Réponses aux questions de Gladys Robinson

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Que pensez-vous du président Roosevelt en tant qu’homme ?

Même ses adversaires les plus acharnés ne se risquent pas à nier son exceptionnelle personnalité. Il possède sans aucun doute des qualités personnelles plus éminentes que les dictateurs modernes comme Mussolini, Hitler, pour ne pas parler de Staline. Je l’admets d’autant plus volontiers qu’un abîme sépare mon programme de celui de M. Roosevelt.

Quelle est votre opinion sur les mesures de M. Roosevelt pour améliorer la situation sociale et économique des États-Unis ? Comment résoudriez-vous cette situation ?

Ces mesures ne sont que de simples palliatifs. La propriété privée paralyse la poursuite du développement économique des États-Unis. Dans ces conditions, les réformes sociales ne constituent que la dépense de ce qui a été accumulé afin d’alléger les calamités sociales les plus éclatantes. Un programme qui vise à maintenir intactes les fondations du capitalisme ne peut offrir d’issue à la crise. Vous me demandez comment j’aurais agi à la place de M. Roosevelt. Mais je ne pourrais pas être à sa place : nous représentons des intérêts opposés. M. Roosevelt veut améliorer la situation des travailleurs parce qu’il faut sauver le capitalisme. Et moi, je vois l’unique issue dans sa liquidation une fois pour toutes.

Que croyez-vous que sera le résultat final de Hitler et Mussolini ?

Dans la prochaine guerre, les régimes fascistes seront les premiers à tomber. A titre d’hypothèse, on pourrait indiquer, dans l’ordre des catastrophes le Japon, l’Italie, l’Allemagne. Le fascisme est un moyen historique temporaire de supprimer les contradictions internes insurmontables. Elles exploseront cependant avec la guerre, avec une force sans doute sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Et, à la place du fascisme, viendra la révolution socialiste.

Quel sera le sort de l’Angleterre dans la prochaine guerre ?

Il y a longtemps que la puissance économique de l’Angleterre a cessé de correspondre à la superficie gigantesque de son empire. Les intérêts de la métropole et ceux des colonies et des dominions sont profondément contradictoires, dans toutes les parties du monde. Pendant la première période de la guerre, les différentes parties de l’Empire pourraient être temporairement rapprochées par l’instinct de conservation, mais, à la fin de la guerre, la Grande-Bretagne s’en ira inévitablement en morceaux et cela provoquera de graves troubles sociaux.

Le résultat final du conflit actuel en Espagne nous donne-t-il la réponse quant au système politique immédiat en Europe ?

Le second effondrement en six ans de la démocratie espagnole montre avec une force peu commune que le cadre démocratique est trop étroit pour résoudre le problème social. Le capitalisme ne pourra se maintenir à l’avenir que par la violence militaire ouverte. Puisque Largo Caballero, Garcia Oliver, Negrín, et Staline ont empêché le prolétariat espagnol de prendre le pouvoir pour la révolution socialiste, l’État est inévitablement tombé aux mains de Franco. Seul l’aveuglement politique pouvait ne pas prévoir cette issue.

Croyez-vous que la démocratie a échoué en Amérique ?

L’épanouissement de la démocratie américaine reposait sur l’épanouissement du capitalisme américain. Naturellement, la crise incurable du capitalisme devient une grave crise de la démocratie.

Le maire Hague est-il un symbole d’une menace pour la démocratie américaine. Une menace vraiment sérieuse selon vous ?

Oui, je crois que le maire Hague a une signification politique très grande, qui dépasse de beaucoup sa propre personnalité banale et limitée. Par ses actions, Hague affirme que le régime capitaliste ne peut plus être soutenu par des moyens démocratiques. Il est vrai que Hague lui-même nie le caractère fasciste de sa politique. Mais il avait, il y a bien longtemps, un prédécesseur qui faisait de la prose sans s’en douter. Le nombre d’émules de Hague va inévitablement augmenter. Il est impossible de venir à bout du fascisme par des moyens constitutionnels, puisque le fascisme opère à un autre niveau.

Quand pensez-vous que les conditions chaotiques actuelles du monde atteindront la crise ?

Je ne fais jamais de prédictions quant aux dates. Néanmoins, la tension actuelle ne peut pas durer des années. Le dénouement doit se produire dans peu de temps. Il peut prendre la forme de la guerre ou de la révolution. En ce moment, la guerre semble plus proche que la révolution. Mais la guerre va sans aucun doute apporter avec elle la révolution.

Comment pensez-vous que la jeunesse du monde va aborder ces problèmes ?

La nouvelle génération de travailleurs et d’intellectuels entre dans la vie consciente dans des circonstances historiques absolument exceptionnelles : crise du système économique mondial, effondrement de la démocratie, désintégration des Internationales socialiste et communiste, pourrissement grandissant de la bureaucratie soviétique, aggravation du danger de guerre. Dans ces conditions, la civilisation ne peut être sauvée que par des moyens révolutionnaires exceptionnellement audacieux. Pour les trouver, il faut passer en revue de manière critique le vieil héritage. C’est pourquoi je pense que la nouvelle génération se distinguera par l’audace de sa pensée et de sa volonté. Elle rejettera la philosophie des demi-mesures. Cela exigera des réponses complètes aux problèmes de notre époque et obligera à y répondre dans la vie. Ce n’est qu'à ces conditions que l’humanité ira de l’avant.