Sans pivot

De Marxists-fr
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A tous les camarades Menchéviks internationalistes qui suivent, avec des sentiments mélangés, la polémique engagée entre le Secrétariat pour l’Étranger de l’O.K. et Naché Slovo, nous ne pouvons que conseiller de relire avec attention le n° 4 des Izvestia. Nous les prions de passer rapidement sur les accusations de « mauvaise foi » qui sont, par ailleurs, tout-à-fait déplacées et sans fondement. Mais nous insistons pour que les camarades vérifient tranquillement – avec le journal en main – le degré de justesse de tout ce que Naché Slovo écrivit de la situation dans la fraction menchéviste en particulier et dans notre Parti en général.

La question des relations entre les cercles « à la tête » et la base, dans le bloc d’« Août », au sujet de la politique des Sociaux-patriotes, a toujours été le prétexte de contradictions violentes entre nous et le Secrétariat. Les Izvestia ont émis l’opinion que le Social-patriotisme est venu d’en bas (de la base), de la majorité des éléments prolétariens qui, sous l’impression des défaites, se sont groupés sous les drapeaux de la défense nationale. Quant aux dirigeants, la majorité d’entre eux (à en croire les Izvestia) ont été appelés dans le Comité pour des motifs qui n’ont rien à voir avec la politique de « défense ». Telle aussi était la conception du Secrétariat. Nous prîmes la position contraire. Les lecteurs comprennent toute l’importance de la contradiction. Exiger une complète rupture d’avec les Sociaux-patriotes ne se justifie que si la « politique de défense » est exercée par les dirigeants, c’est-à-dire par la bourgeoisie impérialiste par l’intermédiaire des États-majors sociaux-patriotiques.

Vérifions maintenant à l’aide du dernier numéro des Izvestia. Voici ce que nous lisons dans une lettre en provenance de Pétersbourg : « La division en deux courants bien distincts se fait du haut en bas. Peu restent indécis ou hésitants. De ces derniers, il n’y en a aucun chez les ouvriers conscients et organisés. Et le fossé entre les Internationalistes et les Nationalistes, c’est-à-dire, suivant notre langage, entre les « Défenseurs » et les « Anti-défenseurs » s’élargit sans cesse. Malheureusement il n’en va pas ainsi dans les collèges. La majorité n’adhère officiellement à aucune tendance. Parmi eux, il a des représentants des deux courants. De la part des Menchéviks, aucune opinion générale. L’organisation pétersbourgeoise, depuis longtemps et vainement, demande à O.K. qu’elle donne des explications à ce sujet, mais elle s’y refuse obstinément en prétextant qu’il y a des questions plus importantes à régler. Je pense que c’est par peur de la scission; mais je pense aussi que les « Défenseurs » sentent venir la déroute si la question se pose formellement à tout le pays. »

Si l’on envisage toute la Russie, je ne crains pas de me tromper en affirmant que « la Défense » domine chez les littérateurs, l’Intelligentsia en général. Il en est de même, malheureusement, chez les ouvriers les plus évolués, les spécialistes, les ouvriers qualifiés et par conséquent bien payés. Mais dans les masses menchéviks, la « Défense » est absente, et même, elle est considérée avec haine.

Lisez attentivement ces lignes instructives au suprême degré, comme d’ailleurs toute la lettre, et dites-nous : n’est-ce pas là une négation parfaite de ce que prétend le Secrétariat pour l’Étranger et n’est-ce pas une confirmation totale de ce que nous affirmons ? Et quand la rédaction des Izvestia qui nous accable d’un flot d’épigrammes, ajoute : « Le rapport de notre correspondant confirme exactement ce que nous écrivions dans notre n° 3 sur la situation réelle en Russie », cette affirmation nous désarme par sa soudaineté ! Quel degré de désarroi politique pour prendre au sérieux une telle affirmation !

Tout le n° 3 des Izvestia est consacré à démontrer combien il est dangereux de « forcer » la limite entre les cercles dirigeants chez les « Défenseurs » et la mentalité désorganisée des éléments de base. Polémiquant avec le groupe parisien menchévik qui tentait de s’élever au-dessus du niveau de passivité habituel, les Izvestia répondaient ainsi : « Pour une majorité écrasante des travailleurs de notre Parti, le fond de nos querelles avec les Sociaux-patriotes, qu’ils soient russes et occidentaux, commence seulement à se faire jour. » En contradiction avec cette tentative de dissimuler la banqueroute des dirigeants du bloc par la désorganisation de la base, la lettre de Pétersbourg communique que : « des indécis ou des éléments indéterminés chez les travailleurs conscients, il n’y en a, pour ainsi dire, pas ! »

L’affaire est tout autre en ce qui concerne les collègues dirigeants. La rédaction des Izvestia a protégé pendant 2 mois l’O.K. contre nous et contre le groupe parisien, en montrant que sa position internationale « s’exprimait de manière suffisamment déterminée ». Pour contrebalancer ces dires, la lettre de Pétersbourg affirme que l’O.K. n’occupe officiellement aucune position, qu’elle se refuse obstinément à éclairer la position menchévik. Autrement dit, la base peut bien frapper à la porte tant qu’elle le veut, car ce sont des « Défenseurs » qui siègent à l’O.K.

Vous voyez de nouveau que l’information fournie par notre correspondant confirme ce que nous avions écrit sur la situation réelle en Russie. Mot pour mot ! Avec quelle condescendance et quelle indignation, le n° 3 des Izvestia rejette la demande de Naché Slovo : « Rompre avec nos militants ! » Prenez-le en main ce n' 3 et lisez-le bien : des références à l’inculture des travailleurs, des espoirs en la grande force d’un processus historique et même des épigrammes imprudentes sur « une légèreté digne d’un feuilleton » de ceux qui exigent la rupture d’avec l’État-major social-patriote.

Que dit à ce sujet la lettre de Pétersbourg ? « Nous insistons pour obtenir une position clairement définie du Menchévisme. Et si l’O.K. ne veut pas s’y résoudre, nous prendrons nous-mêmes l’affaire en main. Personnellement la scission me semble inévitable : probablement, les « Défenseurs » ne se soumettront pas. »

Nous ne voulons pas dire que les camarades Menchéviks, dont parle l’auteur de la « Lettre », défendent une position nettement internationaliste. Mais il est clair néanmoins qu’ils s’efforcent de gagner la voie de l’Internationalisme. Et pour cela ils s’appuient sur l’État-major social-patriote qui commande dans l’O.K. et qui est responsable de l’obstruction opposée à tous les efforts des Menchéviks de gauche. « Personnellement la scission me semble inévitable », nous dit l’auteur de la « Lettre » visiblement contaminé après vingt mois de guerre par « une légèreté digne d’un feuilleton ».

Maintenant il est clair que « l’information fournie par notre correspondant confirme tout ce que nous avions écrit dans notre n° 3 ». Tout à fait vrai; là où « nous » avons écrit oui, le correspondant a marqué non, là où nous avions écrit plus, il a écrit moins, où nous avons du noir, chez lui cela devient blanc. Mais à part ces légers détails, ce n’est que parfaite coïncidence !… L’ironie elle-même est désarmée devant ce désarroi jamais encore vu, jamais encore entendu !