
Angleterre | 10.3 | 8.5 |
Etats-Unis | 41.7 | 51.1 |
(Statistiques prises dans le World Almanach 1926, et dans le Commerce Yearbook 1925, recueil L’Economie mondiale, 1913-1925).
Les facteurs économiques qui désagrègent l’Empire britannique trouvent leur expression politique dans les tendances centrifuges qui agissent au sein de l’Empire britannique et dans une aggravation extrême de la lutte de classe. A chaque nouvelle assemblée de la Conférence dite d’Empire, il se fait de plus en plus évident que plusieurs Dominions anglais, au premier rang le Canada, ont moins 1a métropole comme centre d’attraction que les Etats-Unis.
« L’Empire britannique dont l’immense territoire est si éparpillé — déclare Okland Hedds[16] , exambassadeur britannique à Washington — a dû céder beaucoup de son rôle dirigeant dans le monde à l’Empire plus compact des Etats-Unis. Les Dominions considèrent le gouvernement de Washington comme le gouvernement de leur époque... Ils ont la vue tournée du côté de Washington qui les regarde avec des yeux pleins de promesses... ».
L’unité du vaste Empire n’est pas seulement menacée par les colonies indociles, mais aussi par plusieurs Dominions qui s’industrialisent et qui, par suite du déplacement du centre de l’économie mondiale d’Europe dans les pays non européens, aspirent à couper le lien qui les rattache à la Grande-Bretagne. Il est vrai qu’en ce qui concerne les colonies, le capitalisme britannique a réussi, pour le moment, en modifiant sa politique économique et sa politique en général, à consolider, dans une certaine mesure, son influence dans les pays comme l’Inde (industrialisation de l’Inde, application de tarifs protectionnistes, bloc avec une grande partie de la bourgeoisie hindoue, etc.). Mais même ce fait ne modifie pas le tableau général du processus d’affaiblissement de l’Empire qui s’accuse de mois en mois. D’autre part, la perte de l’hégémonie de naguère et de la base économique du niveau de vie exceptionnellement élevé de la classe ouvrière anglaise, qui fut jadis, d’après l’expression d’Engels, « un prolétariat bourgeois », a abouti, et ne pouvait pas ne pas aboutir, à une aggravation de la lutte de classe qui fait renaître les glorieuses traditions du mouvement chartiste du prolétariat anglais. Les grands conflits de classe accompagnent et expriment fatalement la décadence du capitalisme britannique, incapable d’assurer à la classe ouvrière son niveau de vie d’autrefois. Ce niveau de vie, dont la bourgeoisie se servait jadis pour apprivoiser la classe ouvrière, se transforme, dans les conditions actuelles, en arme dirigée contre la bourgeoisie dans la mesure où elle s’attaque à lui ouvertement, Ce n’est pas par hasard que l’industrie minière, cœur de la production anglaise, est devenue le foyer de batailles de classes, telles que l’histoire anglaise n’en avait connues depuis bien des décades. Ces batailles de classes, conséquences de la désagrégation du système capitaliste anglais, deviennent à leur tour des facteurs de décomposition ultérieure. Les rapports de l’économie et de la politique sont démontrés ici de façon frappante. La portée économique de ce conflit, sans parler de son immense portée politique de principe, dépasse de beaucoup les cadres d’un conflit dans une des branches, même maîtresse de la production. En effet, dans une large mesure, toute la vie économique de l’Angleterre est paralysée. Par suite de la grève anglaise, nous avons eu, en 1925-1926, une réduction de la production globale de 14,5 % dans l’extraction du charbon, de 37,5 % dans la production de la fonte, de 41,5 % pour l’acier, de 23,8 % pour les constructions maritimes, de 11,8 % pour l’exportation[17].
Quant au total des pertes provoquées par la grève, il s’élève, d’après les calculs les plus optimistes de la Banque de Westminster, à 300 millions de livres sterling, chiffre qui est certainement audessous de la vérité. Mais outre cela, la grève anglaise a une immense portée économique au delà des frontières anglaises. Elle modifie le rapport économique de forces, elle opère une disposition nouvelle des voies par lesquelles passent les masses de marchandises entre les différents pays et, par là, elle affaiblit encore la situation du rapace impérialisme anglais. Par la décadence systématique du capitalisme britannique et par la lutte de classe du prolétariat anglais, 1’histoire posera fatalement le problème du pouvoir. L’Angleterre est le pays d’Europe qui, actuellement, est le plus proche « d’une situation directement révolutionnaire », quoique cela ne veuille pas dire que cette situation résulte uniquement de la grève actuelle. La décadence du capitalisme anglais, avec toutes les conséquences qui en découlent, fait une énorme brèche dans la stabilisation, déjà relative, du capitalisme contemporain.
3. Chine[modifier le wikicode]
Le troisième facteur capital de la désagrégation du capitalisme se place dans la grande révolution nationale, anti-impérialiste de la Chine[18].
Dans la situation actuelle, quand la bourgeoisie mondiale, et plus particulièrement celle des grandes puissances impérialistes, doit de nouveau résoudre la grave question des débouchés extérieurs, le fait que la Chine s’émancipe de l’influence du capital étranger est un coup terrible porté au régime capitaliste. Il est de notoriété qu’en Chine, une importante partie de la grande industrie appartient au capital étranger. La perception des droits de douane et divers monopoles (celui du sel par exemple) sont entièrement dans les mains des étrangers. Il en est de même du système fiscal qui, dans une large mesure, est sous leur contrôle. Le capital anglais est particulièrement intéressé ; viennent ensuite le capital japonais, américain, etc. Du point de vue de son développement ultérieur, la Chine, avec sa population extrêmement dense, environ 440 millions d’habitants, est un immense marché en perspective pour le placement des capitaux et pour l’écoulement des produits manufacturés. De même, la Chine peut être un immense réservoir de matières premières. Ainsi, la Chine est un des principaux pays où les forces capitalistes internationales trouvent à s’employer. On ne doit pas non plus sous-estimer l’effet politique immédiat de la révolution chinoise sur les autres pays dépendants, semi-coloniaux et coloniaux. La révolution chinoise devient de plus en plus un grand centre d’attraction pour les masses qui s’éveillent de l’Orient colonial. L’Indonésie (Indes hollandaises) est en état de fermentation révolutionnaire qui dégénère par endroits en guerre civile déclarée contre le Capital étranger, surtout le Capital hollandais. Il est vrai que les Anglais ont obtenu, comme nous l’avons déjà indiqué, des résultats relativement importants dans la « pacification » des Indes. Cependant, le développement victorieux de la lutte nationale révolutionnaire en Chine ne peut pas ne pas avoir une répercussion révolutionnaire dans les Indes dont l’industrialisation mettra de plus en plus en relief le rôle du prolétariat industriel hindou. Dans ces conditions, la capitale de la Chine révolutionnaire, Canton, devient une sorte de « Moscou-la-Rouge » pour les masses des colonies asiatiques soulevées.
Un facteur de la plus haute importance est évidemment l’interpénétration de l’ensemble des rapports internationaux. C’est, Lénine qui indiquait que l’Orient en voie de réveil est un des plus formidables alliés de la dictature du prolétariat dans le pays des soviets et de sa lutte contre le brigandage impérialiste. On peut dire que jusqu’à un certain point, l’immense problème chinois, et tout l’avenir de la révolution chinoise, dépend de la question suivante : La Chine révolutionnaire trouvera-t-elle sa propre voie, marchera-t-elle liée par l’alliance et l’amitié avec la classe ouvrière victorieuse de l’ex-Russie, ou bien le capital étranger parviendra-t-il à établir son hégémonie sur le développement économique et politique de la Chine ? Le capital étranger peut tenter de réaliser ses desseins soit en apportant un appui direct aux militaristes contre-révolutionnaires, c’est-à-dire en contribuant à leur victoire avec l’aide des étrangers sur les forces de la révolution chinoise, soit en faisant des concessions diverses à la bourgeoisie nationale chinoise tout en orientant le développement ultérieur de la Chine dans une voie purement capitaliste, sous la tutelle des groupements capitalistes étrangers. Il va de soi que l’impérialisme redoute par-dessus tout la première voie de développement de la Chine, car l’alliance des masses du prolétariat d’Europe occidentale, non encore victorieuses mais combattantes, de l’Etat prolétarien de l’Union soviétiste et des grandes masses d’ouvriers, de paysans et d’artisans de la Chine serait une force à tel point formidable qu’elle assurerait dans une large mesure la victoire de la révolution internationale. Quand on se livre à une appréciation de la situation internationale, on ne peut considérer la lutte révolutionnaire d’émancipation nationale de la Chine connue une grandeur tout à fait isolée. Elle est partie intégrante du vaste processus de transformation historique, elle est du point de vue international un des termes de la somme qui s’intitule révolution mondiale et qui s’étend à toute une époque. C’est pourquoi la révolution chinoise est une brèche formidable dans la stabilisation du capitalisme mondial.
D. Déductions[modifier le wikicode]
Il ressort de ce qui précède que l’ancienne façon « en bloc » de poser la question de la stabilisation capitaliste n’est pas satisfaisante ou plutôt qu’elle est insuffisante. L’économie mondiale contemporaine est une unité réelle dans le sens conditionnel du terme. Si dans la période d’avant-guerre le lien entre les diverses parties de l’économie mondiale était infiniment plus faible que le lien entre certaines parties intégrantes au sein de chaque pays, après la guerre et par suite de la guerre ce lien s’est encore affaibli. Voilà pourquoi les « déductions générales » touchant toute l’économie mondiale dans son ensemble, se distinguent aussi par un caractère conditionnel plus encore qu’avant la guerre. La simple addition des indices de croissance des éléments capitalistes en Allemagne, par exemple, avec les indices de déclin des éléments capitalistes en Chine, donne une moyenne arithmétique qui dit très peu de chose. Sur cette base on ne peut bâtir aucune déduction pratique pour les partis ouvriers en lutte. On peut jusqu’à un certain point généraliser cet exemple. De là cette déduction : il faut maintenant d’une façon différenciée et non « en bloc » poser la question de la stabilisation capitaliste. Seule une telle façon de poser la question peut nous indiquer la nécessité de tel ou tel acte politique, de telle ou telle directive pour notre lutte quotidienne. Dans les limites de l’économie mondiale, il faut distinguer environ six groupes de pays : 1° les Etats-Unis, pays où s’exprime le plus nettement le mouvement ascendant de la courbe de l’économie capitaliste, à ce groupe se rattachent le Japon, les Dominions anglais, etc. ; 2° L’Union Soviétiste, pays du socialisme en développement, corps étranger au sein de l’économie mondiale capitaliste, facteur exprimant le plus nettement, le plus catégoriquement et le plus logiquement la tendance de développement anticapitaliste ; 3° l’Angleterre, pays, qui démontre le plus nettement le déclin du vieux monde capitaliste ; 4° l’Allemagne, la France et l’Italie, pays qui expriment de différentes façons les tentatives les plus heureuses de stabilisation capitaliste et de trouver une issue, même éphémère, à la crise d’après-guerre ; 5° la Tchécoslovaquie, l’Autriche, la Pologne et autres pays « stabilisés » à un niveau de misère, à demi-putréfiés, parfois « s’agrarisant »; 6° la Chine, l’Indonésie, etc., où nous assistons à une profonde fermentation révolutionnaire ou même à la guerre civile, où dès lors il ne peut être question de stabilisation capitaliste.
Il est clair que dans chaque groupe il n’y a pas homogénéité absolue de développement.
Comme toute généralisation, cette division en groupes n’exprime pas complètement la marche véritable du développement. Cependant, cette façon de poser la question nous rapproche suffisamment de la réalité, étant comme un minimum dont il faut partir pour se faire une idée précise de la stabilisation capitaliste.
II. Traits caractéristiques de la crise capitaliste actuelle et problème des marchés[modifier le wikicode]
L’analyse de la question de la stabilisation capitaliste nous amène directement à caractériser la crise particulière et spécifique que traverse actuellement l’économie capitaliste mondiale en tant que système d’ensemble. Parmi les savants bourgeois, ainsi que parmi les idéologues de la social-démocratie, une opinion très répandue est qu’actuellement, le capitalisme traverse une crise « normale » de surproduction capitaliste. A la base de cette théorie, ils mettent le fait indubitable qu’il existe en effet, presque partout, une surproduction, que, comme nous l’avons vu plus haut, les entreprises ne travaillent pas à plein rendement, que les capacités productives de l’appareil de production dépassent sensiblement les véritables proportions de la production, qu’une quantité formidable de main-d’œuvre se trouve en dehors du processus de production, etc. Pour, les théoriciens de la bourgeoisie et de la socialdémocratie, cela suffit pour considérer la crise actuelle comme un « exemple classique » des crises capitalistes habituelles. Il est évident qu’une telle opinion, d’après laquelle la crise capitaliste actuelle est une crise ordinaire, normale, typique, s’appuie sur le postulat très net de la phase actuelle de l’évolution capitaliste. Ce postulat peut être formulé ainsi : le capitalisme a guéri ses blessures de guerre, le capitalisme s’est stabilisé, le capitalisme a repris le cours de son développement normal, le capitalisme va vers une phase de large prospérité ou, comme l’a formulé un connaisseur fameux de l’économie mondiale, le professeur Bernard Harms, de Kiel : « le principe du régime capitaliste de l’économie mondiale est resté intangible ; ce n’est que maintenant que nous allons entrer dans une véritable époque de capitalisme hautement développé (Frankfurter Zeitung, 1er octobre 1926, compte rendu de la séance de l’« Alliance de la politique sociale de Vienne »). Un point de vue identique a été défendu à la même assemblée par Rudolph Hilferding, qui a répété les principales thèses de son article antérieurement paru ; « Les problèmes de notre époque » (Gesellschaft). D’après Hilferding, le monde se trouve à la veille d’une nouvelle époque de marche ascendante du capitalisme qui doit transformer définitivement ce dernier en un capitalisme organisé, un capitalisme sans guerres, un capitalisme qui ne doit que se démocratiser économiquement pour bénéficier de l’approbation totale de messieurs les social-démocrates. Nous avons déjà vu que ces appréciations optimistes (du point de vue du capitalisme) n’ont absolument aucune base. Il faut maintenant analyser cette question du point de vue de la théorie des crises.
Il faut tout d’abord s’arrêter sur un système de conception qui peut être mis à la base des déductions optimistes, bourgeoises. On sait que pendant la guerre, ces apologistes, se basant sur le fait grossièrement empirique de ce qu’on appelait la prospérité de guerre de l’industrie, ont échafaudé toute une théorie que l’on pourrait définir comme la théorie de l’utilité économique des guerres. En effet, la croissance de l’industrie lourde n’était pas niable, surtout pour ce qui était de l’industrie métallurgique qui travaillait pour les besoins de la guerre. Par suite de cette croissance et d’une croissance parallèle dans les industries adjacentes, on constatait une diminution du chômage et même, à certaines périodes de la guerre, une augmentation des salaires. Comment pouvait-on ne pas en conclure à la haute utilité économique de l’occupation la plus destructive qu’ait connu l’histoire de l’humanité ?[19]
Cela aboutissait à une sorte de conception paradoxale dont le couronnement logique devait consister à proclamer que la guerre est le meilleur agent de prospérité économique. Il n’est pas difficile de discerner la racine sociale de classe de cette théorie absurde et sa complète inconsistance logique. La racine sociale de classe de cette théorie, c’est le point de vue d’un groupe, très influent, il est vrai, de la bourgeoisie : il s’agit des industriels travaillant directement pour la guerre. Du point de vue de ce groupe, si l’on tient compte du court espace du temps, la guerre a été à coup sûr l’entreprise économique la plus fructueuse : elle augmenta les bénéfices ou les dividendes de l’industrie de guerre, elle accrut à l’extrême les revenus des milieux bourgeois intéressés. Néanmoins, ce point de vue est absurde. D’abord, parce qu’il confond les intérêts de l’ensemble de l’économie avec ceux d’une certaine fraction de la bourgeoisie dirigeante. Ensuite, parce qu’il ne sort pas des limites d’un très court laps de temps. Cette double myopie, si l’on peut s’exprimer ainsi, solidement enracinée dans l’âpreté au gain, a vu son inconsistance démontrée de façon éclatante par le sort lamentable qui a été fait aux capitalistes russes et à ses [sic] créanciers étrangers. Car, en fin de compte, la « prospérité de la guerre » n’a rien laissé des chantres les plus zélés de ce genre de prospérité. Il n’est pas difficile de comprendre de quoi il s’agit. Du point de vue de tout l’ensemble social, la consommation improductive, c’est-à-dire une consommation qui ne fait pas partie du processus de reproduction est le plus grand frein au développement des forces de production. Dans le moment de sa grande croissance, la consommation improductive n’est pas autre chose qu’un processus opposé à la reproduction élargie. Dans ce cas, nous avons une destruction systématique des forces de production et, par là, un rétrécissement de toute la base de production. Le fait que pour une certaine période de temps quelques groupes d’unités économiques (opposés à tout l’ensemble social) voient s’accroître leur puissance économique, ne contredit nullement cette affirmation : cela est possible par suite d’une répartition nouvelle du revenu national et des forces de production. Tandis que les forces de production font l’objet d’une baisse générale et que l’ensemble du revenu national diminue, un certain secteur du front économique peut s’accroître et se développer au détriment des autres secteurs. Mais, nous le soulignons tout particulièrement, cela n’est possible qu’au cours d’une période limitée.
Malheureusement, si étrange que cela soit, la théorie absurde que nous avons citée peut s’appuyer sur certaines fausses affirmations théoriques de la camarade Rosa Luxembourg qui, comme on le sait, considérait le militarisme comme une forme d’accumulation capitaliste, maintenant le système capitaliste en état d’équilibre économique. Tout le monde se rappelle la polémique que nous avons dû mener contre un article qui, en son temps, fit beaucoup de bruit, du camarade Boris, qui s’appuyait sur la théorie de la camarade Rosa Luxembourg pour affirmer que la période de guerre fut une période de croissance exceptionnelle des forces de production de la société capitaliste et de son appareil de production. En réalité, pendant la guerre, dans les pays qu’elle toucha directement et qui furent soumis à son action destructive, dans les pays où la production était nettement destinée à la consommation improductive, s’opéraient les processus suivants : 1° Appauvrissement général, destruction des forces de production du pays dans leur ensemble ; 2° croissanee de la production dans quelques secteurs industriels de commande. Il en fut autrement dans les pays qui, comme, par exemple, les Etats-Unis, furent très faiblement soumis à l’influence dévastatrice de la guerre, et qui, en échange des produits de destruction qu’ils fabriquaient pour les pays européens, encaissaient des valeurs réelles en or ou en marchandises, qui, pour la plupart, auraient pu être affectées à la production. L’industrie de guerre hypertrophiée des Etats-Unis recevait en échange de ses produits leur équivalent productif, alors que les autres puissances belligérantes dilapidaient leurs valeurs dans le vide. Même si l’on prend en considération qu’une certaine partie des marchandises industrielles vendues pendant la guerre par les Etats-Unis aux pays belligérants d’Europe ne furent pas payées directement par des valeurs or ou des effets de commerce, néanmoins là encore, il y avait, pour l’Amérique, croissance de la puissance économique et pour l’Europe, dépense improductive des capitaux accumulés et affaiblissement des positions économiques.
Cela explique, dans une large mesure, le vaste déplacement qui s’est produit dans les rapports entre pays du fait de la guerre; cela explique, entre autres, l’action intensive de l’Amérique, en tant que force dirigeante sur le marché mondial.
Pour les pays belligérants, la guerre ne signifiait pas seulement une diminution du rendement, mais aussi un appauvrissement catastrophique des grandes masses populaires, l’expropriation des classes moyennes, etc. Il faut remarquer que les besoins de la guerre, desservis par l’industrie, aboutissaient à ce résultat que, par la réduction de la consommation élémentaire des masses, devait, coûte que coûte, être maintenu ou même parfois accru l’appareil de production de l’industrie de guerre. Pour employer une image, les chaussures et les vestons se transformaient en tours à obus.
Ces raisonnements permettent de poser correctement la question de la crise actuelle.
Lorsque Marx développa sa théorie des crises « normales » de la surproduction capitaliste, selon lui, une des parties constituantes, une des plus importantes, de sa théorie était l’affirmation du caractère périodique de ces crises et de l’alternance régulière des diverses phases du cycle industriel. Une des principales « énigmes » quant à l’essence de ces crises, était précisément leur périodicité, c’est-à-dire une certaine régularité dans les explosions de contradictions du système capitaliste, qui ont été appelées crises. L’explication de leur périodicité et même l’explication de l’intervalle de dix ans qui les sépare et qui, comme on le sait, était liée chez Marx, aux investissements de capital fondamental, constituait un des traits essentiels de la doctrine de Marx sur les crises. Si cet élément périodique n’existait pas, nous aurions également une crise, mais une crise d’une espèce et d’une nature particulières, qui ayant, à un certain degré, des éléments communs avec les crises analysées par Marx, s’en distingueraient tout de même nettement.
La guerre elle-même peut être considérée comme une certaine espèce spéciale de crise.
En effet, la guerre fut une manifestation d’antagonisme violent entre la croissance des forces de production des Etats capitalistes et les éléments de production limités du capitalisme noués par les organisations d’Etat. Le capitalisme voulut trancher cette contradiction par le fer et le feu. Et, comme toute crise, elle fut accompagnée d’une destruction des forces de production. Ce fut, par conséquent, une crise, mais il serait absurde de mettre le signe d’égalité entre les crises « normales » de la production capitaliste et la guerre. Car la guerre est une « crise » que les côtés qualitatifs font sortir largement des limites de ce qui est habituel et normal.
Il faut distinguer (si l’on prend d’autres questions plus proches du sujet qui nous occupe) trois sortes de phénomènes : les crises « normales » de surproduction capitaliste ; les crises de famine de sous-production et de sous-consommation, caractéristiques pour les moments les plus aigus de la guerre ; enfin, la crise actuelle de surproduction dans la forme tout à fait spécifique qui la distingue nettement des crises de surproduction capitaliste d’avant-guerre. Si nous considérons la situation critique actuelle du système capitaliste, il est indubitable, comme nous l’avons déjà dit, que cette surproduction est un fait. Il ne sera pas superflu de remarquer ici que, lorsqu’il s’agit de surproduction, le terme signifie dans ce cas, non pas un excédent de produits fabriqués sur le véritable besoin des masses, mais une surproduction relative par rapport à ce qu’on appelle la demande effective, c’est-à-dire la demande ayant pour base la véritable capacité d’achat des masses, c’est-à-dire par rapport aux marchés. Il faut remarquer également qu’il s’agit de ce qu’on appelle la surproduction générale, que l’on observe dans tous ou presque tous les secteurs du front économique. Ce fait est suffisamment illustré par la marche à rendement incomplet des entreprises industrielles dans les domaines les plus divers de l’industrie. Par conséquent, nous constatons une immense disproportion entre la production et la consommation. En d’autres termes, nous avons une expression exceptionnellement nette des plus profonds antagonismes. On sait que ces antagonismes se trouvent à la base des crises capitalistes ordinaires ; cependant, la disproportion entre la production et la consommation peut être le résultat de combinaisons diverses entre la dynamique de la production et de la consommation. La production peut, s’accroître de même que la consommation; mais si la production s’accroît plus vite que la consommation, il y aura surproduction ; la production peut rester stationnaire et la consommation peut tomber ; dans ce cas, il y aura également surproduction. La production peut baisser et la consommation baisser plus vite encore. De nouveau, il y aura surproduction. Quel était le trait caractéristique des crises normales de surproduction capitaliste ? Le fait qu’elles exprimaient une explosion des antagonismes capitalistes sur la base d’une courbe ascendante de l’évolution capitaliste. La crise résolvait cet antagonisme pour commencer un nouveau cycle de développement sur un nouvel échelon de production capitaliste, plus élevé que le précédent. Le principe moteur, c’était ici le développement des forces de production. La disproportion entre la production et la consommation se manifestait sur cette base que la production dépassait la consommation croissante. Si l’on suit toute l’histoire des éléments capitalistes, on verra que du point de vue des marchés, elle s’exprimait par sa croissance constante. Par conséquent, la production et la consommation croissaient simultanément, mais la consommation retardait périodiquement sur la production. Il en résultait des conflits qui se résolvaient par des crises.
Que voyons-nous maintenant ? Nous avons un état de choses où la disproportion entre la production et la consommation s’est produite moins parce que l’appareil de production s’est accru (il y a beaucoup de données qui prouvent que l’appareil de production s’est véritablement accru dans plusieurs branches industrielles) que parce que la guerre (précisément la guerre) a engendré un appauvrissement inouï et a rétréci considérablement le marché intérieur. Bien vaines seraient les tentatives sophistiques d’une théorie spéciale de la relativité économique, qui affirmerait qu’il faut prendre seulement le rapport, sans poser la question « dénuée de sens » de savoir de quel côté l’équilibre est rompu. Du point de vue de la véritable compréhension des causes principales et de la nature de la crise actuelle, on ne peut passer outre à cette question. Notre façon de la poser concorde entièrement avec la réalité et relie la crise actuelle de surproduction aux crises de famine, de surproduction et de sousconsommation de la période de guerre. En effet, l’appareil de production démobilisé mais accru de l’industrie[20] , avec ses diverses améliorations techniques, s’est heurté, dans son fonctionnement industriel, à la misère inouïe des masses qui est la principale « cause motrice » de la crise actuelle. De cette façon, cette dernière est un aspect modifié de la crise d’aprèsguerre du capitalisme eu général et non pas ce qu’en veulent faire les apologistes du régime capitaliste et les théoriciens social-démocrates.
Il va de soi que ce n’est pas seulement dans cet antagonisme entre la production et la consommation que résident les causes concrètes de la crise actuelle. La guerre a rompu l’équilibre économique entre les pays, entre les diverses branches de la production, elle a balkanisé l’Europe, elle a dressé une infinité de nouvelles barrières douanières ; dans plusieurs pays, comme la Pologne, elle a augmenté considérablement le budget militaire, etc. Mais tous ces faits, que, soit dit entre parenthèses, un économiste en vue de la social-démocratie allemande, Fritz Naftali, souligne particulièrement dans son article, « Probleme der Krise », paru dans le n°8 du Die Gesellschaft, « ne sont qu’une nouvelle preuve du caractère « exceptionnel » de la crise actuelle. Cependant, ce même auteur, qui s’est approché plus près que les autres de la véritable nature de la crise actuelle, croit pouvoir la ramener entièrement à la doctrine marxiste des crises capitalistes « normales ». Mais, comme il aimait à dire lui-même, il n’a jamais mérité Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité.
Sans parler de ce que Naftali relègue au dernier plan la consommation, et qui ne correspond guère à la doctrine bien comprise de Marx. Sans s’en apercevoir, il fait abstraction du fait que nous venons de souligner : de l’absence de périodicité dans la situation actuelle. Du point de vue de Naftali qui, sous ce rapport, adopte une attitude commune à tous les socialdémocrates, la courbe fébrile des conjonctures qui caractérise la crise actuelle n’a aucune importance, quoiqu’il fasse allusion, au début de son article, à ce signe distinctif de nos jours. Cependant, de deux choses l’une. Ou bien ce facteur a de l’importance, et alors on ne peut classer la crise actuelle dans la rubrique des crises « normales » de la production capitaliste, ou bien nous avons une crise « normale » de la production capitaliste, et il faut considérer là courbe spécifique de l’évolution actuelle comme quelque chose de secondaire. Toute théorie qui prétend à l’exactitude doit, tout d’abord, correspondre, à la réalité. Or, cette réalité nous montre éloquemment que la crise actuelle de surproduction est le prolongement de la crise d’après-guerre du capitalisme en général, qu’elle a des traits qui la distinguent nettement des crises capitalistes ordinaires. Son caractère « insolite » n’est pas autre chose que l’expression de ce qu’il y a de conditionnel, d’éphémère et de fragile dans la stabilisation capitaliste. Notre analyse rend très compréhensible ce fait cardinal que devant la bourgeoisie s’est posée avec cette acuité la question des marchés et particulièrement celle des marchés extérieurs. En effet, si la cause principale de la crise actuelle de surproduction est l’appauvrissement des masses, C’est-à- dire le rétrécissement extrême des marchés intérieurs, la question des marchés extérieurs doit se poser impérieusement. La bourgeoisie capitaliste, qui dirige son économie du point de vue du profit et nullement de la satisfaction des besoins des masses, ne peut, par son essence même, transformer une partie de ses bénéfices en salaires pour la classe ouvrière, dans le but de renforcer le marché intérieur. Elle cherche, au contraire, des voies diamétralement opposées : en réduisant les salaires des masses prolétariennes, elle s’efforce de lutter plus énergiquement pour la possession des marchés extérieurs. Là, nous nous heurtons de nouveau à la profonde différence de principes entre le développement sur des bases capitalistes et le développement sur les bases socialistes. Dans l’Union Soviétiste nous assistons à une croissance rapide de la production et à l’élargissement de l’appareil de la production. Mais cet essor s’accomplit sous l’action d’un tout autre stimulant : le désir d’élever sans cesse le niveau de vie des grandes masses travailleuses. Voilà pourquoi, dans l’Union Soviétiste, en opposition complète avec les Etats capitalistes, on s’oriente sur le marché intérieur et non pas sur le marché extérieur. Une fois de plus, les faits historiques confirment le profond antagonisme de principe entre le Capital et le Travail, entre l’impérialisme qui s’efforce de regagner les solides positions d’avant-guerre et le monde nouveau des éléments socialistes croissants.
III. Regroupements des puissances et lignes principales de la politique extérieure[modifier le wikicode]
Tout le monde connaît le fait que les centres de la vie économique se sont déplacés de la vieille Europe dans les autres continents et en premier lieu aux États-Unis. Dans le domaine du commerce et de l’exportation des capitaux, le centre mondial s’est transporté dans cet immense pays de capital florissant et puissant qu’est l’Amérique. La tendance qui perçait déjà avant la guerre fut extrêmement accélérée par la guerre. Depuis, elle s’est poursuivie pendant toute la période de crise d’après-guerre. L’économie américaine détient sans contredit l’hégémonie sur tous les autres pays. Cependant, il ne faut pas verser dans l’exagération en voulant se faire une idée précise du processus de la « domination économique » des Etats-Unis. Les principaux chiffres qui l’illustrent sont les suivants :
En 1913, la part de l’Europe dans le chiffre d’affaires mondiales du commerce extérieur (plus exactement dans le chiffre d’affaires des trente-deux principaux pays) était de 64 % ; en 1923-1924, ce chiffre descendit à 57,4 %, tandis que la part de l’Amérique durant le même laps de temps augmenta de 21 % à 26,8 % (en particulier la part des Etats-Unis passa de 11,9 % en 1913 à 17,3 % en 1924.[21]
Sous avons déjà donné, plus haut les chiffres sur la croissance du rôle des Etats-Unis et l’affaiblissement du rôle de l’Angleterre dans la production mondiale des principaux produits industriels. Ajoutons simplement quelques chiffres sur la part de l’Europe dans son ensemble. Sa part, dans l’extraction du charbon, a passé de 50,1, en 1913, à 45 4 %, en 1925 ; la production de fonte, dans la même période, de 58,7 % à 47,9 %, en 1925 ; pour l’acier, de 56,6 % à 45,8 %[22] ; dans la consommation de coton, de 53,6 %, en 1913, à (2) 38,8 en 1924.[23]
Or, ce que perdait l’Europe passait presque entièrement à l’Amérique.
En même temps, les rapports de créanciers à débiteurs entre Etats capitalistes furent radicalement modifiés. Les Etats-Unis s’étant complètement libérés des dettes extérieures (de l’Etat), acquirent la situation de créancier de l’Europe. Il suffira de dire qu’à la fin de 1924 les Etats européens (sans l’Union Soviétiste) devaient aux Etats-Unis 13 246 millions de dollars, soit 53 % de toute la dette des Etats européens.[24]
En outre, la transfusion de l’or de l’Europe en Amérique a fait qu’au lieu de 58,8 % qu’elle avait avant la guerre, l’Europe ne possédait plus en 1924 que 31,4 % de la réserve d’or internationale (y compris l’or se trouvant en circulation), alors que, durant la même période, la part de l’Amérique s’était accrue de 25,7 % à 55,2 %.[25]
Un fait très important est qu’une tendance se manifeste dans le sens d’un déplacement de l’hégémonie dans l’exportation des capitaux de l’Angleterre et des autres pays européens aux Etats-Unis. Si, en 1913, les capitaux anglais investis à l’étranger constituaient la somme de 3 714 millions de livres, et ceux des Etats-Unis 2 605 millions de dollars (soit environ 7 fois moins), en 1924, ce rapport changea complètement. L’Angleterre a investi cette année â l’étranger 3 400 millions de livres et les Etats-Unis 9 090 millions de dollars, c’est-à-dire un tiers seulement de moins que l’Angleterre.[26]
La même tendance est prouvée par un indice aussi important de l’exportation des capitaux que le marché de l’émission extérieure des papiers-valeurs. Si, en 1922[27] , l’émission extérieure des Etats-Unis était en moyenne de 52,6 millions de dollars par mois, celle de l’Angleterre de 54,1 millions de dollars (contre 80,1 en 1913), et si, en 1913, les chiffres correspondants étaient, pour les Etats-Unis, de 22,9 et, pour l’Angleterre, de 49,6 millions de dollars, en 1924, les Etats-Unis donnent déjà 83,8 millions de dollars d’émission extérieure par mois, et l’Angleterre 49,9 millions seulement. En 1925, les Etats-Unis donnent 91 millions de dollars d’émission et l’Angleterre 39,8 millions.
Si nous prenons la période la plus récente, on pourra remarquer que, grâce à une certaine reprise dans plusieurs Etats européens, une légère tendance de hausse se manifeste en Europe. Dans plusieurs domaines économiques, la part de l’Europe accuse une croissance certes très faible. Ainsi, 1924-1925 a marqué une certaine augmentation de la part de 1’Europe dans le domaine extérieur ; si, en 1923-1924, cette part était de 57,4 %, en 1924-1925, elle constituait 58 %. La part de l’Amérique tomba, dans la même période, de 26,8 à 26,4 %.[28]
Il est vrai, qu’en 1925-1926, par suite de la grève anglaise, la part de l’Europe a de nouveau légèrement baissé. La part de l’Europe dans la consommation-mondiale de coton est passée de 38,8 en 1924, à 41,3 % en 1921[29] ; La réserve d’or de l’Europe, en % de la réserve mondiale, constituait, en 1925, 32,2 %, au lieu de 31,4 %, en 1924[30] , etc.
Un autre facteur très important de la vie économique internationale, facteur qui détermine les principales tendances de la politique internationale, c’est, d’une part, le déclin de l’Angleterre et, d’autre part, le nouveau type de l’évolution industrielle de la France qui se transforme d’Etat de rentiers, d’usurier international, en un grand pays industriel. Enfin, il faut noter le relèvement du capitalisme allemand, qui devient de nouveau le point économique central de l’Europe continentale.
Ces principaux faits économiques sont la base profonde du regroupement entre les diverses puissances. La tendance essentielle de ce regroupement, en tant qu’il s’agit de rapports entre pays capitalistes, peut être définie comme l’expression du fiasco de la fameuse paix de Versailles, la désagrégation de l’Entente, la décomposition de la Société des Nations, ce principal instrument international des alliés, que l’ironie de l’histoire a voulu faire glorifier aujourd’hui, avec le plus d’enthousiasme, par ses adulateurs social-démocrates.
En définitive, les lignes économiques et les lois économiques se frayent un chemin à travers tous les obstacles et acquièrent telle ou telle expression politique extérieure. Ce n’est pas par hasard que l’on a défini la politique comme une « économique concentrée ». La paix de Versailles, avec toutes ses suites politiques, pouvait se maintenir uniquement en opprimant à l’extrême l’économie nationale allemande. Dans la mesure où, dans ce domaine, s’opèrent des changements décisifs, que, parallèlement à cela, la force principale des alliés, l’Angleterre, en dépit de sa victoire dans la guerre mondiale, roule économiquement sur un plan incliné, il était fatal que les bases mêmes de la paix de Versailles en fussent minées. Tâchons d’esquisser ici les principales étapes des changements politiques internationaux qui ont résulté des modifications survenues dans la vie économique.
Le point culminant du triomphe du traité de Versailles a été l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises. L’Amérique, la plus puissante des forces capitalistes du monde, restait à l’écart de la politique européenne en plein chaos. Elle ne se décidait pas à féconder l’économie européenne sous une pluie de crédits, craignant de dilapider ses capitaux dans des pays dont l’existence capitaliste était mise en question. L’Europe se trouvait sous l’hégémonie politique de l’impérialisme français, victorieux, grisé de sa victoire, armé jusqu’aux dents. L’Allemagne, économiquement et politiquement, était à bout de souffle. L’Angleterre ne pouvait opposer une résistance suffisante à la politique française, quoique nullement désireuse d’un anéantissement complet de l’Allemagne, susceptible de faire, dans une certaine mesure, contrepoids à la croissance disproportionnée de l’influence de l’impérialisme français.
Nouvelle phase. La France s’est trouvée hors d’état de digérer ses succès de la Ruhr et ses exploits d’occupant. C’est là-dessus que se fit l’intervention du capital américain et, en partie, du capital anglais. L’intervention de l’Amérique a certainement joué, dans tout ce qui s’est passé par la suite, un rôle considérable. On élabore et on adopte le plan Dawes qui, d’une part, signifie l’immixtion économique et politique de l’Amérique dans le destin de l’Europe capitaliste et qui, d’autre part, contribue à la croissance de l’économie nationale allemande, fécondée par les crédits américains. La France, en tant qu’antagoniste le plus décidé de l’Allemagne, est fatalement reléguée, dans cet état de choses, au dernier plan. L’Angleterre, « collaborant » avec les Etats-Unis, s’assure de nouveau le rôle principal dans le concert européen. Ainsi se prépare le terrain pour une nouvelle phase, qui trouva son expression politique internationale dans les maquignonnages de Locarno.
Locarno donne corps aux tendances qui s’étaient, manifestées. Le capital américain, réalisant le plan Dawes, travaille énergiquement en Europe avec le concours et l’« aide » du capital anglais. La Société des Nations, sur l’initiative de l’Angleterre, derrière laquelle se cache l’Amérique, fait des risettes à l’Allemagne en lui promettant l’accès de la Société des Nations, en échange d’un abandon manifeste de l’orientation dite à l’Est, si caractéristique pour la politique allemande de l’époque d’une oppression économique et politique la plus lourde qu’ait subie l’Allemagne. « L’esprit de Locarno » est de la sorte l’expression d’un regroupement considérable des forces sur la base de changements survenus dans la situation politique du centre de l’Europe occidentale.
Nouvelle phase : Genève. Le capital américain ne permet pas à l’Angleterre de savourer le fruit de sa victoire. L’Allemagne est admise à l’unanimité à la Société des Nations et obtient une place permanente au Conseil. La France, placée, d’une part, devant le fait du relèvement économique de l’Allemagne, et d’autre part, entre les antagonismes croissant entre elle et l’Angleterre, s’oriente vers une politique plus « douce » à l’égard de l’Allemagne. L’esprit de Locarno, en tant qu’il exprime une nouvelle orientation de l’Allemagne de l’Est à l’Ouest, acquiert un caractère encore plus net.
Nouvelle phase : Thoiry. Le capitalisme anglais découvre, avec une extrême clarté, ses côtés les plus faibles. Un conflit social mine économiquement l’Angleterre, provoque un essor encore plus accusé des Etats européens producteurs de charbon et sauve la Pologne d’un krach économique, fait progresser rapidement l’Allemagne, en lui permettant de forcer la production du charbon et en lui assurant le marché anglais. La France fait une brusque évolution vers un rapprochement avec l’Allemagne. A la VIIe session de la Société des Nations, elle met à profit l’affaiblissement de l’Angleterre et obtient la majorité à l’assemblée et au conseil en subornant plusieurs petits Etats par sa politique « pacifique » envers l’Allemagne. Si, à Locarno, un mouvement de rapprochement entre l’Allemagne et la Société des Nations en général, a été esquissé d’un commun accord et sur l’initiative de l’Angleterre, aujourd’hui il s’agit bien d’un véritable rapprochement entre la France et l’Allemagne. Economiquement, ce rapprochement se traduit par la formation d’un puissant cartel continental de l’acier où l’Allemagne joue le premier rôle et où le noyau principal est constitué par le bloc franco-allemand. Objectivement, le rapprochement franco-allemand, de même que le cartel de l’acier, sont une tentative de se libérer de la lourde emprise du capitalisme américain, quelle que soit la « participation » indirecte de ce dernier à l’arrangement. L’accord de Thoiry, du point de vue de tout ce mécanisme, offre l’intérêt le plus vif. Toute la somme des questions principales touchant la France et l’Allemagne y fut discutée. L’essentiel de cet arrangement est : 1° la France s’engage à réduire peu à peu l’effectif des troupes d’occupation de la rive gauche du Rhin et à dissimuler celles qui restent en donnant à l’occupation un caractère « invisible » ; 2° dans le courant de 1927, la France évacuera la seconde et la troisième zone rhénane ; 3° la France, au début de 1927, restituera à l’Allemagne le bassin de la Sarre sans recourir au plébiscite prévu par le traité de Versailles ; 4° la France modifie ses méthodes de contrôle militaire, etc. De son côté, l’Allemagne verse à la France 250 millions de marks-or comptant, à titre de dédommagement pour les mines de houille de la Sarre et donne à la France une partie des obligations « Daves » des Chemins de fer allemands, se montant environ à un milliard et demi de marks-or. Grâce à ces compensations, gouvernement français espérait améliorer sa situation financière et stabiliser son change et en même temps toute l’économie de la République. Visiblement, cet accord est compromis par l’intervention du capital américain. Les banquiers et le gouvernement américains estiment nécessaire de régler au préalable la question des dettes internationales, sachant très bien que le plan financier arrêté à Thoiry, surtout en et qui concerne la mobilisation des obligations de chemins de fer allemands, ne peut être solutionné sans « l’aide du capital américain ». L’intervention de l’Amérique rend impossible la réalisation du plan arrêté à Thoiry. Néanmoins, le rapprochement économique et politique entre la France et l’Allemagne reste un des facteurs principaux des rapports internationaux actuels.
Pour contrebalancer partiellement le rapprochement franco-allemand, un rapprochement s’opère entre l’Angleterre et l’Italie dont le capitalisme en somme (nous disons en somme parce que l’Italie est apparemment entrée dans une très grave période de crise économique et politique intérieure) a fait plusieurs grands progrès économiques (électrification du pays, prospérité dans plusieurs branches industrielles décisives). Aujourd’hui, l’Italie mène la plus agressive politique du continent. Entre l’Italie et la France, les rapports se sont tellement aggravés dans la .Méditerranée et l’Afrique du Nord, que l’on parle ouvertement de la possibilité d’un conflit violent entre ces deux puissances. Mais dans l’état actuel des choses, c’est là une exagération manifeste. Il faut signaler ici un autre point de contact entre l’Angleterre et l’Italie. Il a trait, au fait que, très probablement, le gouvernement italien tentera d’entrer dans le front unique dirigé contre l’Union soviétiste. D’autre part, par suite du regroupement général des principales puissances impérialistes, la Pologne modifie son orientation. La Pologne, qui était primitivement vassale de l’impérialisme français au moment le plus fort de sa politique agressive, fut par la suite entraînée dans l’orbite de l’influence de l’Angleterre, qui contribua beaucoup au coup d’Etat de Pilsudski. Actuellement, il semble qu’elle évolue de nouveau vers la France. Ainsi, à l’Est de l’Europe occidentale, des changements s’opèrent qui reflètent les regroupements des leviers de commande politiques du capitalisme européen.
En dépit de tous les regroupements des divers pays capitalistes et des petits Etats vassaux, la tendance principale du développement est celle dont la pointe est dirigée contre l’Union soviétiste Le changement d’orientation de l’Allemagne vers l’Occident, qui s’accuse de plus en plus depuis l’accord de Locarno, ne peut pas ne pas être suivi de l’entrée de l’Allemagne dans le concert des Etats impérialistes dont l’orientation est hostile à l’Union soviétiste. Il va de soi que l’Allemagne, en quête de marchés extérieurs ne peut renoncer à celui de l’Union soviétiste. Il est même très probable qu’elle devra renforcer de plus en plus ses liens avec ce marché. Mais, d’autre part, il est un fait certain qu’avec l’entrée de l’Allemagne dans la Société des Nations, son bloc avec la France, l’affermissement de la base économique et du bloc du capitalisme monopoliste allemand, croissent rapidement dans ce pays les éléments d’hostilité à l’égard de l’Union soviétiste. Les dernières attaques de la Tägliche Rundschau, reflètent plus ou moins le point de vue gouvernemental d’une hostilité de principe accentuée envers l’Union soviétiste. L’Italie qui, ces derniers temps, s’évertue à mener une grande politique d’impérialisme agressif, commence également à s’aligner sur le front antisoviétiste. Le renforcement de l’activité de la politique italienne en Orient, sa prise de contact avec le problème turc, la pénétration de l’influence italienne jusqu’en Chine, les prétentions de l’impérialisme italien, même sur cette partie du globe extrêmement éloigné de l’Italie, tout cela, outre le rapprochement italo- anglais, donne un tableau suffisamment édifiant de l’état de choses. La Pologne, surtout après le coup d’Etat de Pilsudski, menaçait presque ouvertement de ses armes l’Union soviétiste et concentrait dans certaines régions ses forces militaires contre la Lithuanie qui se trouve en rapports amicaux avec l’Union soviétiste. Plusieurs traités et conventions militaires conclus par la Pologne (traités polonais-roumain, polonais-yougoslave, polonais-tchèque, etc...) de même que la politique de la Pologne à l’égard des Etats baltes, constituent une tentative d’encercler l’Union soviétiste d’une mer à l’autre. En outre, il faut mentionner les accords franco-roumains et Italo-roumain qui ont également un caractère antisovietiste. Le principal instigateur de cette politique est l’impérialisme car l’Angleterre débilitée est surtout menacée par les peuples coloniaux qui trouvent dans l’Union soviétiste un appui moral. La politique anglaise dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie, en Perse, eu Afghanistan, en Chine est très violemment dirigée contre L’Union soviétiste. Le résultat est que, en dépit des contradictions au sein des puissances impérialistes, en dépit des- regroupements, des accords qui les dressent les unes contre les autres, la tendance anti-soviétiste se dessine avec un certain relief. Il faut en dire de même du foyer de la grande révolution d’Orient : la Chine. Le gouvernement anglais a maintes fois tenté de substituer à la voix des diplomates la voix des canons. Si cela ne s’est pas produit jusqu’ici dans une mesure suffisante, sous la forme d’une intervention armée qui, dans la phase actuelle de développement peut difficilement se réaliser, il faut en chercher la cause dans la faiblesse relative des puissances impérialistes ellesmêmes. La grève des mineurs anglais a joué là un rôle très important. D’autre part, la tâche est, techniquement, si ardue, et les antagonismes d’intérêts si violents (il suffit de prendre les contradictions japono-américaines) que l’on peut s’attendre très probablement a des tentatives (les symptômes s’en sont déjà manifestés) de maîtriser la Chine par la corruption de la bourgeoisie chinoise, la scission du front national-révolutionnaire et la soumission « pacifique » de la Chine à l’impérialisme étranger. Cela n’exclut pas, bien entendu, toutes sortes de tentatives de renouveler, au moment favorable, l’intervention militaire dans les affaires chinoises. De la sorte, le problème de l’encerclement de l’Union soviétiste et de la révolution chinoise est le principal problème qui se pose devant les puissances impérialistes.
Il est évident -que cette tendance générale, de même qu’une série d’accords entre, les Etats dont nous avons parlé plus haut, ne supprime nullement les antagonismes entre les Etats impérialistes. Les antagonismes entre Etats-Unis et Japon, France et Angleterre, France et Italie, France et Allemagne, en dépit même de leur rapprochement ; les antagonismes entre Angleterre et Etats-Unis, etc., tout cela subsiste. Par endroits, ces antagonismes s’atténuent momentanément et s’exacerbent en d’autres points. L’illustration frappante et l’expression du caractère extrêmement contradictoire de toute la marche des événements est le fait que la Société des Nations, sur laquelle on fondait de si grands espoirs, que d’aucuns considéraient comme le point de départ d’une robuste confédération des pays d’Europe et d’une transition de tout l’ordre politique et économique à une phase de développement essentiellement nouvelle, — la Société des Nations est aujourd’hui en voie de décomposition. Cet antagonisme grandissant explique la croissance du militarisme, la refonte de tout l’outillage, les progrès gigantesques dans les inventions militaires, bref, tout ce qui, sert à la préparation de la guerre et à la guerre elle-même. Le développement de cet aspect de l’activité de l’humanité dite civilisée, sous le pseudonyme de laquelle agissent les ligues dirigeantes, ressort suffisamment des faits et chiffres ci-dessous :
Les budgets militaires continuent de s’accroître et ont de beaucoup dépassé ce qu’ils étaient dans la période d’avant- guerre. Si, en 1013, les budgets de guerre de la France, de l’Italie, de l’Angleterre et des Etats-Unis s’élevaient ensemble à 993 millions de dollars, en 1923 ils ont atteint 1 milliard 743 millions, et en 1926, 1 768 millions de dollars. Actuellement l’effectif des armées de terre est sensiblement supérieur à celui d’avant-guerre ou de 1923. En 1913, les quatre puissances sus-mentionnées, avaient une armée de terre de 1.613.000 soldats et, en 1926, de 1.821.000. Le nombre des avions de guerre de ces puissances s’est considérablement accru : de 150 en 1913 et de 2.400 en 1923 il est passé à 3.550 en 1926.
Les armées sont dotées d’un armement de plus en plus perfectionné.
Les armements croissent en quantité comme en qualité. De 1918 à 1926, la charge moyenne d’un avion de bombardement est passée de 160 à 400 kilos ; la vitesse de tir des mitrailleuses d’avion de 1.000 à 1.600 coups à la minute ; le poids maximum d’une bombe d’avion atteint 1 000 à 2 000 kilos et la proportion des objectifs atteints est passée de 14-15 % à 50-60 %, etc. En somme, si en 1918, 480 avions allemands pouvaient jeter sur Paris 22 000 kilos d’explosifs, en 1926, ce même nombre d’avions en pourrait déverser 144 000 kilos et grâce à l’élévation du pourcentage des buts atteints, la force de destruction des bombes jetées, en serait augmentée de vingt fois.
Grâce au développement de l’armement de la marine de guerre, la puissance de combat des unités de tous types s’est aussi fortement accrue. Le déplacement des croiseurs a presque doublé de 1913 à 1926, ayant passé de 500 tonnes à 10 000 tonnes ; celui des torpilleurs a augmenté de 980 à 2 400, celui des sous-marins de 820 à 2 520 tonnes, etc. La préparation de la guerre chimique a fait d’immenses « progrès ».
Cela prouve que la guerre future entraînera un ébranlement et une destruction de tout l’ordre social et économique, dans une mesure infiniment plus grande qu’au cours de la guerre de 1914-1918.
Comme on le voit, les années de paix ont été mises à profit par les impérialistes : sans perdre de temps, laissant les discours sur le désarmement aux badauds ou hypocrites pacifistes, ils s’occupent activement de consolider leurs appétits et leurs plans par des arguments de guerre.
Voici les principales déductions que nous tirons de notre analyse : à une instabilité extrême des rapports économiques correspond une instabilité extrême des groupements politiques. Si, dans le domaine des rapports économiques, la courbe régulière de la conjoncture d’avant-guerre a fait place à la courbe bizarre et désordonnée actuelle, à la solidité relative des accords internationaux d’avant-guerre ont succédé des regroupements fréquents. Les alliés deviennent ennemis et les ennemis des alliés. Et ce jeu de saute-mouton s’accomplit avec une rapidité d’acrobate. L’économie engendre une politique concordante. Cette politique à son tour, réagit dans le même sens sur l’économie. L’une et l’autre traduisent l’instabilité et le caractère relatifs de la stabilisation capitaliste. L’une et l’autre sont l’expression de la crise générale de l’organisme capitaliste mondial. L’une et l’autre nous permettent de dire que nous marchons non pas vers l’ultra-impérialisme, mais vers la révolution prolétarienne.
IV. Regroupements des forces de classe et lignes principales de la politique intérieure[modifier le wikicode]
Toutes les tentatives de stabilisation de la bourgeoisie internationale dans le domaine de la politique extérieure se basent sur la recherche des marchés. Par contre, à l’intérieur du pays, la bourgeoisie tâche de se dédommager en réduisant la part de la classe ouvrière dans le revenu national et en s’emparant d’une partie du revenu des masses laborieuses. Les formes de cette pressuration sont très diverses. La pression politique sur la classe ouvrière à l’aide de 1’ensemble de 1’appareil d’Etat, la lutte de la bourgeoisie sur le front économique, les attaques contre le niveau actuel des salaires, la lutte persévérante pour le prolongement de la journée de travail, les impôts qui accablent les masses ouvrières, la politique des prix qui, pour ainsi dire, vient du côté opposé permettre à la bourgeoisie de relever le degré d’exploitation, et plusieurs autres mesures qui ont reçu la dénomination de « rationalisation de la production », toutes ces formes particulières d’offensive contre les masses laborieuses visent à un seul et même but principal. Là aussi, la politique se combine avec l’économique et le problème lui-même de stabilisation capitaliste (stabilisation de l’économie, d’une part, et « rationalisation » de l’appareil d’Etat d’autre part) deviennent des questions de la lutte de classes. Cette offensive de grande envergure du capital contre la j classe ouvrière, renferme plusieurs facteurs stratégiques concernant, si l’on peut s’exprimer ainsi, la politique de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière. Nous entendons par là les plans de la bourgeoisie pour s’appuyer sur une. partie relativement minime des ouvriers, de l’isoler et de lui assurer des conditions d’existence supportables afin de « pressurer » plus âprement la grande masse de la classe ouvrière et de maintenir dans la soumission l’immense multitude des chômeurs qui, aujourd’hui, fait peser une grave menace sur tout le processus d’organisation capitaliste. Du point de vue économique, les tentatives de stabilisation de la bourgeoisie, comme nous l’avons vu, se heurtent au principal obstacle dans l’intérieur du pays, dans la faiblesse extrême du marché intérieur, et à des difficultés simultanées dans la course aux marchés extérieurs. Du point de vue de la lutte de classe, les velléités de stabilisation de la bourgeoisie sont limitées par le degré de résistance à l’offensive capitaliste de la classe ouvrière et des éléments petits-bourgeois qui suivent parfois cette dernière.
En dépit de toute la diversité de formes que revêtent ces tentatives de stabilisation, on peut discerner une certaine régularité dans la marche générale de la lutte. Le problème des marchés est, comme on 1’a vu, un problème général découlant de l’état critique général de l’organisme capitaliste mondial. Les efforts de stabilisation des diverses bourgeoisies « nationales » sont également, pour cette raison, un phénomène général, propre à plusieurs pays. C’est précisément pourquoi l’offensive du capital contre la classe ouvrière se déroule sur tout le front. Là où la crise d’après-guerre a frappé la bourgeoisie à un moment où son appareil d’Etat était débilité, à un moment où les forces combinées de classe étaient plus ou moins menaçantes, le premier soin de la bourgeoisie fut d’écraser le mouvement ouvrier. Un exemple classique d’une telle attitude est fourni par le pays qui a le plus souffert de la guerre impérialiste : l’Allemagne. En Allemagne, le point de départ de la stabilisation du capitalisme, du renforcement de son économie et de son appareil de classe, date de la défaite du prolétariat, en automne 1923. Cette défaite avait été précédée par d’autres graves revers des ouvriers allemands, mais c’est en automne 1923, au moment de la liquidation de la « situation directement révolutionnaire » d’alors, que le principal coup fut porté à la classe ouvrière allemande, et que la bourgeoisie parvint à « mettre aux fers », pour une période relativement longue, la classe ouvrière. L’affermissement politique de la bourgeoisie allemande et une certaine stabilisation de l’Etat allemand sont ainsi la forme initiale d’un nouveau cycle de développement pour l’Allemagne. D’autre part, l’Allemagne, après sa défaite dans la guerre impérialiste, privée de plusieurs de ces ressources économiques (par l’annexion des régions houillères par 1a France et la Pologne, la perte des colonies, les versements au compte de réparations, etc.) disposant d’un marché intérieur affaibli à l’extrême, placée dans les conditions les plus pénibles dans l’arène internationale, devait faire, des efforts intenses pour reconquérir, selon une vieille parole impériale, « sa place au soleil ». Cela explique pourquoi la bourgeoisie allemande dut recourir avec une énergie et une opiniâtreté particulières à la tentative dite de rationalisation et d’offensive contre la classe, ouvrière : cette politique fut rendue possible par la lourde défaite de la classe ouvrière dont la force de résistance fut gravement abattue. Les principaux faits de la vie politique intérieure du pays se résument ici comme suit : consolidation des groupes bourgeois dirigeants sur la base d’un bloc conclu entre la bourgeoisie capitaliste et les agrariens; par suite des changements survenus dans la politique générale, les groupements conservateurs extrêmes jurent fidélité au régime républicain (comparez le fameux discours de Silverberg, au congrès des nationalistes à Cologne). La base économique de raffermissement des groupes bourgeois est constituée par la croissance extrêmement rapide des organisations patronales (« trustisation » de l’industrie). De cette façon, économiquement et politiquement, les classes dominantes consolidèrent leur position. D’autre part, la classe ouvrière avait essuyé plusieurs, lourdes défaites. Elle était divisée en ouvriers occupés et en chômeurs, ces derniers constituant une armée de presque trois millions (ce qui représente, avec les familles, environ 10 millions de personnes). Elle n’était pas capable de résister par des actes. Elle a réagi par ce qu’on a appelé le « mouvement à gauche », qui peut devenir le point de départ d’une véritable mobilisation des forces dirigées contre l’offensive du capital. La grève de Hambourg n’est que le prélude des combats que la classe ouvrière allemande devra livrer dans le futur.
En Angleterre la tentative d’attaquer les salaires, la journée de travail, a provoqué une résistance grandiose de la masse prolétarienne. Le processus qui fut échelonné en Allemagne sur plusieurs années, la bourgeoisie anglaise veut l’imposer à sa classe ouvrière dans un délai relativement bref. Le prolétariat anglais qui, durant des dizaines d’année, n’a subi de pareilles attaques, qui élevait de façon continue son niveau d’existence, riposta à l’offensive du capital par la grève générale et la grève des mineurs. De ce point de vue, la grève des mineurs a une immense importance de principe. La position de l’Angleterre sur le marché mondial, selon toutes probabilités, s’affaiblira de plus en plus : ce déclin de l’économie anglaise est inévitable, et malgré les échecs partiels, si graves qu’ils puissent être, il envenimera sans arrêt la lutte de classes dans ce pays. La menace que font peser les ouvriers et les chômeurs, dont le nombre ira sans cesse grandissant, est si forte que dans les milieux de la bourgeoisie anglaise on parle déjà de la possibilité d’une émigration en masse des ouvriers dans les Indes et en Australie. Par suite de l’intense acuité du conflit, une « polarisation » des forces de classes s’effectue. Le parti libéral se décompose, un grand nombre de libéraux adhèrent au parti conservateur, où les Died Hard jouent le rôle dominant. A l’autre pôle, grandit l’influence du mouvement minoritaire et du parti communiste. Ainsi, l’Angleterre, le pays le plus conservateur et le pilier du régime capitaliste en Europe, est devenue un pays qui si l’on se place au point de vue de l’appréciation de l’état de choses actuel, marche plus vite que les autres pays vers une « situation directement révolutionnaire ». Ainsi l’éventualité d’une stabilisation quelconque du capitalisme est ici très aléatoire.
En France, sous d’autres formes, on assiste aux mêmes tentatives de stabilisation. Dans ce pays, c’est la petite-bourgeoisie qui, dans la période d’inflation, a le plus souffert alors que parmi les ouvriers il n’y avait pas de chômage, phénomène spécifique dont le poids est si lourd à l’organisme économique des autres pays. Le point le plus vulnérable de l’économie française et, partant, de la politique française, ce fut la chute du franc, le désarroi de la circulation monétaire du pays et la situation précaire des finances de l’Etat. Les tentatives de stabilisation de la bourgeoisie, en tant qu’ensemble de classe, devaient se faire dans le sens de la stabilisation du franc et de l’assainissement de la circulation monétaire et des finances de l’Etat. Cette question ne se posa vraiment, dans toute son acuité, que récemment. Les diverses combinaisons gouvernementales et politiques, qui reflétaient la pression des milieux petitsbourgeois, étaient incapables de résoudre le problème financier sur lequel était venu se greffer tout un nœud de nouvelles contradictions. Le postulat politique nécessaire à une politique plus ou moins énergique fut l’effondrement du « bloc des gauches » et l’arrivée au pouvoir de Poincaré. L’instigateur de cet acte fut le Comité financier, composé des représentants du Crédit Lyonnais, de la Société Générale, du Comptoir d’Escompte, du Comité des Forges et de l’Union Parisienne, sous la présidence du chef de cette dernière banque.
La grande bourgeoisie réussit à faire capituler le bloc des gauches. Le gouvernement de Poincaré-la-Guerre prit en mains le gouvernail de la République. La classe ouvrière comprit, trop faiblement, la portée profonde de ces changements et ne sut ni mobiliser ses propres forces, ni diriger la petits bourgeoisie. Le gouvernement Poincaré, s’appuyant sur la grande bourgeoisie, mena, avec plus d’énergie, une politique « ferme » de stabilisation. De leur côté, les industriels commencèrent à parler des « sacrifices » nécessaires, des salaires trop élevés et d’une journée de travail trop courte. L’année 1926 tut marquée par un grand nombre de lock-outs et de grèves. L’organe du Comité des Forges insiste déjà pour qu’on réduise le personnel. Les premiers symptômes de chômage sont apparus. La politique de déflation du gouvernement sera suivie fatalement de tentatives de « rationalisation », analogues à celles qui ont été faites dans les autres pays. Les conflits entre la classe ouvrière et la bourgeoisie sont encore du domaine de l’avenir.
L’Italie a commencé sa carrière de stabilisation dans le sens large de ce terme par le coup d’Etat fasciste de .Mussolini. Le chaos qui régnait dans l’économie italienne et dans les rapports entre classes, qui était le résultat de ce que la classe ouvrière, trahie par le parti socialiste, ne sut pas, au moment le plus aigu de la crise, mener jusqu’au bout son offensive révolutionnaire, a servi de base spécifique pour le renforcement politique de la bourgeoisie. Le fascisme mit à profit le mécontentement des paysans de la petite-bourgeoisie et d’une certaine catégorie arriérée d’ouvriers et les entraîna à la remorque d’une politique essentiellement bourgeoise. Ayant renforcé le pouvoir d’Etat par le moyen spécifique de la dictature fasciste, Mussolini se guida constamment sur un rapprochement croissant avec les milieux de la grande bourgeoisie.
Le résultat en fut l’abrogation de plusieurs lois dont celle des huit heures. Cette politique de stabilisation, qui s’est particulièrement aggravée ces derniers temps, a amené la crise du parti fasciste lui-même, une recrudescence des antagonismes internes dans le pays et une croissance de mécontentement de la classe ouvrière, de la petite-bourgeoisie urbaine et rurale. Le gouvernement de Mussolini veut paralyser tout cela par une terreur inouïe.
La politique de stabilisation de la bourgeoisie et certains succès de cette politique se reflètent dans le fait général que la bourgeoisie qui, pour sauver et renforcer son régime, devait périodiquement appeler au pouvoir son fidèle serviteur, la social-démocratie, estime maintenant qu’elle n’en a plus besoin. A ce propos, il est intéressant de rappeler succinctement les faits : octobre 1923, les social-démocrates démissionnent du gouvernement du Reich ; début de 1924, les social-démocrates bulgares quittent le gouvernement de Tsankov ; novembre 1924, chute du gouvernement Mac-Donaldt ; les ministères avec participation des social-démocrates, qui apparurent en 1923-1924, ont presque partout disparu ; avril 1926, le parti socialiste polonais sort du gouvernement de la coalition nationale polonaise ; mars 1926, la social-démocratie tchèque abandonne le gouvernement ; juillet 1926, chute du gouvernement social-démocrate suédois ; ce même mois voit la faillite du gouvernement du « bloc des gauches » en France. De cette façon, l’élimination de la social-démocratie des gouvernements bourgeois est indubitablement un des principaux faits politiques. La raison en est le renforcement de la grande-bourgeoisie, c’est-à-dire une certaine stabilisation de son appareil d’Etat.
Il est évident que l’aggravation de la lutte de classe et les difficultés auxquelles les gouvernements capitalistes se heurteront certainement peuvent conduire de nouveau à des cabinets de coalition avec la participation des partis social-démocrates, qui, non seulement ne luttent pas contre l’offensive anti-ouvrière, mais soutiennent ouvertement la stabilisation du capitalisme. C’est pourquoi cette dernière ne peut être contenue que si toute la classe ouvrière, dirigée par les partis de l’Internationale communiste, résiste effectivement.
V. Méthodes de « rationalisation » capitaliste[modifier le wikicode]
La politique capitaliste de « rationalisation » se traduit dès le début par une pressuration directe de la classe ouvrière, le prolongement de la journée de travail, la baisse des salaires, l’augmentation des impôts et une hausse correspondante des prix. Dans plusieurs pays, nous avons déjà une augmentation légale des heures de travail. En Italie, la journée de 8 heures a été remplacée par celle de 9 heures ; à la journée de 7 heures des mineurs, on a substitué la journée de 8 heures. En Allemagne et dans d’autres pays, l’offensive est menée, non sans résultats, contre la journée de travail. L’existence d’une limitation légale de la journée de travail n’empêche nullement l’augmentation du nombre effectif des heures de travail. Voici des renseignements sur la .journée de travail réelle dans plusieurs pays :
1. Espagne 9-10 heures
2. Italie 9-10 heures
3. Pologne 8-11 heures
4. Hongrie 9-12 heures
5. Finlande 9-12 heures
6. Bulgarie 9-15 heures
7. Yougoslavie 9-11 heures
8. Roumanie 9-12 heures
9. Lettonie 10-13 heures
10. Esthonie 9-12 heures
(Données de l’Institut international allemand 1925, Frankfurter Zeitung, 2 novembre 1926).
La déclaration récente des industriels allemands, dirigée contre la journée de 8 heures et les syndicats, montre comment les capitalistes d’un pays, qui passe pour le pays classique des tentatives de stabilisation du capitalisme actuel, tiennent compte de la volonté de la classe ouvrière de se défendre par des mesures législatives contre l’offensive du capital. « A ce sujet, dit la déclaration, nous déclarons que cette intervention qui touche la base industrielle de l’économie allemande (il s’agit de la revendication des syndicats de voir la journée de 8 heures garantie par l’Etat), équivaut, économiquement, à une diminution de la production et, par suite, à une augmentation des prix avec toutes les conséquences qui en découleront inévitablement à l’intérieur comme à l’extérieur ».
La baisse des salaires en 1925-1926 se manifeste surtout dans les pays à change en baisse : France, Italie, Belgique. Comme toujours, la recrudescence de prospérité industrielle qui se produit dans ces pays grâce à la chute du change, s’appuie sur la baisse du salaire réel. Il en est de même en Pologne. Voici, par exemple, des données sur le niveau de vie minimum et le salaire effectif d’une famille ouvrière en Italie et en Pologne :
Pologne | Italie | |
---|---|---|
Niveau de vie minimum | 350 à 500 zloty | 900 à 1 000 lire |
Salaires | 200 à 300 zloty | 200 à 700 lire |
(données de l’Institut für Auslandsforschung, 1925)
On observe le même, retard du salaire sur le niveau de vie minimum en Hongrie et en Yougoslavie qui, comme l’Italie et la Pologne, peuvent être rangées parmi les « pays du fascisme ».
Si l’on prend les données sur les salaires allemands, en dépit d’une certaine augmentation enregistrée en 1925, on observe, ces derniers temps, par suite de la « rationalisation », une tendance à la baisse des salaires. La Wirschaftkurve[31] , passant en revue le mouvement des salaires au cours du second trimestre de 1926 est obligée de constater que les tarifs ont eu tendance à baisser. Si l’on tient compte de l’immense chômage, devenu chronique en Allemagne, le revenu réel de l’ouvrier allemand se montre à la fin de 1925-1926 à 79 % du revenu d’avant-guerre[32].
La hausse des prix sur les principales marchandises, hausse qui est le résultat de la politique des cartels, et l’augmentation considérable de la capacité de rendement de l’ouvrier allemand prévue par le système de rationalisation de l’économie allemande, jouent également un rôle très important dans l’abaissement de la grandeur réelle et relative du salaire. Si, par exemple, la capacité de rendement de l’ouvrier mineur allemand a augmenté, depuis 1913, de 17 %, par contre, le salaire réel a diminué d’au moins 10 %.
Le pays du capitalisme « prospère », les Etats-Unis, n’a pas échappé à la tendance générale de diminution dans le revenu national de la part de la classe ouvrière. A l’immense croissance de la capacité de rendement de l’ouvrier, obtenue par l’industrie américaine, ne correspond nullement une croissance proportionnelle des salaires. Un désaccord particulier s’observe dans le mouvement du salaire et du rendement du travail dans les grandes industries les plus mécanisées, qui ont subi, après la guerre, un changement profond dans leurs méthodes de fabrication (par exemple l’industrie chimique). D’après les données du Département du commerce des Ètats-Unis et les données analogues de la Federal Reserve Board[33], le rendement moyen de l’ouvrier américain a augmenté, de 1919 à 1926, de 30 %, et le salaire nominal de 11 % seulement. Les autres étapes de la « rationalisation » capitaliste sont la réorganisation du travail et la « fordisation » du processus de production. Une enquête spéciale, faite par la revue américaine Industrial Management sur les causes des progrès de l’industrie automobile américaine conclut en énumérant les sept causes suivantes : 1° standardisation et production massive ; 2° « automatisation » et « mécanisation » du transport à l’intérieur de l’usine (il s’agit surtout du système de la chaîne) ; 3° 1’« automatisation » des machines ; 4° organisation du contrôle ; 5° augmentation de la capacité de rendement ; 6° méthodes particulières d’écoulement ; 7° absence de secret industriel. Certains spécialistes estiment que de toutes ces causes la principale est le système de la « chaîne » qui, naturellement, aboutit à une augmentation de l’intensité et du rendement du travail. La « standardisation » et la « normalisation » de la production jouent, à coup sûr, un très important rôle. Dans ce domaine, des résultats exceptionnels ont été atteints ces derniers temps.
Toutes ces méthodes combinées donnent une économie formidable et augmentent à un très haut degré le rendement de l’entreprise.
Une autre méthode de la « rationalisation », c’est la concentration des entreprises industrielles qui, ces derniers temps, a pris des dimensions prodigieuses. Les accords et les unions, d’un type purement commercial, qui ont surgi pendant la guerre, et dont l’exemple le plus frappant est le célèbre konzern Stinnes, ont été détruits en grand nombre par l’évolution qui a suivi et remplacés par de formidables organisations d’un type industriel, qui ont surtout pris la forme industrielle la plus « conséquente » : le trust. Le processus « de trustisation » se déroule d’après deux lignes : l’organisation d’unions industrielles verticales et d’unions industrielles horizontales.
Enfin, il convient de signaler plusieurs grandes innovations qui ont fortement modifié quantitativement la base de la production. La croissance rapide de l’emploi de l’énergie électrique, la tendance à construire de formidables centrales électriques, la faveur pour les stations thermiques utilisant les déchets de charbon au lieu de stations hydrauliques, l’augmentation de la puissance des turbines et des tensions, les nouvelles méthodes de liquéfaction de la houille, de transformation des métaux, la préparation chimique de la soie artificielle et des différents sels, les expériences de fabrication de coton artificiel, l’extraction de la benzine du charbon, l’application à une grande échelle des moteurs Diesel dans la navigation, la large utilisation des transports automobiles, tout cela manifeste qualitativement la base technique du processus de production.
Les principaux centres du processus de « rationalisation » sont l’Amérique et l’Allemagne.
Aux Etats-Unis, comme nous l’avons vu, la bourgeoisie a atteint d’immenses résultats dans la standardisation et la « normalisation » de la production. Le système de la chaîne triomphe. Dans les industries métallurgique, chimique, dans la verrerie, les raffineries, l’alimentation, les tabacs, les mines, les élévateurs à grains, le commerce, etc..., partout la chaîne a pris la place d’honneur, entraînant une réorganisation profonde de tous les processus de production et, dans une large mesure, du processus de circulation (ce qu’on a appelé le « jet continu » et les « chemins barrés »). Outre cela, nous observons aux Etats-Unis, au cours de ces dernières années, une croissance immense des trusts. Parallèlement à l’apparition incessante de groupes industriels moins puissants (ces « groupes moins puissants » ont un capital qui varie entre 10 et 100 millions de dollars), les géants de l’industrie américaine actuelle et des banques augmentent également leurs capitaux.
La lutte fictive que simule parfois dans des buts électoraux le gouvernement américain contre les organisations monopolistes qui se forment n’empêche nullement la « trustisation » de se poursuivre sans arrêt. Ainsi, comme l’annoncent le New York Times et le The Christian Science Monitor, on prépare l’application imminente d’un plan prévoyant la création d’un syndicat ferroviaire au capital d’un milliard et demi de dollars qui s’appellera « Nicel Plate », ainsi que la fusion de cent lignes de chemins de fer dans dix à douze grandes compagnies disposant d’un capital de plus d’un milliard de dollars. Parmi les grands groupes monopolistes existants, on peut citer, aux Etats-Unis[34] , la National City Bank, au capital de plus d’un milliard de dollars, la Shase National Bank, avec un capital analogue, la Standard Oil New York avec 600 millions de dollars, le trust ferroviaire Loree, avec un capital de 600 millions, le trust de la boulangerie Ward, au capital de 400 millions, etc.
Un phénomène surprenant, c’est la récente « trustisation » de l’industrie allemande.
Comme exemple de la trustisation allemande, on peut prendre le trust unifié de l’acier, à propos duquel la revue Wirschaftsdienst écrit qu’il est un « édifice monumental », qui symbolise la « rationalisation ». Il a émis pour 800 millions de rentenmarks d’actions initiales. Il est, par conséquent, le plus grand trust d’Europe qui englobe plusieurs branches mixtes d’industrie. On peut le comparer au trust des colorants (J. G. Farbenindustrie), dont le capital est évalué à 1.100 millions de marks.
Afin de juger du type de trust horizontal et vertical que nous observons dans ces deux organisations, il suffira de prendre connaissance de la simple énumération des industries groupées par le trust des colorants. Nous y trouvons ; colorants, produits pharmaceutiques, films, soie artificielle, articles électro-techniques, gaz, azote, engrais dérivés du charbon, etc... Le trust des colorants a des carrières de gypse, des charbonnages, sa propre production d’acier, etc...
L’application du système de la chaîne, cette transformation technique la plus importante de toutes, ainsi que d’autres innovations calquées sur l’organisation américaine, jouent en Allemagne également un rôle des plus importants.
Pour illustrer la portée économique de toutes les transformations subies par le capitalisme moderne, citons les chiffres suivants :
Les « indices industriels » de l’industrie automobile américaine traduisent [indiquent ?]:
1914 | 100 |
---|---|
1920 | 133 |
1921 | 214 |
1922 | 264 |
1923 | 295 |
1925 | 310 |
Quant à l’industrie du fer et de l’acier en Amérique, l’indice de 1925 marque 150 ; pour la chaussure, il est de 117 ; pour le papier, 134 ; les filatures 109,7 ; le tissage, 124.[35]
En Allemagne, dans la production de la potasse, de 1924 à 1925, 118 mines sur 224 furent fermées, le nombre des ouvriers fut réduit de 23 000 à 9 500 et la production des mines monta de 842 000 à 1 225 000 tonnes. Dans l’industrie du charbon, de 1913 à mai 1920, le rendement par ouvrier augmenta de plus de 17 %. En même temps, près de 200 000 ouvriers étaient éliminés, ces dernières années, de. la production. Dans la production du fer, le rendement journalier par ouvrier a augmenté, d’août 1925 à août 1926, de 43 %.
Un fait caractéristique de l’essor actuel de l’économie allemande est que son organisation industrielle est l’initiatrice et la principale force directrice dans la création des cartels internationaux. Le cartel de l’acier européen, organisé récemment, a à sa tête les organisations allemandes.
Les tendances de cartellisation internationale se font très fortement sentir ces derniers temps. Après la guerre, après la longue période du chaos d’après-guerre, de nouveaux groupements économiques se constituent, de nouvelles relations économiques se nouent entre Etats. On sait que la formation du cartel continental de l’acier a fait sensation. Il existe, en outre, un syndicat franco-allemand de la potasse ; récemment se sont formés des cartels internationaux du rail et du fil de fer. On annonce la constitution d’un syndicat international du cuivre « Cooper Exportation Incorporater[d] » qui groupe 92 % de la production mondiale du cuivre. On prépare la formation d’un puissant trust électrique de l’Europe Centrale, d’un trust financier international, etc...
Il est intéressant de remarquer que cette vague de cartellisation internationale commence à passer en Angleterre qui on le sait, est de beaucoup en retard sur l’Allemagne et les autres pays dans le domaine de la technique et de l’organisation de l’industrie. C’est ainsi que l’on s’apprête actuellement en Angleterre à constituer un grand trust chimique calqué sur les Konzerns chimiques d’Allemagne et d’Amérique. Le capital présumé de ce trust ne doit pas être inférieur à celui du trust chimique allemand. Plusieurs compagnies minières anglaises ont déjà fusionné. Il est curieux que le président d’un de ces groupes miniers, le major Leslie, ne craint pas de dire qu’il faut « suivre l’exemple allemand »[36].
Tous ces faits sont le tableau indéniable des grands et sérieux résultats obtenus dans la voie de la « rationalisation » capitaliste. Ces résultats, nous devons les reconnaître. Ce serait une grande erreur de ne pas le faire. Mais ils ne sont pas de nature à modifier l’analyse fondamentale du stade actuel de la stabilisation capitaliste et de l’essence de la crise que traverse le capitalisme. Aucune de ces contradictions, difficultés, irrégularités, disproportions du capitalisme actuel, ne sont supprimées par la rationalisation en cours. Et, pardessus tout, le problème primordial du capitalisme d’après-guerre le problème des marchés, reste encore à résoudre.
Le principal obstacle qui s’oppose à la « rationalisation » capitaliste, c’est, pour les Etats européens, la contradiction aux progrès techniques et à la « fordisation » de cette production, et la faiblesse des marchés intérieurs qui est encore aggravée par la pressuration de la classe ouvrière. La « standardisation » et la « normalisation » de la production impliquent directement son caractère massif. La production massive exige un pouvoir d’achat suffisant du marché. Cependant, comme nous l’avons vu, c’est là le problème le plus difficile à résoudre. Dans ces conditions, la « rationalisation » elle-même revêt un caractère profondément contradictoire. Pour s’adapter aux besoins réels du marché, il faut réduire la production : pour diminuer la part de la classe ouvrière dans l’ensemble du revenu national, il faut restreindre davantage ce marché intérieur. D’autre part, de multiples mesures, comme la « standardisation », la « normalisation », l’installation de nouvelles machines ne se justifient et, par conséquent, ne sont économiquement rationnelles que si elles réalisent une production massive.
Les économistes bourgeois eux-mêmes sentent, que la « cartellisation » et la réduction de la production ne permettent pas de sortir de la crise. « La limitation de la production, écrit l’un d’eux, M. Boon [Bonn], commencée par les entreprises cartellisées selon un pourcentage, équivaut à réduire la crise à une norme et non à la rationaliser. » Cela conduit simplement à une demi-exploitation de la capacité des entreprises et au renchérissement du prix de revient de la production, même dans les bonnes usines. Par là cette crise revêt un caractère absurde... Ainsi, les cartels capitalisent les pertes des entreprises sans bénéfices, rejetant ce fardeau sur elles-mêmes et sur toute l’économie nationale[37].
Une grande difficulté que la « rationalisation » capitaliste n’est pas en état de surmonter réside dans la politique des prix élevés que les cartels ne peuvent pas ne pas faire. Mais cette politique rétrécit encore davantage le marché intérieur. Mieux. Elle fait retomber le poids de la crise sur les autres branches d’industrie, opposées aux « cartels », de même que sur les consommateurs, Bonn, que nous avons déjà cité, déclare ironiquement qu’une telle « rationalisation » est une « rationalisation à rebours ». Mais le malheur est qu’il ne peut y avoir d’autre « rationalisation » en régime capitaliste. La situation est extrêmement difficile en Allemagne, où l’appauvrissement des masses est particulièrement grave, où, par conséquent, le marché intérieur est très restreint, où la solution de la question des marchés extérieurs est singulièrement difficile et où, en outre, dans un avenir immédiat, il faudra verser, sans contrepartie, au titre des réparations, des sommes toujours croissantes de valeurs. Si, en 1925-1926, il a fallu débourser 1 200 millions de marks, en 1926-1927, il en faudra débourser 1,5 milliard, en 1927-1928, 1,75 milliard, en 1928-1929, 2,5 milliards. Jusqu’à présent, l’amortissement des paiements au titre des réparations se faisait exclusivement aux dépens des crédits américains et nullement aux dépens des valeurs produites à l’intérieur du pays. Le président de la Reichsbank, Schacht, qui se prononça contre l’afflux de crédits étrangers nouveaux, dut l’avouer récemment eu toute franchise à la séance de 1’« Enquettenausschusses », ce qui ne fut pas sans provoquer une grande sensation dans la presse : « Les banques et les banquiers privés, dit-il, nous comblent d’argent, mais les gouvernements étrangers, par l’intermédiaire de M. Gilbert, nous le reprennent. Quant au soin de la perception des intérêts fixés pour les détenteurs privés de capital, nous le laissons à la Providence »[38].
Le paiement de sommes toujours croissantes au titre des réparations, joint à l’extrême rétrécissement du marché intérieur et à la situation particulièrement difficile de l’Allemagne sur le marché mondial, peut amener et amènera selon toute probabilité une aggravation extrême de l’antagonisme fondamental qu’il y a entre la capacité de production de l’appareil industriel allemand et la demande effective du marché intérieur et, par conséquent, une exacerbation de la lutte de classes. Il ne peut être question de supprimer ou d’adoucir la lutte entre les organisations capitalistes ou capitalistes d’Etat qui résulte de la cartellisation internationale. Il se peut que, momentanément, la lutte revête un autre caractère, que d’avouée elle devienne latente. Mais la lutte, lutte cruelle, demeure. Le vice-directeur de la Fédération des maîtres de forges allemands Buchman, le comprend très bien, lorsqu’il dit que la lutte pour les parts dans le Cartel européen de l’acier est inévitable. Car, « dans chaque cartel industriel, les normes de production sont l’essentiel des contrats et le résultat d’un compromis précédé par une lutte pour l’obtention d’une part de la production générale »[39].
Déjà l’Allemagne a reçu, par exemple, par rapport à sa capacité de production, une part moindre que la France et la Belgique. Dès le mois d’août, la production allemande a dépassé la norme qui lui avait été assignée et, par conséquent, elle devra payer une somme supplémentaire à la caisse du cartel. Et puis, avec quelle inimitié l’Angleterre, par exemple, a accueilli la formation du Cartel de l’Acier ! Tout cela prouve l’inconsistance absolue des illusions au sujet de l’union pacifique des capitalistes de tous les pays sur le terrain de la « cartellisation ».
Enfin, la plus grande difficulté à laquelle se heurte la « rationalisation » capitaliste (elle se manifestera dans un avenir prochain) c’est la résistance certaine de la classe ouvrière. L’organisation et la « rationalisation » de la technique du capitalisme actuel se distinguent des phénomènes analogues qui se sont produits dans le passé du capitalisme par le fait qu’elles sont accompagnées d’une armée chronique, inépuisable, de chômeurs, d’une vaste offensive contre les conquêtes matérielles fondamentales que la classe ouvrière s’est assurées en régime capitaliste bien avant la guerre. D’autre part, la « trustification » de la production aboutit à une cohésion de la classe toujours plus grande de la bourgeoisie, et, par conséquent, à une accroissement de la résistance ouvrière. Le fameux directeur de la revue allemande Die Bank, Londsburg, y voit un danger menaçant. « Nous sommes désormais impuissants, dit-il, bien que nous comprenions que les côtés négatifs de la « rationalisation » mènent à un cannibalisme social et engendrent le danger monstrueux de voir poindre le crépuscule de la civilisation »[40].
Il faut s’arrêter ici sur la différence qui existe entre la « rationalisation » en Etat capitaliste, et la « rationalisation » dans l’Union soviétiste. Il doit être clair pour chaque communiste, que dans l’Union soviétique, la « rationalisation » se fait dans l’intérêt de l’ensemble de la classe ouvrière, dans le but d’édifier le socialisme, et nullement dans l’intérêt de la bourgeoisie ou de l’affermissement du capitalisme. C’est là l’immense différence entre les deux « rationalisations ». Mais ce n’est pas seulement au point de vue de classe, mais à d’autres points de vue que, entre la rationalisation de la production dans les Etats capitalistes et dans l’Union soviétiste, il y a différence profonde. Dans l’Union soviétiste, le principal stimulant de la « rationalisation » est d’arriver à satisfaire les besoins des masses, étant donné que la demande du marché dépasse la capacité de production. L’ampleur du marché est, chez nous, plus grande que celle de la production, tandis que là-bas, c’est exactement le contraire. C’est pourquoi chez nous l’adaptation au marché se fait par l’augmentation de la production tandis que chez eux, dans le stade actuel du développement, l’adaptation au marché doit forcément s’opérer par une réduction partielle de la production. Chez nous, la situation est bien différente. Quel que soit le processus de « rationalisation » qui se développe dans notre pays, nous serons bientôt amenés à faire appel à un grand nombre d’ouvriers nouveaux, tandis qu’ailleurs la « rationalisation » a pour conséquence inévitable l’augmentation du chômage dans les principaux pays d’Europe, la croissance du chômage chronique, qui a atteint des proportions inouïes, et qui est devenu un phénomène permanent. Des pays comme l’Angleterre et l’Allemagne, en sont un exemple. D’autre part, dans la mesure où le chômage sévit chez nous, il doit être attribué avant tout à la surpopulation rurale. Les chômeurs sont, pour la plupart, des paysans venus des campagnes. Tandis que chez eux, les chômeurs sont des prolétaires oui sont .rejetés hors de la production et dont une partie dégénère de prolétaires en indigents. Dans toutes ces directions, il y a une immense différence qui est conditionnée, en définitive, par d’autres structures sociales de classe et une orientation de principe différente de toute l’évolution.
VI. Quelques questions de principe de l’époque actuelle[modifier le wikicode]
A. « Phase nouvelle » du capitalisme et « Ultra-impérialisme »[modifier le wikicode]
Une des questions de principe de l’époque actuelle est de savoir si le capitalisme est en train de passer à une phase essentiellement nouvelle de son évolution qui exclut de multiples points de vue antérieurs. Une certaine base réelle, ou plutôt un prétexte pour l’édification d’une théorie spéciale de 1’« ultra-impérialisme », est fourni par des faits comme la fondation de cartels économiques internationaux et autres accords, ainsi que par des faits comme les accords intergouvernementaux, qui trouvent actuellement leur couronnement dans l’activité de la Société des Nations. Dans les milieux social-démocrates, dans les cercles de la petitebourgeoisie et simplement du pacifisme bourgeois, cette idéologie recommence à être en vogue. Dans les milieux social-démocrates, Karl Kautsky tenta, dès le début de la guerre, de justifier cette idéologie selon le « marxisme », en démontrant, instamment, au capitalisme qu’il est beaucoup plus avantageux pour lui d’accomplir son extension et d’assouvir ses appétits économiques par une voie pacifique, par le commerce libre, et non pas par une violente politique impérialiste. Kautsky a dessiné, comme perspective, la réconciliation des intérêts des puissances capitalistes en lutte et la conclusion d’accords universels entre Etats qui supprimeraient définitivement les guerres et qui donneraient à la domination du régime capitaliste un tout autre aspect. Actuellement, cette théorie de Kautsky est défendue, d’un point de vue « marxiste » (en contradiction complète avec les déductions du son propre ouvrage sur le Capital financier, par Rudolph Hilferding. Dans le n°1 de sa revue Die Gesellschaft M.
Hilferding écrit :
« Le capitalisme implique-t-il vraiment la guerre, pour qu’on puisse dire que ce n’est que lorsqu’il sera définitivement vaincu que la paix se réalisera ? N’est-il pas possible d’y parvenir par une politique de création de nouvelles formes politiques d’organisation mondiale qui limiteraient l’indépendance des divers Etats dans l’intérêt d’une organisation super-étatique ? N’y a-t-il pas là, pour l’évolution un champ beaucoup plus vaste qu’on ne l’a pensé jusqu’ici... Alors la question de l’internationalisme se poserait non pas comme une simple conception, encore moins, comme une réaction contre le nationalisme, mais comme problème politique pratique. »
Cette formule algébrique est déchiffrée par toute la presse social-démocrate. Ainsi, le président social-démocrate du Reichstag, Paul Lehbe, dans la Voix du Peuple de Chemnitz, parle de la « mobilisation de toutes les forces tendant à éviter la guerre ». Il fait entrer dans ces forces la Société des Nations, le « mouvement paneuropéen », « la ligue pour l’accord européen », les nouvelles conférences pacifistes, religieuses et laïques. Les social-démocrates autrichiens les plus « à gauche » se placent au point de vue de la refonte de la Société des Nations qui, voyez-vous, est une forme que l’on, peut emplir d’un autre contenu (Journal ouvrier de Vienne, 9 septembre).
Il faut tout d’abord s’arrêter à l’analyse théorique de l’extra-impérialisme. Un accord général est-il probable entre Etats capitalistes ? Si l’on se base sur le rapport des effectifs des forces et si l’on estime, comme auparavant, que le monde capitaliste et les diverses organisations du capitalisme ne se laissent pas guider par des motifs d’ordre humanitaire, mais par le profit, la déduction qu’un accord universel de ce genre est absolument improbable doit fatalement s’imposer. Le développement du monde capitaliste suit une marche irrégulière.
Toute puissance impérialiste ou tout ensemble de puissances ne voudra conclure un accord ni se fondre en une organisation unique s’ils ont l’espoir d’obtenir par d’autres méthodes une part beaucoup plus grande de la plus-value ou du sur-travail obtenus dans le monde entier. Il suffit de regarder la carte économique ou politique du monde pour voir à quel point la vie est loin des utopies pacifistes. Pourquoi l’Amérique devrait- elle renoncer à sa liberté d’action si elle a d’immenses chances de battre ses concurrents sans être liée par des accords généraux ? Pourquoi le Japon adhérerait-il à un cartel d’Etats s’il place des espoirs dans la force de ses positions en Orient ? Pourquoi l’Italie s’attellerait-elle au char des autres puissances, si elle espère actuellement, en partie par ses propres moyens, en partie en spéculant sur les antagonismes des autres puissances, obtenir beaucoup plus que par un accord général ? Et ainsi de suite. En général, il faut remarquer (on le voit dans la pratique de l’organisation des cartels, syndicats, trusts, etc.) que des accords plus ou moins fermes se forment dans deux principales circonstances : d’abord, quand il y a égalité de force entre les concurrents et aucun espoir de victoire des uns sur les autres (dans ce cas, la lutte est très coûteuse, elle rappelle l’histoire de ces rats qui se dévorèrent entre eux ne laissant que leurs queues) ; ensuite, lorsqu’apparaît une force qui a des avantages immenses sur toutes les autres, ce qui fait que pour ces dernières (qu’elles luttent isolément ou d’un commun accord), la bataille apparaît comme perdue d’avance. Dans ces deux éventualités, des accords solides sont susceptibles d’être conclus et la lutte peut prendre fin. Si nous considérons la situation qui existe actuellement dans le monde, nous nous convaincrons facilement qu’elle ne favorise nullement la cessation de la lutte. L’Amérique détient aujourd’hui l’hégémonie du marché mondial. C’est vrai. Mais elle n’est pas tellement forte qu’elle puisse subjuguer toutes les autres puissances prises ensemble. Pour les autres puissances, la lutte n’est nullement désespérée. Mai si même l’on prend uniquement l’Europe, on voit que là aussi le développement inégal et les regroupements complets qui s’opèrent ces derniers temps ne parlent guère en faveur de la possibilité d’un cartel d’Etats paneuropéens. Un fait caractéristique est que même les partisans enthousiastes du mouvement paneuropéen exceptent de la Paneurope l’Angleterre et l’Union Soviétiste. L’Union Soviétiste en est exceptée sous prétexte que le centre de gravité de ses intérêts est placé en dehors de l’Europe, en Asie, en réalité, parce qu’elle est un corps étranger au sein du capitalisme. L’Angleterre est exceptée sous prétexte qu’elle possède un immense domaine colonial, en réalité, parce qu’il existe de graves désaccords anglo-français. A ce sujet, le fameux économiste bourgeois, Hobson, verse des larmes dans la revue Marxist, d’Hilferding. De son côté, Mac Donald écrit dans la Socialist Review d’octobre, page 7 : « Nous nous félicitons sans réserve de la nouvelle collaboration de la France et de l’Allemagne. Souhaitons qu’elle donne d’heureux résultats. Mais nous ne devons pas perdre notre importance et permettre que l’on nous traite par derrière avec mépris ou dédain. Défaite sur défaite en Chine (Mac Donald est fort attristé des succès remportés par la révolution chinoise sur l’impérialisme anglais) ; importance bientôt nulle à Genève, tel est le sort qui nous poursuit depuis que le gouvernement actuel est au pouvoir. C’est humiliant et dangereux pour nous et mal pour le monde entier ». Le « socialiste constructeur » et le prédicateur dominical laissent percer ici le sens véritable de tous les discours sur l’union européenne d’une part et, d’autre part, traduit dans ses lamentations le véritable état de choses. Cet état de choses est que l’union « pacifique » de l’Europe a tendance à diriger une pointe qui n’a rien de pacifique contre l’Union Soviétiste (ce qui va de soi) et contre l’Angleterre. Mais, faisons la supposition bien improbable, que l’Europe occidentale tout entière, y compris l’Angleterre, s’est unie. Les principaux rivaux qui resteront seront : l’Amérique, l’Europe, le Japon et l’Union Soviétiste. Il n’est pas difficile de voir qu’un tel état de choses signifierait non pas la cessation de la lutte et la suppression des dangers de guerre, mais juste l’opposé, à savoir une reproduction de la lutte à un degré supérieur, un caractère encore plus monstrueux des guerres, et un accroissement formidable des forces de destruction. C’est pourquoi le verbiage insupportable sur la phase « ultraimpérialiste » dans laquelle, d’après Hilferding, disparaîtraient les dangers de guerre et qui donnerait, contrairement à ce que dit Marx, plus de liberté à ce qu’on est convenu d’appeler l’évolution, est vraiment odieux. Il faut être aveugle ou charlatan pour attribuer une valeur pacifiste (sans guillemets) à l’intervention bruyante de 150 banquiers et industriels. Il s’agit ici du jeu anglo-américain. Il s’agit d’un avantage direct pour les plus puissants groupes capitalistes qui se sont barricadés derrière de formidables cloisons douanières, et qui ont intérêt à abattre les barrières douanières des autres pays. Voilà le sens de cette intervention.
Le verbiage « ultra-impérialiste » est absurde après que nous avons vu l’instabilité extrême, la fragilité des groupements d’Etats et que la principale expression de la tendance « fusionniste », la Société des Nations, est en état de décomposition. Objectivement, la propagande ultra-impérialiste se ramène à une propagande contre l’Union Soviétiste qui ne veut pas entrer dans la Société des Nations et contre les peuples coloniaux et semi-coloniaux d’Orient qui empêchent les groupements d’exploiteurs de les dépouiller « pacifiquement ». La social-démocratie même, dans la personne de ses représentants de gauche autrichiens, attaque l’Union Soviétiste, la Chine, etc., qui, soi-disant, entravent la « paix générale » qui est en train de s’établir. C’est en cela et en cela surtout que réside aujourd’hui le sens de la théorie de l’ultra-impérialisme. Etant complètement fausse en elle-même, le rôle qu’elle joue en fait un instrument de la contre-révolution contre la révolution prolétarienne et les pays coloniaux.
B. L’impérialisme allemand[modifier le wikicode]
La croissance économique de l’Allemagne et le regroupement subséquent des puissances européennes devait infailliblement se traduire par une appréciation nouvelle du rôle international de l’Allemagne. Déjà en 1915, Lénine, analysant les résultats probables de la guerre, écrivait qu’au cas où elle se terminerait par la débâcle d’une des puissances européennes, et où la paix serait signée à des conditions draconiennes, une situation se créerait en Europe qui rendrait possible une guerre de défense nationale. En d’autres termes, s’il venait à se produire qu’une des puissances impérialistes fût complètement battue et que, de facteur actif de l’oppression impérialiste, elle en devint le facteur passif, la guerre menée par cette puissance humiliée et opprimée revêtirait un tout autre caractère que l’ancienne guerre qu’elle menait en tant que concurrent impérialiste. Cette situation s’est effectivement créée et la paix de Versailles en a été l’expression C’est pourquoi, lors de l’occupation par les troupes française d’une partie de l’Allemagne (l’occupation de la Ruhr) le Parti communiste allemand jugeait possible, dans certaines conditions, une guerre de défense contre l’impérialisme français. Si, à cette époque, l’Allemagne eût entrepris une guerre contre la France, cette guerre n’aurait plus eu un caractère impérialiste. Maintenant, la situation a littéralement changé. Dans ces dernières années, le capitalisme allemand s’est, jusqu’à un certain degré, stabilisé ; il s’est organisé ; il a atteint un niveau élevé dans le sens de groupes monopolistes solides ; il est la force dirigeante dans l’organisation des cartels internationaux. Il a substitué à son orientation orientale une orientation occidentale. Il fait partie des organes dirigeants de la Société des Nations. Il parle maintenant d’acquérir sur une base nouvelle (sur la base des mandats) une partie de ses anciennes possessions coloniales. Il parle d’avoir de nouveau la possibilité d’organiser sa force armée, en d’autres termes, sa consolidation impérialiste intérieure détermine déjà le début de la croissance de ses attributs de politique extérieure. Cette tendance se reflète dans les milieux social-démocrates. Le journal de Hilferding a publié une série d’articles qui posent la question des devoirs généraux (quel style élevé) des Européens envers les peuples coloniaux qu’ils doivent éduquer. Le système des mandats coloniaux est vanté sur tous les tons. Dans le vieux journal révisionniste Sozialistischen Monat Heft, d’octobre 1926, Max Cohen, dans un article intitulé « Pour l’avenir colonial allemand » écrit ; « Pour l’Allemagne justement, qui a. besoin d’importer une grande quantité de matières premières, il est de la plus haute importance de pouvoir créer ses propres réserves de matières premières, fussent-elles insignifiantes au début » (on entend là par réserves de matières premières les domaines coloniaux qui les fournissent. N. B.). On discute ce thème sur tous les tons dans les milieux industriels financiers et, comme nous le voyons, social-démocrates. Tous ces faits, dans leur ensemble, nous amènent à conclure que le développement de l’Allemagne a modifié radicalement sa position internationale et l’analyse qui était juste lors de l’occupation de la Ruhr, ne peut, en aucun cas, être appliquée à la situation actuelle. La principale conclusion pratique et politique, c’est que dans la Question de la défense « nationale ». à l’égard de l’impérialisme allemand, il faut en revenir à l’idée qu’il est inadmissible que la classe ouvrière défende la « Patrie ».
C. Rôle et importance de l’Union soviétique[modifier le wikicode]
’Le revirement de la politique allemande et le regroupement des puissances qui en est résulté, l’accentuation des tendances hostiles â l’Union des Soviets, ont eu leur répercussion parmi les groupes petits-bourgeois et hésitants du mouvement communiste ; ces causes ont fait se détourner du communisme et de l’Union des Soviets, base d’organisation principale du communisme, plusieurs « chefs » petits-bourgeois. Ce reniement a été couvert et soutenu par l’opposition au sein du Parti communiste de l’Union Soviétiste qui a grandement contribué à semer le désarroi dans les rangs du Parti communiste allemand. Cet abandon idéologique s’est exprimé par un passage aux positions social-démocrates et, ce qui plus est, aux positions de la droite de la social-démocratie à égard de l’Union des Soviets. Le développement de cet état d’esprit « antimoscovite » allait de pair avec le renforcement des tendances « antimoscovites » parmi les cercles dirigeants de la bourgeoisie allemande. Nous allons citer un bouquet de ces idées, classées dans l’ordre d’apostasie.
Voici, par exemple, de quelle façon Urbahns, exclu maintenant du parti communiste allemand, caractérise la politique du P. C. de l’U. R. S. S. et du gouvernement des Soviets :
« La majorité du P. C. de l’U. R. S. S. suit une politique de concessions aux paysans riches, augmente leurs droits politiques et électoraux, diminue les impôts des paysans riches; elle se refuse de lutter contre les ligues paysannes qui sont pourtant l’embryon d’un parti des classes contre-révolutionnaires » (Mémorandum des « ultragauches »)
M. Korsch, allié de « gauche » des « ultra-gauches » qui, dans son analyse de principe de la politique du P. C. de l’U. R. S. S., diffère fort peu des « ultra-gauches », Urbahns, Ruth Fischer, etc., va encore plus loin :
« Si en 1917, il y avait en dépit du petit nombre du prolétaires et de l’immense prédominance des paysans à économie précapitaliste et capitaliste n’ayant pas préalablement traversé la longue et douloureuse période de développement et d’épanouissement complet du capitalisme, une possibilité reconnue par tous les chefs révolutionnaires du prolétariat de réaliser la révolution prolétarienne et d’entreprendre l’édification du socialisme, actuellement, lorsque le mouvement révolutionnaire du prolétariat international est temporairement refoulé, le caractère radical-bourgeois de la révolution russe apparaît de plus en plus et celle-ci reste isolée dans l’entourage de l’économie capitaliste mondiale.
L’anéantissement impitoyable de toutes les formes féodales qui gênent le développement capitaliste des campagnes, la nationalisation de la terre et de la grosse industrie - par suite de l’impossibilité de l’édification du socialisme, provenant du retard de la révolution mondiale - et la restauration des moyens capitalistes de production et de commerce, ouvrent de larges possibilités non pas pour l’édification du socialisme, mais pour l’essor rapide du capitalisme dans l’U. R. S, S. Ce développement est très rapide. » (Kommunistische Politik, n° 13-14, Déclaration au sujet de la question russe.)
Puisque l’U. R. S. S. s’achemine vers la restauration du capitalisme il est clair que s’impose la préparation à « une deuxième révolution » (c’est-à-dire la contre-révolution) :
« La tâche du Parti communiste de l’Union soviétiste n’a jamais été et n’est pas d’abandonner volontairement le pouvoir après l’avoir conquis provisoirement ou de ‘‘mourir d’une belle mort’’ sous le prétexte qu’en Russie il n’est pas encore temps d’organiser et d’accomplir ‘‘la seconde révolution’’. En tant que parti du prolétariat, il a, pendant cette période, à réaliser une tâche révolutionnaire pratique. Il doit faire pénétrer dans la classe ouvrière l’idée que la tâche historique du prolétariat consiste à préparer et à accomplir la ‘‘seconde’’ révolution » (Idem.)
Schwarz, qui a rompu avec Korsch, mais pas pour des divergences de principe, pose carrément la question de la lutte contre l’Etat soviétiste :
« La ‘‘gauche intransigeante’’ nie catégoriquement… la ‘‘nep’’, en tant qu’union de la bourgeoisie soviétiste avec la bureaucratie soviétiste. Elle appelle les prolétaires russes des villes et des campagnes à s’unir afin de mener, en commun avec le prolétariat, international, une lutte révolutionnaire implacable contre la dictature bourgeoise qui se constitue en Russie. »
Et enfin, Katz, qui a troqué la qualité de membre du parti communiste contre une place de fonctionnaire de la ville de Hanovre que lui ont procurée les social-démocrates :
« La Russie est devenue un pays tout aussi capitaliste que les autres. Staline est un représentant du pouvoir capitaliste bourgeois aussi bien que Poincaré, Hindenbourg ou Pilsudski. Et de même qu’en Europe, la révolution prolétarienne doit éclater contre le régime capitaliste en Allemagne, en France et en Pologne, de même, la révolution prolétarienne se déclanchera en Russie contre le pouvoir capitaliste qui, exprimant les intérêts de classe des paysans et des bourgeois, a liquidé les conquêtes de la révolution prolétarienne héroïque d’octobre 1917. »
Et les grondements de cette révolution se font déjà entendre en Russie. »
(Mitteilungsblatt, N° 23.)
Il est intéressant de comparer cela aux thèses essentielles de Kautsky.
Comme l’on sait, ce spécialiste de la calomnie contre la Russie des Soviets, « démontre » dans sa brochure, Die Internationale und Sovjet-Russland. que « l’absolutisme » bolchévik ne diffère en rien de celui des Romanov ou des Hohenzollern. Toute la différence entre les écrivassiers « ultra- gauches », genre Katz et Kautsky, se réduit à ce que le premier identifie le gouvernement des Soviets à ceux de Poincaré, Hindenbourg et Pilsudski, tandis que le second écrit que le gouvernement des Soviets « est actuellement l’obstacle le plus grand à l’essor du mouvement prolétarien du monde entier », « pire que le régime abject de Horty en Hongrie et de Mussolini en Italie ». Dans un autre passage de la même brochure, Kautsky a anticipé sur les clameurs des « ultra-gauches » au sujet de la dégénérescence. Il écrit que ce qui différencie le « despotisme bolchevik de ceux que nous avons connus jadis, c’est le fait que ces nouveaux despotes furent naguère nos camarades ». Mais en Amérique aussi il y a de nombreux millionnaires qui appartinrent dans leur jeunesse au prolétariat le plus pauvre. Leur origine prolétarienne ne les a pas le moins du monde empêchés de se muer plus tard en exploiteurs du prolétariat les plus cyniques et les plus impitoyables. Comme les « ultra-gauches », Kautsky est persuadé que nous n’édifions pas le socialisme, mais que c’est le capitalisme qui se développe chez nous. « Naturellement, il (le bolchevisme, N. B.) ne reconnaît encore pas cette vérité absolue que son régime ne conduit pas au socialisme, mais l’en éloigne. Pratiquement, les bolcheviks doivent s’efforcer de remettre en marche la production et les transports qu’ils ont paralysés. Pour cela, premièrement, ils partagent le monopole de l’exploitation du peuple russe (à cela se réduit tout leur « communisme ») avec des capitalistes privés, des étrangers qui paient bien et qui savent mener leurs affaires d’une manière plus rationnelle que les militants bolcheviks. » Enfin, appelant « la seconde révolution », le soulèvement contre le pouvoir soviétiste, les ultra-gauches, là aussi, ne sont, en fin de compte, qu’imitateurs de Kautsky. « Que doivent donc faire les socialistes en Russie? », demande Kautsky, et [il] répond :
« Actuellement, même dans la Russie proprement dite, il n’y a plus de danger qu’un soulèvement socialiste contre le bolchevisme (tout à fait « la seconde révolution » de Korsch ! N. B.) favorise la réaction. Ceci pour cette simple raison que tout ce que la réaction pourrait apporter, les bolcheviks le pratiquent déjà dans une mesure difficile à dépasser... » « C’est pourquoi nous n’avons pas à craindre qu’un soulèvement armé en Russie aide la réaction. Au contraire, il devient de plus en plus probable qu’un pareil soulèvement, en cas de succès, augmenterait la liberté en Russie sans toucher à aucune des modestes conquêtes encore existantes de la révolution, ressusciterait certaines de ces conquêtes et serait un bienfait immense pour les masses populaires et le prolétariat ». Comme on le voit, aussi bien quant à la définition de l’Etat soviétiste que dans les affirmations calomnieuses que notre économie se développe vers le capitalisme, les accusations de dégénérescence et même les mots d’ordre de « seconde révolution » — dans tous ces points essentiels de leur plate « idéologie », les « ultragauches », ne font simplement que répéter à leur façon les idées de Kautsky et reprendre les divers refrains des complaintes menchéviques.
Il n’est pas nécessaire de réfuter toutes ces insanités contre-révolutionnaires. Nous tenons à nous arrêter seulement sur la théorie qui constitue la base de tous ces raisonnements, la théorie de la dégénérescence « thermidorienne » de l’économie soviétiste, et, partant, du parti et de notre Etat.
On sait qu’il ne faut employer qu’avec une extrême précaution les analogies historiques. Il faut les aborder avec d’autant plus de circonspection quand on doit en tirer des conclusions politiques directes. En ce qui concerne la dégénérescence « thermidorienne » de la Russie des Soviets et de notre parti, le leader du menchévisme russe, Martov, adressait déjà, en 1921, à Lénine, le mot d’ordre : « De votre Thermidor économique, marchez à un 18 Brumaire politique ». Et cependant, il n’y a rien de plus faux et de plus antimarxiste que cette théorie de la fameuse dégénérescence « thermidorienne ». Premièrement, le coup d’Etat de Thermidor, pendant la révolution française, n’a nullement été pacifique, comme se le figurent ceux qui en parlent tant. Le coup d’Etat de Thermidor a été une action armée de la contre-révolution, suivie d’exécutions en masses, qui a marqué une offensive ouverte de la bourgeoisie girondine, soutenue par bêtise par les jacobins, de gauche, contre la dictature de Robespierre. La dictature politique de la petite-bourgeoisie, exercée par Robespierre et son groupe, n’exprimait pas du tout une tendance extrémiste du mouvement. Placée entre l’enclume et le marteau, entre la grosse bourgeoisie et le mouvement naissant du prolétariat et des éléments pauvres des villes, cette bourgeoisie devait fatalement tomber. Représenter cette phase de la révolution française comme ayant été pacifique, c’est s’abaisser dans l’analyse des événements de la révolution française au niveau d’un vulgaire évolutionnisme. Deuxièmement, il apparait encore plus absurde de faire une analogie avec Thermidor quand on examine les profondes causes sociales et économiques du coup d’Etat de Thermidor. Que signifiait, du point de vue économique, la dictature de la petite-bourgeoisie ? Economiquement, dans son expression la plus pure, elle défendait les intérêts des petites propriétés et des petits propriétaires, la lutte contre la grosse production. Donc, du point de vue économique, elle ne servait nullement le progrès des moyens de production, mais au contraire, défendait les moyens de production déjà voués à la disparition par suite de l’avènement victorieux des moyens techniques et économiques plus progressifs des grandes entreprises capitalistes. D’autre, part, l’agent de la grande production, c’est-à-dire d’un principe plus élevé de l’économie, était la bourgeoisie girondine, devenue déjà, contre-révolutionnaire. Le prolétariat encore embryonnaire, ne se considérant pas comme une classe à part et n’ayant aucune base matérielle pour une action indépendante et une victoire en tant que classe, ne pouvait, pour cela même, jouer un rôle indépendant et décisif. La contradiction objective entre le grand rôle politique libérateur de la petite-bourgeoisie et de la dictature jacobine, et son caractère économique réactionnaire ont provoqué l’effondrement inexorable de la dictature de Robespierre.
C’est précisément pourquoi la victoire des thermidoriens était prédéterminée par la marche même de la révolution française. Cela ne signifie nullement que la dictature jacobine fut, si l’on peut dire, « historiquement superflue ». Au contraire, la tâche objective consistait à débarrasser la société française de la façon la plus radicale de l’enveloppe des rapports féodaux. Ce problème ne pouvait être résolu par la bourgeoisie girondine, mais il fut résolu brillamment par la dictature terroriste de la petite-bourgeoisie, avec ses « méthodes plébéiennes de destruction du régime féodal », selon l’expression de Marx.
C’est pourquoi cette dictature a joué un grand rôle progressiste dans l’histoire de la société européenne. Mais elle était incapable d’assumer les tâches d’édification. .Cette tâche consistait à s’engager dans la voie du grand capitalisme qui, par rapport aux procédés féodaux et à la petite production, était un degré supérieur, mais ne pouvait être réalisé que par la grande bourgeoisie.
Si nous examinons maintenant la situation dans l’Union des Soviets, nous nous rendrons facilement compte qu’il ne peut y avoir ici aucune ressemblance et donc aucune analogie avec le coup d’Etat de .Thermidor en France. Premièrement, la conquête politique du pouvoir s’est faite chez nous sous la direction et l’hégémonie de la classe la plus révolutionnaire, le prolétariat, qui instaura sa dictature en s’appuyant sur la classe paysanne. Il n’y a et il ne peut y avoir aucune classe plus ‘‘à gauche’’ que le prolétariat. Le prolétariat n’occupe pas une place intermédiaire entre d’autres classes, il se trouve à l’extrême-gauche de l’ensemble social. Deuxièmement, il n’y a chez le prolétariat aucune contradiction entre son rôle politique et son rôle économique et d’organisation. Aucune classe et aucun groupement de là société nouvelle ne représente un principe économique supérieur au principe économique du prolétariat. Il n’est pas seulement, l’agent de la grande production dans sa forme, supérieure, mais, d’une façon plus précise, il réalise l’organisation de la production d’après un plan. De plus, son activité économique est guidée par les besoins des masses et non par l’intention de les dépouiller. Ses rapports avec les campagnes visent non pas à leur appauvrissement, mais à leur essor, ce qui, en fin de compte, assure une croissance plus certaine et plus rapide de l’industrie d’Etat. Voilà pourquoi la dictature de la classe ouvrière repose sur une base économique solide. Voilà pourquoi elle est et deviendra une dictature de plus en plus victorieuse L’indigence des critiques petites-bourgeoises de l’Union soviétiste et de toutes les attaques contre-révolutionnaires ridicules contre le Parti communiste de l’Union soviétiste font encore plus triste figure si l’on considère la circonstance suivante : On dit que notre dictature se transforme ou même qu’elle s’est déjà transformée en une « dictature de koulaks », une « dictature du petit propriétaire », autrement dit en dictature du petit capitalisme, mais alors pourquoi réalisons-nous graduellement et d’une façon suivie le principe de l’économie collectivisée travaillant selon un plan ? Comment se fait-il que cette dictature, qui, soi-disant, tient tant compte des intérêts des petits propriétaires, mette en application des principes qui battent en brèche la propriété privée; de sorte que la petite propriété mène une politique qui l’élimine elle-même ? Toutes ces contradictions ne peuvent pas être expliquées du point de vue de la critique petite-bourgeoise. Cette critique repose sur l’affirmation que la production privée et le capital privé sont plus avantageux que l’économie d’Etat du prolétariat. C’est précisément pour cela que toute la confrérie menchévique, en complet accord avec les émigrés libéraux et la petite-bourgeoisie a prédit la victoire certaine du capital privé dans la Russie des Soviets, la dénationalisation de 1’industrie, la restitution des entreprises d’Etat à leurs ex-propriétaires et c’est en s’appuyant làdessus qu’ils ont prédit la dégénérescence du régime politique ou sa destruction par la violence. Mais rien de cela n’est arrivé. Et maintenant que notre industrie d’Etat remporte des succès de plus en plus grands, pour soutenir que la production privée et capitaliste a battu l’économie d’Etat du prolétariat, il faut faire fi de tous les principes du marxisme. Dans ce cas, il faudrait démontrer que la petite production est plus avantageuse que la grande, que le moyen et le petit commerce sont plus avantageux que le grand commerce, que les petits dépositaires des caisses d’assurances sont à même de vaincre les grandes entreprises centralisées de crédit, etc... En d’autres termes, il faut renier tout le marxisme, il faut rééditer sur une autre base la théorie absurde de Bernstein et consorts, il faut renverser tous les principes économiques du marxisme, pour prédire la victoire des propriétaires privés sur l’économie d’Etat centralisée du prolétariat.
Dans les chapitres précédents, nous avons exposé la situation économique de l’Union des Soviets et la lutte des différentes forces au sein de cette économie. Nous avons constaté que l’essor des éléments socialistes de notre économie ne fait l’ombre d’aucun doute, ce qui signifie le développement des formes économiques les plus puissantes les plus rationnelles et les plus parfaites du point de vue technique. Devant ce fait, toutes les difficultés auxquelles nous nous heurtons, et qu’il serait niais de nier, sont tout de même repoussées au second plan. Les principales difficultés pour l’U. R. S. S. sont du domaine des relations extérieures : une immense difficulté, mais nullement insupportable, est la pression de l’économie capitaliste mondiale, les menaces constantes, devenues ces derniers temps particulièrement aigües, la possibilité d’une intervention contre l’Union des Soviets de la part des puissances capitalistes ou de leurs blocs est une menace permanente pour la dictature du prolétariat. Le rayonnement révolutionnaire du travail d’édification en U. R. S. S. ainsi que son influence politique sont un des facteurs les plus importants de la révolution internationale. L’agression contre l’Union des soviets et la « critique », si l’on ose dire, de Korsch, appartiennent l’une et l’autre à ce courant contrerévolutionnaire dirigé contre la dictature de la classe ouvrière. Toutes les tentatives de ce genre doivent être repoussées vigoureusement par tous les partisans de l’internationale, communiste.
D. Les principales perspectives de la révolution chinoise[modifier le wikicode]
Nous avons déjà souligné l’importance historique formidable de la lutte révolutionnaire du peuple chinois, contre l’impérialisme étranger. En son temps, Lénine a attiré l’attention de l’I.C. sur le rôle gigantesque dévolu aux peuples d’Orient qui s’éveillent dans la libération du monde du joug impérialiste. Ses prévisions se sont entièrement justifiées. L’Internationale communiste doit mettre en relief les questions de la révolution chinoise, non seulement par suite de son importance considérable, mais; aussi parce que le parti du prolétariat de Chine, le parti communiste chinois, est une des sections de notre Association Internationale. Il faut noter, en général, qu’une des tâches qui se posent devant l’I. C. est de faire connaître le mouvement chinois aux larges masses de l’Europe Occidentale et d’étudier les conditions économiques et politiques originales des pays d’Orient. Sans cette étude, il est impossible de fixer une politique juste dans une situation aussi compliquée, où des rapports économiques et politiques tout à fait particuliers à l’intérieur du pays se combinent avec un enchevêtrement immense d’influences en partie contradictoires des différents groupes impérialistes avec tout leur jeu diplomatique et militaire. Avant tout, il faut examiner quelques chiffres essentiels qui permettront de comprendre la structure économique de la Chine.
Les données dont nous disposons nous montrent un essor incontestable des éléments capitalistes dans ce pays. Commençons par les charbonnages. Dans le China Year Book, pour 1926, on cite le tableau suivant :
1913 | 14 000 000 de tonnes | 1919 | 19 387 000 de tonnes |
---|---|---|---|
1914 | 15 000 000 | 1920 | 20 381 000 |
1915 | 15 440 000 | 1921 | 19 872 000 |
1916 | 15 584 000 | 1922 | 19 954 000 |
1917 | 17 205 000 | 1923 | 22 681 000 |
1918 | 18 033 000 | 1924 | 23 711 000 |
Ces données montrent, en somme, un développement sensible de 1’industrie minière. Il n’est pas sans intérêt de savoir que les mines de Ceylan [ ?], qui appartiennent a une compagnie anglo-chinoise, mais se trouvent en réalité entre les mains du capital anglais, donnent à elles seules 22 % de l’extraction totale. Les mines de Fou-Choun, qui appartiennent à une compagnie japonaise, qui fournissaient auparavant 15 % de l’extraction totale, ont fourni, d’avril 1924 à mars 1925, 5.538.600 tonnes (23,5 % de 1’extraction totale) dépassant les mines de Ceylan[41].
Le capital investi dans cette branche d’industrie se répartit de la façon suivante : capital chinois, 50 millions de dollars ; anglais, 22 millions de dollars ; japonais, 27,5 millions de dollars ; allemand, 250 000 dollars. Il s ensuit quo le capital chinois investi est à peu près égal au capital étranger. Mais les meilleures mines se trouvent entre les mains des impérialistes. Les mines de fer se développent d’une façon, beaucoup plus lente, quoique l’exportation s’accroît sans cesse, ce qui ressort des chiffres suivants :
1917 | 309 107 tonnes | 1921 | 514 888 tonnes |
---|---|---|---|
1918 | 378 500 | 1922 | 671 220 |
1919 | 640 159 | 1923 | 727 603 |
1920 | 682 660 | 1924 | 846 833 |
L’essor de l’industrie textile est plus rapide. Il est regrettable que les données soient extrêmement contradictoires, de sorte que nous ne pouvons pas nous baser sur elles sans réserves, Mais elles dénotent toute une tendance de croissance générale.
Années | Nombre de fabriques | Quantités de broches | Nombre de métiers |
---|---|---|---|
1891 | 2 | 65 000 | 2 100 |
1902 | 7 | 565 000 | 3 500 |
1916 | 42 | 1 154 000 | 7 000 |
1920 | 65 | 1 422 000 | - |
1923 | 190 | 3 182 679 | 18 000 |
Les propriétaires de cette grande industrie se répartissent par nationalités ; ainsi, en 1924, 61 % de fabriques textiles étaient chinoises, 34 % japonaises, 5 % anglaises. II faut noter ici que par suite de la crise-de l’industrie textile, en 1923 et en 1924, une grande partie des entreprises est passée aux mains du capital japonais, tout en gardant, dans beaucoup de cas, leur raison sociale chinoise. Ceci ne nous permet pas actuellement de tenir compte exactement de la part de capital national chinois investie dans cette industrie.
Pour terminer ce bref aperçu de l’industrialisation de la Chine, citons les chiffres du commerce extérieur de la Chine, qui sont très caractéristiques.
Années | Importations | Exportations | Chiffre d’affaires total |
---|---|---|---|
1915 | 454 475 719 | 418 861 164 | 873 336 883 |
1916 | 516 406 995 | 481 797 366 | 988 204 361 |
1917 | 549 518 774 | 462 931 630 | 1 012 450 404 |
1918 | 554 893 082 | 485 883 031 | 1 040 776 113 |
1919 | 546 996 681 | 485 883 031 | 1 277 807 092 |
1920 | 762 250 230 | 541 631 300 | 1 303 881 530 |
1921 | 906 122 439 | 601 225 531 | 1 507 377 976 |
1922 | 945 049 650 | 654 891 933 | 1 599 941 583 |
1923 | 923 402 887 | 752 917 416 | 1 676 320 303 |
1924 | 1 018 210 677 | 771 784 468 | 1 789 995 145 |
Il faut ajouter à ceci les chiffres également très caractéristiques qui témoignent d’un changement du rôle de différents pays dans le commerce extérieur croissant de la Chine.
Pays | 1870 | 1880 | 1890 | 1900 | 1910 | 1913 | 1923 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
% | % | % | % | % | % | % | |
1. Grande-Bretagne | 37,0 | 26,9 | 19,0 | 20,5 | 14,8 | 16,5 | 13,0 |
2. Etats-Unis | 0,57 | 1,47 | 2,87 | 7,7 | 5,2 | - | 16,7 |
3. Japon | 1,95 | 4,3 | 5,75 | 12,6 | 16,1 | 22,5 | 22,9 |
Ces données concernant l’industrie doivent être complétées par des données sur la répartition de la propriété foncière. Il n’y a rien de plus embrouillé que les rapports agraires en Chine. Ils constituent la base de toute la structure économique de la Chine. Ces paysans représentent la majorité écrasante de la population et leur importance dans le développement de la révolution chinoise ira sans cesse en augmentant. Le problème rural est certainement le problème central de la révolution chinoise. Les principales données qui s’y rapportent se présentent sous l’aspect suivant.
Si l’on prend les données officielles du ministère, de l’Agriculture et du Commerce et les matériaux concernant le budget paysan et le revenu moyen de la terre, on obtient le tableau suivant de la répartition de la terre en quatre catégories principales
Catégories de propriété | Superficie | Nombre de familles | % | Superficie totale | % |
---|---|---|---|---|---|
1. Parcella ires | 1 à 20 mous | 24.429.363 | 49,5 | 244 293 620 | 15,9 |
2. Petites | 20 à 40 mous | 11 685.344 | 27,7 | 350 560 320 | 22,8 |
3. Moyennes | 40 à 75 mous | 7 735 344 | 13,6 | 386 763 200 | 25,4 |
4. Grandes | 75 mous et plus | 5 509 621 | 11,2 | 550 962 100 | 35,9 |
Total | 49 539 591 | 100 | 1 532 579 240 | 100 |
Les exploitations agricoles parcellaires qui comptent de 1 à 20 mous (le mous équivaut environ à 1/16 d’hectare) forment les 49,5 % de toutes les familles (c’est-à-dire de toutes les exploitations agricoles) et ne possèdent que 15 % de toute la terre. Cela signifie que la moitié des familles ne possèdent que des exploitations minuscules, que toute une moitié de la population rurale possède seulement 15 à 16 % de la terre cultivable, 23 % des familles possèdent ce qui est considéré là-bas comme de petites propriétés (de 20 à 40 mous), ce qui constitue 22 % des terres, 15 % des familles ont des propriétés de 46 à 75 mous. Ce groupe possède 25 % .des terres, 11 % des familles ont de grandes exploitations agricoles de 75 mous et plus et possèdent 36 % de toute la terre. Tel est le degré de différenciation de la population rurale.
Pour compléter le tableau, il faut dire que quoique, en général, la Chine soit un pays de petite agriculture, une partie des terres se trouve entre les mains des propriétaires plus importants. C’est ce que l’on peut appeler des domaines agricoles. Il existe de grandes propriétés, vestiges des anciennes propriétés des féodaux, de l’ancienne bureaucratie, des généraux : ces propriétés sont assez importances. On compte environ 30 000 propriétaires fonciers possédant plus de 1 000 mous. Parmi eux, nombreux sont les grands propriétaires dont les domaines dépassent 10.000 mous. Le mous est une mesure très petite de superficie, mais on peut le comparer, quant à l’importance économique, à notre déciatine, parce que l’agriculture est là-bas très intensive, ce qui fait qu’une petite quantité de terre a une grande valeur économique. Les économistes de l’époque de la grande révolution française considéraient déjà l’agriculture chinoise comme étant la plus intensive. Certaines provinces ne comptent que de grandes propriétés et il faut remarquer à ce propos que dans la province de Kvantung, les grandes propriétés sont plus nombreuses que dans les autres provinces de la Chine. 85 % de toute la terre, dans les vallées des rivières du Nord, de l’Ouest et de Han appartiennent à de grands propriétaires. Le tiers du district de Tchan-Të de la province du Honan appartient â la famille dé Yuan Chi Hai. Sans parler de plusieurs grandes familles de propriétaires fonciers, remarquons des propriétaires qui ont plus de 1 000 valets et domestiques à leur service.
Donc, la question paysanne se confond inévitablement ici avec la question agraire. C’est pourquoi dire que la question de la terre n’existe pas en Chine, que la révolution chinoise l’a entièrement supprimée de l’ordre du jour, dire que la Chine est exclusivement un pays de petite propriété agricole, c’est commettre une grosse erreur.
Cela se confirme par les données sur le nombre des fermiers et semi-fermiers chinois. La statistique officielle du ministère de 1’Agriculture et du Commerce donne les chiffres suivants :
Catégories | 1917 | 1918 | ||
---|---|---|---|---|
Nombre de familles | % | Nombre de familles | % | |
1. Propriétaires | 24 587 585 | 50 | 23 381 206 | 53,2 |
2. Fermiers | 13 825 546 | 28 | 11 307 432 | 25,7 |
3. Semi-fermiers | 10 494 722 | 22 | 9 246 843 | 21,1 |
Total | 48 907 853 | 100 | 45 935 475 | 100 |
Tous ces fermiers et semi-fermiers écrasés par les conditions usuraires du fermage qui, en moyenne, s’élève à 50 % de la récolte et parfois jusqu’à 80 %.
La seconde question intéressant les masses chinoises est celle des impôts qui, en premier lieu, retombent sur les masses travailleuses, c’est-à-dire sur les paysans et les artisans. La Chine est un pays qui a battu tous les records quant aux impôts. Il n’est pas rare de voir exister là-bas plus d’une douzaine d’espèces d’impôts qui frappent les paysans.
Les guerres continuelles entre militaristes aggravent à l’extrême la situation. Le plus drôle est que dans certaines provinces on est allé jusqu’à percevoir d’avance les impôts de plusieurs années. Certains auteurs américains estiment que, par suite des dernières crises, tant politiques qu’économiques et autres, l’agriculture est ruinée environ pour 40 %. Il est absolument impossible de vérifier cette assertion. Mais une seule chose est certaine : par suite du manque de terres qu’éprouvent les paysans, des impôts inouïs, du joug exclusif imposé par les étrangers qui détiennent les ports, les douanes et les impôts les plus importants, il se produit un appauvrissement monstrueux des paysans. Cet appauvrissement est si considérable que des millions de déclassés errent dans le pays et organisent ce qu’on appelle ces bandes de brigands. Rien qu’à Pékin, il y a une quantité innombrable de ces déclassés qui, malgré leurs besoins excessivement réduits, sont menacés e disparaître complètement. C’est pourquoi ils s’engagent chez n’importe quel militariste, forment ses armées, passent d’un gouvernement à l’autre, ne sentent aucun lien social. C’est là le symptôme d’une certaine décomposition de toute l’économie du pays qui s’exprime par un appauvrissement énorme de la paysannerie chinoise.
Enfin, il faut nous arrêter sur la répartition de la population chinoise en classes. Le camarade Popov-Tative, eu puisant à des sources japonaises, détermine le nombre total d’ouvriers d’industrie à 4 850 000 hommes.[43]
Selon la revue L’Ouvrier chinois, le nombre total des ouvriers de l’industrie en Chine s’élève à 1.909.000. En Chine, il y a plus d’un demi-million d’ouvriers du textile et environ le même chiffre (463.264) d’ouvriers de l’industrie métallurgique. Il ne faut pas perdre de vue les ouvriers de l’industrie artisane, très développée en Chine. Dans 1 800 000 (en chiffres ronds), entreprises artisanes, on compte plus de 8 millions d’ouvriers. Il est superflu de s’étendre sur la situation de cette masse de prolétaires. Il est difficile de se figurer des conditions plus infernales de travail que celles de l’ouvrier chinois. Ceci explique la « révolutionnarisation » rapide du prolétariat chinois. Après cette brève analyse de la situation économique et sociale de la Chine, passons à l’examen des perspectives principales de la révolution dans ce pays.
La principale question à l’étude doit être celle des voies possibles du développement de la révolution en Chine. Au IIe Congrès de l’I. C., Lénine a émis l’idée suivante sur les perspectives de développement des pays coloniaux et semi-coloniaux :
« La question se posait de la façon suivante : Pouvons-nous considérer comme exacte l’affirmation que la phase capitaliste est inévitable pour les peuples arriérés qui s’émancipent maintenant et parmi lesquels on observe, après la guerre, un mouvement dans la voie du progrès. Nous répondrons à cette question : Non. Si le prolétariat révolutionnaire vainqueur mène parmi eux une propagande systématique et si le gouvernement soviétique leur vient en aide avec tous les moyens dont il dispose, alors il est erroné de supposer que la phase capitaliste est inévitable pour les peuples arriérés. Dans toutes les colonies et pays arriérés, nous devons non seulement former des combattants indépendants, des organisations du parti, nous devons non seulement mener la propagande en faveur de l’organisation des conseils paysans et tendre à les adapter aux conditions pré-capitalistes, mais l’internationale Communiste doit donner une base théorique au principe qui dit qu’avec le concours du prolétariat des pays les plus avancés, les pays arriérés pourront instaurer le régime soviétique et arriver au communisme en passant par certaines étapes et en laissant de côté la phase capitaliste »[44]
Cette façon de poser la question, que la social-démocratie trouvera certainement non marxiste, est néanmoins révolutionnaire et marxiste. Nulle part et jamais, Marx n’a posé comme principe que chaque « nation » doit absolument passer par toutes les étapes des autres pays, indépendamment des particularités dé la situation historique et de l’évolution internationale. On sait que Marx estimait possible, à certaines conditions, une évolution de la Russie qui éviterait la phase capitaliste. Il en a été tout autrement parce que la dictature du prolétariat n’existait pas dans les pays européens, au moment où la Russie passait du féodalisme au régime de production capitaliste. Cette possibilité historique dont parlait Marx ne s’est pas justifiée, mais cela ne signifie nullement qu’un autre type d’évolution qui surmonterait les tendances capitalistes, est impossible pour un pays qui ne fait que commencer son cycle d’évolution capitaliste, car la situation internationale ne se présente pas sous un aspect habituel. Actuellement, nous sommes en présence d’une situation pas tout à fait ordinaire. Affaiblissement du capitalisme par la guerre mondiale et plusieurs révolutions, existence d’un énorme centre d’organisation révolutionnaire, tel que l’Union Soviétiste, la proximité géographique entre celle-ci et la Chine et éloignement-de cette dernière des principaux centres économiques, militaires et politiques des puissances impérialistes. Si la façon dont Lénine pose la question pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, qui dans leur, majorité écrasante sont ces pays ruraux, permet d’envisager la possibilité, pour ces pays, « d’éviter » la phase capitaliste dans leur évolution (il s’agit, bien entendu, de la ligne principale de cette évolution et non pas d’une tendance unique, absolument homogène et sans contradiction), à quel pays serait-ce applicable, sinon à la Chine ? Il n’v a rien de plus nuisible que d’aborder, d’une façon banale, un problème important à un tournant de, l’histoire. Nous savons par expérience ce qu’il en aurait coûte au prolétariat de l’ancienne Russie de poser la question de façon aussi mécanique, (à la façon des mencheviks). Ce qui doit nous éviter de tomber dans celte erreur, ce sont surtout les deux circonstances déjà indiquées : la crise capitaliste, d’une part, et l’existence de la dictature du prolétariat dans l’Union Soviétiste d’autre part. Du point de vue des forces de classe en présence en Chine la situation se dessine ainsi : bourgeoisie faible, paysannerie considérable, grande masse d’artisans et de petits marchands ; classe ouvrière numériquement peu importante, mais une force déjà assez homogène et jouant un rôle politique important ; antagonisme envers Je capital étranger, assez important pour qu’une grande partie de la bourgeoisie fasse bloc momentanément avec les masses, fait qui trouve une expression politique originale dans le rôle dirigeant du Kuomintang.
En partant de cet enchevêtrement des rapports intérieurs et extérieurs, on peut et on doit poser le problème fondamental des deux voies qui s’offrent à la révolution chinoise. Il n’y a aucun doute à présent que le régime féodal en Chine est condamné à disparaître. Sa position est tellement ébranlée, les forces intérieures dirigées contre lui ont une telle supériorité, que sa faillite est inévitable. Néanmoins, deux perspectives essentiellement différentes sont possibles. Ou bien la Chine ira dans la voie d’une entente et d’une alliance avec la bourgeoisie étrangère qui, en cas d’insuccès des interventions possibles, s’efforcera de prendre le développement de la Chine sous sa tutelle par l’influence économique et le bloc avec la bourgeoisie chinoise industrielle et marchande ; ou bien la Chine s’alliera à la dictature prolétarienne et au prolétariat d’Europe, qui empêchera sa bourgeoisie du faire des tentatives de pression sur la révolution chinoise. Dans le premier cas, après la disparition du féodalisme, après la liquidation du chaos produit par la guerre civile et sous l’influence des crédits et emprunts étrangers, la Chine unifiée peut chercher à « rattraper » l’Europe, à une allure rapide, dans la voie de l’évolution capitaliste habituelle. Celte évolution serait naturellement accompagnée de la ruine des masses principales de la population chinoise — artisans et paysans — qui seront expropriés peu à peu par le gros capital vainqueur. L’énorme supériorité économique que le capital étranger aura dans ce cas, lui assurera une riche moisson, quoique sous une forme moins primitivement barbare et rapace que jusqu’à présent. L’autre voie est celle d’un développement indépendant de la Chine avec l’appui des travailleurs du monde entier. On ne peut nier la possibilité d’un état de choses original, où l’Etat petit-bourgeois se trouvant sous l’influence prépondérante de la classe ouvrière, et lié avec le pays de dictature prolétarienne, ayant à sa disposition certaines fabriques et usines d’Etat importantes, les chemins de ter et les banques, libère les paysans des impôts spoliateurs et fait progresser le bien-être au pays, jusqu’à ce que l’industrialisation de l’Union Soviétiste et la révolution victorieuse en Europe féconde l’économie en lui donnant une impulsion dans la voie socialiste. Naturellement, cela ne; saurait s’effectuer sans heurts et sans contradictions. Naturellement, les tendances capitalistes renaîtront sans cesse. Mais à la condition d’une influence très faible du capitalisme étranger et de l’affaiblissement extrême du capitalisme intérieur (privé de ses positions stratégiques) une telle perspective ne peut être considérée comme impossible. .
Il est évident que le parti communiste doit lutter pour que le développement suive cette voie. Mais là on se heurte à des difficultés immenses. La principale tâche est de vaincre tout d’abord l’impérialisme étranger. L’unité du front révolutionnaire et national est la garantie de la victoire. Cette unité de front ne confirme nullement la bizarre idéologie du centre du Kuomintang qui a donné naissance à la théorie originale de Daï-Tchi-Tao au sujet d’une révolution et d’une dictature révolutionnaire dépourvues d’un caractère de classe, où à la place des différentes forces sociales agiraient les diverses nuances.de la « conscience ». D’après cette doctrine, il y aurait des dirigeants « conscients », des auxiliaires moins « conscients » et des masses encore « moins conscientes », mais il n’y a pas de classes. Ce qui est vrai dans les limites d’une seule classe, Daï-Tchi-Tao t’étend à toute la société, les classes disparaissant complètement. Cette théorie originale liée aux traditions de la vieille philosophie chinoise et qui rappelle en partie la doctrine européenne de « l’école organique » (les positivistes) penche néanmoins, en pratique, à considérer que le prolétariat, avec ses idéologues, n’est pas le dirigeant conscient. Nous ne pouvons ici étudier en détail cette théorie. Il est clair que le Parti communiste né peut avoir aucune illusion à ce sujet. La tactique du front national révolutionnaire unique se base, pour le Parti communiste, sur une évolution réaliste des forces de classe. C’est en se basant sur cette évolution que le Parti communiste doit actuellement soutenir ce front national-révolutionnaire unique. Cependant, la victoire sur l’impérialisme étranger ne pourra se produire que dans la mesure où la masse de la société chinoise, la paysannerie, sera entraînée dans la lutte. C’est pourquoi les réformes agraires dans les régions occupées par les troupes révolutionnaires, de même que l’organisation des paysans sur les autres territoires, l’appui donné aux revendications paysannes doivent être le principal élément d’une bonne politique révolutionnaire en Chine. Une énorme difficulté consiste en ce que les petits et moyens propriétaires fonciers, de même que les paysans riches sont liés par les crédits au capital marchand, de sorte que l’ébranlement du régime agraire se répercutera aussitôt par des hésitations de la fraction de la bourgeoisie, comprise dans le front national-révolutionnaire unique. D’autre part, les paysans qui ont payé les impôts et les contributions pour plusieurs années à l’avance dans certaines régions, les cultivateurs ruinés par la guerre civile entre les différentes cliques militaires, les paysans qui fournissent des millions d’indigents, de mendiants et de vagabonds, ne peuvent être convenablement entrainés dans la lutte révolutionnaire sans recevoir de la révolution des allègements économiques. C’est pourquoi la tâche du Parti communiste dans la phase actuelle, en s’orientant sur la perspective dont nous avons parlé plus haut, doit être de soutenir le front national-révolutionnaire et en même temps, d’aborder la solution du problème agraire et paysan en entraînant la masse principale du peuple chinois dans la lutte décisive contre les oppresseurs impérialistes.
E. La « rationalisation » capitaliste et la classe ouvrière[modifier le wikicode]
Il nous faut encore répondre à la question de principe relative à notre attitude envers la rationalisation capitaliste. La social-démocratie part du point de vue de la participation de la classe ouvrière au travail d’édification en régime capitaliste. Si elle estime possible, désirable, et même nécessaire de participer au gouvernement des Etats impérialistes, si elle est, dans les circonstances actuelles, le partisan enthousiaste du socialisme dit « constructif » (en réalité du « capitalisme constructif »), si elle considère que sa mission historique, dans la présente étape de développement est de travailler à l’édification de l’Etat bourgeois, la plus élémentaire logique l’oblige aider activement l’économie capitaliste à sortir le plus vite possible de la situation critique. Devenu maintenant un parti d’opposition, aspirant encore à duper la classe ouvrière, la social-démocratie, évidemment, ne peut pas ne pas protester « du moins en paroles », contre certains côtés, particulièrement douloureux pour la classe ouvrière, de la rationalisation. Mais, en règle générale, elle vote catégoriquement pour la « rationalisation », elle l’« accepte » dans l’ensemble. La façon générale de la social-démocratie de poser la question est la suivante : il faut administrer un traitement à l’organisme économique malade. Ce traitement ne peut se faire sans sacrifices. La classe ouvrière, se basant sur ses propres intérêts, doit se soumettre à la nécessité de consentir à ces sacrifices temporaires. Au moyen d’une solide concentration des entreprises, de la fermeture de celles qui ne donnent pas de profit (épuration) au moyen de l’introduction de la nouvelle technique de l’organisation du travail, de la chaîne, du chronométrage, des cartels industriels, on pourra sortir de la nouvelle situation actuelle. Il y a là une « crise d’assainissement », une « crise d’épuration » qui sera nécessairement suivie d’un nouvel essor. Celui-ci rachètera largement les sacrifices provisoires que la classe ouvrière doit consentir. Il en résultera une part plus grande du revenu national, qui permettra d’augmenter les salaires et tout le niveau d’existence de la classe ouvrière.
Une telle façon de poser la question serait juste à une seule condition : l’existence de la dictature du prolétariat et la possession par la classe ouvrière des principaux moyens de production. Il n’y a qu’au nom de l’édification du socialisme que l’on pourrait inviter la classe ouvrière à accepter certains, sacrifices. Mais convier la classe ouvrière à consentir des sacrifices au nom de l’essor de l’économie capitaliste, cela signifie faire office d’agent de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière. La façon révolutionnaire et marxiste de poser la question doit être la suivante : la classe ouvrière ne doit pas se charger d’aider les capitalistes dans leurs tentatives de réparer et d’améliorer leur économie, d’autant plus qu’actuellement, comme avant la guerre, ce n’est pas à la classe ouvrière qu’il appartient de décider s’il faut ou non introduire de nouvelles machines, réorganiser le travail, etc., etc... La classe ouvrière n’a jamais eu besoin d’organiser des « conférences de production » pour venir en aide à ses exploiteurs capitalistes. La tâche des ouvriers les plus conscients est de mobiliser les masses, d’exploiter chaque faiblesse de la classe capitaliste, de mobiliser tout le mécontentement de la classe ouvrière, d’envenimer la lutte de classe afin de pouvoir renverser finalement tout le régime capitaliste. D’autant plus absurde, d’autant plus contre-révolutionnaire, apparaît le point de vue de venir en aide au capital dans sa période actuelle, quand le capitalisme est à son déclin, quand il est en proie à un accès de grave maladie, quand il déclenche l’offensive sur tout le front contre la classe ouvrière, en « rationalisant » sa production par la misère croissante des masses laborieuses, le chômage et l’exploitation impitoyable du prolétariat. Les ouvriers conscients ne peuvent être adversaires de l’introduction de nouvelles machines, l’amélioration de la technique, etc., mais ils n’ont pas à se soucier de ces améliorations dans les cadres de la société capitaliste. La seule façon juste de poser la question est de mobiliser les forces prolétariennes pour lutter contre les conséquences de la « rationalisation » qui atteignent la classe ouvrière. Les ouvriers révolutionnaires n’ont pas à poser la question pour ou contre les machines, etc... C’est un point de vue qui leur est complètement étranger. Ils ne peuvent que poser la question de la lutte implacable contre tout ce qui empire la situation de la classe ouvrière, abaisse son niveau d’existence, morcelle ses forces, affaiblit ses positions. La tâche de la classe ouvrière n’est pas, en régime capitaliste, une tâche « constructive » ; sa tâche est de diriger la lutte de classe et d’aboutir au renversement de la société capitaliste. Telle est la base de la position que le prolétariat révolutionnaire doit prendre à l’égard de la rationalisation capitaliste : concentrer toute l’attention des masses sur les questions les plus aigües de la lutte de classe : chômage, réduction des salaires, aggravation de l’exploitation, augmentation de la journée de travail. Cette mobilisation de combat des forces de classe pour résister à l’offensive du capital qui prend la forme de « rationalisation » de la production sera la réponse de classe du prolétariat.
VII. L’offensive du capital et les mouvements dans la classe ouvrière[modifier le wikicode]
Par suite de l’offensive du capital contre la classe ouvrière et de la politique de stabilisation de la bourgeoisie de même que par suite de la croissance des éléments socialistes dans l’Union soviétiste, on remarque dans les grandes masses ouvrières de la plupart des pays d’Europe occidentale, un regroupement des forces et un mouvement à gauche qui, selon la situation dans chaque pays, revêt des formes particulières.
En Angleterre, il est intimement lié à la lutte du prolétariat anglais et à la grandiose résistance qu’oppose la classe ouvrière à la bourgeoisie capitaliste. Déjà le recours, sous la pression des masses, à une arme de lutte aussi exceptionnelle que la grève générale et la grève particulièrement opiniâtre des mineurs, qui a secoué jusqu’à la base l’économie anglaise, témoigne d’un mouvement puissant au sein du prolétariat anglais qui était encore il n:y a pas si longtemps, la force la plus conservatrice du mouvement ouvrier européen. Le « prolétariat bourgeois » (Engels) d’Angleterre, apprivoisé, vénérant le chapeau haut de forme, le rose vif du roi et la sainte Eglise, qui avait foi en le Parlement et en la Constitution anglaise, se met à l’avant-garde de la classe ouvrière européenne. L’aggravation de la lutte de classe libère la classe ouvrière de sa longue captivité dans la Babylone de l’idéologie bourgeoise. L’Angleterre « parlementaire » rejette le masque de la neutralité des classes, le gouvernement fait ouvertement cause commune avec les patrons des mines, tout l’ensemble de l’appareil gouvernemental de répression est dirigé contre le prolétariat en lutte. La foi en la « neutralité » et la protection bienveillante du pouvoir d’Etat se dissipe. Et du même coup les têtes ouvrières se libèrent de l’idéologie de la paix civique et de la solidarité d’intérêts entre le Capital et le Travail.
La marche de la lutte de classe détermine une différenciation parmi les ouvriers et leurs organisations. La trahison des chefs du Conseil Général, le rôle pitoyable et honteux des membres de sa soi-disant « gauche », les hésitations et le passage aux côtés de l’ennemi de classe, tout cela suscite une crise profonde dans la classe ouvrière elle-même, active sa différenciation, dont les principales tendances se traduisent par le fait que les chefs vont à droite et la masse à gauche. Il ne faut pas croire que ce phénomène s’achèvera à bref délai. La coquille de l’organisation de la classe ouvrière, qui s’est formée durant de longues dizaines d’années et, surtout, le puissant appareil des Trade-unions possède une force immense d’inertie historique. La pression de ce puissant appareil de fonctionnaires se manifestera encore pendant longtemps. Plus d’une fois la bourgeoisie et son gouvernement tenteront de scinder le mouvement ouvrier. Avec le concours de la bureaucratie réactionnaire, des « lieutenants ouvriers de la classe capitaliste », comme les appelait Engels, ils s’efforceront de corrompre la petite couche supérieure d’ouvriers, afin de tenir en bride, par leur intermédiaire, les masses prolétariennes. Néanmoins, l’orientation générale des événements sera la radicalisation de la classe ouvrière et son émancipation du joug des illusions réformistes.
Ce phénomène, au point de vue organisation, se traduit par deux faits principaux ; 1° l’influence croissante du mouvement minoritaire dans les syndicats ; 2° l’influence croissante en effectifs et plus encore en influence du parti communiste qui, de petit groupe n’ayant presque aucun rapport avec, la vie politique du pays, est devenu, dans une période relativement courte, un facteur politique de première classe de la vie sociale anglaise. La formation et l’accroissement de l’opposition de gauche dans les syndicats et, au premier chef, le « mouvement minoritaire », l’apparition et le renforcement de multiples courants d’opposition de gauche dans les masses du « Labour Party », le refus de plusieurs fédérations de ce dernier d’exclure les communistes, le « mouvement de gauche », particulièrement celui des travailleurs de la mine, le plus attaqué par la bourgeoisie, et enfin la lutte héroïque elle-même des mineurs, tout cela pris ensemble donne le tableau de la radicalisation du mouvement ouvrier anglais. Dans les autres pays, en Allemagne notamment, le mouvement de gauche s’accomplit différemment. Les causes du ces formes spécifiques ont déjà été analysées dans ce qui précède. On peut dire que les masses prolétariennes vont finalement au communisme, mais par des chemins détournés. Elles ne sont pas encore capables d’opposer sur tout le front une résistance décidée et énergique à l’offensive capitaliste, mais elles tournent apparemment à gauche et, par tout un ensemble de mouvements détournés, se rapprochent des grandes batailles qui s’annoncent.
La croissance de l’opposition syndicale, de l’opposition de gauche des ouvriers socialdémocrates (qu’il ne faut pas confondre avec les habiles manœuvres de gauche des chefs social-démocrates) ; la scission du parti social-démocrate en Saxe et l’exclusion des socialdémocrates de droite; l’opposition des social-démocrates de gauche à Hambourg, à Francfort, à Breslau, dans l’Allemagne centrale ; la popularité croissante d’organisations de masses comme la Ligue des Combattants rouges (organisation qui jouit d’une immense popularité dans toute la population laborieuse de l’Allemagne) ; des organisations comme les « Comités généraux d’action » (Italie) ; la désagrégation des partis nationaux catholiques (décomposition du parti allemand du centre, abandonné par les ouvriers catholiques qui, dans plusieurs questions, marchent avec les communistes) ; l’action révolutionnaire des ouvriers catholiques qui ont envoyé une délégation à l’Union Soviétiste (malgré la défense formelle du « Saint Père de Rome, héritier infaillible de l’apôtre Pierre ») ; la mobilisation par le parti communiste allemand de 15 millions de voix contre les subsides accordés par le gouvernement républicain aux sérénissimes gredins monarchistes ; les conférences ouvrières mixtes en Italie dont les délégués sont élus parfois dans les fabriques et les usines ; l’organisation des chômeurs et le congrès des travailleurs en Allemagne ; les comités d’action de toutes sortes se rattachant à la lutte internationale contre l’offensive du capital et pour le front unique des syndicats ; les innombrables délégations ouvrières en Russie, élues dans les entreprises, les délégations des jeunesses ouvrières, avec une large participation des social-démocrates, en dépit des interdictions des comités social- démocrates qui font preuve, dans cette question, d’une solidarité touchante avec le Saint Père de Rome, tout cela exprime la même évolution à gauche, qui est le fait principal de la vie de la classe ouvrière et la réponse de cette dernière à l’offensive du capital.
Dans certains pays arriérés ou « s’agrarisant » (Bulgarie, Yougoslavie, Pologne) le mouvement à gauche de la classe ouvrière se heurte à une terreur inouïe et à l’extermination des éléments les plus conscients du mouvement communiste. Nous observons des formes particulières de « révolutionnarisation » de la classe ouvrière dans les pays coloniaux et semicoloniaux. Là, il ne s’agit pas de la libération de l’emprise de l’idéologie réformiste et bourgeoise. Il s’agit de faire participer, pour la première Fois, les larges masses ouvrières à la vie politique consciente sur la base des événements révolutionnaires qui se développent rapidement. La croissance du sentiment révolutionnaire des ouvriers chinois, de l’activité des prolétaires d’Indonésie, est un exemple de cette évolution rapide qui transforme les partis, les plus arriérés de la classe ouvrière internationale en pionniers des grands mouvements d’émancipation qui, en vérité, ont un rôle historique mondial.
Les contre-tendances sont : 1° « l’américanisation » du mouvement ouvrier ; 2° une certaine tendance vers un renforcement de l’influence social-démocrate par suite du passage des partis social-démocrates à 1’« opposition » ; 3° le fascisme.
L’« américanisation » du mouvement ouvrier est une tentative de la bourgeoisie de corrompre les couches supérieures de la classe ouvrière. De telles tentatives sont faites même en Angleterre, où, cela va de soi, elles ne trouvent pas à l’heure actuelle un terrain bien propice. Ces tendances « américaines » se manifestent a) par la création d’unions de compagnies (nous en avons un exemple dans l’union de la firme Dickenson et l’union organisée par la rédaction du journal libéral Manchester Guardian, pour les membres de ces deux unions les grèves et autres interruptions du processus de production sont entièrement prohibées), b) par la création de ligues de collaboration de classe. A ces organisations appartient « l’Institut d’Equilibre industriel » à la tête duquel se trouve, d’un côté, le président de l’Association des Chambres de commerce britanniques et le grand industriel Well et, d’un autre côté, les « chefs ouvriers » Pugh, Craip, Snowden. Une seconde organisation du même genre est la « Ligue de la paix industrielle dans l’Empire britannique » dont le fondateur est Havelock Wilson. Cette institution a pour but « d’obtenir la paix permanente de l’industrie, sur la base de la justice et des sympathies mutuelles, la protection de l’esprit de camaraderie et de collaboration entre employeurs et employés ». Pour caractériser cet esprit, il ne sera pas superflu de citer un discours de M. Thomas, prononcé le 25 septembre, à une soirée organisée à l’intention des cheminots, par les Compagnies de chemins de fer. A cette touchante soirée, le « chef » ouvrier Thomas déclara : « Non seulement je suis un de ces leaders ouvriers qui détestent les discours sur la lutte de classe, mais je suis profondément convaincu que je ne pourrais obtenir de meilleures conditions pour les cheminots si je ne parvenais pas à leur faire entrer dans la tête que s’ils demandent les meilleures conditions possibles à la partie adverse, ils doivent être prêts, de leur côté, à faire tout ce qui est en leur pouvoir. » .
En Allemagne, les méthodes « américaines » sont énergiquement appliquées dans les nouvelles usines Ford à Berlin. Dans une large mesure, elles sont liées à l’offensive de la grande industrie contre les syndicats, quoique ces derniers, comme on le sait, sont d’une docilité à toute épreuve et aident les patrons à appliquer la « rationalisation » capitaliste. Dans le numéro spécial du Wirtschaft Nachrichter ans Rein und Ruhr, nous trouvons toute une discussion sur laquestion du « Werksgemeinschafter oder Gewerkschafter ». De même, on commence à cultiver l’idée des banques dites ouvrières qui s’introduisent peu à peu dans un pays comme la Pologne. La seconde tendance qui contrarie le mouvement général à gauche est la posture d’opposition des partis social-démocrates qui « manœuvrent » et font entendre des notes d’opposition, qui maintiennent les illusions et qui dissimulent le véritable rôle des partis social-démocrates. Enfin, la troisième contre-tendance est le mouvement fasciste, soutenu, par endroits, par la social-démocratie (la « vieille » socialdémocratie saxonne, le parti socialiste en Pologne, le parti social-démocrate en Bulgarie, etc.). Le fascisme empêche la radicalisation du mouvement ouvrier, aussi bien en tant que parti dirigeant (Italie, Pologne, Bulgarie) qu’en tant qu’il est en opposition au gouvernement bourgeois existant. Dans le premier cas, il combine les méthodes d’une terreur inouïe contre l’avant-garde communiste grandissante avec les méthodes de démagogie sociale. Dans le second cas, le centre de gravité est précisément dans cette démagogie sociale, jointe à un caractère national et antisémite nettement accusé. La partie déclassée des ouvriers et parfois même des éléments déçus qui se séparent du courant général du mouvement ouvrier, les déchets du mouvement ouvrier, mordent à cet hameçon et passent plus ou moins consciemment dans les rangs du fascisme.
Enfin, on peut ajouter certaines fractions de la social- démocratie qu’il est difficile de distinguer du fascisme (social- démocrates saxons de droite, social-démocrates bulgares, parti socialiste polonais). Toutes ces contre-tendances ne peuvent évidemment arrêter la direction générale de l’évolution. En dépit de toutes les tendances de la bourgeoisie de s’appuyer sur la partie privilégiée de la classe ouvrière, en dépit des manœuvres habiles des forces contrerévolutionnaires agissant au sein du mouvement ouvrier, la balance générale est favorable à la radicalisation du mouvement ouvrier et ne peut pas ne pas pencher dans ce sens, car elle est le résultat de la crise capitaliste dont le côté social est encore rendu plus aigu par l’offensive de « stabilisation » de la classe capitaliste.
VIII. Principales tâches actuelles de l’Internationale communiste[modifier le wikicode]
Actuellement une des tâches essentielles de l’Internationale communiste est de soutenir les principaux foyers du mouvement révolutionnaire international, la révolution anglaise, la révolution chinoise et l’Union soviétiste.
Il faut constater que, pour les mineurs anglais et la révolution chinoise, tous les partis communistes, à peu d’exception près, n’ont pas déployé l’énergie suffisante pour soutenir ces fronts de la lutte révolutionnaire internationale. La grève des mineurs anglais a été et demeure le principal événement du mouvement ouvrier européen et un des plus grands épisodes de la lutte de la classe ouvrière depuis la Révolution d’Octobre. Cette lutte héroïque a été et reste au centre du mouvement ouvrier européen et exerce une influence puissante qui dépasse de beaucoup les frontières de l’Angleterre. La tâche de l’internationale Communiste et de toutes les sections est d’affermir la solidarité avec les mineurs anglais.
De même il faut porter une sérieuse attention sur la propagande en faveur de l’aide au peuple chinois en lutte. La lutte , contre les plans d’intervention de l’impérialisme, une action énergique et courageuse centre les violences abominables des Anglais, l’organisation de campagnes de protestations contre le bombardement par les Anglais de villes chinoises, la lutte contre les traités inégaux avec la Chine, la lutte pour la reconnaissance juridique du gouvernement de Canton, la lutte pour le rappel de toutes les troupes étrangères qui se trouvent en Chine, doivent entrer pour une large part dans la politique des partis communistes. Il faut également résister à toutes les tentatives d’encerclement militaire et diplomatique de l’Union soviétiste, Il faut protester vigoureusement contre les traités et conventions avoués ou secrets, lutter pour la reconnaissance juridique de l’Union soviétiste. Il faut une action de propagande pour expliquer et révéler les plans d’offensive contre le pays de la dictature soviétiste. Le soutien des ouvriers anglais en lutte doit être mis au premier plan. La campagne de solidarité vérifiera le véritable internationalisme des partis ouvriers, leur combativité et leur capacité de grouper les masses autour de leurs mots d’ordre. De telles campagnes sont une sorte d’épreuve de ce que peut faire le parti au cas où il serait placé devant une tâche beaucoup plus difficile et beaucoup plus complexe : celle de la lutte contre la guerre.
La lutte contre le danger de guerre doit être également soulignée ; il faut démasquer impitoyablement les utopies pacifistes « ultra-impérialistes », pan-européennes que la bourgeoisie et la social-démocratie sèment parmi les masses .laborieuses dans le but évident d’assoupir leur vigilance et de dissimuler par des bavardages pacifistes une préparation active à la guerre. Il faut surtout expliquer le rôle principal de la Société des Nations en tant qu’organe de la bourgeoisie impérialiste dont le but principal est la lutte contre la révolution prolétarienne et contre la révolution des peuples coloniaux et semi-coloniaux. II faut une large explication du caractère mensonger et fantaisiste de l’idée social-démocrate d’arriver à transformer et à démocratiser la Société des Nations. II faut une action de propagande pour répandre des informations exactes sur la croissance du militarisme, les préparatifs techniques de guerre, la préparation de la chimie, de la bactériologie et de l’aviation et l’élaboration scientifique des méthodes dévastatrices de guerre. La dénonciation des traités militaires et des accords secrets, l’explication du sens de la politique bourgeoise dirigée contre les principaux foyers de la révolution internationale; le tableau des perspectives qui attendent la classe ouvrière en cas de guerre, tout cela devient un des principaux devoirs des Partis communistes.
La lutte contre l’offensive du capital et les conséquences de la rationalisation capitaliste sont la principale base du travail du Parti communiste dans les différents pays capitalistes. Les intérêts immédiats du prolétariat sont intimement liés à cette offensive qui frappe directement la classe ouvrière. La journée de travail, les salaires, le chômage, voilà les trois questions principales qui sont au centre de cette lutte.
Les communistes doivent se mettre au premier rang des combattants. Ils doivent- lancer et formuler les revendications des ouvriers dans ce domaine et diriger la lutte appelée, dans un avenir, plus ou moins rapproché, à revêtir un caractère de plus en plus aigu.
Du point de vue des intérêts immédiats des masses de la classe ouvrière, ces questions acquièrent le maximum d’actualité. C’est là-dessus précisément que doivent s’appuyer les communistes pour acheminer les masses travailleuses à leurs revendications générales de principe, et formuler la question du caractère du pouvoir. Etant donné que la « rationalisation » capitaliste provoque une augmentation extrême de l’intensité du travail et un accroissement rapide de l’exploitation, les communistes doivent non seulement défendre la journée de 8 heures, mais au cas où elle serait perdue, la revendiquer de nouveau et mettre en circulation le mot d’ordre de la journée de 7 heures.
Dans l’offensive contre la classe ouvrière, les capitalistes se hâtent de grouper leurs rangs. Parallèlement à la croissance des grandes unions économiques du capital, des cartels et des trusts, parallèlement à la concentration monstre de la production, la puissance sociale de la bourgeoisie capitaliste s’affermit. La lutte contre le Capital « trustifié » est maintenant à l’ordre du jour. C’est pourquoi le front unique de la classe ouvrière est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. La classe ouvrière doit tenir compte que la bourgeoisie a une orientation stratégique bien nette, et qu’elle s’efforce de mettre à profit les divergences relatives d’intérêts et les désaccords qui existent entre l’aristocratie ouvrière et la masse des travailleurs, entre la partie occupée du prolétariat et l’immense armée des chômeurs. Elle veut faire sa base technique de la partie la plus qualifiée de la classe ouvrière, numériquement faible mais extrêmement importante pour la marche, de la production ; elle veut maintenir sous une menace continuelle de renvoi la partie occupée du prolétariat. De cette façon, jouant sur la différence de situation des couches supérieures de la classe ouvrière, la masse de celle-ci et l’immense « armée de réserve » de l’industrie, la bourgeoisie pense, en divisant la classe ouvrière, pouvoir réaliser avec le maximum de succès son plan général de stabilisation capitaliste et ligoter la partie occupée du prolétariat.
Le front ouvrier unique, en présence du Capital « trustifié » associé, doit être, pour ces raisons, le postulat de toute lutte tant soit peu efficace contre l’offensive capitaliste. La propagande de cette unité d’action dans la lutte et pour la lutte, l’application véritable de cette tactique d’unité constitue le principal devoir des communistes. Ce devoir, non seulement n’exclut pas, mais, au contraire, implique la critique impitoyable et la stigmatisation de toute trahison réformiste, du défaitisme, des hésitations et des trahisons en faveur de l’ennemi de classe. Seulement cette critique implacable permettra aux Partis communistes de remplir leur rôle dans la phase historique actuelle. Ce n’est qu’en joignant à la méthode d’alliance avec les grandes masses de la classe ouvrière, celle de la stigmatisation systématique et décisive de toute hésitation et de tout réformisme, que l’on pourra obtenir la base d’une bonne application de la tactique du front unique et conquérir les masses ouvrières en vue de la lutte révolutionnaire.
Les diverses formes du mouvement à gauche de la classe ouvrière qui, dans leur ensemble, constituent le processus que suit le regroupement s’opérant au sein des larges couches ouvrières, doivent servir de base à une action énergique des Partis communistes. Aucune de ces formes ne doit être négligée par les Partis communistes. Le renforcement du travail dans les syndicats, les conférences communes avec les ouvriers de la gauche socialdémocrate, tout en critiquant impitoyablement leurs chefs, les comités d’action, les comités de grèves mixtes, tout cela doit être utilisé en vue de réaliser le mot d’ordre qui, depuis plusieurs années, est le mot d’ordre fondamental de l’internationale communiste: face aux masses.
Notre analyse précédente a montré que la perspective la plus probable dans plusieurs pays, par suite des difficultés que rencontre la « rationalisation », se place dans l’aggravation de la lutte de classe : en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Tchécoslovaquie, partout, on remarque parallèlement à l’offensive de la classe capitaliste et au renforcement de sa pression, une croissance inévitable des conflits sociaux entre le Travail et le Capital. La plus énergique mobilisation des masses, la direction de cette lutte de masse, l’action dans toutes les grèves, même dans les moins importantes, la croissance de l’influence des communistes dans cette lutte, la plus active politique de liaison avec les masses et la direction de ces dernières, voilà quelles sont les tâches actuelles des Partis communistes.
Il faut avoir en vue que dans certains pays, surtout en Allemagne, ou l’importance politique du Parti communiste s’est grandement accrue, la masse des sans-partis, de même qui la masse des ouvriers social-démocrates qui vont à gauche, bien qu’accordant déjà leur confiance aux communistes, tant qu’il s’agit de grandes campagnes politiques, ne leur font pas encore confiance pont la direction de l’action syndicale et la lutte économique quotidienne. Ils estiment que les communistes sont de bons chefs dans la lutte politique directe, mais qu’ils sont incapables de mener le petit travail quotidien, ne connaissant ni la stratégie, ni la tactique des conflits économiques. Cette constatation, jointe au fait que le point de départ de la lutte de classe, constamment aggravée, sera fatalement constitué par les conflits économiques qui dégénèrent à leur tour en conflits de classe, c’est-à-dire à caractère politique, donne une importance particulière, voire exceptionnelle, au travail dans les syndicats, considérés comme organisations les plus larges du prolétariat. Nous devons cependant constater que les Partis communistes sont loin d’avoir fait tout ce qu’ils auraient dû dans le domaine du travail syndical. De même, la question du travail opiniâtre, minutieux, systématique pour grouper les masses, en s’appuyant sur leurs revendications et leurs besoins les plus élémentaires, se pose actuellement avec une acuité particulière. Le problème des revendications partielles, des mots d’ordre concrets, des programmes concrets d’action acquiert une importance de premier ordre. Les Partis communistes se montrent souvent particulièrement faibles dans ce domaine. Alors que la social-démocratie possède à la perfection l’art du « petit travail », n’en dépassant pas les limites, lançant des mots d’ordre concrets, très souvent afin de détourner l’attention des masses ouvrières des grandes questions cardinales et trahissant la classe ouvrière au moment où sa lutte s’aggrave, les Partis communistes ne connaissent pas encore suffisamment la tactique qui consiste à rattacher les petites revendications quotidiennes qui, souvent, au début, ont pour la masse un effet décisif au mot d’ordre fondamental de la lutte prolétarienne : la dictature du prolétariat. Dans la phase historique actuelle, lorsque devant presque chaque ouvrier se pose le problème de savoir s’il restera à l’usine ou s’il en sera chassé, si sa journée de travail sera réduite ou restera comme auparavant, s’il touchera autant qu’avant ou si son salaire de misère sera encore amoindri, lorsqu’une masse immense de chômeurs traîne depuis de longs mois une existence affamée, dans une telle époque, la question du pain quotidien pour les masses ouvrières peut, à son tour, devenir le point de départ de l’aggravation de la lutte. Apprendre l’art de rattacher l’actualité et les revendí cations partielles au but final du mouvement prolétarien révolutionnaire, c’est résoudre le principal problème tactique qui se pose aujourd’hui avec une gravité particulière.
De même, il est nécessaire d’apprendre à consolider par l’organisation les succès réalisés.
Un des traits caractéristiques de la situation des Partis communistes est que, parfois, tandis que leur influence politique augmente rapidement, le nombre d’adhérents ne s’accroît que dans une proportion infime. De grandes campagnes politiques menées avec succès, des victoires remportées, ne sont pas consolidées par l’organisation. Ainsi, en France, le Parti communiste, après ses campagnes contre la guerre qui avaient singulièrement rehaussé son prestige politique dans la classe ouvrière et même dans des milieux relativement larges de la classe paysanne, n’a pas su consolider ses succès par des succès d’organisation. Autre exemple : le Parti communiste allemand a mené une campagne anti-monarchique, somme toute très féconde, dans la question de l’indemnisation des princes de l’ex-maison régnante. Il fut l’initiateur du référendum, il fut la force qui dirigea toute la campagne. Il entraîna derrière lui la grande masse des travailleurs. Dans cette campagne, il arracha à la social-démocratie et soumit à son influence un nombre considérable d’ouvriers. Il obligea les social-démocrates à le suivre. Mais la campagne terminée, il y eut un vide et les excellents résultats d’une campagne politique bien organisée et magistralement menée ne furent nullement exploités dans la mesure voulue au point de vue organisation. Ce défaut du travail du Parti qui est un défaut d’activité dans le domaine de l’organisation, l’expression de la faiblesse de l’appareil doit être, coûte que coûte, réparé. Une augmentation de la force de recrutement du Parti et une lutte beaucoup plus opiniâtre pour lui donner un caractère de masse sont aussi aujourd’hui une des principales tâches de l’internationale communiste.
La stigmatisation de la social-démocratie, la lutte contre le fascisme et la terreur blanche sont à l’ordre du jour. Les partis communistes doivent accorder une attention sérieuse au mouvement des chômeurs, ils doivent s’efforcer de gagner toutes les couches ruinées et exploitées de la petite-bourgeoisie et de la classe paysanne, en paralysant les tentatives du fascisme de recruter des partisans dans ces milieux. Par ailleurs, les Partis communistes doivent réagir avec infiniment plus de vigueur contre toutes les attaques terroristes des cliques fascistes au pouvoir, en mobilisant les masses pour la résistance, en entamant de vastes campagnes, dont des campagnes internationales de solidarité et de soutien en faveur des détachements du mouvement communiste qui subissent les plus rudes coups de la réaction fasciste. La stigmatisation de la social-démocratie et la lutte contre cette dernière doivent être mises également au premier plan des principales tâches de l’Internationale Communiste. En dépit de l’élimination de la social-démocratie des coalitions gouvernementales et malgré les manœuvres de « gauche » des partis social-démocrates, ces derniers sont devenus, encore plus qu’auparavant, le soutien direct du régime bourgeois. Leur attitude dans les questions cardinales de l’époque actuelle, questions de la Société des Nations, de l’ultra-impérialisme, des colonies, du danger de guerre, de l’attitude envers l’Union soviétiste, de la coalition avec la bourgeoisie, de la « rationalisation » capitaliste, etc., etc., est une longue suite de trahisons envers la classe ouvrière. Du point de vue de la lutte quotidienne du prolétariat (position de la social-démocratie dans la question de la « rationalisation », grève des mineurs anglais, attitude envers la terreur blanche) et plus encore du point de vue des perspectives du mouvement et, au premier chef, des perspectives de guerre, la social- démocratie est une organisation de jaunes qui doit être abattue pour que la classe ouvrière soit à même de vaincre. Stigmatiser les conceptions social-démocrates, leurs manœuvres, tout le rôle de trahison des chefs socialdémocrates, tout cela reste la tâche principale des Partis communistes. En même temps, ces derniers doivent être attentifs aux besoins et aux aspirations des masses ouvrières socialdémocrates qui sont fatalement poussées à gauche sous l’effet de l’action de stabilisation de la bourgeoisie capitaliste.
Luttant contre la propagande des social-démocrates, les Partis communistes doivent opposer aux mots d’ordre.de la Société des Nations : l’Union soviétiste ; au mot d’ordre du paneuropéanisme, celui des Etats-Unis socialistes d’Europe, aux billevesées sur une phase nouvelle du capitalisme sans guerre, la dure vérité sur les guerres monstres que prépare la bourgeoisie ; au programme de coalition avec la bourgeoisie, le programme de la révolution du prolétariat.
IX. Les Partis communistes et le travail dans les syndicats[modifier le wikicode]
Les grèves et la lutte économique en général, dans les conditions actuelles, quand il existe de puissantes associations patronales, qui sont de connivence avec l’Etat bourgeois, quand toute grève importante tend à gagner la totalité d’une branche d’industrie, dégénèrent fatalement en lutte politique, acquièrent un caractère politique plus ou moins net. La rapide croissance des trusts et autres vastes associations industrielles, commerciales et bancaires dicte à la classe ouvrière le type d’organisation de combat. C’est pourquoi les communistes doivent appuyer avec la plus grande énergie le mot d’ordre de réorganisation des syndicats par industrie, lutter contre toutes les survivances de corporatisme, contre l’émiettement à l’infini des ouvriers d’une même branche d’industrie, dans une multitude de petits syndicats, qui, dans les circonstances actuelles, ne font que disperser les forces du prolétariat. Les communistes doivent soutenir, également le mot d’ordre de création de cartels de combat des syndicats et de direction centralisée, en entreprenant parallèlement une lutte énergique pour la conquête des syndicats. De même il faut prêter de l’attention à l’organisation correspondante des comités de fabriques et d’usines, à leur regroupement par branche d’industrie et à la formation de fédérations de ces comités, d’un type qui répondrait aux plans de bataille des grands syndicats, en vue d’une lutte solidaire, ferme et cohérente. Les masses ouvrières placées dans la nécessité de contre-attaquer le capital assaillant, organisé de pied en cap, comprendront facilement la nécessité d’un tel type d’organisation. Sur ce terrain, il faut livrer bataille aux fonctionnaires syndicaux réformistes qui, de peur de perdre leur place, défendent parfois le type périmé. En se basant sur l’exemple des grèves partielles, les communistes doivent propager l’idée des grandes fédérations d’industries, et, s’appuyant sur les enseignements de la lutte actuelle, démontrer la nécessité d’une bonne direction politique du mouvement syndical. Ce problème se pose avec une acuité particulière en Angleterre où, outre la toute puissance des fonctionnaires syndicaux conservateurs, il demeure des vestiges considérables de l’ancien corporatisme. Les communistes, dans les syndicats, doivent lutter, non seulement pour l’adhésion aux syndicats de tous les ouvriers employés, mais mener aussi une campagne énergique pour l’admission au syndicat des prolétaires sans-travail, pour le soutien des revendications des chômeurs par l’ensemble du prolétariat organisé. Cela est d’autant plus nécessaire que la bourgeoisie, comme nous l’avons répété plusieurs fois, entend jouer sur la scission de la classe ouvrière. Aidant de toutes leurs forces au groupement du prolétariat dans le cadre de ses vastes unions de classe, les Partis communistes doivent démasquer les tentatives des bureaucrates réformistes syndicaux, des chefs social-démocrates du mouvement syndical du transformer les syndicats en organes auxiliaires des syndicats patronaux et de l’Etat impérialiste. Si les organisations du patronat, avec l’appui du soi-disant parti socialiste qui s’appuie sur les conceptions d’un « socialisme constructif » (qui, lorsqu’on le regarde de plus près, se trouve être, comme nous l’avons déjà vu, un capitalisme constructif) s’efforcent par tous les moyens « d’américaniser » le mouvement, remplacent fréquemment les organisations de classe du prolétariat par les organisations mixtes à prépondérance bourgeoise, ou tâchent de soumettre à leur influence les organisation syndicales existantes, en se servant dans ce but de leurs chefs, les Partis communistes, par contre, doivent démasquer toutes ces tentatives de trahison de classe et mobiliser les masses d’ouvriers syndiqués pour la défense des intérêts des prolétaires contre toute velléité d’attaque capitaliste. Il va sans dire que le but principal que les communistes doivent poursuivre dans les syndicats, c’est la cohésion des forces ouvrières, la lutte contre les effets nuisibles pour la classe ouvrière de la « rationalisation » capitaliste. Dans cette lutte, les communistes, militant dans les syndicats, doivent entrer dans tous les détails, relever tous les effets nuisibles de chaque mesure prise par le patron, formuler des revendications et, en cas de conflit économique, même de faible envergure, se placer aux postes les plus avancés, et de la façon la plus énergique, la plus conséquente, la plus courageuse, défendre les intérêts du prolétariat. Les communistes, en démasquant les chefs réformistes du mouvement syndical, doivent utiliser courageusement le mouvement de gauche des masses ouvrières organisées dans le syndicat et aider de toutes leurs forces, par des méthodes appropriées, l’organisation d’une aile gauche dans le mouvement syndical; Sous ce rapport, il faut utiliser l’expérience du mouvement minoritaire en Angleterre, qui a marqué des succès et qui, agissant de front avec le Parti communiste, a entièrement justifié le travail de ce dernier dans les syndicats.
En raison des particularités de la période actuelle et de l’immense rôle qui y détiennent les organisations syndicales, le problème du front unique, syndical, international, devient un problème brûlant et impérieux du mouvement ouvrier international. Sous ce rapport, il importe, tout particulièrement, de tenir compte de l’expérience du Comité anglo-russe. La mise à profit de la liaison internationale entre la classe ouvrière d’Angleterre et de l’Union soviétiste par le Comité anglo-russe ; la démonstration internationale de la tactique du front unique parallèlement à une critique impitoyable du défaitisme et de la trahison des milieux dirigeants du mouvement ouvrier anglais ; la politique d’utilisation de toute possibilité de liaison avec les masses, fut-ce par en haut ; la politique de conquête systématique des masses, même en commençant par des détachements isolés (les mineurs et la formation du Comité anglo-russe des mineurs) ; la politique de solidarité prolétarienne ; l’aide matérielle et morale, la mobilisation de toutes les forces pour soutenir les mineurs dans leur lutte, tout cela peut servir d’exemple d’application vraiment révolutionnaire de la tactique du front unique international. Grâce à cette tactique, la lutte pour le front unique international du mouvement syndical s’élève actuellement à un degré supérieur.
Le mouvement syndical international et l’Internationale Syndicale Rouge furent fondés alors nue la situation révolutionnaire en Europe atteignait son point culminant. Il est intéressant de rappeler que l’un des fondateurs de l’Internationale Syndicale Rouge fut le fameux réformiste italien d’Aragona, lors de son séjour à Moscou. C’était l’époque où l’effondrement du capitalisme européen paraissait imminent et où les rares réformistes commençaient à s’enfuir du vaisseau capitaliste qui sombrait. C’était l’époque où le communisme faisait de très rapides et de très hauts progrès et où sa force d’attraction était si forte, qu’un grand nombre d’éléments pacifistes, semi-pacifistes, semi-réformistes manifestaient l’intention d’entrer dans l’Internationale communiste. C’était l’époque où l’Internationale communiste devait se défendre par la barrière des 21 conditions contre les sympathies superflues de ces éléments. L’Internationale Syndicale Rouge qui s’organisa à ce moment travaillait de concert avec l’Internationale communiste. Il suffit de rappeler qu’il y eut un organisme mixte qui unissait les chefs de l’internationale Communiste et de l’internationale Syndicale Rouge.
Le recul de la vague de la révolution mondiale, le renforcement du régime capitaliste, sa stabilisation partielle furent suivis du reflux des « sympathies » pour l’Internationale communiste de certains éléments que la vague révolutionnaire en avait rapprochés. Ce fut pour le continent européen le début d’un « calme » relatif. Le centre de gravité de la lutte passa peu à peu de l’Europe centrale à l’Angleterre où la classe ouvrière ne fait que commencer à abandonner pour tout de bon ses anciennes positions, habitudes et idées conservatrices. Parallèlement à l’affermissement du régime capitaliste, l’Internationale d’Amsterdam se stabilisa partiellement. L’Internationale Syndicale Rouge dut passer de l’offensive à la défensive. Une nouvelle vague du mouvement à gauche dans les syndicats apparut au moment où se manifestait la tendance de rapprochement entre syndicats anglais et soviétistes. Pour le prolétariat anglais qui agissait pour la première fois comme un des détachements d’avant-garde du mouvement ouvrier européen, l’Internationale Syndicale Rouge était dans une large mesure une organisation trop proche de l’Internationale Communiste, et, par conséquent, n’avait pas encore, dans cette phase de développement, de popularité suffisante parmi les masses. Au contraire, les syndicats soviétistes, liés à l’Etat soviétiste, dont la popularité était déjà suffisante, avaient, de toutes les organisations révolutionnaires, le plus de crédit parmi les prolétaires organisés d’Angleterre. A mesure que la lutte se développait, et que se manifestait l’action de solidarité des syndicats soviétistes, les ouvriers anglais s’élevaient à un plus haut degré de conscience de classe. La « révolutionnarisation » du mouvement ouvrier anglais progressait constamment, bien que tout ce processus prit des formes contradictoires et extrêmement douloureuses. Devant les militants communistes du mouvement syndical international se pose maintenant la tâche d’internationaliser graduellement la lutte pour l’unité syndicale internationale. Le rôle de l’internationale Syndicale Rouge doit fatalement gagner de plus en plus d’importance et les communistes des syndicats de la République des Soviets doivent, en adhérant à l’I. S. R., toujours plus étroitement contribuer à animer le travail de celle- ci. Cela ne signifie nullement qu’il faille sous un rapport quelconque modifier la tactique dans les syndicats et préconiser la scission ou la sortie du syndicat réactionnaire. Rien ne serait plus nuisible, au contraire, qu’une telle tactique. Elle condamnerait les partisans du mouvement syndical révolutionnaire à s’isoler des masses, et à créer des organisations, syndicales de sectes sans grande importance et activité (Schumacher). Le travail dans les syndicats réactionnaires et l’action pour leur conquête est un des points centraux de l’application de la force des organisations communistes. Mais, en même temps, il faut soutenir, de toute façon, l’autorité de l’Inter- nationale Syndicale Rouge qui est encore appelée à jouer un grand rôle dans la lutte internationale pour l’unité du mouvement syndical et dans la lutte contre l’offensive du capital. Si le renforcement du travail au sein des organisations syndicales des différents pays est une condition indispensable pour le succès du mouvement prolétarien révolutionnaire, il n’y a aucune raison pour que les syndicats révolutionnaires adhèrent à Amsterdam. Il ne peut être question de liquider l’Internationale Syndicale Rouge. Au contraire toute la situation internationale et la révolutionnarisation de la classe ouvrière, même lente, le rôle de traître de l’Internationale d’Amsterdam qui s’est manifesté avec une clarté particulière dans la question de la grève générale et dans la grève des mineurs anglais, situent au premier plan la nécessité de renforcer le centre international du mouvement syndical révolutionnaire.
X. Principaux résultats de l’action, erreurs et devoirs des Partis communistes[modifier le wikicode]
Le Parti Communiste de l’Union soviétiste — principale section de l’Internationale Communiste — a, tout au long, obtenu, durant la dernière année, des résultats très importants. Ces résultats ont trait à l’édification économique, au renforcement de la dictature du prolétariat et à la consolidation du parti lui-même. Dans le domaine de l’économie, en dépit de toutes les prophéties relatives à l’accroissement des difficultés, à l’échec des plans gouvernementaux, par suite du développement du koulak, le parti a remporté des succès économiques décisifs dans plusieurs secteurs principaux du front économique. L’industrialisation du pays fait de nouveaux progrès et, cette année, il sera dépensé pour les travaux de construction et d’électrification plus d’un milliard de roubles, sans compter les sommes venant des budgets locaux ; l’élimination du capital privé (la baisse de son influence) s’observe dans le domaine de l’industrie et dans le commerce de détail. L’augmentation des impôts sur le capital privé, le remaniement de l’imposition des paysans, afin d’imposer davantage les éléments aisée des campagnes, plusieurs autres mesures contre le capital privé (par exemple, la politique des tarifs de chemins de fer et les restrictions apportées dans les transports des marchandises du commerce privé) traduisent l’offensive des éléments socialistes, l’offensive du prolétariat contre le commerce privé. Le parti a réussi à faire sortir le pays d’une crise économique relativement pénible. Par des mesures énergiques (cessation de l’émission monétaire, réduction des crédits à l’industrie, économie sur les frais généraux, etc...). Vers le début de l’été, une amélioration se fit sentir qui, s’étendant peu à peu, donna au parti la possibilité d’élever en automne le salaire des catégories les moins favorisées des ouvriers et de faire baisser en même temps l’indice général des prix des marchandises et de consolider le tchervonetz. La .politique juste suivie à l’égard des paysans permit de renforcer l’union entre le prolétariat et les paysans et du même coup de consolider la dictature du prolétariat. Grâce à une exacte politique qui a donné des résultats positifs, économiques et politiques, le parti a réussi à remporter une victoire relativement facile et complète sur l’opposition intérieure et à cimenter les rangs du parti. La principale erreur, commise par la direction du Parti, dans une large mesure par la faute de l’opposition, et encore avant que le plénum élargi [… ?] fut ce qu’on a appelé l’erreur économique de l’automne 1925, qui eut de graves conséquences économiques. En dépit de l’opinion de l’opposition, qui attribua cette erreur à l’offensive du koulak, soi-disant en état de faire la grève des céréales; le Parti a parfaitement compris tout le sens de cette erreur. Il en a tiré la leçon qui s’imposait et par sa politique a réparé son err.eur, ce qui ressort clairement de la bonne marche des achats de blé cette année.
Le principal événement du mouvement ouvrier international fut et reste la grève des mineurs anglais. Nous avons déjà dit plus haut, que presque tous les partis de l’Internationale Communiste (excepté le parti communiste de l’Union soviétiste, les partis anglais, italien, et quelques autres), ne furent pas en mesure d’opposer la résistance qu’il eut fallu à la politique de trahison de la social-démocratie et des chefs des syndicats réactionnaires, et furent hors d’état de développer la campagne nécessaire d’aide aux mineurs anglais. Il est évident que cela s’explique, en grande partie par d’immenses difficultés objectives, surtout par le chômage, total ou partiel. Cependant, une part de la responsabilité incombe à la faiblesse de l’appareil des partis et à leur pouvoir de mobilisation insuffisant. La plus grande activité, si l’on fait exception du parti anglais participant directement au mouvement, fut déployée par le parti communiste au pouvoir dans l’Union soviétiste et par le parti illégal, pourchassé, placé sous la hache terroriste de Mussolini, le parti italien. L’action du Parti communiste de l’Union soviétiste, que certains « critiques » considèrent comme un parti composé presque complètement de koulaks, pour la mobilisation des masses au secours des mineurs anglais, est connu. Le parti communiste italien est parvenu en dépit de sa situation illégale, à faire une large campagne, à rassembler une somme considérable, à joindre une campagne énergique en faveur des mineurs anglais à une mobilisation des masses contre, le régime sanglant de Mussolini, à faire pénétrer cette campagne non seulement dans la masse du prolétariat urbain, mais dans plusieurs coins des campagnes italiennes.
Le fait de l’appui insuffisant apporté aux mineurs anglais par la majorité des partis communistes doit être pris en considération coûte que coûte.
En Angleterre, le parti communiste a brillamment subi l’examen pendant la grève générale et les événements qui l’ont suivie. En grande partie, grâce à son travail dans les syndicats, de petite organisation politique n’ayant presque aucune influence dans la vie sociale du pays, il s’est transformé en un des grands facteurs de cette dernière. Dans les comités de grève, dans le comité d’action, à l’aile gauche du mouvement syndical, à l’aile gauche du mouvement politique ouvrier, il a obtenu des résultats très importants. Il a contribue à la formation de l’opposition dans les syndicats et du mouvement minoritaire et a assumé dans ce mouvement le rôle dirigeant. Grâce à sa ligne tactique juste, le parti communiste britannique a augmenté le nombre de ses adhérents, surtout au cours des dernières batailles dans les régions où les mineurs constituent la majorité des ouvriers industriels. Le parti communiste britannique a surtout augmenté son influence politique. L’attitude courageuse du parti pendant les grands combats en fait, aux yeux des masses ouvrières, le chef de tout ce qu’il y a d’intrépide et d’honnête dans le mouvement ouvrier. La trahison des leaders syndicaux et des principaux chefs du Labour Party, la politique de capitulation des « gauches » (Purcell et Cie), les pitoyables hésitations de « l’Indépendant Labour Party », n’ont fait que rehausser l’attitude courageuse du parti communiste britannique, numériquement très faible, mais extrêmement actif. Cependant, au cours de cette période, le parti communiste britannique a néanmoins commis quelques erreurs, en partie déjà corrigées par lui, erreurs qu’il faut relever pour qu’il soit plus facile à l’avenir de les éviter. La base de ces erreurs est une attitude insuffisamment décidée envers les soi-disant chefs de gauche du mouvement syndical et une certaine sousestimation de la profonde évolution politique qui s’opère, quoique pas aussi vite que nous le voudrions, au sein du mouvement ouvrier, anglais, qui a à faire front à la violente offensive du patronat et du gouvernement, et à la pitoyable banqueroute des chefs réformistes., Les fautes tactiques du parti communiste britannique ont été une critique trop peu énergique des « gauches », surtout après la grève générale, l’incompréhension de l’attitude adoptée par les syndicats russes (les camarades anglais ont estimé qu’elle était trop radicale), une façon fausse de la minorité de poser, au comité exécutif, la question de la campagne contre les chefs du Conseil Général, une attitude pas assez résolue au congrès des Trade-unions, etc... Ces erreurs doivent être corrigées au plus vite et elles le seront, parce qu’en somme le parti s’est engagé dans la voie de sa transformation en un parti révolutionnaire de masse de la classe ouvrière britannique. La principale tâche qui se pose actuellement au parti communiste anglais est de renforcer l’action de secours aux mineurs, d’expliquer aux masses le rôle du gouvernement dans le conflit, de poser devant ces masses les questions essentielles de la situation politique en démasquant en même temps les chefs réformistes. L’action d’organisation du parti doit être en premier lieu l’organisation du mouvement minoritaire syndical, le renforcement et l’élargissement des succès remportés par ce mouvement. Le degré insuffisant d’organisation du mouvement minoritaire s’est manifesté avec suffisamment de clarté dans la marche des événements. L’influence de ce mouvement eût été beaucoup plus grande et la radicalisation du mouvement ouvrier anglais beaucoup plus rapide, si le mouvement minoritaire, qui marche de front avec le parti communiste, eût possédé une solide organisation, un « appareil » qui eût contribué à rendre plus combative cette avant-garde du mouvement syndical ouvrier.
Le Parti communiste chinois, d’après son importance, se place maintenant au premier plan, en raison de l’immense envergure du mouvement révolutionnaire national chinois. Ce jeune parti révolutionnaire a, sans contredit, remporté de très grands succès. Entièrement solidaire de l’aile gauche du Kuomintang révolutionnaire, le parti communiste chinois est le chef reconnu du prolétariat, des petits paysans et des artisans. La principale erreur commise par le parti chinois, en dépit d’une orientation généralement juste, est d’avoir consacré une attention insuffisante à la question paysanne. Une crainte injustifiée de déchaîner le mouvement paysan et une insistance trop faible sur la nécessité d’accomplir des réformes agraires dans les régions occupées par le Kuomintang, — telles sont les principales erreurs. La tâche du parti est de s’orienter, en maintenant l’unité du front révolutionnaire national, vers l’organisation des masses laborieuses. Outre l’organisation du prolétariat, il lui faut créer, soutenir, étendre et renforcer l’organisation des paysans révolutionnaires.[45]
Le parti communiste français a également obtenu une série de succès. Il a fait, en son temps, une brillante campagne contre la guerre du Maroc, mobilisant autour de cette campagne de grandes masses ouvrières et paysannes. Il a participé à la direction de plusieurs grèves, lors de la dernière vague de grèves. Il a tâché de venir en aide aux mineurs anglais en décl anchant une grève de solidarité. Cependant, il a commis une grave erreur au moment le plus critique de la vie politique française, lors de l’avènement de Poincaré au pouvoir. Tout d’abord, le parti ne s’est pas suffisamment rendu compte du caractère du déplacement des forces de classes qui s’est produit. La transition de la politique d’inflation à la politique de déflation, du gouvernement du « Bloc des gauches », par plusieurs échelons intermédiaires, à la domination avouée de la grande bourgeoisie, c’est-à-dire à un gouvernement de l’industrie lourde et des banques, le tait que ce déplacement du pouvoir marque le début de l’offensive de « stabilisation » du grand capital contre la classe ouvrière, tout cela n’a pas été suffisamment apprécié par le parti communiste. C’est pourquoi, le parti, ayant porté son attention sur les diverses combinaisons parlementaires, n’en pas accordé assez à la mobilisation des masses de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie. Cependant, cette période critique fut le signal d’une effervescence profonde parmi les ouvriers et dans la petite bourgeoisie, qui ne fut pas utilisée par le parti communiste, qui fit preuve d’une très grande passivité. Il faut encore relever le travail insuffisant du parti, dans les masses inorganisées de la classe ouvrière. Ces derniers temps, on remarque une croissance du parti. Sa principale tâche est de se préparer aux luttes inévitables de l’avenir ; c’est la première fois que l’offensive des forces bourgeoises contre la classe ouvrière revêt cette ampleur. L’apparition du chômage, la vie croissante, le fait que la presse bourgeoise a haussé le ton à l’égard des ouvriers, tout cela est le présage de l’aggravation prochaine de la lutte de classe. Le renforcement de la position du parti et des syndicats révolutionnaires dans les masses, le renforcement de leur appareil, de leurs aptitudes à mobiliser les masses, de leur force intérieure, doit faire l’objet d’une attention particulière de la part de notre parti frère français.
En Allemagne, il faut mentionner un certain nombre de résultats. L’influence du Parti communiste dans les syndicats (notamment à Berlin, parmi les ouvriers des métaux), s’est accrue quoique dans une mesure loin d’être suffisante. L’influence du parti a augmenté parmi les ouvriers social-démocrates de gauche. La grève de Hambourg, les délégations dans la Russie des Soviets, les oppositions de gauche, les conférences, les réunions communes, l’accroissement de l’influence de l’Union des Anciens Combattants Rouges, etc., tout cela exprime une influence croissante. L’autorité du parti a augmenté dans le mouvement des chômeurs ; le parti a su réparer certaines erreurs qu’il avait commises dans ce domaine et déployer une action assez énergique pour l’organisation de la masse des chômeurs. La campagne contre l’indemnisation des princes de l’ex-maison régnante a incontestablement contribué à augmenter la popularité du parti dans les grandes masses de la classe ouvrière et même dans la petite bourgeoisie. Les dernières élections en Saxe et les élections municipales dans une série de localités, qui accusent une augmentation des voix communistes, montrent clairement l’accroissement de l’influence politique du parti, de la justesse de sa ligne politique. Il faut aussi souligner la consolidation des rangs du parti et la lutte énergique contre les déviations petites-bourgeoises. Actuellement, le parti a devant lui, des tâches sérieuses à remplir aussi bien dans sa politique générale qu’au sein du parti même. Dans le pays, sa tâche principale est de se préparer à diriger les futurs combats de la classe ouvrière que l’aggravation de la lutte de classe fait prévoir. De même, il faut intensifier le travail dans les syndicats et continuer à mener énergiquement la tactique du front unique aussi bien dans les syndicats qu’avec les masses de gauche de la social-démocratie et les prolétaires sans-parti. Il faut renforcer l’appareil d’organisation du parti, ainsi que les liaisons avec la province ; il faut former de nouveaux cadres d’ouvriers et cimenter les rangs du parti. Le prochain Congrès sera d’une très grande importance dans l’histoire du parti.
En Italie, le Parti a su venir à bout de ses tâches malgré les conditions pénibles de la lutte. Il a maintenu son organisation. Mieux que cela, il a su se lier avec les larges milieux ouvriers et paysans. Il a accru très fortement son autorité. Il a eu raison des courants sectaires antiléninistes qui se manifestèrent dans son sein. Il a appris à mener avec succès la tactique du front unique. Il a été à la .hauteur du travail à accomplir dans les syndicats malgré l’écrasement du mouvement syndical, malgré les fascistes et les organisations syndicales fascistes. L’Internationale Communiste se doit d’appeler toutes ses sections à venir en aide et à soutenir le parti communiste italien dont 1es militants sont, en fait, placés hors la loi par le régime de terreur de la dictature fasciste.
En Pologne, les erreurs qu’a faites le Parti ont été déjà suffisamment critiquées et ont été condamnées par le Parti lui-même. Ces erreurs ont été le résultat d’une application fausse et opportuniste de la tactique du front unique au moment du coup d’Etat de Pilsudski, lorsque notre Parti, submergé par la vague petite-bourgeoise, a perdu sa propre physionomie, s’est trouvé en queue des masses, n’a pas su, dans le moment le plus critique, tourner ses armes contre les partisans de Pilsudski qui sont finalement parvenus, grâce au soutien de l’Angleterre, à réaliser la dictature fasciste dans le pays. La tâche du Parti consiste à mobiliser les masses pour la lutte contre le régime fasciste de Pilsudski, à mener une action énergique dans les syndicats, à utiliser le mouvement à gauche des masses ouvrières qui s’opère sous l’effet de l’offensive du Capital, à prendre la défaite [défense ?] hardie et résolue des intérêts des grandes masses paysannes et des nationalités opprimées.
Le parti tchécoslovaque, qui a appliqué, avec succès, la tactique du front unique, et qui a atteint le niveau d’un grand parti révolutionnaire de masses, n’a pas fait preuve de toute l’activité voulue surtout, dans la période actuelle, quand la crise économique se fait de plus en plus aiguë dans le pays.
A l’égard de tous les partis communistes il faut dire que l’expérience de leur travail a montré : 1° Qu’ils ont su, en, général, s’adapter aux conditions de la période que nous avons traversée, quoique pas dans la mesure qu’il aurait fallu ; 2° Que l’expérience a montré que la croissance de l’influence réelle des Partis communistes va parfois plus vite qu’on ne le suppose ; 3° Que les partis vont au devant des combats futurs dans des conditions qui, malgré toutes les difficultés, n’en sont pas moins favorables, de façon générale, pour les progrès du mouvement communiste.
XI. La lutte pour la ligne léniniste et les problèmes de direction[modifier le wikicode]
Si l’on examine la critique qui a été faite de l’action de l’Internationale Communiste, on peut aboutir aux conclusions suivantes. Cette critique, pour autant qu’elle portait un caractère de principe, visait principalement la politique paysanne du Parti communiste de l’Union soviétiste et s’enveloppait souvent dans le manteau du « marxisme » « authentique », « orthodoxe », « occidental » (par opposition au marxisme « asiatique-bolchévik »). C’est ainsi que critiquèrent l’I. C. Paul Lévi et son groupe qui, peu à peu, passa avec son chef dans le camp de la social-démocratie. Cette critique se basait sur un excès de centraliste ; elle était donc une critique du « régime » et une critique du front unique, d’un point de vue de « gauche ». La même critique fut faite par l’ancien secrétaire du Parti communiste français. Frossard. Il est remarquable que tous les « leaders » qui firent de semblables critiques passèrent assez rapidement dans le camp de la social-démocratie ou s’en rapprochèrent de très près. Lévi est devenu social-démocrate ; Frossard a suivi la même voie et collaboré au journal de Caillaux ; Hoeglund est social-démocrate et édite les œuvres de son ancien adversaire Branting ; Tranmael et son parti sont à la veille de s’unir avec la social-démocratie, etc. De cette façon, tous ces critiques qui envoient leurs traits très souvent d’un point de vue de « gauche », achèvent leur évolution en retournant à la poussière dont ils sont sortis.
A l’heure actuelle, l’Internationale Communiste est obligée de combattre un groupe de droite relativement petit dans son sein, ainsi qu’une fraction dite d’« extrême-gauche » qui s’est révélée le plus violemment en Allemagne. Il est incontestable que l’activité des groupements fractionnels au sein de l’I. C. s’est considérablement animée à la suite du raid de cavalerie opérée par les chefs de l’opposition russe contre la direction du P. C. de l’Union soviétiste. Autour de l’action de cette opposition ont commencé à s’organiser les éléments les plus divers, tendant plus ou moins à une opposition hostile à l’I. C. et même à la Russie des Soviets.
Nous avons déjà dit dans le précédent exposé, que la prétendue opposition d’« extrêmegauche » s’est plus nettement révélée en Allemagne où son éloignement du communisme tut le reflet de la nouvelle orientation de la bourgeoisie allemande : d’Orient à l’Occident. Le fond des « idées » de ces gens a été exposé plus haut. Nous n’avons qu’à remarquer ici le lien objectif entre les divers groupes, groupements et tendances du bloc de l’opposition. Le groupe Weber soutient Urbahns, Urbahns marche avec Ruth Fischer et Maslow, Ruth Fischer et Maslow organisent un bloc avec Korsch et Schwarz, bien qu’ils n’hésitent pas à l’occasion à se désolidariser de ces derniers au point de vue idéologique et organisation. Ce qu’on appelle la question russe est, comme nous l’avons vu, le point principal autour duquel se livre le combat. L’opposition « extrême-gauchiste », par une série de degrés intermédiaires et de « nuances idéologiques », est déjà retournée, au fond, dans le giron de la social-démocratie et, en la personne de ses « leaders » les plus conséquents (Korsch, Schwarz), elle a déjà opéré les déductions politiques et pratiques faites depuis longtemps par Kautsky dans sa fameuse brochure : « L’Internationale et la Russie des Soviets ». De cette façon, les « extrêmesgauchistes », les « gauchistes résolus » et les autres opposants ont commencé à jouer le rôle de la contre-révolution social-démocrate la plus droitière, en couvrant le néant réel de leur bagage idéologique par les piteux haillons d’une phraséologie de gauche.
Si à un des pôles de l’Internationale Communiste se sont formés des groupes « extrêmes gauchistes », à l’autre pôle on constate des déviations de droite. Il suffît de mentionner quelques petits groupes dans le Parti français, le groupe Scheflo en Norvège, l’article dans le Rude Pravo, organe central du Parti communiste tchécoslovaque où était défendue la position d’Otto Bauer dans la question de la dictature du prolétariat (L’article fut immédiatement désavoué par. le Comité central du Parti). Il suffit de mentionner les erreurs de droite dans le Parti polonais, etc.
Parallèlement à l’action de l’opposition russe, il y eut incontestablement une tentative d’organiser une fraction internationale, dirigée contre la ligne de l’Internationale Communiste et de sa section fondamentale, le Parti communiste de l’Union soviétiste. Cette fraction ne put s’organiser, avant tout, parce que les grandes masses du Parti communiste de l’Union soviétiste portèrent à l’opposition un coup foudroyant, qui obligea celle-ci à capituler. Cet événement devait désorganiser les rangs de l’opposition au sein des autres partis, en premier lieu dans le parti allemand, où l’opposition représentait tout de même une force assez sensible.
Les méthodes fractionnelles de lutte qui sont en opposition complète avec les principes d’organisation bolchévistes, furent exposées publiquement dans la déclaration d’Urbahns, en réponse à l’ultimatum du Comité central du Parti communiste allemand. Dans cette réponse, il est dit, entre autres, que les règles de la discipline du Parti ne sont pas applicables à un parti tel que le Parti communiste allemand parce que, soi-disant, il n’est pas un parti bolchévik. Il est donc clair que ces gens préparaient la scission juste au moment où le Parti s’engageait dans la voie d’une vaste action de masse.
Avec la défaite de l’opposition russe et l’exclusion des leaders les plus acharnés de l’opposition du Parti allemand, la lutte pour la ligne d’organisation léniniste, la lutte contre le fractionnisme entre dans une nouvelle phase de développement. L’« orientation » principale des chefs de l’opposition, déjà exclus du Parti, consistait et consiste encore à désorganiser le Parti, à annuler en fait les décisions prises, à rendre impossible la direction du Parti par le Comité central, en renouvelant les infractions à la discipline. Le mot d’ordre de la bolchévisation, proposé jadis par le camarade Zinoviev, doit être appliqué au sein de nos Partis communistes avec une rigueur particulière. Dans la fameuse déclaration signée par les principaux leaders de l’opposition du Parti communiste de l’Union soviétiste, l’opposition, tout en maintenant sa ligne de principe sur d’autres questions, reconnaît que la théorie de la liberté de fractions et de groupements, est contraire au léninisme, et par conséquent au bolchévisme. De cette façon, le mot d’ordre de la continuation de la bolchévisation des Partis, dans la phase actuelle du développement de ces derniers, doit consister à supprimer la liberté de fraction antiléniniste dans l’Internationale Communiste. Tout on assurant à chaque adhérent, qui n’est pas lié par la discipline particulière des organes dirigeants, la liberté d’exprimer et de défendre son point de vue, l’Internationale et ses sections ne peuvent à l’heure actuelle se permettre le luxe de tolérer l’existence de fractions, surtout de fractions liées avec des exclus, tractions qui sont en fait le germe d’un nouveau parti. Cela est particulièrement vrai pour ceux des groupes qui partagent les idées contre-révolutionnaires de Korsch, Schwarz, etc., idées absolument incompatibles avec l’affiliation à l’Internationale communiste. Il n’y a pas de place dans l’association révolutionnaire des ouvriers pour les social-démocrates et les contre-révolutionnaires.
La tâche constante de l’Internationale Communiste est de venir à bout de toutes les déviations possibles de la bonne ligne communiste. Il va de soi que cette thèse reste vraie aujourd’hui comme hier. L’internationale a combattu et continuera à combattre les « droitiers » et les prétendus « extrêmes-gauchistes » qui se rejoignent souvent dans leurs constructions idéologiques, politiques, essentielles. Les déviations « extrêmes-gauchistes » dans les Partis d’Europe occidentale sont le produit de l’incompréhension de la nouvelle conjoncture objective en formation, conjoncture qui exige de la part des Partis communistes une adaptation beaucoup plus grande aux besoins quotidiens de la classe ouvrière, desquels il faut partir pour pousser ces masses à la compréhension des buts révolutionnaires et pour les entraîner à la lutte révolutionnaire. De même, les prétendus milieux d’opposition de gauche au sein du Parti communiste de l’Union Soviétiste expriment et reflètent l’incompréhension des nécessités spécifiques de la période constructive de la dictature du prolétariat et s’entêtent à répéter des mots d’ordre empruntés à une autre période du développement de la révolution, à une période qui appartient déjà au passé. L’incompréhension des besoins de la nouvelle situation n’est pourtant pas en contradiction avec la thèse que ces déviations sont le produit de cette situation même. Si l’opposition du Parti communiste de l’Union Soviétiste, par son offensive contre le Parti, reflétait la pression qu’exercent sur le Parti les couches de mécontents du régime de la dictature du prolétariat, en général, en revanche, l’opposition allemande reflète les ballottements des couches petites-bourgeoises au sein de la classe ouvrière. Quant à ses représentants les plus « résolus », tombés jusqu’à prêcher la révolte du capitalisme dans les pays de la dictature du prolétariat, ils sont déjà les porte-parole directs les plus acharnés, les plus « antimoscoutaire », des tendances bourgeoises. Sans doute, la distance entre M. Korsch et l’opposition du Parti communiste de l’Union soviétiste est énorme, il serait faux et injuste de les mettre sur le même pied, mais telle est la mécanique de la lutte que le geste de l’opposition russe a immédiatement rallié tout le chœur des éléments résolument anticommunistes.
A l’heure actuelle, on peut .déjà constater que l’accès de fièvre oppositionniste baisse rapidement. Les principales forces de 1’opposition sont brisées. Ses forces auxiliaires sont désorganisées. La lutte et l’explication idéologiques des erreurs des camarades de l’opposition et de tout le reniement des exclus feront leur œuvre, cimenteront les rangs des Partis communistes autour de l’internationale.
La lutte pour les masses, d’une part, la lutte peur la bonne politique léniniste au sein des partis, de l’autre, facilitent la sélection de militants trempés et fermes et de chefs vraiment bolchévistes des partis communistes. L’application de la démocratie au sein des partis, sans toutefois tolérer l’existence des fractions, l’effort incessant pour fortifier le niveau politique de la masse des adhérents pour élever le niveau théorique des cadres communistes : tout cela doit assurer une bonne croissance de nouveaux cadres communistes et augmenter leur valeur communiste. Les nouveaux besoins de direction de l’Internationale grandissante exigent à leur tour une sélection de dirigeants de l’Internationale capables d’assurer une direction collective internationale. Une des principales tâches de cette direction internationale est de contrôler systématiquement l’application des décisions une fois adoptées, car ces décisions, à bien des égards, donnent aux partis communistes toutes les indications qui leur sont nécessaires, mais qui trop souvent restent lettre morte. La liaison vivante entre la direction de l’Internationale et ses sections, la fermeté et l’unité absolues de direction de la part de l’Internationale, mais sans tutelle pointilleuse et avec le maximum d’initiative des sections de l’Internationale Communiste, telle est la voie dans laquelle doivent se développer les Partis et l’Internationale Communiste. En faisant le bilan général, nous pouvons dire que l’Internationale est allée de l’avant, malgré que son principal ennemi, la bourgeoisie, continue son offensive contre la classe ouvrière. Cet ennemi est soutenu sur toute la ligne par Amsterdam et la IIe
Internationale. A l’égard du conflit minier anglais, ce sont des organisations de briseurs de grève, mais elles servent et chantent .avec « enthousiasme » la Société des Nations et la « nouvelle ère » du régime capitaliste. Elles soutiennent les gouvernements bourgeois, la « rationalisation » bourgeoise, elles soutiennent les campagnes de calomnie contre l’Union soviétiste, contre les révolutions nationale d’Orient, elles appuient des démarches pour des mandats coloniaux. Pendant ce temps, les bataillons de l’Internationale Communiste mènent bataille contre les interventions impérialistes en Chine, tombent sous les coups du couteau fasciste, soutiennent une lutte héroïque dans les Balkans, se battent contre le régime sanglant de Mussolini, languissent dans les prisons et dans les chambres de torture du maréchal Pilsudski, bâtissent le socialisme en Russie, encouragent, appuient et conduisent au combat les mineurs anglais, sacrifient leurs derniers sous pour les femmes et les enfants des mineurs, se placent aux premiers rangs sur tous les fronts de la lutte contre le capital en exposant leurs poitrines aux balles de l’ennemi. Un avenir prochain peut amener certains partis communistes à la veille de grands combats. Dès maintenant il faut se préparer énergiquement, mobiliser les masses, s’infiltrer plus profondément dans les quartiers ouvriers, serrer inlassablement les rangs de l’armée du travail.
Les mineurs anglais, abandonnés, trahis par les leaders syndicaux, continuent leur lutte héroïque qui ébranle tout l’organisme économique du grand Empire britannique. En Extrême-Orient, des millions d’hommes entrent pour la première fois dans la grande arène de l’histoire et constituent l’arrière-garde active et puissante de la révolution prolétarienne. La principale forteresse organisatrice de la force du communisme international : l’Union soviétiste, grandit d’année en année et consolide la dictature triomphante des ouvriers. Si le capitalisme réussit sur bon nombre de secteurs du front de la lutte de classe à consolider ses positions, s’il réussit partiellement à sortir du chaos et de la ruine du temps de guerre, s’il est en état de reformer ses rangs et de rassembler ses forces, il faut cependant s’attendre à voir dans 1’avenir prochain se dresser contre lui toute une muraille de difficultés colossales. Cela crée une base pour une action féconde des partis communistes. La conquête des masses profondes du prolétariat de l’Europe occidentale, la formation de la grande alliance mondiale des ouvriers d’Europe, la dictature triomphante du prolétariat dans le pays des soviets et la révolution chinoise victorieuse deviendront le rempart et la garantie de la victoire définitive du communisme.
- ↑ Les données sur l’extraction du charbon, sur la production de la fonte et de l’acier et celles concernant la production du coton ont été tirées du recueil Economie mondiale, 1925, Edition de l’Institut de conjoncture sous la rédaction du prof. Condratiev.
- ↑ Les données préalables pour les neuf premiers mois de 1926 dénotent une certaine diminution causée par la grève anglaise.
- ↑ Chiffres tirés des Vierteijahrshete für Konjuncturforschung, Berlin, n°2.
- ↑ Chiffres tirés des Vierteljahrshefte für Konjuncturforschung, Berlin, n°2.
- ↑ Calculé d’après les statistiques du professeur S. Pervouchin, « Les Conjonctures économiques » (The Economist.)
- ↑ Voir le travail de Robert Friedland dans le Chronische Arbeitskrise.
- ↑ Chiffres tirés de l’ouvrage de Bogolepov : Les valeurs russes en 1914-1915, p.173 et176.
- ↑ Plus exactement pour couvrir les besoins de l’Europe occidentale et de l’Amérique.
- ↑ Les chiffres concernant les céréales et les bois sont tirés des Chiffres de contrôle, p. 156-157 ; sur le lin et les œufs, du recueil l’Economie mondiale, de 1923-1925, p. 223.
- ↑ « Chiffres de contrôle », p.148.
- ↑ « Chiffres de contrôle », p.150
- ↑ Cette baisse subite est due à la grève anglaise. Mais, même si l’on prend pour 1926 les chiffres de 1925, nos déductions ne changent pas. Si sans la grève anglaise l’Union soviétiste n’eût pu dépasser l’Europe dans le relèvement de ses charbonnages, elle l’eût tout de même rattrapée. Il ne faut pas oublier non plus que la grève anglaise a profité à l’Allemagne et à la Pologne où elle a déterminé une croissance de la production
- ↑ « Chiffres de contrôle », p. 162
- ↑ Jusqu’en 1925-26, la part de l’Etat et de la coopération s’élevait à 40,8 % et celle du capital privé tombait à 59,2 %. Pour 1926-27, les chiffres de contrôle ci-dessus proviennent des calculs de la Commission de l’Economie rationnelle [sic, pour nationale] (« Chiffres de contrôle »)
- ↑ Tous les chiffres sont tirés des chiffres de contrôle du Gosplan.
- ↑ Voir son livre Memorial Lecture.
- ↑ Données du Secteur de l'Economie mondiale de 1a Commission des Plans
- ↑ Nous ne faisons qu'effleurer les questions de la révolution chinoise, nous réservant d'en parler plus loin dans un chapitre spécial.
- ↑ Dans cet ordre d'idées on bâtit une théorie relative aux divcrs aspects de la vie économique. Ainsi, le théoricien bien connu de la bourgeoisie russe, le professeur Tougan-Baranovski, échafauda une théorie « nouvelle » de la circulation monétaire, selon laquelle l’écart entre la valeur du papier monnaie (influence spécifique de la «guerre) et son étalon or est déclaré n’être qu’une bagatelle du point de vue de la « florissante » économie de guerre.
- ↑ Il ne faut pas confondre cette croissance avec l’appareil de production de l'ensemble du pays, pas plus qu'il ne faut confondre l'ampleur de l’appareil de production dans son expression matérielle avec l'ampleur de l'appareil de production dans son expression valeur.
- ↑ Données fournies par le Service de l’Economie mondiale du « Gosplan ».
- ↑ Chiffres de contrôle, p. 151-152.
- ↑ L’Economie mondiale, 1923-1924, p. 76.
- ↑ L’Economie mondiale, 1919-1925, p.16.
- ↑ D’après le service de l’Economie mondiale du « Gosplan ».
- ↑ Données du service de l’Economie mondiale du « Gosplan ». Notons qu’elles sont tirées de différentes sources (pour l’Angleterre : en 1913. Paisch ; en 1924, H. Fick ; pour les Etats-Unis : en 1913, S. Chase ; pour 1924, l’évaluation officielle).
- ↑ Il n’y a pas de données d’avant-guerre pour l’Amérique.
- ↑ Service de l’Economie mondiale du « Gosplan ».
- ↑ Economie mondiale de 1913-1925, p. 76.
- ↑ Economie de plan, n°8, p. 282.
- ↑ Wirtschaftskurve, n°2.
- ↑ Données du service d’Economie mondiale du « Gosplan »
- ↑ Voyez United States Federal Reserve Board, Federal Bulletin, février 1926
- ↑ Ces renseignements sont tirés du New York Times, Daily Worker’s, Locomotiv Engeneers Journal.
- ↑ Labour Monthly Review, juillet et septembre 1926
- ↑ Ces données sont tirées de la Frankfurter Zeitung du 30 octobre et du 2 novembre 1926
- ↑ M. J. Bonn, Rationalisierung als finanzielles problem, Archiv für Sozialwissenschaft z. Sozialpolitik, 1926
- ↑ Frankfurter Zeitung, 22 octobre 1926.
- ↑ Wirtschaftsdienst, 22 octobre 1926.
- ↑ Die Bank, mai-juin 1926.
- ↑ The China Year Book, pour 1926-1927 (879 pages). Le tableau donne les chiffres en taels de Haykwant dont le cours moyen est de 1,5 rouble-or (en 1913, 73 cents américains ; en 1925, 80 cents ; en 1924, 81 cents). Pour 1925, The China Economic Monthly, n°10 de 1926 (octobre), donne des chiffres sans doute incomplets pour l’importation : 947 864 944 taels ; pour l’exportation, 776 352 937 taels.
- ↑ The China Year Book, 1926-1927, p. 116.
- ↑ N. M. Popov-Tative, La Chine, page 356.
- ↑ Lénine, tome XIX, p. 246
- ↑ Nous ne nous arrêterons pas ici plus en détails sur cette question, car elle fait l’objet d’un point spécial à l’ordre du jour.