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Special pages :
Résolution du comité exécutif sur les procès de Moscou
Auteur·e(s) | POUM |
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Écriture | 28 août 1936 |
Au milieu des tâches révolutionnaires que nous imposent les évènements actuels, est venue nous surprendre la nouvelle du procès et de l'exécution à Moscou de Zinoviev, Kamenev, Evdokimov, Smirnov et d'autres bolcheviks, au nombre de 16 en tout, de la vieille garde. Le comité exécutif du POUM ne peut passer ce fait sous silence. Se taire équivaut à se déclarer complice.
Après la mort de Lénine, Staline, secrétaire général du Parti communiste d'URSS, s'appuyant sur une immense pyramide bureaucratique sélectionnée et appropriée à ses fins, inaugura un cours politique qui le conduisit à une dictature personnelle. Ce cours ne pouvait s'imposer sans une liquidation préalable, en politique intérieure comme en politique extérieure – toutes deux se commandant mutuellement –, des principes et des caractères essentiels de la révolution d'Octobre.
A l'intérieur, la dictature du prolétariat, sur la base de la démocratie ouvrière – démocratie soviétique –, fut remplacée par la dictature de l'appareil bureaucratique, au préjudice, par conséquent, des masses ouvrières et paysannes, privées d'initiatives et de libertés, et au préjudice de la cause du socialisme, qui ne peut se réaliser que grâce au développement progressif des conditions de vie matérielles et morales des masses productrices.
En politique extérieure, l'Internationale communiste bureaucratique s'est muée, d'instrument de la révolution mondiale, en un simple auxiliaire du gouvernement soviétique, plus soucieux des combinaisons diplomatiques avec les gouvernements impérialistes que des besoins révolutionnaires des masses.
Cette liquidation des caractères essentiels d'Octobre a conduit Staline, non seulement à un abandon complet des principes du socialisme révolutionnaire, mais aussi à l'extermination physique de la vieille garde bolchevique, extermination systématiquement et progressivement préparée avec l'ensemble des moyens que le pouvoir mettait entre ses mains. Le monstrueux procès de Moscou et son tragique déroulement sont le corollaire de ce processus de liquidation politique et physique, auquel il faut attribuer le suicide de Tomski et les poursuites qui s'ouvrent contre Boukharine, Piatakov et Radek. Des vieux collaborateurs de Lénine, des grands militants d'Octobre, il ne reste donc plus personne qui puisse porter ombrage à Staline, de même qu'il ne reste plus dans l'Internationale communiste presque aucun des fondateurs des partis communistes.
Parce que nous sommes en train de vivre en Espagne un processus révolutionnaire d'une importance nationale et internationale considérable, nous avons à cœur, et nous considérons comme un devoir inéluctable de nous assimiler la grande expérience russe, afin d'éviter que se renouvelle ce qui en résulte de négatif pour la révolution prolétarienne et pour le socialisme.
Nous nous déclarons ennemis irréductibles, au nom du marxisme révolutionnaire, de toute dictature personnelle ou bureaucratique, dictature qui ne peut se justifier dans le cadre des principes socialistes. Nous sommes partisans – parce qu'une nécessité historique inéluctable et passagère l'exige – de la dictature du prolétariat, dans le cadre d'une démocratie ouvrière qui peut parfaitement concilier la liberté et la lutte correcte des tendances avec l'unité d'action de la classe ouvrière.
Il se peut que ceux qui, faute d'arguments et de moyens de défense légitimes, ont coutume de se borner à cultiver l'épithète, fassent état de cette résolution pour nous traiter de trotskystes. Nous ne sommes pas trotskystes et nous n'admettons pas l'existence du trotskysme. Trotsky est pour nous, à côté de Lénine, un des grands chefs de la révolution d'Octobre et un grand écrivain socialiste révolutionnaire. Puisqu'il est calomnié et persécuté, nous tenons à lui exprimer notre solidarité révolutionnaire, sans dissimuler pour cela nos divergences sur quelques-unes de ses appréciations.
Nous sommes des socialistes révolutionnaires marxistes. Au nom du socialisme et de la classe ouvrière révolutionnaire, nous protestons énergiquement contre le crime monstrueux qui vient de se perpétrer à Moscou.
A Moscou ont été fusillés, dans des circonstances monstrueuses que tout le monde connaît, Zinoviev, Kamenev, Smirnov et plusieurs autres militants bolcheviques. Notre comité exécutif s'est déjà prononcé sur ce sujet en toute clarté, en toute honnêteté révolutionnaire, ne voulant pas, comme l'ont fait d'autres groupes et journaux ouvriers, se rendre complices d'un tel crime par son silence.
Trotsky, le compagnon de Lénine, le grand organisateur de l'Armée rouge, n'a pu être fusillé pour la bonne raison qu'il ne se trouve pas en Russie, sous la férule de Staline. Malgré cela, il est systématiquement et cruellement persécuté. Depuis quelques années, sa vie est un véritable calvaire. Aujourd'hui, il court un véritable danger. On exige son expulsion ou sa relégation dans un camp de concentration. On le traite en criminel. On pousse à son assassinat.
Nous, qui ne sommes pas trotskystes et qui avons avec Trotsky des divergences d'opinion, nous estimons qu'un crime est en train de se commettre contre lui et nous exigeons que cesse ce scandale international. La classe ouvrière espagnole, la classe ouvrière catalane, ne peuvent encourir la honte de tolérer pareil scandale. Persuadés d'interpréter leur sentiment, nous exigeons qu'on offre à Trotsky un refuge en Catalogne, sous la protection révolutionnaire de la classe ouvrière.
Nous savons d'où viendront les résistances à cette généreuse proposition.
Contre ces résistances, nous lutterons de toute notre énergie, pour l'accomplissement de ce grand devoir de solidarité révolutionnaire.