Réflexions théoriques sur l'effet d'actions politiques infructueuses

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Une action politique ou économique qui ne parvient pas à arracher aux classes dirigeantes les concessions qu'on en attend, qui  par conséquent, si on la considère isolément, a échoué, aggrave-t-elle la position de l'assaillant, diminue-t-elle ses chances de réussir  plus tard ? On le prétend souvent et l'on prend cette affirmation  comme prétexte pour mettre en garde contre des actions sérieuses. 

Voyons cela.  Des actions infructueuses sont nuisibles uniquement quand elles  montrent à ceux qu'on attaque que l'adversaire est plus faible qu'on  ne l'avait cru ou quand les forces qui restent à l'assaillant après  l'échec de l'action ont diminué par rapport à celles qu'on lui  supposait à bon droit. Alors les classes dirigeantes feront entrer  dans leurs calculs une force de l'adversaire moindre et y conformeront leur attitude, soit dans la défensive, soit dans l'offensive;  elles ont vu dans la force adverse qu'elles faisaient entrer jusque~là  en ligne de compte un simple épouvantail, et perçu que la menace  devant laquelle elles reculaient était pure illusion. Mais cet inconvénient de faction sans résultat n`est qu'apparence : ce n'est que  l'éclatement d'une bulle de savon, la destruction d'une illusion,  un danger qui ne peut faire peur qu'à des partis usés, à des  castrats de l'opposition de façade. Il en va tout autrement quand  Faction, en dépit de son échec, est une manifestation, non de  faiblesse mais de force, ne brise aucune fausse grandeur, mais  montre au contraire une vraie grandeur; quand elle ne se présente  que comme l'extériorisation d'un excédent de force se renouvelant  sans cesse; quand elle ne tarit pas la source d'une force en croissance permanente, mais la fait jaillir d'autant plus fortement. Alors  la perte extérieure devient un gain intérieur, la défaite isolée une  victoire de l'ensemble. La persistance de l'esprit de sacrifice, de  la résolution, de la force intérieure et extérieure, la capacité -de  pouvoir subir une défaite sans être anéanti et de n'être affaibli  que pour un temps, de tomber et de toujours se relever pour de  nouveaux combats, avec une assurance ferme, une force toujours  plus grande, c'est ce qui garantit que même des actions infructueuses n'aggravent pas la position de l'assaillant, ne diminuent pas  ses capacités de lutte ultérieures. 

C' est pourquoi des partis jeunes, des classes montantes n'ont pas  à craindre des actions hardies. 

Appliquons ce qui vient d'être dit à un cas particulier.

  Si le passage à l'opposition est la seule carte dont dispose un  parti - -par exemple celui des socialistes gouvernementaux --, on  peut comprendre qu'il veuille la tenir en réserve, car dès qu'il l'a  jouée il est perdu. L'ennui, c'est que le gouvernement le sait,  comme le savent également tous ceux qui ont gardé la tête froide.  II s'ensuit qu'en menaçant de passer à l'opposition, on ne peut rien  obtenir, que toutes les tentatives dans ce sens aboutissent régulièrement, pour ceux qui veulent faire preuve d'habileté, à un fiasco  complet. Si l'on veut obtenir des succès, ne serait-ce que parlementaires, il importe que le passage à l'opposition ne soit pas le  dernier atout, mais le premier, non le plus fort, mais le plus faible,  non la fin, mais le début; que le parti ait derrière lui une force  extra-parlementaire qu'il puisse jeter dans la bataille sans craindre  les défaites, avec une diversité de méthodes inépuisable, une énergie  sans cesse croissante, et que cela soit démontré à l'adversaire par  Faction. Sinon, on n`obtient dans l°arène politique -- et parlementaire ! - ni respect ni résultat. Mais cette tactique mène dans  le meilleur des cas un Scheidemann au poste de laquais sur le  siège de cocher du Reich.