Catégorie | Modèle | Formulaire |
---|---|---|
Text | Text | Text |
Author | Author | Author |
Collection | Collection | Collection |
Keywords | Keywords | Keywords |
Subpage | Subpage | Subpage |
Modèle | Formulaire |
---|---|
BrowseTexts | BrowseTexts |
BrowseAuthors | BrowseAuthors |
BrowseLetters | BrowseLetters |
Template:GalleryAuthorsPreviewSmall
Special pages :
Que se passe-t-il en Chine ?
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
---|---|
Écriture | 9 novembre 1929 |
Parmi les télégrammes de la Pravda, il a été communiqué plusieurs fois au cours du mois d'octobre, mais toujours dans les plus petits caractères, qu'un détachement communiste armé, sous le commandement du camarade Tchou-Dé, avance avec succès vers Tchao-Tchau (Kouang-toung), que ce détachement est passé de 5.000 à 20.000 hommes, etc. Ainsi nous apprenons a en passant ", par les télégrammes laconiques de la Pravda que des communistes chinois mènent une lutte armée contre Tchang-Kaï-Chek. Quel est le sens de cette lutte ? Son origine ? Ses perspectives ? On ne nous en souffle mot. Si en Chine la nouvelle révolution est mûre au point que les communistes prennent les armes, alors on pourrait penser qu'il faut mobiliser l'Internationale en face d'événements d'une importance historique décisive. Pourquoi en ce cas n'entend-on rien de pareil ? Et si la situation en Chine n'est pas telle que soit mise à l'ordre du jour la lutte armée des communistes pour le pouvoir, alors comment et pourquoi un détachement communiste a-t-il engagé la lutte armée contre Tchang-Kaï-Chek, c'est-à-dire contre la dictature militaire bourgeoise ?
Oui, pourquoi les communistes chinois se sont-ils mis en rébellion ? Peut-être parce que le prolétariat chinois a déjà trouvé le temps de cicatriser ses blessures ? Parce que le Parti communiste démoralisé et exsangue a trouvé le temps de se redresser grâce à la nouvelle vague révolutionnaire ? Est-ce que les ouvriers des villes ont assuré leur liaison avec les masses révolutionnaires de la campagne ? Est-ce que Ies grèves se sont étendues à tout le pays ? Est-ce que la grève générale a poussé le prolétariat à l'insurrection ? S'il en est ainsi, alors tout est clair et tout est à sa place. Mais pourquoi la Pravda communique-t-elle ce fait en caractères de petites annonces ?
Ou peut-être les communistes chinois se sont-ils mis en rébellion parce qu'ils ont reçu les derniers commentaires de Molotov à la résolution sur la troisième période ? Ce n'est pas par hasard que Zinoviev qui, à l'encontre des autres capitulards, feint d'être encore vivant, a fait une sortie dans la Pravda avec un article qui démontre que la domination de Tchang-Kaï-Chek ressemble tout à fait à la domination temporaire de Koltchak, c'est-à-dire n'est qu'un simple épisode dans le processus de la poussée révolutionnaire. Cette analogie est naturellement tout à fait apte à réchauffer un peu l'âme. Par malheur elle est non seulement fausse, mais encore stupide. Koltchak avait organisé une insurrection dans une province contre la dictature du prolétariat déjà établie dans la majeure partie du pays. En Chine, c'est la contre-révolution bourgeoise qui domine dans le pays et ce sont les communistes qui ont soulevé une insurrection de quelques milliers d'hommes dans une de ses provinces. Nous croyons donc avoir le droit de poser cette question : cette insurrection découle-t-elle de la situation en Chine ou bien des directives concernant la troisième période ? Nous demandons quel est dans tout cela le rôle politique du Parti communiste chinois ? Quels sont les mots d'ordre avec lesquels il mobilise les masses ? Quel est le degré de son influence sur les ouvriers ? Nous n'entendons rien de tout cela. La rébellion de Tchou-Dé apparaît comme une reproduction des campagnes aventureuses des Ho-Lung et Lé-Tin en 1927 et de l'insurrection de Canton déclenchée au moment de l'exclusion de l'Opposition du Parti communiste russe.
Ou peut-être la rébellion s'est-elle déclenchée spontanément ? Soit. Mais que signifie alors le drapeau communiste qui se déploie au-dessus d'elle ? Quelle est l'attitude du Parti communiste chinois officiel envers l'insurrection ? Quelle est dans cette question la position du Comintern ? Et pourquoi, enfin, en nous communiquant ce fait, la Pravda de Moscou s'abstient-elle de tout commentaire ?
Mais il y a encore une explication possible, qui peut être en même temps la plus inquiétante : les communistes chinois ne se sont-ils pas mis en rébellion à cause de la mainmise de Tchang-Kaï-Chek sur le chemin de fer de l'Est-chinois ? Est-ce que cette insurrection, tout à fait une GUERILLA par son caractère, n'a pas comme seul but de causer à Tchang-Kaï-Chek le plus possible d'inquiétude sur ses arrières ? Si c'est cela, nous demandons qui a donné un conseil pareil aux communistes chinois ? Qui porte la responsabilité politique de leur passage à la lutte de guérillas ?
Il n'y a pas longtemps que nous avons décisivement condamné les divagations sur la nécessité de transmettre des mains de la Révolution russe à celles de la contre-révolution chinoise l'outil si important qu'est l'Est-chinois. Nous avons rappelé le devoir élémentaire du prolétariat international de défendre dans ce conflit la République des Soviets contre la Chine bourgeoise et tous ses instigateurs et alliés possibles. Mais, d'autre part, il est tout à fait clair que le prolétariat de l'U.R.S.S. qui a dans ses mains le pouvoir et l'armée, ne peut pas exiger que l'avant-garde du prolétariat chinois se mette d'un coup en guerre contre Tchang-Kaï-Chek, c'est-à-dire qu'elle emploie le moyen que le gouvernement des Soviets lui-même ne trouve pas possible, et avec raison, d'appliquer.
Si entre l'U.R.S.S. et la Chine, ou pour mieux dire entre l'U.R.S.S. et les protecteurs impérialistes de la Chine, la guerre avait commencé, le devoir des communistes chinois serait de transformer, dans le plus court délai, cette guerre en guerre civile. Mais, même dans ce cas, le déclenchement de la guerre civile devrait être subordonné à la politique révolutionnaire générale, et encore les communistes chinois ne pourraient-ils pas s'engager arbitrairement et à n'importe quel moment sur la voie de l'insurrection ouverte, mais seulement après s'être assurés du soutien nécessaire des masses ouvrières et paysannes.
Mais quelle est la perspective qui s'ouvre devant cette rébellion de communistes chinois isolés, aujourd'hui en l'absence de la guerre et de la révolution ? La perspective d'un écrasement terrible et d'une dégénérescence aventureuse des débris du Parti communiste. Il faut cependant le dire nettement. Les calculs basés sur l'aventure de guérillas correspondent tout à fait à la nature générale de la politique stalinienne. Il y a deux ans, Staline attendait beaucoup, pour la sécurité de l'Etat soviétique, de l'alliance avec les impérialistes du Conseil général des trade-unions britanniques. Aujourd'hui, il est tout à fait capable d'escompter qu'une rébellion des communistes chinois, même sans aucun espoir, pourrait apporter dans une situation précaire quelque " profit ". Dans le premier cas, le calcul était grossièrement opportuniste, dans le second ouvertement aventureux ; mais dans les deux cas, le calcul est fait indépendamment des tâches générales du mouvement ouvrier mondial, contre ces tâches et au détriment des intérêts justement compris de la République soviétique.
Nous n'avons pas à notre disposition toutes les données nécessaires pour une conclusion définitive. C'est pourquoi nous demandons : Que se passe-t-il en Chine ? Qu'on l'explique ! Le communiste qui ne posera pas cette question à lui-même et à la direction de son Parti sera indigne du nom de communiste. La direction qui voudrait rester prudemment à l'écart, pour, dans le cas d'une défaite de la guérilla chinoise, s'en laver les mains et rejeter les responsabilités sur le Comité central du Parti communiste chinois, une direction pareille se déshonorerait – pas pour la première fois, c'est vrai – par le crime le plus abominable envers les intérêts de la révolution internationale.
Nous demandons : Que se passe-t-il en Chine ? Et nous reposerons cette question autant de fois qu'il sera nécessaire pour qu'on soit contraint de nous répondre.