Quelques enseignements de la grève belge

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Après plus de deux mois de lutte vigoureuse, trois mois pour le Borinage, lutte sans précédent depuis 1886, les mineurs belges rentrèrent dans les puits, trahis par la social-démocratie.

Cette bataille qui fit trembler la bourgeoisie belge comporte une série d'enseignements et de côtés positifs importants pour le prolétariat. Nous voulons en souligner quelques-uns.

De juillet 1930 à mars 1932, les 150.000 gueules noires subirent, en vertu de la convention signée entre patrons et chefs socialistes et chrétiens, cinq diminutions de salaires. Ceux-ci se trouvaient alors réduits de plus de 30 %.

En tenant compte des journées de chômage (une ou deux par semaine) bon nombre d'ouvriers du fond, hercheurs par exemple, ne touchaient hebdomadairement que 100 à 150 francs.

Certains ouvriers de la surface ne gagnaient, eux, que 17 fr. et même 12 fr. par jour dans le Limbourg.

C'était partout dans beaucoup de foyers ouvriers la misère. Plus de possibilités d'acheter les vêtements, cependant indispensables, même pour les enfants et sous-alimentation.

Cette situation critique fit se développer la colère des ouvriers et quand le patronat annonça une nouvelle diminution de 5 % pour le 19 juin, cette colère s'accentua encore.

C'est dans le Borinage, fief du Parti Ouvrier belge, où la centrale socialiste des mineurs comptait 21.500 adhérents sur 24.000 ouvriers, qu'elle éclata.

Les dirigeants réformistes avaient accepté la diminution applicable le 19 juin. Les mineurs borains la repoussèrent unanimement et passant outre aux décisions du Congrès national du 29 mai déclarant qu'en " acceptant la diminution les mineurs voulaient montrer leur volonté de respecter leurs engagements ", ils préparaient la lutte sous l'impulsion des militants de l'O.S.R., du P.C. et de la Centrale révolutionnaire des mineurs, qui redoublaient d'activité pour dresser le front de lutte des ouvriers devant l'attaque patronale.

Le 20 juin au soir, la grève est décidée au cours d'un meeting du P.C., à Wasmes, groupant 2.000 mineurs. Le lendemain matin 8 puits sont désertés. Le vendredi 24, on comptait déjà 15.000 grévistes.

L'extension de la grève[modifier le wikicode]

Le mouvement était alors parti. Il allait englober vers mi-juillet plus de 250.000 ouvriers mineurs, métallos, verriers, carriers, textiles, traminots, etc.

C'était la première fois en Belgique que des dizaines de milliers d'ouvriers socialistes, chrétiens, inorganisés, autonomes engageaient la lutte sous la direction idéologique, sous les mots d'ordre du Parti communiste, de l'Opposition Syndicale Révolutionnaire et des syndicats révolutionnaires.

L'extension rapide du front de lutte – puisque c'est en deux jours, 7 et 8 juillet, que la grève gagna les bassins du centre et de Charleroi – est un important enseignement de cette bataille.

Les premiers grévistes ne restèrent pas inactifs. Alors que les dirigeants socialistes multipliaient leurs appels désapprouvant le mouvement, engageant les ouvriers à rester au travail, les combattants – sous la direction des militants révolutionnaires – organisaient l'action, travaillaient à son développement.

Des piquets de masse, comprenant non seulement les grévistes, mais aussi leur femme et leurs enfants, partaient dans les cités environnantes, aux puits et aux usines, appeler les ouvriers encore au travail à rejoindre le mouvement.

Un groupe de cyclistes borains se rendit dans le centre où la grève fut rapidement généralisée. Puis 1.000 grévistes en vélos partirent du centre vers Charleroi, où là aussi, en quelques heures, mines et usines furent désertées.

Dans certains centres des environs de Charleroi, c'est par groupe de 2 et 3.000 que grévistes et femmes, allaient débaucher les usines et puits encore au travail.

Dans certains centres des environs de Charleroi, c'est par groupes de Cette action des piquets de masse permit, en obtenant l'élargissement du front de combat, de faire échec aux manoeuvres de la social-démocratie et aussi aux forces policières.

Nous ne reviendrons pas sur le déroulement de la grève, chacun connaît tant les journées de lutte active de juillet, que les décisions de reprise du travail prises par les chefs réformistes pour briser la grève, décisions deux fois déjouées par les mineurs.

Résultats positifs[modifier le wikicode]

Le mouvement de juillet-septembre apporta de sérieux résultats positifs aux travailleurs.

Il permit en premier lieu, durant trois mois, de faire échec aux plans de famine du patronat. Les industriels de la métallurgie qui voulaient en juillet réduire les salaires, durent devant la lutte des masses, en maintenir le taux jusqu'au 1er novembre.

Le gouvernement qui de son côté voulait appliquer une taxe sur la farine, taxe qui amènerait une augmentation du prix du pain, qui entendait aussi réduire les allocations de chômage, fut contraint devant l'action ouvrière d'ajourner ses projets.

Les mineurs pouvaient de leur côté arracher la victoire totale. Déjà en juillet, les patrons manœuvraient pour obtenir la reprise du travail, laissant entrevoir la possibilité d'accorder quelques avantages.

En septembre, le charbon domestique manquait, les commandes s'entassaient, les clients voulaient se fournir à l'étranger. La situation devenait telle que la victoire des mineurs n'était plus qu'une question de jours, de quelques semaines au maximum.

Pris à la gorge le patronat allait capituler.

C'est à ce moment précis que la social-démocratie pour " donner au pays la tranquillité dont il avait besoin " – Delattre, chef du syndicat réformiste des mineurs, dixit – accentua ses manœuvres et put imposer la reprise du travail.

" Les patrons ont fait d'importantes concessions " écrivit alors la presse bourgeoise, avouant implicitement que par la grève, par l'action vigoureuse, les mineurs avaient obligé leurs exploiteurs à opérer un certain recul.

Une brèche dans l'influence sociale-démocrate[modifier le wikicode]

La grande bataille des ouvriers belges engagée sous la direction idéologique du parti communiste fut aussi d'un sérieux enseignement politique pour les travailleurs wallons et flamands.

Elle permit de justifier la politique et la tactique des organisations révolutionnaires et de condamner celles de la social-démocratie.

" On ne peut pas lutter en période de crise. " " Faire grève quand il y a 4 millions de tonnes de stock c'est aller au suicide " affirmaient les dirigeants socialistes. La grande bataille de 1932 a bousculé, renversé ces affirmations, elle montre que non seulement on peut lutter mais encore que l'on peut vaincre, ainsi que l'affirmaient les organisations révolutionnaires.

La grande lutte des ouvriers belges a encore permis à des milliers et des milliers d'ouvriers socialistes et en partie même à des ouvriers chrétiens, de comprendre, de juger la politique de trahison menée par leurs chefs et le P.O.B. Des milliers et des milliers d'ouvriers se libèrent de l'emprise néfaste de la politique et de l'idéologie social-démocrate et se tournent vers les organisations révolutionnaires dont l'action durant la lutte leur a prouvé qu'elles étaient capables de les mener à l'action, à la victoire contre leurs exploiteurs.

La bataille de 1932 a fait une' première brèche clans l'influence de la social-démocratie parmi le prolétariat de l'industrie lourde. Elle représente un coup formidable à la politique de paix " sociale " prêchée pendant des années par le P.O.B. et les démocrates chrétiens.

Les ouvriers ont repris confiance[modifier le wikicode]

Depuis la fin de la grève d'ailleurs les nombreux mouvements partiels qui se déroulèrent montrent que les mineurs belges ont repris confiance en eux-mêmes, en leurs forces. Le temps n'est plus maintenant où, influencés par les théories social-démocrates, ils courbaient l'échine à chaque provocation patronale, se pliaient à chaque attaque contre leurs conditions de travail et de vie.

Dès le jour de la repris" du travail, cette confiance se manifesta. Les mineurs ne rentraient pas vaincus dans les puits, ils y retournaient avec un esprit nouveau, une volonté acquise au cours des dures journées de lutte écoulées. Ils n'étaient plus courbés devant l'attaque, ils relevaient la tête, ils ripostaient.

Des grèves se déroulèrent dans le Borinage, le Centre, Charleroi, Liège contre la répression patronale, contre les diminutions de salaires opérées sous différentes formes (déclassements, diminution du prix des tâches, etc.

La plus récente, celle du puits Ste Marguerite à Liège (fin octobre), partie contre une amende de 5 % frappant un ouvrier " pour insuffisance de production ", dirigée par nos camarades, se termina par une victoire.

Enfin, le Congrès d'unité des mineurs tenu le 3o octobre à Charleroi, groupant 110 délégués dont 14 socialistes, 6 autonomes, 6 inorganisés, adopta des résolutions claires en vue de la réalisation du front unique de lutte sur la base des revendications dans chaque puits et pour conquérir les ouvriers encore trompés par les dirigeants socialistes et chrétiens.

Les élections communales[modifier le wikicode]

Quelques semaines après la fin de la grande grève les élections communales se déroulaient en Belgique. L'examen des résultats montre une importante avance communiste dans les régions où se déroula la grande grève de juin septembre.

Dans l'ensemble du pays, notre Parti frère passe de 66.000 voix en 1926 à 109.000 en 1932.

Dans le Hainaut (englobant les bassins de Charleroi, Borinage, Centre) nous passons de 10.954 voix et 5 élus, à 33.136 avec 27 élus. Dans la province de Liège, de 21.970 et 12 élus à 33.803 et 20 élus.

Dans le fief socialiste du Borinage, nous passons de 976 voix en 1926 à 6.271 et obtenons 8' élus. Et notre avance s'opère dans bon nombre de communes des bassins miniers au détriment des socialistes.

Les élections communales marquent, bien que nous ne présentions de candidats que dans 135 communes sur plus de 3.000, une incontestable avance communiste. Les élections générales qui se dérouleront à la fin du mois, certainement, l'accentueront encore.

Aux militants et organisations révolutionnaires de Belgique d'accentuer leur travail pour élargir la brèche faite au cours de la grève de juin-septembre dans l'influence de la social-démocratie chez les ouvriers de l'industrie lourde.

La préparation et l'organisation des luttes prochaines des métallurgistes et des mineurs, des textiles et des cheminots, des chômeurs, etc., doit permettre de consolider le travail de front unique commencé et aussi de gagner des milliers de nouveaux combattants à la lutte révolutionnaire.