Catégorie | Modèle | Formulaire |
---|---|---|
Text | Text | Text |
Author | Author | Author |
Collection | Collection | Collection |
Keywords | Keywords | Keywords |
Subpage | Subpage | Subpage |
Modèle | Formulaire |
---|---|
BrowseTexts | BrowseTexts |
BrowseAuthors | BrowseAuthors |
BrowseLetters | BrowseLetters |
Template:GalleryAuthorsPreviewSmall
Special pages :
Revue politique - Les héros de la trahison sociale
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
---|---|
Écriture | 20 avril 1918 |
Source : LA REVUE KOMMUNIST , op. cit. , p. 107-112. WH 302.
Kommunist n°1(revue de Moscou), 20 avril 1918.
NUL N’EST PLUS EXECRABLE qu’un parasite au physique d’esclave qui se déguise en révolutionnaire. Et aucune créature n’est plus répugnante qu’une prostituée poudrée qui porte une robe d’écolière pour « faire l’innocente ».
Pourtant, l’histoire montre que même des partis politiques peuvent revêtir ce type de caractères. Ils jurent de leur pureté, de leur sainteté et de leur dévouement à la « cause populaire » ! Mais leur « dévouement » ressemble à la « trahison » comme deux gouttes d’eau et leur pureté vue de près est une couche de blanc sous laquelle se cache « une image » bien impure et loin d’être sainte.
Au cours de la révolution russe, ce furent les menchéviks et les socialistes révolutionnaires (SR) qui se sont révélés tels. Tout comme l’impérialisme de l’Europe occidentale a étouffé le mouvement ouvrier entre les mains de la social-démocratie officielle, en Russie les massacres les plus infâmes, les plus féroces menés contre la classe ouvrière et la paysannerie ont été perpétrés par ces partis soi-disant « socialistes ».
L’offensive en juin de Kerenski, l’écrasement du prolétariat en juillet[1] et la campagne de calomnies menée contre lui par les procureurs tsaristes et les policiers bêtes et brutes, le désarmement du prolétariat, la mise en pratique de la peine de mort sur le front[2], les exécutions, les massacres féroces de paysans qui n’avaient pas respecté le droit de la propriété foncière, l’attaque des élèves officiers et des gardes blancs contre les ouvriers et les soldats en octobre, l’organisation de la révolte des bourgeois, des nobles et des élèves officiers par le SR Gots[3], l’organisation du sabotage, les conspirations permanentes contre le pouvoir soviétique, l’aide à la Rada ukrainienne par les SR et les menchéviks (en même temps que celle accordée aux propriétaires fonciers et aux bourgeois) - tel est le catalogue des faits principaux illustrant l’attitude de ces partis au cours de notre grande révolution.
Les derniers événements en Russie et la situation extrêmement difficile sur le front extérieur ont redonné des forces à ces partis qui étaient en train de s’éteindre. Quant aux difficultés liées à cette situation, elles ont réanimé les espoirs de ceux dont l’objectif premier était de renverser le pouvoir ouvrier et paysan... puisque la Russie « n’est pas encore mûre » pour la disparition de l’oppression capitaliste.
À Nikolaïev, à Odessa, dans tout le sud du pays qui a subi l’invasion des troupes allemandes et des haidamaks consentie par la Rada, les citoyens menchéviks « ont profité de ce moment » pour rendre la riposte impossible et renverser le pouvoir soviétique. Au moment où la situation exigeait une évacuation organisée, ces gentils messieurs ont proposé le mot d’ordre : « Pas un poud[4] d’acier, ni une livre de pétrole à exporter! » (tout cela, voyez-vous, provoque le chômage). Plus les Allemands se rapprochaient, plus on exigeait la Constituante avec arrogance.
Les menchéviks et les SR de droite sont un miroir de l’âme bourgeoise. Actuellement la bourgeoisie, qui n’est pas disposée à défendre la patrie socialiste, s’engage sur deux fronts : certains guettent l’allemand, d’autres le japonais et l’anglais. Ces messieurs les bourgeois, sont déjà prêts à transformer la Russie en colonie pour se débarrasser des bolcheviks. Et, comme cela se passe toujours dans les colonies, les différentes fractions de la bourgeoisie sont à la recherche d’un protecteur de ci, de là.
Si un capital étranger est derrière quelque Mechtcherski, un autre capital étranger se place derrière le groupe « Stakheïevskaïa »[5]. Et quand il s’agit de se libérer du « joug des brigands bolchevistes », nos vertueux bourgeois chantent leur rengaine en fonction de leurs « relations ». Et pourquoi les menchéviks et les SR sont-ils en retard dans leurs attaques contre les bolcheviks par rapport aux capitalistes ?
Avec « l’âme russe » où les sentiments patriotiques sont particulièrement forts, les SR, les démocrates constitutionnels, les socialistes populaires et les partisans de Plekhanov[6] trouvent le moyen de « débattre » au sujet du soutien à l’amiral japonais qui a audacieusement opéré un débarquement à Vladivostok. Il est vrai que le Comité central des SR a « nié » sa participation à cette perfide réunion. Pourtant leur journal « non officiel », Zyemlya i volya[7], a traité cet acte de pillage de l’amiral Kato[8] avec beaucoup de bienveillance. « Si nos alliés (les mêmes !), en Occident, résistent devant l’offensive enragée des troupes allemandes ; si, en Russie, le peuple se lève et commence à lutter pour son indépendance, le débarquement des troupes alliées pourra nous être utile » (numéro 246). Et dans le numéro 248 du même journal, les SR « perçoivent » que « ce n’est pas une guerre contre la Russie que le gouvernement japonais envisage actuellement ». Il n’est pas surprenant qu’avec un tel « état d’esprit » les compagnons de Dan, Martov et Savinkov[9], cherchent concernant l’ExtrêmeOrient l’appui des détachements de cosaques du capitaine Semionov[10], des gardes blancs japonais (voir les articles intéressants du camarade Neyboute dans les Izvestia TsIK[11]), de « l’ancienne Chine et du puissant Japon », lequel vient de jeter en prison les meilleurs chefs socialistes japonais.
Si, dans le domaine de la politique extérieure, les partis de la trahison sociale ont parfaitement « reflété » l’« état d’esprit » de leurs patrons capitalistes (les généraux Khorvat[12] et Poutilov ne sont-ils pas des hommes d’une belle prestance ?), leur politique intérieure est reprise mot pour mot des publications des banquiers.
Les Izvestia TsIK, dans leur numéro 71 du 24 février 1918, ont publié un document qui jette une lueur sur certaines « plates-formes », « résolutions », etc., de nos conciliateurs. Ce document est titré : « Le point d’accord des comités de Moscou du Parti de la liberté populaire, du groupe “Unité”, du “Parti socialiste populaire du travail”, des mencheviks défensistes, du Comité exécutif des députés des officiers, de “l’intelligentsia laborieuse[13]”[14].»
Le « point d’accord » concerne quatre questions : 1) ne pas accepter la paix et s’unir complètement avec les alliés ; 2) convoquer la Constituante ; 3) restaurer les zemstvos et les municipalités ; 4) former un cabinet de ministres de coalition sans bolcheviks ni SR de gauche.
Le « Programme » est dicté par le parti constitutionnel démocrate, c’est- à-dire par le capital financier. Il est intéressant de voir que non seulement les partisans de Plekhanov, mais aussi les menchéviks « unis », authentiques, dirigés par Martov, suivent docilement toutes les directives de ce capital.
Le journal de Martov et Dan, Vperiod[15] numéro 54, a publié son « manifeste » avec les « doléances » sur les réélections. Ce « document » se différencie du premier seulement parce qu’il va plus loin en complétant les revendications politiques du capital par ses revendications économiques. Il constate que « le contrôle ouvrier a désorganisé la production » (cette opinion est partagée non seulement par Promichlennost i Torgovlia[16], mais aussi par les consuls des alliés en Extrême-Orient), que « l’occupation des banques a détruit le crédit », que « l’anarchie gouverne en lieu et place d’une république démocratique », etc. D’où l’on en conclut, parfaitement au goût de Riabouchinski[17] et Milioukov[18], qu’il faut refuser le pouvoir des soviets, restaurer les doumas, « stopper l’expérience du prétendu (!) contrôle ouvrier et de la nationalisation des banques » ; finalement on restaure la Constituante et on organise « le pouvoir pour tous les démocrates ».
La meilleure expression de cette « requête » a été fournie par le citoyen Chvarts[19], bien connu du journal Novyi Loutch[20], qui lance ouvertement le mot d’ordre « Retour vers le capitalisme ! » en proposant de rendre toutes les fabriques, les banques et les usines aux capitalistes.
Cette « plateforme », que les citoyens menchéviks ont osé proposer au prolétariat russe, est très bien complétée par la « pratique ». Nous rapportons ici des abus caucasiens de « Thiers » menchéviks. Les salves des paysans et des défenseurs de la propriété foncière, les fusillades des manifestations ouvrières, l’interdiction de la presse ouvrière et, par contre, la pleine liberté de la presse bourgeoise, les arrestations des chefs du mouvement ouvrier partout en Transcaucasie — telle est la « flamme » déclarée par le gouvernement menchevik de Jordania-Gueguetchkori[21]. Les agitateurs menchéviks dirigés par Martov ont beau essayer de les faire taire, de falsifier la réalité, de cacher leurs crimes, rien n’y fait. Le prolétariat moscovite n’apprécie guère l’attitude de ce « parti social-démocrate » (qui est uni à la bourgeoisie).
« À Moscou, a écrit le citoyen Martov dans le numéro 52 de son journal, la montée de l’opinion des oppositions... sera clairement authentifiée par le résultat des nouvelles élections aux soviets ».
Cette « authentification » a eu un résultat qui a dépassé les aspirations les plus hardies des communistes. Les menchéviks et les SR de droite ont complètement raté leur coup et le « parti social-démocrate » (coalisé avec la bourgeoisie) a obtenu moins de mandats aux soviets qu’il n’en avait auparavant.
Les communistes (le parti de la révolution socialiste) auront le même succès qu’auparavant s’ils mènent la même ligne sans compromis. Ce parti a gagné les élections à
Moscou parce qu’il avait mis en avant le point de vue révolutionnaire contre les bavardages des agents de la bourgeoisie. Tout recul sur ce plan-là signifierait la dégénérescence dans nos propres rangs. C’est une des leçons de la nouvelle « lutte électorale ».
N. B. [Boukharine]
- ↑ L’offensive militaire lancée par le gouvernement provisoire en juin 1917 et son échec, ainsi que la tentative de transférer sur le front les unités les plus révolutionnaires de Petrograd, sont les causes immédiates du soulèvement des ouvriers et soldats lors des Journées de Juillet. Bien que les bolcheviks ne soient pas à l’origine de ce mouvement quasi insurrectionnel, le gouvernement provisoire a saisi l’occasion pour leur faire endosser la responsabilité de l’échec de l’offensive et les accuser d’être des agents de l’Allemagne. De nombreux leaders sont arrêtés, dont Trotski, tandis que Zinoviev et Lénine doivent se cacher. Cf. Alexander RABINOWITCH, Préludé to Révolution - The Petrograd Bolsheviks and The July1917 Uprising, Bloomington, Indiana University Press, 1968 ; rééd. Midland Book, 1991
- ↑ La question de la peine de mort est parmi les plus sensibles dans le cours de l’année 1917. Abolie après la révolution de Février, le haut commandement n’a de cesse de réclamer sa restauration pour maintenir la discipline au sein de l’armée, ce que lui accorde Kerenski le 12 juillet. Le gouvernement soviétique suivra le même chemin : abolie au second congrès pan-russe des soviets, même au front, la peine de mort est rétablie en juin 1918.
- ↑ Abraham Rafaïlovitch GOTS (1882-1940) : fils de millionnaire, leader de centre droit des Socialistes Révolutionnaires en 1917, il devient au lendemain d’Octobre un membre du « Comité pour le salut de la Patrie » et un des artisans du soulèvement raté des cadets militaires à Petrograd le 29 octobre, en vue de renverser le gouvernement bolchevik.
- ↑ Unité de masse utilisée en Russie jusqu’en 1924 et valant 16,38 kg.
- ↑ Le groupe Stakheïev incluait la Banque Russo-Asiatique, des affaires des familles Elabugs et Stakheïev, la maison commerciale « I. G. Stakheïev », etc. Comme pour Mechtcherski, ce groupe proposait de former un trust pour gérer le fer et l’acier dans l’Oural qui aurait regroupé l’État, le groupe Stakheïev et des capitalistes américains. D’où l’allusion du rédacteur. Rien n’est sorti de cette proposition.
- ↑ Gueorgui Valentinovitch PLEKHANOV (1856-1918) : révolutionnaire et l’un des premiers théoriciens marxistes russes. Longtemps menchevik, il bascule dans le chauvinisme au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
- ↑ Terre et Liberté, journal des SR de droite publié à Moscou, dont la publication cesse dans le courant du printemps 1918.
- ↑ Amiral Kato KANJI (1873-1939) : officier japonais, réputé pour son intransigeance, c’est lui qui mène le 5 e escadron de marine devant Vladivostok le 12 janvier. Il réclame de son supérieur le ministre de la Marine, l’amiral Kato Tomosaburo, l’autorisation d’un débarquement massif pour éliminer les bolcheviks et établir fermement le leadership du Japon sur l’Orient. Il ne sera pas complètement suivi, par crainte des complications internationales, mais sous couvert de protéger les ressortissants japonais, Kato Kanji débarque ses troupes le 5 avril 1918.
- ↑ Le rédacteur jette dans le même sac trois socialistes russes aux trajectoires sensiblement différentes. — Fédor Ilitch DAN (1871-1947) : menchevik de droite, soutien du gouvernement provisoire en 1917, il rompt avec les défensistes en octobre et rejoint Martov et les internationalistes. — Julius MARTOV, de son vrai nom Iouli Ossipovitch TSEDERBAUM (1873-1923) : menchevik internationaliste, il s’oppose à la politique bolchevique tout en leur apportant son soutien dans la lutte face aux forces contre-révolutionnaires. Il dut finalement s’exiler en 1920. — Boris Viktorovitch SAVINKOV (1879-1925) : socialiste révolutionnaire et écrivain russe, il fut l’un des dirigeants de l’Organisation de combat des SR avant la guerre, avant de prendre les armes contre le pouvoir soviétique dès après Octobre.
- ↑ Grigori Mikhaïlovitch SEMIONOV (1890-1946) : ataman russe et officier dans l’armée impériale. Après la révolution d’Octobre il se réfugie en Mandchourie avant de devenir l’un des chefs les plus brutaux des forces contre-révolutionnaires transbaïkales. Il aide notamment les légionnaires tchécoslovaques dans leur périple en août 1918. Durant la guerre civile il accepte l’aide de la Grande-Bretagne, de la France et bien entendu, du Japon. Capturé par l’Armée rouge en septembre 1945 en Mandchourie, il fut condamné à mort et exécuté par pendaison.
- ↑ TsIK : Comité exécutif central pan-russe des soviets.
- ↑ Dimitri Leonidovitch KHORVAT (1858-1937) : général de l’empire russe, mais aussi directeur de la compagnie du Chemin de fer de l’Est chinois depuis 1903, avant d’être destitué en novembre 1917, au profit du soviet de Kharbine. La compagnie devient alors l’ossature des forces contre-révolutionnaires dans la région. Avec des gardes blancs et des troupes chinoises, Khorvat reprend Kharbine et le contrôle de la ligne de chemins de fer. Sur l’insistance du War Office, l’amiral Koltchak rejoint le bureau directeur de la compagnie et après une entrevue à Pékin avec Khorvat et Poutilov, il est officiellement institué commandant en chef des forces russes d’Extrême-Orient.
- ↑ Expression courante parmi les bolcheviks pour désigner les intellectuels proches des ouvriers. (N.d.T.)
- ↑ Ronald Kowalski pointe qu’il pourrait s’agir d’une référence incorrecte de la part du rédacteur, car cette formation d’un front démocratique serait postérieure, au plus tôt mars 1918 et non février comme indiqué. Cf. Ronald KOWALSKI, Kommunist, op. cit., p. 241.
- ↑ En avant !, journal du Comité central et de l’organisation de Moscou des menchéviks, et le principal moyen d’expression de Martov en particulier.
- ↑ La Production et le Commerce, mensuel des Industriels du commerce publié à Petrograd.
- ↑ Pavel Pavlovitch RIABOUCHINSKI (1871-1924) : important industriel moscovite du textile, nommé président du Comité de Bourse de Moscou en 1915, il éditait aussi depuis 1907 un journal d’opposition libéral.
- ↑ Pavel Nikolaïevitch MILIOUKOV (1859-1943) : historien et homme politique russe, ministre des Affaires étrangères du gouvernement provisoire après février 1917 et principal dirigeant du parti dès Cadets depuis sa création en 1905.
- ↑ Très probablement S. M. SCHWARZ (1879-1951) : un des dirigeants de la droite du parti menchevik. Kowalski signale que selon George DENICKE (1887-1964), historien du menchevisme, ce serait à A. N. Potresov que l’on devrait la formule citée, tandis que Schwarz pensait, considérant l’état d’arriération de la Russie, que la formule plus appropriée était plutôt « en avant vers le capitalisme » !
- ↑ Le Rayon neuf, quotidien menchevik, qui prit la suite de L’Iskra et de la Rabochaia Gazeta. Organe du Bureau du Comité central et du Comité de Petrograd, il put continuer sa publication jusqu’en juin 1918.
- ↑ Noé JORDANIA (1868-1953) : journaliste et homme politique géorgien, chef de file des menchéviks géorgiens, président du soviet de Tbilissi en 1917, il fut président du gouvernement de la Première République démocratique de Géorgie de 1918 à 1921. — Evgeni GUEGUETCHKORI (1881-1954) : avocat et homme politique géorgien, dirigeant du soviet des députés de soldats de Transcaucasie, il fut le ministre des Affaires étrangères du gouvernement menchevik de Géorgie.