Salut à "Unser Kampf", 9 mai 1932

De Marxists-fr
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Chers camarades,

La parution de votre journal constitue en soi un pas en avant très important. Les premiers suc­cès de ce journal prouvent que c'était une néces­sité. D'ailleurs, pouvait-on en douter un seul ins­tant ? Les travailleurs juifs des U.S.A. représentent une part importante de l'ensemble du prolétariat de ce pays. Les conditions historiques ont rendu les travailleurs juifs réceptifs aux idées du com­munisme scientifique. Leur dispersion même en de multiples pays devrait les pénétrer et les pé­nètre effectivement des idées internationalistes. En tenant compte de cette seule considération, l'Opposition communiste de gauche a toutes rai­sons d'espérer trouver une large audience parmi les travailleurs juifs des U.S.A. Ce qui caractérise essentiellement l'Opposition de gauche, c'est son caractère profondément international. C'est préci­sément pour cela qu'elle doit s'exprimer dans cha­que langue nationale. L'existence d'une publica­tion juive indépendante contribue non pas à isoler les travailleurs juifs, mais au contraire à mettre à leur disposition les idées qui rassemblent tous les travailleurs en une seule grande famille inter­nationale. Quant à vous, cela va sans dire, vous rejetez résolument et avec intransigeance le vieux principe bundiste d'une organisation nationale fé­dérée. Il faut que les travailleurs juifs acquis à notre cause par votre journal luttent dans les rangs de la Ligue Communiste et des organisations de masse du prolétariat américain. Dans la me­sure où votre journal se développera et se renfor­cera, il pourra trouver une audience par-delà les frontières des U.S.A. et du Canada : en Amérique du sud, en Europe et en Palestine. Du point de vue économique et du point de vue des droits civiques, les travailleurs juifs constituent un maillon faible du prolétariat. La politique du Komintern bu­reaucratisé se reflète de façon tout à fait désas­treuse dans le secteur du prolétariat le plus op­primé et le plus dépouillé de ses droits : en Po­logne, dans les régions de la Baltique, en France, et aussi bien sûr, en Palestine. La classe ouvrière ne peut se mettre en marche vers sa libération sur commande. On ne peut renforcer l'audace ré­volutionnaire et la détermination politique qu'au moyen des idées créatrices que les travailleurs doi­vent acquérir indépendamment, en pratiquant la critique, le débat et la confrontation à l'expérience. Sans cela, les sources mêmes du mouvement se ta­rissent inévitablement. C'est ainsi que nous voyons de très importantes sections nationales du Komin­tern subir défaite sur défaite, malgré des circons­tances exceptionnellement favorables.

Les travailleurs sont capables d'encaisser les revers politiques les plus sévères s'ils ont la pos­sibilité de réfléchir sur les raisons de leur échec et d'en tirer les conclusions qui s'imposent pour l'avenir. Mais le drame, c'est que non seulement la bureaucratie du Komintern est incapable de me­ner les travailleurs à la victoire, mais elle n'est même pas capable de leur permettre de réfléchir aux causes de leurs défaites. Après chaque nouveau coup porté par l'ennemi, la bureaucratie centriste [stalinienne], de son côté, matraque le cerveau des travailleurs et les empêche de penser, de critiquer et d'apprendre. Ces pratiques criminelles consti­tuent la principale source de déception et d'apa­thie. Les premières victimes des coups portés aussi bien par l'ennemi de classe que par la bureau­cratie centriste, comme je l'ai déjà dit, sont les maillons faibles de la classe ouvrière.

Votre journal est l'organe de la Ligue communiste. Sa tâche immédiate est de rassembler le; travailleurs juifs d'Amérique sous le drapeau de Marx et de Lénine. Plus grand sera le succès de cette entreprise, plus tôt elle s'élèvera à un niveau international, et plus les idées de l'opposition de gauche pénétreront au sein des travailleurs juif: du vieux monde, y compris l'U.R.S.S.

De tout mon cœur je salue votre journal et j'essaierai de vous aider dans votre tâche dans toute la mesure de mes moyens.

Fraternellement

L. TROTSKI (Prinkipo, Turquie).