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Special pages :
Rosa Luxemburg – Karl Liebknecht
Auteur·e(s) | Grigori Zinoviev |
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Écriture | janvier 1919 |
Je voudrais surtout parler de Rosa Luxemburg que j'ai connue personnellement. Nos ouvriers, nos soldats rouges et nos paysans connaissent moine la vie et l'activité de cette femme remarquable que la biographie révolutionnaire de Karl Liebknecht, son célèbre compagnon d'armes.
Dans le mouvement ouvrier de la génération actuelle Rosa Luxemburg appartient aux rares favorisés du sort auxquels il a été donné non seulement de travailler à la popularisation des idées de Marx, mais aussi d'aller plus loin dans cette voie en enrichissant le marxisme d'idées nouvelles.
La IIe Internationale compte dans ses rangs fort peu de militants qui aient su réunir au même degré que Rosa Luxemburg les qualités d'un orateur passionné, celles d'un brillant politique et, en même temps, celtes d'un des plus grands théoriciens littéraires du marxisme. Douée de tous ces dons précieux Rosa Luxemburg a travaillé dans le mouvement ouvrier près d'un quart de siècle.
La carrière révolutionnaire de Rosa Luxemburg commença en Pologne où elle travailla dès sa jeunesse ; puis elle transporta le champ de son activité en Allemagne et en Russie.
On peut dire qu'elle était l'incarnation vivante de l'internationalisme.
Je me souviens de mes causeries avec Rosa Luxemburg en 1906 à Kuokalla[1], dans le petit appartement de Lénine qui vivait alors dans une sorte d'exil, après l'échec de notre première révolution. C'est Rosa Luxemburg qui la première entreprit d'écrire un résumé théorique des causes qui avaient déterminé l'échec de la révolution ; c'est elle qui la première parmi les militants marxistes comprit ce que représentaient déjà nos soviets en 1905, bien qu'ils ne fussent alors qu'à l'état d'ébauche et conçut nettement le rôle que devaient jouer les grèves révolutionnaires générales combinées avec l'insurrection armée des classes ouvrières.
Ses brillants articles sur la grève générale, ses discours d'Iéna (au congrès de la social-démocratie allemande qui avait eu lieu pendant notre révolution), discours pleins d'indications sur le rôle réservé dans l'avenir aux soviets de députés soldats et ouvriers — toutes ces prédictions et ces conclusions formulées il y a plus de 20 ans ont une grande importance historique.
Rosa Luxemburg partage avec notre camarade et maître Lénine le mérite inestimable d'avoir en 1907, au congrès socialiste international de Stuttgart, formulé le principe fondamental qui vient de lui coûter la vie comme à Karl Liebknecht et au nom duquel luttent à l'heure qu'il est les éléments les plus héroïques et les plus intègres de la classe ouvrière.
En 1907 deux mondes se dressaient face à face au congrès de Stuttgart. Bernstein et les « révisionnistes » comme on les appelait alors prétendaient que la classe ouvrière ne pouvait pas rejeter la « politique coloniale » (ou l'impérialisme comme nous disons maintenant), mais au contraire la favoriser au nom de la culture. Bebel lui-même, qui fit au déclin de sa vie bien des concessions à l'aile droite de la social-démocratie, Bebel hésitait ! Et seul un petit groupe de marxistes dirigé par Lénine et Rosa Luxemburg déclara en 1907, (il y a 11 ans) : « La guerre impérialiste universelle éclatera fatalement ; la bourgeoisie de tous les pays pousse l'humanité à cette catastrophe inévitable. — Quel devra être le rôle des travailleurs révolutionnaires lorsque la main criminelle de la bourgeoisie aura amené l'Europe à cette guerre impérialiste ? » Lénine et Rosa Luxemburg répondaient : « Profiter de la crise économique et politique qui suivra pour soulever les masses, contre le régime capitaliste ».
Ce qui revenait à dire : le problème consistera à transformer la guerre impérialiste en guerre civile et à jeter les ouvriers, les paysans et les soldats dans la lutte contre la bourgeoisie, contre les responsables de la guerre.
Au sein de l'ancienne social-démocratie allemande officielle, Rosa Luxemburg n'avait jamais cessé de lutter avec un talent hors ligne et une énergie inlassable pour ce principe fondamental : elle fut toujours la première à donner l'alarme dans les rangs des social-démocrates, exigeant à tous les congrès la sanction officielle de la grève générale politique, alors que les meilleurs leaders de la social-démocratie de ce temps ne voulaient pas en entendre parler.
Plus d'une fois pendant les débats sur la politique étrangère elle reprocha aux chefs les plus en vue de la social-démocratie allemande de ne jamais conformer leurs actes à leurs paroles, faisant remarquer que lorsqu'il ne s'agissait que de voter des résolutions les socialistes faisaient preuve d'un radicalisme hors ligne, mais que, dès qu'ils se trouvaient dans la nécessité de lutter en fait contre la guerre et contre le gouvernement qui la provoque — ils semblaient disparaître. Ces paroles paraissaient alors d'une audace inconcevable : le parti social-démocrate allemand était à l'apogée de sa gloire.
Tout ouvrier de Petrograd ayant milité pendant quelques années au sein du mouvement révolutionnaire sait qu'au moment où personne n'osait encore critiquer le parti social-démocrate allemand et où ce dernier semblait être le modèle de toutes les perfections socialistes, Rosa Luxemburg déclarait déjà à qui voulait l'entendre que ce parti était complètement corrompu.
Je me souviens parfaitement de ce qui se passa au congrès de la social-démocratie allemande à Iéna : Rosa Luxemburg croisa volontairement l'épée avec Auguste Bebel ; celui-ci inclinait alors à droite, du côté de l'ancien parti qui avait déclaré la guerre à Rosa Luxemburg, outré des attaques qu'elle dirigeait contre la social-démocratie et le chauvinisme qui se glissait dans la politique du Comité Central. Et vous savez pourtant de quelle autorité sans exemple jouissait August Bebel dans les rangs de la social-démocratie allemande ! au congrès, il s'éleva avec violence contre Rosa Luxemburg allant presque jusqu'à exiger son exclusion du parti. Seul un petit groupe à la tête duquel se plaça Clara Zetkin soutint notre amie et partagea avec elle les reproches qui pleuvaient de toutes parts. Mais Rosa Luxemburg sut se faire écouter de ceux qui voulaient lui imposer silence. Elle accepta la bataille et releva le gant jeté par Bebel, le meilleur des représentants de la IIe Internationale, elle obligea ce congrès composé plus qu'à moitié de boutiquiers et de traîtres au socialisme à prononcer le mot : « Internationale ».
Rosa Luxemburg éveillait les consciences révolutionnaires. Elle n'admettait aucune infidélité au drapeau de l'Internationale.
Les services rendus à la révolution par Karl Liebknecht ne sont certes pas moindres. Lui aussi a travaillé pour elle près d'un quart de siècle. Lui aussi, comme vous l'a dit le camarade Trotsky, a partagé avec nous les épreuves de la révolution de 1905.
Karl Liebknecht fut, parmi les social-démocrates allemands, du nombre des rares intrépides qui osèrent exiger la « propagande antimilitariste » comme on l'appelait alors, autrement dit — la propagande révolutionnaire dans l'armée.
Il faut nous transporter, camarades, dans l'atmosphère de la social-démocratie d'alors, tirée à quatre épingles et pleine de bienséance, pour nous imaginer l'effet produit par une exigence aussi audacieuse.
Bebel lui-même, qui connaissait Liebknecht dès son jeune âge et l'aimait comme un fils, l'invectiva avec violence pour cette proposition qu'il traita d' « aventuriste ».
Aller prêcher le socialisme aux soldats ? On n'avait pas idée de cela ! La social-démocratie allemande considérait que seul un aventurier politique pouvait émettre une semblable proposition. On craignait que la social-démocratie ne perdit ses droits à la légalité, que la bourgeoisie ne s'alarmât et que les classes dirigeantes n'accusassent le Parti d'être devenu antigouvernemental
Liebknecht fut un des premiers à lutter contre le courant. Et il réussit à le vaincre. Son célèbre ouvrage Contre le militarisme lui valut de nombreux mois de prison. Il était le fondateur de l'Union de la Jeunesse Socialiste qui est destinée à un glorieux avenir. Nous savons quel rôle énorme la jeunesse a joué dans notre révolution ; il en a été de même dans la révolution allemande, comme dans tout le mouvement révolutionnaire international.
Tout ce qu'il y avait de jeune, de neuf, d'honnête, de révolutionnaire et d'énergique dans la classe ouvrière s'est groupé autour du drapeau de l'Union de la Jeunesse, dont Karl Liebknecht fut un des fondateurs.
Liebknecht était vu d'un mauvais œil par les chefs de la IIe Internationale dès avant la guerre : aussitôt que la guerre éclata on le trouva dangereux.
Il n'assista pas à la conférence de Zimmerwald parce qu'il avait été mobilisé. On l'envoya au front avec l'espoir qu'une balle providentielle débarrasserait la bourgeoisie de cet ennemi dangereux.
Liebknecht nous fit parvenir à la conférence de Zimmerwald une lettre qui se terminait par de prophétiques paroles répondant à la déclaration jetée au début de la guerre du haut de la tribune par Scheidemann : « La paix sociale, l'armistice entre les classes, entre les loups et les brebis, entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, entre les monarques-bourreaux, les soldats et les paysans ». Telle était, en somme, la déclaration officielle de la social-démocratie allemande.
Et la dernière phrase de la lettre de Liebknecht disait : « Camarades ! à nous de proclamer maintenant non pas la paix civile, mais la guerre civile — tel est aujourd'hui le mot d'ordre. »
Au Reichstag Liebknecht votait seul contre les crédits militaires et sa voix retentissait dans le monde entier.
N'oublions pas non plus, camarades, qu'en France, où la bourgeoisie avait provoqué un terrible accès de chauvinisme, où l'on maudissait en 1915 tout ce qui était allemand, et où les ouvriers et les soldats s'étaient laissé contaminer par ces sentiments antisociaux, le nom de Karl Liebknecht était prononcé avec ferveur.
Nous ne connaissons qu'un autre exemple d'une telle sympathie des ouvriers français pour un socialiste allemand : je veux parler de celle que leur inspirât Friedrich Engels.
Au commencement de la guerre, en 1915, on maudissait en France tout ce qui était allemand. Le prolétariat allemand était considéré comme un ramassis de scélérats. On s'efforçait de présenter la situation sous un jour tel que la politique de Scheidemann semblât être la réalisation logique des théories de Marx.
Des articles sans nombre se publiaient sur ce thème dans la grande presse bourgeoise et des ouvrages entiers prétendaient prouver que K. Marx avait toujours été un fidèle sujet de la grande Allemagne bourgeoise.
Et lorsque tout le parti officiel des soi-disant socialistes français se fût abandonné à ce courant chauvin, je me souviens que le vieux Vaillant, l'ancien communard qui avait fini par tendre au déclin de ses jours la main aux patriotes, perdit tout de même patience lorsque les journaux touchèrent à Engels. Ennemi juré à ce moment de tout ce qui était allemand, il publia néanmoins un article où il clamait : « Il n'y a eu en Allemagne que deux Allemands qui restèrent internationalistes après la guerre franco-prussienne — Marx et Engels. »
Pendant ces dernières années Karl Liebknecht a joui en France d'une popularité tout aussi grande. Parmi les documents — probablement nombreux — qui en témoignent il en est un particulièrement émouvant. Nous le trouvons dans le beau livre d'Henri Barbusse, Le Feu. Soldat lui-même, Barbusse nous montre un groupe de poilus devisant, en 1915, dans la tranchée, pendant qu'autour d'eux la bataille se déroule. Quelques-uns d'entre eux sont des ouvriers instruits. L'un d'entre eux prononce ces paroles : « Et pourtant (…) il y a une figure qui s'est élevée au-dessus de la guerre et qui brillera pour la beauté et l’importance de son courage (...) Liebknecht ! »
En 1915, dans les tranchées, où la propagande chauvine était particulièrement énergique, dans cette France alors toute enflammée de chauvinisme et qui détestait tout ce qui de près ou de loin touchait à l'Allemagne, les soldats et les ouvriers prononçaient le nom de Karl Liebknecht avec amour et respect.
Représentez-vous maintenant, camarades, avec quelle douleur et quelle indignation les ouvriers allemands et français ont appris que Karl Liebknecht n'est plus ! Concevez combien la mort même d'un homme tel que Karl Liebknecht servira la clause du communisme !
Quand Karl Liebknecht sortit de prison, délivré par la victoire du mouvement ouvrier, son premier mouvement le porta vers la classe ouvrière du pays qui avait levé le drapeau de la Commune et vaincu. La première pensée de Karl Liebknecht fut pour nous, pour la révolution russe ; il s'en fut tout droit vers la légation russe où nos camarades se trouvaient encore à ce moment et dit en se découvrant : « Je salue en frère le premier gouvernement des mains calleuses ».
Oui, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg se sont toujours senti intimement et fraternellement liés à notre révolution et c'est la raison essentielle de la haine que leur a vouée la social-démocratie de Berlin. A l'heure actuelle Scheidemann et sa bande, Ebert et son gouvernement vivent exclusivement des largesses de Wilson — l'oncle d'Amérique — et des impérialistes français qui espèrent endiguer le flux du bolchevisme. Le gouvernement de Scheidemann n'a de mérite aux yeux de ces brigands internationaux que tant qu'il les seconde dans la lutte contre la révolution russe.
Vous souvenez-vous de ce dialogue qui eut lieu entre généraux français et allemand ?
Le Français reprochait à l'Allemand d'aider les bolcheviks sur les points occupés par l'armée allemande, près de Riga. Le général allemand répondit : « Mais, excellence, comment pouvez-vous nous adresser un reproche aussi peu fondé ? L'Allemagne est plus près de la Russie et par conséquent le bolchevisme est plus dangereux pour nous que pour vous ».
Comme vous voyez, ces gens ne se dissimulent pas leurs véritables intentions.
Ils haïssaient Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg pour le talent et l'énergie que tous deux employaient à défendre l'élite du prolétariat russe. Tous deux étaient dévoués à la révolution russe et voulaient marcher sur ses traces. Voulez-vous savoir au juste pourquoi l'on a assassiné Rosa Luxemburg ? Lisez le discours qu'elle a prononcé au congrès spartakiste le 31 décembre 1918. Rosa Luxemburg accusait Scheidemann et ses pareils de vouloir aider les impérialistes à étouffer la révolution russe. Elle disait : « Voyez ce qui se passe à Riga et sur tous les points occupés. Grâce aux basses manœuvres de Scheidemann et du leader des syndicats allemands, August Winnig, les prolétaires allemands secondent les armées alliées et les barons de la Baltique dans leurs attaques contre les armées bolchevistes russes. Ces manœuvres sont d'une telle bassesse révoltante que je ne puis hésiter à dénoncer les chefs des syndicats allemands et de la social-démocratie comme les derniers des misérables ! »
Telles sont les paroles que Rosa Luxemburg leur jetait à la face. Elle ajouta : « Notre gouvernement Scheidemann ne se compose pas seulement de traîtres a la révolution prolétarienne — mais aussi de véritables criminels ».[2]
La haine que les chefs officiels du prolétariat allemand vouèrent à Rosa Luxemburg s'explique donc aisément.
La bourgeoisie du monde entier place son dernier espoir dans les barrières qu'elle essaie de dresser entre les classes ouvrières des différents pays et surtout afin d'isoler les ouvriers russes qui omit vaincu leur bourgeoisie.
Elle concentre toutes ses forces et toute ses férocités sur ceux qui veulent élargir les cadres de la révolution, qui professent les principes de l'internationalisme et poussent les ouvriers allemands sur les traces de la classe ouvrière communiste russe.
Telles sont les vraies causes de l'assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebfcnecht. C'est aussi pourquoi ils jouissent parmi les paysans et les ouvriers russes d'une popularité et d'un amour si grands ; en divers endroits les paysans ont voulu donner à leurs villages le nom de Karl Liebknecht.
Ces paysans, ces ouvriers et ces soldats garderont à jamais, pieusement, le souvenir de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg.
Camarades, nous traversons ici des moments difficiles ; nos épreuves ont été particulièrement lourdes ces dernières semaines. La situation s'aggravera peut-être encore pendant les mois qui vont suivre. Mais quand nous souffrirons le plus, quand nos soldats rouges sur quelque point éloigné du front, à Arkhangelsk ou ailleurs, couchés dans la neige, seront affamés et transis ; quand ils essuyèrent le feu des bandes impérialistes, ou, bien encore quand nos ouvrières rentreront chez elles n'ayant à offrir à leurs enfants affamés qu'un pauvre morceau de pain — dans ces moments difficiles nous nous souviendrons de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg !
Que voulaient donc les communards allemands, pourquoi luttaient les ouvriers allemands et les plus grands de leurs militants — Liebknecht et Rosa Luxemburg ?
Ils luttaient pour avoir ce que nous ayons déjà. Ils comprenaient parfaitement ce que leur promettait la victoire qu'ils pouvaient remporter. S'ils étaient vainqueurs demain cela ne voudrait pas dire que les ouvriers de Berlin y gagneraient deux livres de pain par jour, que la crise économique serait résolue et que l'âge d'or commencerait à Berlin. Les communards de Berlin savaient tout aussi bien que les révolutionnaires de Petrograd pendant la Révolution d'octobre ce qui les attendait après la prise du pouvoir. Ils entrevoyaient la perspective d'une longue période — quelques années peut-être — de lourdes épreuves, de famine et de souffrances sans nom.
Tout cela ils le savaient.
Et ils ne le cachaient pas aux ouvriers berlinois, ils ne leur promettaient pas du pain au lendemain de la victoire des communards.
Non, leur disaient-ils — de nouveaux combats vous attendent. Rosa Luxemburg soulignait particulièrement ces perspectives. Elle disait : « Nous nous trouvons à la veille d'une nouvelle lutte ; des mois et des années entières peut-être de combats et de souffrances nous attendent ».
Les communards de Berlin savaient ce qu'ils faisaient et acceptaient leur sort ; ils ont laissé sur le champ de bataille des centaines de leurs meilleurs soldats. Qui donc après la mort héroïque de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg songerait à sa sauvegarde personnelle ?
Lorsque la classe ouvrière sacrifie si généreusement son sang, sans hésiter un instant, l'armée régulière du mouvement révolutionnaire ne saurait fléchir. Notre classe n'a-t-elle pas résisté à toutes les épreuves et à toutes les catastrophes ? Les ouvriers de Berlin ne le cèdent en rien à ceux de Petrograd et de Moscou et c'est chez eux que se concentre en ce moment la lutte prolétarienne de tout l'univers.
Ils ont suivi notre exemple ; ils sont morts par milliers et mourront encore demain pour obtenir ce que nous avons déjà à Petrograd, à Moscou et dans toute la Russie soviétiste.
Les ouvriers, les soldats rouges et les paysans de la Russie soviétiste peuvent être fiers : leur exemple est suivi par tout ce que l'humanité compte de meilleur et le chemin qu'ils ont pris est reconnu comme étant le seul juste. Camarades, notre douleur a été grande hier, elle l'est encore aujourd'hui, mais nous ne doutons pas que le sang die Liebknecht et de Rosa Luxemburg hâtera le triomphe de la révolution socialiste universelle !
Camarades, soyez certains que les ouvriers du monde entier partagent les sentiments de cette assemblée. Comment pourriez-vous douter que les ouvriers et les ouvrières de Paris qui ont de si nobles traditions révolutionnaires et qui, en 1915, prononçaient le nom de Karl Liebknecht avec amour et ferveur, comment pouvez-vous douter qu'ils ne soient déterminés eux aussi à lutter jusqu'au bout et qu'ils ne serrent les poings en s'exclamant : « Le sang sacré de Karl Liebknedht et de Rosa Luxemburg doit Etna vengé ! »
Tels sont les sentiments des ouvriers du monde entier. Camarades, le crime commis par Scheidemann et Ebert leur coûtera cher. Je ne puis en douter, le prolétariat allemand ne cesse en ce moment de s'interroger : « Est-il possible que nous souffrions plus longtemps que le pouvoir soit aux mains des bourgeois-assassins qui s'intitulent social-démocrates après avoir tué en Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg les plus glorieux militants du prolétariat international ? »
Nous voyons maintenant où mène la politique criminelle des Scheidemann.
A première vue, les événements qui ont eu lieu à Berlin sembleraient peut-être difficiles à expliquer. Le gouvernement actuel se pare malgré tout du titre de gouvernement d'une « république socialiste ».
Rosa Luxemburg, avec la précision qui la distinguait, a caractérisé en quelques mots dans son dernier discours la situation en Allemagne. Voici ce qui est arrivé : le parti social-démocrate allemand qui jouait depuis de longues années un rôle réactionnaire dans l'histoire a su, à l'aide de son appareil bureaucratique s'emparer des soviets, usurpant leurs droits et leur faisant accepter sa politique. Ses fonctionnaires se sont aussitôt déguisés en partisans du régime soviétiste et se sont emparés du pouvoir, de telle sorte que les ouvriers allemands, pour le reprendre, devront passer sur le cadavre de la social-démocratie.
Scheidemann et Ebert réunissent maintenant leur Assemblée Constituante.
Camarades, voici juste un an que nous ayons dissous l'Assemblée Constituante. Voyez quels prix le prolétariat international attache à notre politique. Qui donc est pour l'Assemblée Constituante en Allemagne ?
Une coterie de financiers, la bande à Guillaume et les assassins de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg. Un mois à peine s'est écoulé depuis que le prolétariat allemand a déclaré : « Vous n'arriverez à l'Assemblée Constituante qu'en marchant sur nos cadavres ! » La bourgeoisie compte bien, en effet, passer sur le cadavre du prolétariat pour arriver à la Constituante, mais la réalité est autre. — Le cadavre que piétinera la bourgeoisie ce sera celui de la vieille social-démocratie pourrie qui s'est transformée en bourreau au service de la bourgeoisie. Et les ouvriers allemands lui passeront sur le corps, et nous irons, fraternellement unis à eux, à la victoire définitive de la 3e Internationale.