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Retraite en plein désordre
Manouilsky sur la "dictature démocratique"[modifier le wikicode]
Dans le numéro anniversaire de la Pravda (novembre 1930), Manouilsky démontre une fois de plus la valeur de la direction actuelle de l'I.C. Nous allons analyser brièvement cette partie des réflexions d'anniversaire consacrées à la Chine et qui équivalent à une semi-capitulation devant la théorie de la Révolution Permanente délibérément confuse, et par conséquent d'autant plus dangereuse.
1 . "Une dictature démocratique révolutionnaire de la paysannerie et du prolétariat en Chine", écrit Manouilsky, "différera en essence de la dictature démocratique esquissée (!) par les bolcheviks dans la révolution de 1905-1906".
La dictature démocratique a été "esquissée" pat les bolcheviks non seulement en 1905 mais en 1917, et dans toutes les années entre les deux révolutions. Mais seulement esquissée. Les événements ont servi de test. Manouilsky, comme son maître Staline, ne réfléchit pas aux points de ressemblance et de différence de la révolution chinoise avec les trois révolutions russes - non, avec une telle comparaison, ils seraient incapables de préserver la fiction de leurs réputations théoriques. Alors ces messieurs ne comparent pas la révolution chinoise avec la vraie révolution russe mais avec celle "qui a été "esquissée". C'est plus facile ainsi de semer la confusion et de jeter de la poudre aux yeux.
2 . En quoi donc la révolution qui a lieu en Chine diffère-t-elle de celle qui a été "esquissée" en Russie ? En fait, Manouilsky nous enseigne que la révolution chinoise est dirigée contre "tout le système de l'impérialisme mondial" ! Il est vrai que c'était la base sur laquelle il faisait reposer le rôle révolutionnaire de la bourgeoisie chinoise en opposition à la position bolchevique "esquissée en 1905". Aujourd'hui cependant les conclusions de Manouilsky sont différentes: "Les difficultés de la révolution chinoise sont énormes et c'est précisément pourquoi le mouvement victorieux de l'armée rouge chinoise sur les centres industriels de Chine a dû s'arrêter à Changsha". Il aurait été plus simple et plus honnête de dire que les détachements paysans partisans, en l'absence de soulèvement révolutionnaire, se trouvent impuissants à prendre possession des centres industriels et politiques du pays. N'était-ce pas clair d'avance pour un marxiste ? Mais Manouilsky devait sauver le discours de Staline au 16° congrès. Voici comment il remplit sa tâche:
La révolution chinoise a à sa disposition une armée rouge, elle est en possession d'un territoire considérable, en ce moment même elle crée sur son territoire un système de soviets de députés ouvriers et paysans où les communistes sont en majorité dans les gouvernements. Et cette condition permet au prolétariat de réaliser une hégémonie d'Etat sur la paysannerie et pas seulement une hégémonie idéologique".
Le fait que les communistes, en tant qu'éléments révolutionnaires et les plus dévoués, apparaissent à la tète du mouvement paysan et des détachements paysans armés, est tout à fait naturel en soi et a une grande importance en tant que symptôme. Mais il ne change pas le fait que les ouvriers chinois sont eux-mêmes sur leur grand pays sous le joug de la bourgeoisie chinoise et de l'impérialisme étranger. Comment le prolétariat peut-il réaliser "l'hégémonie d'Etat" sur la paysannerie, s'il n'a pas le pouvoir d'Etat ? C'est impossible de le comprendre, Le rôle dirigeant de communistes isolés et de groupes communistes isolés dans la guerre paysanne ne tranche pas la question du pouvoir. Les classes décident, pas les partis. La guerre paysanne peut soutenir la dictature du prolétariat, s'ils coïncident dans le temps, mais elle ne peut en aucune circonstance remplacer la dictature du prolétariat. Est-il possible que les "dirigeants" de l'I.C. n'aient pas appris cela des expériences de ces trois révolutions russes ?
3 . Ecoutons un peu plus Manouilsky:
"Toutes ces conditions (?) conduisent au fait qu'une dictature révolutionnaire démocratique en Chine sera confrontée à la nécessité d'une confiscation conséquente des entreprises appartenant au capital étranger en chinois".
"Toutes ces conditions" est un lieu commun dont l'objectif est de dissimuler le trou produit dans l'ancienne position. Mais le centre de gravité dans la phrase citée ci-dessus n'est pas dans "toutes ces conditions", mais dans une seule et unique "condition": Manouilsky a reçu instruction de manœuvrer pour s'éloigner de la dictature démocratique et de dissimuler ses traces. C'est pourquoi Manouilsky remue la queue avec autant de zèle, mais pas très adroitement. On peut opposer la dictature démocratique seulement à la dictature socialiste prolétarienne. Elles diffèrent l'une de l'autre par le caractère de la classe qui détient le pouvoir et le contenu social de son travail historique. Si la dictature démocratique doit s'occuper non d'ouvrir la voie au développement capitaliste, comme affirmé dans le schéma bolchevique "esquissé en 1905", mais au contraire avec une "confiscation conséquente des entreprises appartenant au capital étranger et chinois", comme "esquisse" par Manouilsky, alors nous demandons: en quoi cette dictature démocratique diffère-t-elle de la socialiste ? En rien. Est-ce que cela veut dire que Manouilsky, pour la seconde fois après un intervalle de douze ans, a mordu dans la pomme de la théorie "permanente" ? Il a mordu mais sans réellement donner de coup de dent: on reverra ça...
4 . Nous lisons une phrase après une autre:
"La présence d'éléments socialistes sera la particularité spécifique (!) de la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie en Chine".
Pas une mauvaise particularité "spécifique" ! La dictature démocratique a toujours été pensée par les bolcheviks comme une dictature bourgeoise-démocratique et non comme une dictature au-dessus des classes et a été opposée à la dictature socialiste en ce seul sens seulement - le seul possible. Il apparaît maintenant qu'en Chine il y aura "une dictature démocratique avec des éléments socialistes". Entre les régimes bourgeois et socialiste, l'abîme de classe disparaît ainsi: tout est dissous dans la démocratie pure et cette démocratie pure est complétée graduellement et suivant un plan par des "éléments socialistes"
Qui a instruit ces gens-là ? Viktor Tchernov. C'est précisément lui qui, en 1905-1906, avait esquissé une révolution russe qui ne serait ni bourgeoise ni socialiste, mais démocratique, mais qui serait graduellement complétée par des éléments socialistes. Non, Manouilsky n'a pas fait un grand usage de la pomme de sagesse !
5 . En outre, la révolution chinoise dans sa transition du capitalisme au socialisme aura plus d'étapes intermédiaires que notre Révolution d'Octobre, mais la période de sa transcroissance en révolution socialiste sera considérablement plus courte que la période esquissée (!) par les bolcheviks pour la dictature démocratique en 1905.
Notre astrologue a dressé le bilan de tout d'avance: étapes, périodes, longueur des périodes. Il a seulement oublié l'A B C du communisme. Il apparaît que sous la démocratie, le capitalisme va transcroitre en socialisme à travers une série d'étapes. Et le pouvoir, restera-t-il le même dans ce processus ou va-t-il changer ? Quelle classe détiendra le pouvoir sous la dictature démocratique et quelle sous la dictature socialiste ? Si différentes classes tiennent le pouvoir elles ne peuvent se supplanter l'une l'autre que par une nouvelle révolution et non par la "transcroissance" du pouvoir d'une classe en pouvoir d'une autre. D'un autre côté, si on suppose que dans les deux périodes c'est une seule et même classe qui va dominer, c'est-à-dire le prolétariat alors que signifie la dictature démocratique opposée à la dictature prolétarienne ? A cela, il ne peut pas y avoir de réponse. Et il n'y en aura pas. Manouilsky a reçu l'ordre de ne pas éclaircir cette question mais de couvrir ses traces.
Dans la Révolution d'Octobre, les tâches démocratiques ont grandi en tâches socialistes - sous la domination intacte du prolétariat. On peut donc opérer une distinction (relativement) entre la période démocratique de la Révolution d'Octobre et la période socialiste; mais on peut distinguer entre la dictature démocratique et la dictature socialiste parce que la démocratique était... inexistante.
En outre nous avons appris de Manouilsky qu'en Chine, la dictature démocratique, depuis son début même, sera confrontée à une confiscation conséquente des entreprises qui signifie l'expropriation de la bourgeoisie. Cela veut dire qu'il n'y aura même pas une étape démocratique de la dictature prolétarienne. Dans ces conditions, d'où viendra la dictature démocratique ?
La peu judicieuse construction de Manouilsky serait entièrement impossible s'il devait comparer la révolution chinoise à la révolution russe comme elle s'est réellement déroulée et pas avec une qu'on avait "esquissé" et ainsi de semer la confusion et de déformer I'esquisse. Et tout cela dans quel but ? Pour battre en retraite sans battre en retraite, pour abandonner la formule réactionnaire de la dictature démocratique ou, comme on dit en Chine, pour sauver la face. Mais sur la face de Staline, il est déjà écrit premièrement Tchang Kaï-Chek puis Wang Jingweï. Assez ! La face est déjà suffisamment descriptive. Ils ne peuvent rien sauver de plus. La confusion théorique de Manouilsky est dirigée contre les intérêts fondamentaux de la révolution chinoise. Les bolcheviks-léninistes chinois le révéleront.