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Special pages :
Répétition du passé
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 7 février 1917 |
Publié dans La Guerre et la Révolution. Paris 1974, pp. 249-250
Il est arrivé souvent dans l’Histoire que les idées politiques ou religieuses, déclinant en Europe, passèrent sur le sol américain où elles trouvèrent des sources vivifiantes. Et comme l’Amérique est un pays sans tradition et sans idéologie, le transfert donne aux idées une forme particulièrement simpliste.
C’est ce qui arrive aux « idées » de guerre. Tous les gouvernements européens sont entrés en campagne avec des paroles « de libération » sur les lèvres. L’Allemagne voulait libérer les peuples de la Russie. Le gouvernement français tendait la main au peuple allemand pour le libérer du joug prussien. Le tsar se hâtait de libérer les peuples de l’Empire autrichien. L’Angleterre prit l’engagement de libérer toute l’Europe de l’oppression allemande. Les Hohenzollern brûlaient d’amour pour les rebelles irlandais. Sazonov et Milioukov passaient des nuits blanches en songeant aux Arméniens ployés sous le joug turc. En un mot, tous les responsables n’aiguisaient leurs couteaux que pour « libérer » quelqu’un de l’autre côté de la frontière. Et tous prophétisaient la liberté des peuples, la liberté des mers, celle des détroits, celle des golfes et encore une bonne demi-douzaine d’autres libertés.
Après deux ans et demi de guerre, les slogans de « libération » perdirent définitivement tout crédit en Europe. Les sociaux-patriotes continuent, certes, à jouer les mêmes romances sur les mêmes crins-crins, mais personne n’y fait plus attention…, et nous voyons comment ces légendes usées jusqu’à la corde, tissées par la lâcheté des uns et la sottise des autres, se dépêchent de passer l’Océan malgré les sous-marins allemands, et essaient de recommencer une nouvelle vie sur le territoire des U.S.A.
Pourquoi cette nation s’apprête-t-elle à intervenir ? Parce qu’il faut sauver « la liberté de l’Humanité ». Parce qu’il est essentiel d’établir les normes « du Droit international ». Parce que la « Paix juste » appelle son sauveur : Wilson ! Le journaliste patriote tourne sa plume dans l’encrier et couche sur le papier ces phrases grandiloquentes dont, en Europe, le provincial du « bled » le plus retiré en a par-dessus la tête.
Qu’en est-il des fournitures de guerre menacées par les sous-marins allemands ? Qu’en est-il des profits se montant à des milliards arrachés à l’Europe exsangue ? Qui oserait parler de cette manière au moment où règne l’enthousiasme national ! Si la Bourse de New York est prête à consentir de grands sacrifices (c’est le peuple qui les supportera), ce n’est pas au nom du paiement comptant tant méprisable, mais grâce aux principes éternels de la morale. La Bourse n’est en rien coupable du fait que servir la Justice Éternelle rapporte du 100 % !
Prenez les journaux européens de la fin de juillet et des premiers jours d’août 1914, et vous serez frappés du degré d’identité de leurs articles avec ceux de la presse d’ici qui répète exactement les vieux mensonges diffusés en toutes les langues. En vérité, la presse américaine ne découvre pas l’Amérique ! Toute sa campagne, d’un bout à l’autre, est « la répétition du passé ».
D’un bout à l’autre ! Pour le moment, nous ne voyons que le début, mais il est inutile de posséder le don de prophétie pour prédire la continuation et la fin. Actuellement il faut convaincre le peuple que l’adversaire ne veut que la guerre. Pour cela, il faut présenter, dans tout son éclat, la volonté de paix des U.S.A. Pour les comploteurs impérialistes, quelle irremplaçable figure que ce président Wilson ! Même si ce « pacifiste » patenté, à la douceur angélique, a rompu les relations diplomatiques avec l’Allemagne, la faute en incombe à celle-ci ! Le pacifisme ne cause aucun dommage…, rien que des profits.
Pour le moment, la presse boursière n’ose pas décocher le premier trait contre les Allemands, contre tout ce qui est allemand, autrement on découvrirait trop vite que les chacals attendent leur heure. Non, il faut laisser un peu de répit au peuple afin qu’il s’habitue à la crise. Il faut laisser provisoirement aux masses quelque espoir en une conclusion pacifique. Mais quand les travaux préparatoires de la mobilisation des âmes seront accomplis, alors la diplomatie donnera le signal, et la musique d’enfer du chauvinisme se répandra partout.
Nous avons déjà vécu cela en Europe. Nous connaissons cette musique et ses arpèges grossiers. Notre devoir – le vôtre, travailleurs éclairés ! – c’est de répondre aux dirigeants par notre propre musique : la mélodie puissante de l’Internationale.