Réponse du Comité Exécutif de l'IC à l'USPD, 5 février 1920

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A tous les ouvriers d'Allemagne, au Comité Central du Parti Communiste d'Allemagne, au Comité directeur du Parti Social-Démocrate Indépendant d'Allemagne. (Au sujet de la résolution du Congrès du Parti Social-Démocratie Indépendant d'Allemagne de Leipzig sur l'Internationale Communiste)

Le dernier Congrès du Parti Social-Démocrate Indépendant a voté la résolution de s'adresser à l'Internationale Communiste, en proposant de se joindre à une organisation internationale générale. Le Comité exécutif de l'Internationale Communiste considère comme son devoir de poser cette question devant le tribunal de tous les ouvriers révolutionnaires. Le Comité Exécutif estime que la discussion de cette question n'est possible que devant les masses ouvrières les plus larges, devant les éléments véritablement révolutionnaires de l'armée internationale du prolétariat et non au moyen d'un accord s'abritant dans les coulisses. Les considérations suivantes sont également la réponse à la lettre de Crispien du 15 décembre 1919, adressée au Comité Exécutif de la IIIe Internationale et parue dans la Freiheit, en date du 2 janvier 1920.

I. Les ouvriers adhérents à l'USP (Parti Social-Démocrate Indépendant) et leurs chefs pendant la révolution[modifier le wikicode]

L'Internationale Communiste est convaincue que les ouvriers adhérents à l'U. S. P. pensent d'une façon tout à fait différente que leurs chefs de la fraction de droite. Ceci est le point de départ de notre appréciation de la situation de l'U. S. P. L'internationale Communiste considère la résolution de Leipzig comme un changement de direction de la politique du Parti, accompli sous la pression de cette partie de la classe ouvrière allemande qui s'est organisée dans ce Parti. Cette partie de la classe ouvrière se place en plus sur le terrain créé par l'expérience de toute la révolution, celui de la dictature du prolétariat et de la lutte des masses pour cette dictature, sous le drapeau commun de l'Internationale Communiste. Or ceci est contrarié au plus haut degré par les éléments opportunistes de la droite du Parti, qui sont prêts à reconnaître, en paroles, tout ce que l'on voudra, mais qui, en fait, mettent obstacle par tous les moyens possibles au développement de la révolution. Les opportunistes, les « gens du centre » ont éloigné, pendant la guerre impérialiste, le prolétariat de toute action de masses ; ils ont soutenu la « défense nationale » bourgeoise, qui est une trahison ; ils ont nié la nécessité d'une organisation illégale et ils se sont laissé épouvanter par l'idée de la guerre civile. Au début de la révolution, ils tant participé au gouvernement avec les traîtres déclarés de la classe ouvrière — les Scheidemann et Cie ; — ils ont sanctionné le refus scandaleux d'une Ambassade de la Russie prolétarienne à Berlin et ont soutenu la politique de rupture des relations diplomatiques avec la puissance des Soviets. Les leaders de droite ou « Indépendants » ont préconisé, depuis le début de la révolution allemande, l'orientation vers l'Entente et se sont opposés de toutes leurs forces à l'Union de l'Allemagne avec la Russie des Soviets. Les leaders de droite ou « Indépendants » ont systématiquement préconisé aux prolétaires d'Allemagne les illusions petites bourgeoises du « Wilsonisme » ; ils ont prôné Wilson, en le représentant comme le défenseur d'une « paix juste », le représentant attitré de la « démocratie », etc... Grâce à la tactique de ces leaders de droite, la machine de l'Etat de l'Empire de Guillaume, abritée seulement par le drapeau républicain, est demeurée intacte. Aux moments les plus décisifs (janvier 1918) de la lutte contre les assassins de la classe ouvrière — Noske et Cie, — les leaders de droite ou Indépendants agissant en courtiers malhonnêtes de « conciliation », ont affaibli la volonté révolutionnaire des ouvriers, ont brisé, en pleine lutte, l'unité du Prt>létariat et par suite ont été la cause de sa défaite.

D'abord, ils ont dénoncé la dictature des Conseils et se sont placés nettement sur le terrain de la démocratie bourgeoise. Ensuite ils ont essayé de propager l'idée d'un mélange des Conseils et de l'Assemblée Constituante (plan Hilferding). Jusqu'ici ils ont balança entre les deux, chaque fois qu'il a été question d'agir. Leurs représentants littéraires (Kautsky), qui éditaient leurs parutions en commun avec les pacifistes bourgeoisies « démocrates » et les serviteurs attitrés de la bourse et des banques, n'ont trouvé aucune meilleure occupation que de répandre sur la révolution russe les saletés et les calomnies des contre-révolutionnaires de Russie et d'ailleurs. C'est ainsi qu'une fable grossière et stupide, inventée par les généraux et espions de l'Entente, la « Socialisation des Femmes » en Russie a trouvé place dans le livre de Kautsky. Le dernier ouvrage de cet écrivain : Terrorisme et Communisme, paraît chez le même éditeur que le recueil des documents falsifiés, trouvés en Amérique, sur la « corruption » des bolcheviks par l'état-major allemand.

Ces exemples suffisent pour révéler la véritable physionomie de toute une rangée des chefs de la droite de l'U. S. P. Les ouvriers qui adhèrent à ce parti doivent comprendre que, sans une rupture complète avec ces leaders de droite, le développement de la révolution prolétarienne, ne peut être facilité par ce parti ouvrier. Il est maintenant évident que si la révolution suit en Allemagne un si pénible cours, c'est parce que les Scheidemann et Cie ont réussi à désarmer le peuple ; que l'union ne s'est pas établie au début entre la Révolution allemande et la Russie des Soviets et que le vieil appareil de l'Etat a été maintenu en vigueur. Une grande partie de la faute et de la responsabilité incombe aux chefs de la droite de l'U. S. P. Pour remonter le courant, les fautes commises doivent être reconnues et corrigées ; pour cela, les ouvriers adhérents de l'U. S. P. ont le devoir de redresser, en premier lieu, les directives du Parti, même en passant par-dessus la tête de certains de leurs chefs.

II. Les fautes principales de l'USP[modifier le wikicode]

L'idéologie des chefs de l'U. S. P. n'est pas une conception spécifiquement allemande. Les Longuettistes, en France ; l'I. L. P., en Angleterre ; l'A. S. P., en Amérique et d'autres encore, partagent leur point de vue. Leur caractéristique est l'hésitation perpétuelle entre la trahison socialiste ouverte — type Noske — et le terrain du prolétariat révolutionnaire, c'est-à-dire le communisme.

Nous résumons ces fautes dans les points suivants :

  1. La dictature signifie le renversement de la bourgeoisie par une classe, le prolétariat, et plus exactement par son avant-garde révolutionnaire. Demander que l'avant-garde soit devenue la majorité du peuple au moyen d'élections dans les parlements bourgeois, assemblées constituantes bourgeoises, etc.., c'est-à-dire, par le vote acquis tandis qu'existent l'esclavage du salariat, la propriété privée des moyens de production et l'exploitation des salariés sous le joug des exploiteurs, c'est à proprement parler, abandonner, en fait, le point de vue de la dictature du prolétariat et se placer sur le terrain de la démocratie bourgeoise. C'est ce que font les leaders de la droite ou Indépendants d'Allemagne et les Longuettistes de France. Ces partis répètent les phrases des démocrates bourgeois sur la majorité du « peuple » (trompé par la bourgeoisie et aplati par le capital) et se tiennent toujours objectivement du côté de la bourgeoisie.
  2. La dictature du prolétariat signifie la reconnaissance de la nécessité de briser par la force l'opposition des exploiteurs ; elle implique la volonté, les moyens et la décision nécessaires pour l'exécuter. La bourgeoisie, même républicaine et démocratique (par exemple en Allemagne, en Suisse, en Amérique), a recours systématiquement aux pogroms, au lynchage, au meurtre, aux coups de forces militaires, à la terreur contre les communistes et, en réalité, contre toutes les poussées révolutionnaires du prolétariat. Dans ces conditions, renoncer à l'emploi de la force, à la terreur, signifie partager les illusions de la petite bourgeoisie sur la paix sociale, équivaut à se muer en petits bourgeois larmoyants ou, pour parler de façon concrète, à être pris de peur devant le sabre des officiers. En effet, la plus criminelle et la plus réactionnaire des guerres impérialistes, celle de 1914-1918 a formé dans tous les pays, y compris les républiques démocratique, des dizaines de mille d'officiers révolutionnaires qu'elle a placés au premier plan de la politique et qui répandent la terreur en la faisant servir, au profit de la bourgeoisie et du capital, contre le prolétariat. Les discours de quelques-uns des leaders des Indépendants au Congrès de Leipzig sur la question ide « l'inadmissibilité morale » de la terreur de la part des ouvriers à l'égard des gardes blancs, bourreaux du prolétariat, prouvent que les chefs étaient complètement imprégnées des idées de la petite bourgeoisie. Cette crainte de la terreur, manifestée par les leaders de droite des Indépendants Allemands et par les Longuettistes français dans leurs discours au parlement, dans leurs articles régionaux, comme dans leur agitation et leur propagande, est, en fait, un abandon total du chemin conduisant à la dictature du prolétariat, un passage à la position de la démocratie petite bourgeoise ; c'est la démoralisation de la conscience révolutionnaire des ouvriers.
  3. Il en est de même pour la guerre civile. Après la guerre impérialiste, en face des généraux et des officiers réactionnaires qui appliquent la terreur contre le prolétariat ; en face du fait que déjà, la politique actuelle de tous les Etats bourgeois prépare de nouvelles guerres impérialistes, que les conséquences de toute leur politique rendent inévitables ; dans ces conditions, condamner la guerre civile contre les exploiteurs, même la redouter équivaut, en réalité, à favoriser la réaction. C'est avoir peur d'une victoire des ouvriers, qui peut coûter une dizaine de mille de victimes, pour faire place à un nouveau bain de sang impérialiste qui, hier, a fait des millions de victimes et en fera demain. C'est faire le jeu des généraux et des officiers bourgeois et faciliter leurs entreprises réactionnaires. La position sentimentale, doucereuse, petite bourgeoise des chefs allemands des Indépendants comme des Longuettistes français dans la question de la guerre civile est également réactionnaire, en fait. On ferme les yeux à l'endroit des gardes blanches, de leur préparation et de leur création par la bourgeoisie et l'on se détourne avec horreur de la formation d'une garde rouge, d'une armée rouge du prolétariat capable d écraser la résistance des exploiteurs.
  4. La dictature du prolétariat et le pouvoir des conseils signifient la claire reconnaissance de la nécessité de briser l'appareil de l'Etat (même républicain ou démocratique), les tribunaux, la bureaucratie civile ou militaire et de le mettre en pièces. Les chefs de la droite des Indépendants allemands et les Longuettistes français, ne manifestent ni la reconnaissance de cette vérité, ni la moindre velléité d'agitation dans ce sens ; bien pis, ils conduisent toute l'agitation dans le sens opposé. Toute révolution signifie, à l'encontre d'une réforme, une crise profonde, politique et économique, ayant sa fin en soi et indépendante de la crise provoquée par la guerre. Le devoir du parti révolutionnaire du prolétariat est de faire comprendre aux ouvriers et aux paysans qu'il faut avoir le courage d'affronter résolument cette crise et de trouver, dans des mesures révolutionnaires, la force nécessaire pour la surmonter. Ce n'est qu'en surmontant cette crise à l'aide de l'enthousiasme révolutionnaire, d'une énergie révolutionnaire, prête aux plus durs sacrifices, que le prolétariat peut vaincre les exploiteurs et finalement libérer l'humanité de la guerre, du joug du Capital, de l'esclavage du salariat. Il n'y a pas d'autre route, en effet, les essais pour réformer le capitalisme ont provoqué hier des batailles impérialistes avec leurs millions de victimes et des crises sans fin ; demain, ils en provoqueront de nouvelles. C'est cette pensée fondamentale sans laquelle la dictature du prolétariat n'est plus qu'une phrase vide de sens, que les Indépendants et les Longuettistes ne comprennent pas, négligent dans leur propagande et n'expliquent pas aux masses. Au contraire, ils effraient par tous les moyens le prolétariat, en lui représentant les difficultés qu'entraîne avec elle la révolution prolétarienne. Pourtant le rétablissement économique ne peut être envisagé que par le moyen de la dictature prolétarienne, car, sur la base capitaliste, la décomposition actuelle, qui chaque jour s'accentue davantage, est seule possible. Par leur timidité petite-bourgeoise, les leaders de l'U .S. P. ne font que tirer les choses en longueur et augmenter par là les souffrances du prolétariat. Le système soviétique est l'effondrement du mensonge bourgeois. La liberté de corrompre la presse, la liberté pour les riches et les capitalistes d'acheter les journaux, de payer des centaines de journaux pour fausser la soi-disant « opinion publique », c'est ce qu'on appelle la liberté de la presse. Les Indépendants allemands, pas plus que leurs collègues de l'étranger, ne comprennent cette vérité ; ils n'agissent pas en conformité avec elle ; ils ne font pas chaque jour le l'agitation pour faire cesser, révolutionnairement, cet asservissement de la presse par le capital, que la démocratie bourgeoise qualifie mensongèrement de liberté de la presse. En négligeant une toile agitation, les Indépendants ne reconnaissent que du bout des lèvres le pouvoir des Soviets ; en réalité, ils sont complètement dominés par les préjugés de la démocratie bourgeoise. L'expropriation des imprimeries et des dépôts de papier — mesure essentielle — ne peut être exposée par eux ; ils ne la comprennent même pas. Il en est de même pour la liberté de réunion ; cette liberté est un mensonge tant que les nôtres possèdent ou peuvent acheter tous les édifices et lieux publics ; de même pour le désarmement du peuple, la liberté d'instruction, la liberté du capital et toutes les organisations religieuses, destinées à endormir et tromper les masses ainsi que toutes les autres libertés bourgeoises et démocratiques.[1]
  1. La dictature du prolétariat signifie amener la, richesse, la décision, toute la masse des travailleurs et des exploités de son côté, du côté de l'avant-garde révolutionnaire du prolétariat, par des mesures révolutionnaires, par l'expropriation des exploiteurs. Or, on ne trouve aucune mention de celles-ci dans la propagande quotidienne des Indépendants d'Allemagne, c'est-à-dire dans la Freiheit. Pas davantage chez les Longuettistes. Cette propagande est particulièrement nécessaire près du prolétariat rural, près des petits cultivateurs (paysans n'exploitant aucun salarié, paysans ne vendant pas ou presque pas de blé). C'est près de ces couches de la population qu'il faut expliquer chaque jour clairement, simplement, d'une façon concrète et populaire que le prolétariat, après la conquête du pouvoir, améliorera leur situation aux dépens des propriétaires fonciers expropriés ; qu'ils seront délivrés du joug des gros propriétaires fonciers, libérés de leurs dettes etc., etc. Les mêmes explications doivent être fournies aux artisans des villes non encore ou partiellement seulement prolétarisés. Or cette propagande n'est pas faite par les Indépendants.
  2. La dictature du prolétariat suppose la reconnaissance claire et nette de cette vérité que le prolétariat représente en fait dans toute société capitaliste, en raison même de la situation économique objective, les intérêts de la masse entière des producteurs et exploités, de tous les prolétaires (c'est-à-dire de tous ceux qui vivent totalement ou partiellement de la vente de leur force de travail), y compris tous les petits paysans. Ces couches des partis bourgeois et petit-bourgeois adhèrent aux partis bourgeois et petit-bourgeois (parmi eux figurent également les partis de la IIe Intermationale) non en raison de leur libre consentement, comme la démocratie petit-bourgeoise, mais en en raison d'une tromperie de la bourgeoisie, de leur assouplissement au capital, ou d'une tromperie de leurs chefs petit-bourgeois. Ces couches de la population (les demi-prolétaires et les petits paysans) ne peuvent être amenées par le prolétariat à ses côtés qu'après sa conquête du pouvoir de l'Etat, c'est-à-dire, qu'après qu'il aura renversé la bourgeoisie, libérant ainsi ces producteurs du joug du capital et leur montrant, par la pratique, quelle utilité est pour eux le pouvoir prolétarien (libération des exploités). Ce sont ces pensées, formant la base et l'idée essentielle de la dictature du prolétariat, que les Indépendants d'Allemagne et les Longuettistes de France ne comprennent pas et ne partagent pas parmi les masses.
  3. Les Indépendante (leur aile droite) et les Longuettistes ne fomentent aucune agitation dans l'armée (pénétration dans l'armée afin de préparer son passage du côté des ouvriers contre la bourgeoisie). Ils ne créent, dans ce but, aucune organisation. Ils ne répondent pas aux coups de force de la bourgeoisie, empiétant constamment sut la « légalité » (après comme pendant la guerre impérialiste), par une propagande systématique en faveur d'organisations illégales et par la création de celles-ci. Sans union de travaux légaux et illégaux, d'organisations légales et illégales, il ne peut être question d'un vrai parti révolutionnaire prolétarien ni en Allemagne, ni en Suède, ni en Angleterre, ni en France.
  4. Les leaders de droite posent la question fondamentale de la révolution socialiste, l'expropriation des exploiteurs, sous la dénomination de « socialisation » et ils la posent sous une forme réformiste et non révolutionnaire. Le mot « socialisation » masque la nécessité de la confiscation, rendue indispensable par le poids des dettes impérialistes et par l'appauvrissement des ouvriers ; il masque la résistance des exploiteurs et l'obligation de mesures révolutionnaires, de la part du prolétariat, pour la réduire. Cette façon de poser le problème engendre forcément des illusions réformistes qui ne conviennent aucunement à la dictature du prolétariat.
  5. L'Internationale Communiste ne tient pas pour injustifiée, mais pour inadmissible, au point de vue des principes, que l'U. S. P., qui adopte en fait, les idées fondamentales des spartakistes, tout en se les assimilant trop lentement et de façon imparfaite, n'ait pas dit un mot, dans les résolutions de son congrès, sur l'union avec le Parti communiste allemand (spartakusbund). L'unité du prolétariat révolutionnaire exige cette union. On ne peut pourtant pas reconnaître, en fait, la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets, sans entreprendre certaines démarches montrant que l'avant-garde du prolétariat d'un pays donné a fourni, par une longue et dure lutte (tant contre les opportunistes que contre les syndicalistes et les demi-anarchistes de gauche) la preuve de sa capacité à conduire la classé ouvrière à une semblable dictature ; et qu'elle sera soutenue par tous les ouvriers conscients, que son autorité est établie et que ses conquêtes seraient solidement protégées et développées. La Ligue Spartakus en Allemagne, qui a été fondée par des chefs tels que Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, est précisément un de ces groupements qui ont assimilé la signification internationale de son avant-garde : aussi la tentative qu'ont faite en Allemagne les Indépendants, pour la circonvenir, est-elle impossible. Ceci coïncide avec le fait que les leaders de l'U. S. P. n'expriment pas théoriquement l'opinion des masses ouvrières de ce parti, car ils se trouvent beaucoup plus à droite que celles-ci. Il n'y a pas de conciliation possible avec cette calamité qui, dans la période de 1889 à 1919, a causé au prolétariat des souffrances sans précédents parce qu'elle est masquée par la séparation existant entre la parole et l'action. C'est ainsi que toute la propagande, toute l'agitation, toute l'organisation des Indépendants et des Longuettistes sont, dans leur ensemble, beaucoup plus démocratiques et petit-bourgeoises que prolétariennes et révolutionnaires ; elles sont pacifistes et non socialistes-révolutionnaires. En conséquence, la « reconnaissance » par eux de la dictature du prolétariat et du pouvoir des Soviets reste toute verbale.

III. L'USP et l'Internationale[modifier le wikicode]

Cette même politique lâche et petit-bourgeoise dirige les leaders de droite de l'U. S. P. dans la question de l'Union Internationale du prolétariat.

  1. Les Indépendants de droite et les Longuettistes ne développent pas parmi les masses la conscience de la corruption, de la pourriture de ce réformisme qui a dominé, en fait, de 1889 à 1914 dans la IIe Internationale et l'a conduite à sa perte, mais plutôt ils éteignent cette conscience ; ils cachent la maladie au lieu de la découvrir. La question de l'effondrement de la IIe Internationale, dont la signification est énorme dans l'histoire mondiale, l'étude de ses causes, les erreurs principales et les crimes de la IIe Internationale ; son rôle comme assistance à la « Société des Nations », sont autant de questions qui ont été entièrement laissées de côté par l'U. S. P. En cachant ces crimes, il obscurcit la conscience de classe des masses prolétariennes.
  2. Les Indépendants et les Longuettistes ne comprennent pas et ne font pas comprendre aux masses que les profits impérialistes des pays les plus avancés ont permis a ceux-ci — et leur permettent actuellement encore — de corrompre les couches supérieures du prolétariat et, en leur jetant les miettes du profit supplémentaire qu'ils retirent des colonies et de l'exploitation financière des pays plus faibles, de créer une couche d'ouvriers privilégiés. Sans avertir de ce danger, sans combat, non seulement contre l'aristocratie des Trade-Unions, mais aussi contre toutes les idées émanant de la partie bourgeoise des corps de métier, de l'aristocratie du travail, des privilégiés des couches supérieures ouvrières, sans un effort constant pour chasser du parti révolutionnaire les représentants de cet esprit, sans appels aux couches inférieures, aux masses sans cesse élargies, à la véritable majorité des exploités, il ne peut être question d'une dictature du prolétariat.
  3. Le manque d'envie pu de moyen de rompre avec les couches supérieures ouvrières atteintes par l'impérialisme se révèle également chez les Indépendants de droite et les Longuettistes par le fait qu'ils négligent toute agitation en vue de soutenir directement et par conviction les soulèvements et mouvements révolutionnaires des populations coloniales. Dans ces conditions, la condamnation de la politique coloniale et de l'impérialisme n'est plus qu'hypocrisie et correspond au simple gémissement d'un stupide petit-bourgeois.
  4. Tout en quittant la IIe Internationale et en la condamnant en paroles (dans la brochure de Crispien, par exemple) les Indépendants serrent, en réalité, la main à un Frédéric Adler, membre du parti des Noske et Scheidemann autrichiens. Les Indépendants tolèrent dans leur sein des écrivains qui nient toutes les bases fondamentales de la dictature du prolétariat (Kautsky et Cie). Les Indépendants ont pris part aux conférences jaunes de Berne et de Lucerne. Les Indépendants, après le Congrès de Leipzig, ont laissé leur organe central Freiheit, dans les mains d'Hilferding, pur droitier, adhérent à la IIe Internationale jaune. Cette opposition entre les mots et l'action caractérise toute la politique des chefs du Parti des Indépendants en Allemagne et des Longuettistes en France. Ces chefs vont jusqu'à opposer aux sympathies des masses ouvrières qui tendent vers le système des Soviets, les avantages de la démocratie petit-bourgeoise, et des couches supérieures du prolétariat, démoralisées par le réformisme.
  5. Tandis que, sous la pression des masses ouvrières, les chefs de l'U. S. P. entrent en pourparlers avec l'Internationale communiste, ils s'adressent en même temps aux partis de la IIe Internationale (y compris la social-démocratie blanche de Mannerheim en Finlande). Ces partis s'intitulent social-révolutionnaire et proposent à l'Internationale Communiste de se réunir avec ces partis. Cette tentative désespérée de fonder encore une quatrième Internationale bâtarde, sans programme défini, sans tactique ferme, sans perspective d'avenir, est vouée à l'insuccès. Mais elle prouve que les chefs de droite des Indépendants sabotent la résolution du Congrès de Leipzig de leur propre parti et ne pensent pas sincèrement à se joindre à l'avant-garde de combat du prolétariat international. Conformément à tout ce qui précède, le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste déclare :
    1. L'Internationale Communiste représente actuellement la plus grande force réunissant déjà les éléments les plus importants et véritablement révolutionnaires du mouvement prolétarien international. Les partis et organisations suivants ont pris part au premier Congrès de l'Internationale Communiste, à Moscou (mars 1919)
  6. Le Parti Communiste d'Allemagne.
  7. Le Parti Communiste de Russie.
  8. Le Parti Communiste d'Autriche.
  9. Le Parti Communiste de Hongrie.
  10. La Gauche du Parti Social-démocrate de Suède.
  11. Le Parti social-démocrate de Norvège.
  12. Le Parti socialiste (l'opposition) de Suisse.
  13. Le S.L.P. Américain.
  14. La Fédération révolutionnaire des Balkans (« Tnessniaki » bulgares) et le Parti Communiste de Roumanie.
  15. Le Parti Communiste de Pologne.
  16. Le Parti Communiste de Finlande.
  17. Le Parti Communiste d'Ukraine.
  18. Le Parti Communiste de Lettonie.
  19. Le Parti Communiste de Lituanie et de Biélorussie.
  20. Le Parti Communiste d'Arménie.
  21. Le Parti Communiste d'Estonie.
  22. Le Parti Communiste des Colons Allemands en Russie.
  23. Le Parti Socialiste Britannique.
  24. Le Groupe réuni des peuples orientaux de Russie.
  25. La Gauche Zimmerwaldienne française.
  26. Le Groupe Communiste tchèque (de Russie).
  27. Le Groupe Communiste bulgare (de Russie).
  28. Le Groupe Communiste des Slaves du Sud (de Russie).
  29. Le Groupe Communiste anglais (de Russie).
  30. Le Groupe Communiste français (de Russie).
  31. Le Parti Communiste de Hollande.
  32. La Ligue Américaine de propagande socialiste.
  33. Le Groupe Communiste Suisse.
  34. La Section du Turkestan du Bureau Central des peuples orientaux.
  35. La Section turque du Bureau Central des peuples orientaux.
  36. La Section géorgienne du Bureau Central des peuples orientaux.
  37. La Section de l'Azerbaïdjan du Bureau Central des peuples orientaux.
  38. La Section perse du Bureau Central des peuples orientaux.
  39. Le Parti Ouvrier Socialiste de Finlande.
  40. La Commission de Zimmerwald.
  41. L'Union Ouvrière de Corée. Dans les dix mois qui se sont écoulés depuis le congrès constitutif, les renseignements suivants ont été enregistrés sur les actes de solidarité avec l'Internationale Communiste. (Nous faisons remarquer que les données ci-dessous sont très incomplètes ; en réalité, le nombre des partis et organisations ayant fait acte d'adhésion à la 3e Internationale est plus important.) 19 mars 1919. — Résolution enregistrée du Comité du Parti socialiste italien, à Milan, d'adhérer à l'Internationale Communiste. 8 avril. — Résolution enregistrée du Congrès du Parti ouvrier social-démocrate norvégien, d'adhérer à l'Internationale Communiste. 10 mai. — Nous avons reçu avis de l'entrée de l'Union des Jeunesses social-démocrates de Suède dans la 3e Internationale. 14 juin. — Résolution enregistrée de la Conférence de l'aile gauche du Parti social-démocrate suédois d'adhérer à la 3e Internationale. 22 juin. — Nous avons reçu communication de la résolution d'adhésion du Congrès du Parti social-démocrate bulgare « Tessniaki ». 20 juillet. — Nous avons reçu communication de la résolution du Comité Central du Parti Communiste polonais d'adhésion effective à l'Internationale Communiste. Juillet 1919. — Le Congrès du Parti socialiste suisse a décidé d'adhérer à la 3e Internationale. Par voie de référendum, cette résolution n'a été approuvée que par une minorité, mais une très forte minorité.[2] Août 1919. — Nous avons reçu avis de l'entrée du Parti communiste de la Galicie orientale dans la 3e Internationale. Nous avons reçu au cours du même mois, la même nouvelle au sujet de la Fédération ukrainienne du Parti socialiste d'Amérique et d'une série d'organisations ouvrières de Finlande. Octobre 1919. — Le Congrès du Parti socialiste italien confirma à Bologne, à une énorme majorité, l'entrée du Parti italien dans la 3e Internationale. 23 octobre 1919. — Parvint l'avis d'adhésion du Parti socialiste britannique à la 3e Internationale. 20 novembre. — Nous avons reçu avis de l'entrée d'une fraction du Parti socialiste danois dans la 3e Internationale. Décembre 1919. — Le Congrès des socialistes espagnols donna 12 600 voix contre 14 000 en faveur de la 3e Internationale. Au Congrès ouvrier Scandinave (décembre 1919), 268 délégués, représentant 300 000 ouvriers, étaient présents ; les résolutions communistes furent adoptées à l'unanimité. Décembre 1919. — Nous avons été avisés qu'un Congrès international des jeunesses ouvrières avait eu lieu dans une ville d'Europe où se sont rencontrés les délégués de 220 000 membres du parti, qui ont décidé à l'unanimité d'adhérer à l'Internationale Communiste. Janvier 1920.— Nous avons reçu avis de l'entrée du Parti ouvrier écossais dans l'Internationale Communiste. Cette énumération suffit pour faire voir que toute l'avant-garde du prolétariat international combattant s'est réunie dans l'Internationale Communiste. Les partis ouvriers qui veulent sincèrement lutter pour la dictature du prolétariat et le pouvoir des Conseils peuvent et doivent se joindre au noyau que constitue la IIIe Internationale Communiste.
  1. Le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste est d'avis que, dans l'intérêt du succès de la lutte prolétarienne internationale, il n'est pas admissible de créer, sous aucun prétexte, encore une nouvelle union ouvrière qui, en réalité, ne peut en aucun cas être révolutionnaire. La division des forces du prolétariat international ne peut servir que les intérêts du capital et de ses domestiques, devenus socialistes.
  2. Le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste estime particulièrement souhaitable d'entrer en pourparlers avec les partis qui se sont déclarés prêts à rompre définitivement avec la IIe Internationale. Dans ce but, le Comité Exécutif demande aux représentants de ces partis de venir en Russie, où l'organe de l'Internationale Communiste a présentement son siège. Quelles que soient les difficultés d'ordre technique du passage de la frontière, l'expérience a montré que le voyage des délégués des partis en question reste possible.
  3. Le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste n'ignore pas qu'en raison de la complexité des circonstances et des particularités spécifiques du développement de la révolution, il est nécessaire de tenir largement compte de ces particularités ; aussi sommes-nous tout à fait disposés à élargir la IIIe Internationale et à faire notre profit de l'expérience du mouve ment prolétarien dans tous les pays ; à corriger et à compléter le programme de la IIIe Internationale, sur la base de la théorie marxiste et de l'expérience de la lutte révolutionnaire dans le monde entier.

Le Comité Exécutif, tout en saluant la résolution du Congrès de Leipzig, dans sa partie qui traite de la rupture avec la IIe Internationale, et en convoquant la délégation de l'U. S. P. à des pourparlers, exprime sa ferme conviction que par la reconnaissance de la capacité des masses prolétariennes, les rangs des chefs de l'U. S. P. seront épurés ; que le parti sera amené à s'unir avec le Parti Communiste d'Allemagne, et que finalement ses meilleurs éléments s'organiseront sous le drapeau commun de l'Internationale Communiste.

Le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste propose aux ouvriers avertis d'Allemagne de faire connaître cette réponse dans les réunions publiques ouvrières et d'exiger des chefs de l'U. S. P. des réponses claires et précises à chacune des questions soulevées ici.

Le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste adresse à l'héroïque prolétariat allemand son fraternel salut.

Moscou, le 5 février 1920.

Pour le Comité Exécutif de l'Internationale Communiste, Le Président : G. ZINOVIEV.

  1. Le bulletin communiste ne donne pas de numérotation entre 4 et 7, sans non plus préciser si des coupures ont été effectuées.
  2. (Depuis, le Parti suisse a décidé à nouveau son adhésion à l'Internationale Communiste, en avril 1920. — N.D.L.R.)