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Quelques mots en commémoration de la révolution de 1979
Certains disent que ces dernières années un processus de « révision » a eu lieu parmi les révolutionnaires et les milieux d’opposition de gauche d’Iran. Un premier coup d’œil sur les nombreuses publications, que ces groupes publient plus particulièrement en dehors de l’Iran confirme cela bien que l’on puisse douter du fait que le mot « révision » soit approprié pour qualifier ce développement. Dans la solitude – quand dire la vérité ne fait de mal à personne – on pourrait même l’appeler de la repentance. Mais en public, là où de nos jours règne le politiquement correct, l’expression « nouvelle pensée » pourrait mieux convenir. Le concept de révolution en général, et la révolution iranienne de 1979 en particulier ont été les premières victimes de cette « nouvelle pensée ».
Chaque mois, des montagnes de nouveaux articles sont publiés par des individus, cercles ou groupes formés par les révolutionnaires âgés et les vestiges de la révolution de 1979. Suivre toutes ces publications et partager les préoccupations ou les mondes illusoires de leurs auteurs est à la fois extrêmement difficile et futile. Il n’est pas difficile, cependant, de voir le développement de cette « nouvelle pensée ». On pourrait utiliser la méthode d’association utilisée par les psychologues pour vérifier la réaction de cette littérature à des mots-clefs comme le concept même de « révolution ». L’image qui émerge ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Révolution : excès, révolution : violence, révolution : oppression, révolution : destruction.
Et pourquoi pas ? Qui des survivants de la révolution de 1979 peut fermer ses yeux pour un court instant, songer aux 17 dernières années et avoir un souvenir agréable ? Des millions de personnes ont été condamnés vivre dans le système social le plus brutal et réactionnaire, une société basée sur la terreur, la pauvreté, et des mensonges dans lesquels le bonheur est interdit, le fait d’être une femme un crime, la vie un tourment sans échappatoire possible. Une génération entière, peut-être plus de la moitié de la population, est née dans cet enfer et n’a aucun autre souvenir que cela. Pour beaucoup d’autres, le souvenir le plus vif est celui de visages inoubliables d’êtres humains admirables qui ont été massacrés. 1979 – l’année de la révolution – n’était-elle pas le début de ce cauchemar ?
Peut-être pour certains, la fin tragique de la révolution de 1979 joue un rôle dans le développement de cette « nouvelle pensée ». Cependant ni l’ampleur de cette repentance, ni le ton amer et l’hystérie de la « nouvelle pensée » d’aujourd’hui ne peuvent être expliqués par la défaite de la révolution de 1979. C’est comme si vous étiez assis sur un pont et voyiez le retour d’une armée défaite. Il ne serait pas surprenant de les trouver mélancoliques, étourdis, muets et déprimés. Cette foule, cependant, a les poings serrés. Lorsque vous écoutez plus attentivement, c’est comme s’ils murmuraient un hymne. Oui, vous ne faites pas erreur, ils vont en guerre – une guerre contre leur propre « territoire », « camp », « forteresse » ou la manière dont ils l’appelaient jadis. Ils reviennent pour se venger « d’eux-mêmes » et des initiés d’hier. Pour quelqu’un qui regarde de l’intérieur de la forteresse, c’est vraiment une scène horrible.
Peu de révolutions infructueuses et des mouvements défaits ont été si amèrement abandonnés par ceux qui les avaient soutenus. La Révolution Constitutionnelle, le mouvement pour la nationalisation de l’industrie pétrolière, la période sous l’autorité d’Allende, la Révolution Portugaise et la grève des mineurs en Grande-Bretagne, par exemple, ont toujours reçu le plus grand respect de leurs vétérans. La raison de la « nouvelle pensée » actuelle des révolutionnaires d’hier doit être cherchée ailleurs. La réalité est que les années qui ont suivi la révolution de 1979 ont coïncidé avec un développement bien plus important à l’échelle mondiale. La chute du bloc de l’Est – qui n’a été appelé « camp socialiste » que par la suite par la propagande des porte-paroles les plus trompeurs du pacte de Varsovie et de l’OTAN et de leurs soutiens idiots – a été un séisme politique et social qui a secoué le monde entier. L’élimination d’un pôle d’un monde bipolaire a été suffisamment bouleversante à elle seule – un monde dans lequel pendant plusieurs décades, tout, de l’économie à la production en passant par les sciences et l’art à pris forme à partir de la confrontation entre ces deux pôles. Cependant, ce qui a été décisif dans le domaine des idées est le fait que les dirigeants du monde et leur vastes troupes de porte-paroles, leurs propagandistes dans les universités et les médias ont réussi à dépeindre la chute du bloc de l’Est comme étant la chute du communisme et la fin du marxisme et du socialisme. Ces gesticulations n’ont pas duré plus de six ans et tout indique aujourd’hui que cette période de mensonges touche à sa fin. Ces six années, cependant, ont ébranlé le monde. Ce n’était pas la fin du socialisme, mais un aperçu du cauchemar que la fin du socialisme peut vraiment être, et du marécage que le monde peut devenir sans l’espoir du socialisme et les « dangers » du socialisme. Il est devenu clair que le monde – à la fois les dirigeants et les masses – identifiaient le socialisme avec le changement. La fin du socialisme était appelée la fin de l’histoire. Il est devenu clair que la fin du socialisme était la fin de l’espoir de l’égalité et de la prospérité, de la libre pensée, du progressisme et de l’espoir d’une vie meilleure pour l’humanité. Ils ont interprété la fin du socialisme comme étant le règne incontesté de la loi de la jungle et du droit du plus fort en économie, en politique et dans la culture. Et aussitôt, le fascisme, le racisme, le chauvinisme, l’ethnocentrisme, la religion et l’intimidation ont débordé de toutes les fissures de la société.
La vague de la « nouvelle pensée » qui a suivi à l’échelle globale fut un spectacle. Dans une course internationale à la repentance et à un révisionnisme servile, les vertus d’hier ont été dédaignés, les dirigeants méprisés et les idéaux ridiculisés. La soumission et le fait d’être dédaigneux sont devenus le sens de la vie. Dans la culture de repentance des intellectuels du nouvel ordre mondial, ceux qui voulaient une vie meilleure pour l’humanité, croyaient que la situation actuelle pouvait et devait changer, ceux qui croyaient en l’égalité des Hommes et qui les appelaient à une vie meilleure, parlaient de la nécessité d’efforts collectifs des peuples pour influencer leur destin, tenaient pour responsables l’état et la société pour les individus et leur bien-être ont été appelés de partout idéalistes, vieux, naïfs et faibles d’esprit. Le désespoir est devenu le symbole de la sagesse. L’abandon d’idéaux humains élevés était vu comme un signe de réalisme et de lucidité. Il est soudain devenu évident que tout journaliste qui venait d’être nommé, tout assistant conférencier ou général ayant pris récemment sa retraite avait des réponses toutes faites aux géants intellectuels du monde moderne comme Voltaire, Rousseau, Marx et Lénine et que les complexités de la liberté et de la recherche d’égalité de centaines de millions de personnes à travers le monde durant les derniers siècles n’étaient rien d’autre qu’une perte de temps sur le chemin du grand monument de la « fin de l’histoire » qui devait être oublié aussi vite que possible.
C’est dans ce contexte international que les révolutionnaires d’hier ont commencé la « révision » de la révolution de 1979 et de l’idée de révolution en général. Bien plus que le résultat de la défaite de la révolution de 1979, leurs conclusions sont dues aux tendances globales qui sont devenues à la mode pour quelques années et qui ont moqué les idéaux et principes.
Il est dit que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Il doit être ajouté, cependant, que l’histoire qui est écrite par les vaincus est encore plus fausse et venimeuse, puisque cette dernière n’est rien de plus que la version écrite par les vainqueurs mais accompagnée de deuil, de soumission et d’auto-tromperie. Si l’Histoire raconte le changement, alors la véritable Histoire est celle de ceux qui n’ont pas été vaincus – l’histoire du mouvement et des personnes qui luttent pour le changement, l’histoire de ceux qui ne veulent pas enterrer leurs idéaux et leurs espoirs pour une société humaine, l’histoire des peuples et des mouvements qui n’ont pas la luxe de choisir leurs principes et leurs buts et qui n’ont d’autre choix que de se battre pour des améliorations. Dans l’histoire à la fois des vainqueurs et des vaincus, la révolution de 1979 est un pas vers la montée de l’Islam et de l’islamisme ainsi que la cause de la situation actuelle en Iran. Dans l’Histoire réelle, cependant, la révolution de 1979 a été un mouvement pour la liberté et la prospérité, mouvement qui a été brisé.
Les calamités de la période qui a suivi la révolution en Iran doivent être attribués à ceux qui en sont responsables. La population avait raison de rejeter la monarchie et la discrimination, l’inégalité, l’oppression et la dégradation qui allait avec et s’est soulevée en protestant. Elle avait raison de ne pas vouloir un roi, la SAVAK (la police secrète), les tortionnaires et les chambres de torture à la fin du XX. siècle. Elle avait raison de prendre les armes contre une armée qui la massacrait dès le plus petit signe de protestation. La révolution de 1979 était un acte pour la liberté, la justice et la dignité humaine. Le mouvement islamique et le gouvernement islamique n’étaient non seulement pas un résultat de cette révolution, mais étaient un moyen délibéré de l’écraser qui a été poussé au devant de la scène quand la chute du régime de Shah fut confirmé. Contrairement à des points de vue souvent exprimés, la république islamique ne doit pas son existence avant tout au réseau de mosquées et à l’essaim de petits mollahs. La source de ce régime n’était pas le pouvoir de la religion parmi le peuple ; ce n’était pas le pouvoir du chiisme, le manque d’intérêt de la population pour la modernité ou leur haine de la culture occidentale, l’urbanisation galopante ou le manque d’expérience démocratique. Ce non-sens peut être utile à la carrière d’un orientaliste imbécile ou aux commentateurs des médias, mais il ne contient pas le moindre début de vérité. Les forces mêmes qui soutenaient le régime du Shah et qui entraînaient la SAVAK jusqu’au dernier jour ont poussé les islamistes au-devant de la révolution de 1979 – ceux-là mêmes qui avaient reconnu la radicalisation et le penchant à gauche de la révolution iranienne et qui avaient retenu la leçon de la grève des travailleurs de l’industrie pétrolière ; ceux-là mêmes qui avaient besoin d’un croissant vert durant la la guerre froide. De l’argent a été dépensé pour « l’islamisation » de la révolution iranienne, des plans ont été mis au point, des rencontres ont été organisés. Des milliers de personnes – des diplomates occidentaux aux attachés militaires en passant par par les journalistes honorables du monde démocratique – ont travaillé avec ardeur pendant des mois jusqu’à ce qu’une tradition réactionnaire, isolée, marginale et pourrissante soit transformée en une « direction révolutionnaire » et en une alternative de gouvernement pour la société urbanisée et récemment industrialisée de l’Iran de 1979. Mr Khomeini n’est pas venu de Najaf ou de Qom à la tête de mollahs montés sur des ânes mais de Paris et en avion. La révolution de 1979 était une manifestation de protestations authentiques du peuple démuni d’Iran, mais la « révolution islamique » et le régime islamique étaient le résultat de la guerre froide et des marchandages les plus modernes du monde de l’époque. Les architectes de ce régime étaient les stratèges et les dirigeants politiques des puissances occidentales, ceux-là mêmes qui aujourd’hui, en prétextant le relativisme culturel, légitiment une fois de plus le monstre qu’ils ont eux-mêmes crée en tant que produit naturel de « la société islamique et orientale » et digne de la population du « monde islamique ». Les ressources politiques et propagandistes de l’occident tout entier ont été utilisés durant des mois avant et après février 1979 dans le but d’établir ce régime et de le maintenir en place.
Le fait même que cette ingénierie sociale ait été possible, cependant, est du au contexte et aux conditions des forces sociales et politiques en Iran. Il y avait suffisamment de matériau disponible pour cette tâche. Les courants islamiques existaient dans tous les pays de la région. Avant les événements en Iran, cependant, ce mouvement n’était jamais devenu une force politique notable et un acteur de premier plan sur la scène politique de ces pays. La (contre) révolution islamique n’était pas construite sur la force insignifiante du courant islamique, mais plutôt sur les traditions politiques primaires de l’opposition iranienne. La contre-révolution islamique s’est bâtie sur les traditions nationalistes et soi-disant de gauche du « Front National », qui craignait avant tout les travailleurs et les communistes et qui avait passé toute son existence à se ronger les ongles sous la cape de la monarchie et la robe de la religion. C’était une tradition qui, dans toute son histoire, s’était révélée incapable d’organiser ne serait-ce qu’une offensive semi-laïque contre la religion dans la vie culturelle et politique d’Iran. C’était une tradition dont les dirigeants et les personnalités ont été les premiers à prêter allégeance au mouvement islamique. La contre-révolution islamique fut bâtie sur la tradition du parti Tudeh, tradition qui a fait de l’anti-américanisme et le renforcement de son camp international à tout prix la philosophie de son existence et qui a vu dans le régime islamique, indépendamment de ses conséquences pour le peuple et la liberté, un terrain de jeu pour des manœuvres et manipulations. La contre révolution islamique a été bâtie sur une tradition anti-occidentale, anti-moderniste, corrompue et imprégnée d’Islam, tradition qui était dominante dans la majorité des milieux intellectuels et culturels de la société en Iran, et cela a façonné la forme initiale des protestations étudiantes. Khomeini a triomphé non pas parce que la population superstitieuse aurait vu son reflet sur la Lune, mais parce que l’opposition traditionnelle et sa culture réactionnaire et nationaliste corrompue a vu en lui – qui était le personnage le plus importé et fabriqué qui soit dans la l’histoire politique contemporaine iranienne – quelqu’un qui était un authentique iranien, un anti-occidental et l’un des siens et ainsi l’a soutenu. La contre-révolution islamique fut le résultat de la perte par les travailleurs socialistes de l’industrie pétrolière et des grandes industries de l’initiative dans les protestations au profit de l’opposition traditionnelle d’Iran. C’est cette opposition traditionnelle d’Iran qui a reçu le personnage de Khomeini et la révolution islamique de l’Ouest et qui l’a revendu ensuite aux masses protestataires.
Malgré tout cela, les gesticulations islamiques ont seulement crée un sursis dans le développement de la révolution de 1979. Les événements qui ont immédiatement suivi le soulèvement de février ont montré que la dynamique de la révolution était toujours présente. Indépendamment de ce qui a été dit, ils ont montré que la population était néanmoins venue et qu’elle restait en première ligne pour la liberté et la prospérité sociale, pas pour l’Islam. Par la suite, la révolution de 1979, comme la plupart des révolutions, a été défaite non pas par des tromperies et des mensonges, mais par une répression extrêmement brutale. La période entre le 11 février 1979 (¹) et le 20 juin 1981(²) fut tout ce que l’Islam et le mouvement islamique ont réussi à obtenir pour les gardiens du régime du Shah. Et bien sûr, c’était tout ce dont ils avaient besoin. Dans la véritable histoire de l’Iran, le 20 juin 1981 suit le 8 septembre 1978 (³) et il est le prochain maillon de la chaîne. Khomeini, Bazargan, Sanjabi, Madani, Forouhar, Yazdi, Banisadr, Rajaie and Beheshti sont les noms qui doivent suivre Mohamad Reza Pahlavi, Amouzgar, Sharif Emami, Bakhtiar, Oveisi, Azhari, et Rahimi en tant que personnages qui sont arrivés au premier plan les uns après les autres pour bloquer la révolution et les protestations de la population. Les poussées répétées du mouvement de protestation ont eu raison de la monarchie et de ses différentes personnalités. En revanche, le gouvernement islamique a réussi à gagner du temps, à restaurer les forces de la réaction et à réprimer la révolution populaire de la manière la plus sanglante qui soit. L’agenda des deux régimes était identique.
Plus de la moitié de la population d’Iran est trop jeune pour avoir ne serait-ce qu’un vague souvenir de la révolution de 1979. Leur rapport aux événements de cette période n’est pas sans rappeler le rapport de la génération révolutionnaire de 1979 avec les événements de l’époque de Mossadegh et le coup d’état de 1953 – une époque révolue et inaccessible, qui n’est présent que dans l’esprit de la génération qui l’a vécue et considérée comme importante seulement par elle. Les interprétations de cette époque sont nombreuses, mais plutôt que d’apporter un éclaircissement historique, ils mettent en avant le jugement du narrateur et sa place dans le monde d’aujourd’hui. Les êtres humains regardent toujours vers le passé avec une perspective contemporaine et cherchent des justifications pour leurs volontés et actes actuels. En regardant la révolution de 1979, nos « nouveaux penseurs » cherchent à lever une bannière dans l’Iran actuel. Cette bannière a cependant toujours existé. Les personnes qui se rassemblent sous cette bannière, leurs rituels et les versets qu’il récitent est secondaire.