Qu’est-ce que la smytchka

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Ce mot est entré internationalement dans la circulation. Rien n’a été autant discuté, après la mort de Lénine, que la smytchka. Et il n’y a peut-être eu aucun domaine dans lequel autant d’erreurs ont été faites que dans celui-là. En fait, toute la théorie du socialisme dans un seul pays a été tirée de la smytchka. La ligne de la pensée était celle-ci : puisque la smytchka consiste en des relations correctement équilibrées entre l’industrie d’État et l’agriculture paysanne ou en des relations qui deviennent de plus en plus correctement équilibrées n’est-il pas évident qu’un développement graduel, même lent des forces productives, reposant sur la base de la smytchka, mènera automatiquement au socialisme (si l’intervention militaire étrangère ne l’empêche pas) ?

L’ensemble de l’argument repose sur un enchaînement d’erreurs d’écoliers. D’abord, ces prémisses sont que la smytchka a déjà été réalisée. La crise de la collecte du grain est une réfutation empirique catégorique de cette idée, que nous avons soumise à une critique théorique approfondie bien longtemps avant cette crise.

Deuxièmement, même s’il y avait un lien solide entre l’industrie et l’agriculture paysanne en réalité, il ne constituerait pas la base d’une future économie socialiste dans un cadre national, mais seulement une base sur laquelle construire un rapport équilibré et stable entre le prolétariat et la paysannerie à l’intérieur d’un seul pays isolé pour toute la période du « répit », c’est-à-dire jusqu’à, soit une nouvelle guerre, soit de nouvelles révolutions dans d’autres pays. Pour nous, la victoire du prolétariat dans les pays avancés signifierait une restructuration radicale des bases économiques elles-mêmes pour nous conformer à une division du travail international plus productive, l’unique moyen par lequel peuvent être construites les véritables fondations d’un système socialiste.

La troisième et dernière erreur est qu’il n’existe aucune garantie que, même la smytchka réalisée, d’une manière ou d’une autre, aujourd’hui, restera stable à l’avenir à travers la période de transition.

Nous aspirons à faire la transition, de l’économie capitaliste non harmonieuse et secouée par la crise, à une économie socialiste harmonieuse. Mais la période de transition n’implique nullement le dépérissement graduel des contradictions ou l’apaisement des crises économiques. Au contraire, même une analyse théorique nous apprendrait d’avance que la coexistence des deux systèmes, l’économie socialiste et l’économie capitaliste, simultanément en conflit l’une avec l’autre et se nourrissant l’une l’autre, doit de temps en temps produire des crises d’une sévérité sans précédent. Le principe de la planification tend à affaiblir, sinon à paralyser, le mécanisme du marché, qui a sa façon à lui de surmonter les contradictions du capitalisme. Par son essence même, le principe de la planification pendant la période de transition est voué, dans une certaine mesure, à être l’instrument de crises généralisées. Et ce n’est nullement un paradoxe. Le principe de planification, dans les conditions d’une ère de transition — appliqué pour la première fois dans une économie arriérée et dans une situation, par-dessus le marché, de relation économique mondiale instable —, contient en lui un risque énorme d’erreurs de calculs.

Laplace disait que nous pourrions prédire l’avenir dans tous les domaines si nous avions des cerveaux capables de prendre en compte tous les processus à l’intérieur de l’univers, de les comprendre dans leurs interactions, et de projeter leurs lignes futures de développement. Laplace n’avait pas lui-même ce genre de cerveau. Et nous n’irons pas aborder la question de savoir combien il existe de Laplace dans l’actuelle direction. La nécessité d’une solution a priori des problèmes économiques, qui prend la forme d’une équation avec un très grand nombre d’inconnues, a comme résultat inévitable que, dans certains cas, à travers la régulation planifiée, quelques difficultés partielles ou particulières sont écartées du chemin et sont en réalité intégrées, couchées sous le tapis, accumulant ainsi les problèmes et posant la base de crises généralisées, de crises qui font voler en éclats certaines relations économiques qui semblaient solidement établies.

Si nous ajoutons le faible niveau théorique de la direction et le fait qu’en pratique elle a une vue très courte, il est facile de comprendre comment la planification peut devenir un instrument qui menace le système dans son ensemble.

Un exemple classique est la crise de la collecte du grain elle-même car elle se produit sur la ligne des rapports entre l’industrie d’État et l’agriculture paysanne, c’est-à-dire sur la ligne même d’une smytchka supposée solide et sûre.

C’est au même VIIe plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste où l’Opposition de gauche a été condamnée, et le marxisme avec elle, que Boukharine — comme on le sait — a choisi la question de la collecte des grains comme « facteur » assurant le renforcement automatique de la smytchka et, par conséquent, du socialisme.

« Quel est l’argument le plus puissant de notre Opposition à utiliser contre le comité central du parti (je pense ici à l’automne de 1925) ? Elle disait alors : les contradictions sont en train de grossir de façon monstrueuse et le comité central du parti ne le comprend pas. Elle disait : les koulaks, dans les mains de qui est concentrée la presque totalité du surplus de grain, ont organisé « la grève du grain » contre nous. C’est pourquoi le grain arrive dans des quantités si faibles. Nous avons tous entendu cela... L’Opposition estimait que tout le reste n’était que l’expression politique de ce phénomène fondamental. Par conséquent, les mêmes camarades intervenaient pour dire : le koulak s’est encore retranché un peu plus, le danger s’est encore accru. Camarades, si la première et la seconde affirmation avaient été justes, nous aurions même une « grève du koulak » contre le prolétariat cette année... L’Opposition nous calomnie en disant que nous contribuons à la croissance des koulaks, que nous faisons sans arrêt des concessions, que nous aidons les koulaks à organiser la grève du grain ; les résultats réels prouvent précisément le contraire » (9 décembre 1926, VIIe plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste).

Cette attaque contre nous, qui a été si cruellement démentie par le cours ultérieur des événements économiques, découle intégralement d’une conception mécaniste de l’économie de la période de transition en tant qu’économie de contradictions en train de s’évanouir. L’expression la plus abstraite et la plus consommée de cette idée dans toute son inertie scolastique a été l’article de Boukharine motivant la résolution du VIIe plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste sur notre prétendue déviation social-démocrate. Cet article opérait de façon déductive à partir de la conception scolastique abstraite de la smytchka, jusqu’à l’abstraction du socialisme dans un seul pays. Et if exigeait de nous que nous démontrions qu’un point ou une ligne de démarcation ou le processus réel de transformation de la smytchka et sa transformation en une économie planifiée intégrée unique pouvait être interrompue par un quelconque facteur intérieur.

Dans ce schéma d’harmonisation croissante des rapports entre la ville et la campagne et de l’économie dans son ensemble, Boukharine s’employait à inclure sans aucune difficulté toutes les questions pratiques. Les paysans s’enrichissaient. Les koulaks grossissaient et se transformaient en socialisme. Il va sans dire, bien entendu, que d’année en année la collecte de grains allait de mieux en mieux. (Nous parlons de ce schéma de Boukharine, bien sûr, pas de la réalité.) Dans son discours au VIE plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste, Boukharine a précisément choisi cette question pour illustrer le conflit entre la « conception trotskyste » et la « conception de parti » juste des problèmes économiques.

Au plénum de juillet 1928, Rykov a été obligé d’admettre qu’il avait donné un tableau faussement optimiste de l’économie au XVe congrès et qu’il n’avait prévu ni la crise de la collecte des grains ni sa célérité. Pourtant cette crise avait été prédite, avec une précision totale, dans un certain nombre de documents de l’Opposition, et même plus tôt, dans notre rapport sur l’industrie au XIIe congrès (1923 !) dans lequel la question des ciseaux a été formulée pour la première fois.

L’avertissement, malgré son caractère pressant, n’a jamais été assimilé ni même compris. Au contraire, il a été utilisé sur la base de l’accusation de vouloir « super industrialiser » un concept qui, à la lumière de toute notre expérience économique, ne peut être qualifié autrement que de stupide.

Quel pourcentage de la crise de la collecte des grains peut-il être attribué aux difficultés ou aux contradictions incarnées dans le principe de planification au sein d’un pays paysan arriéré et quel pourcentage découle de l’attitude petite-bourgeoise, passive, de « voir et attendre », suiviste, à l’égard du problème de la smytchka? Bien entendu, on ne peut pas donner à cette question une réponse mathématiquement exacte. Mais, il n’y a aucun doute que l’extrême aggravation de la crise a été le résultat du scolasticisme théorique et d’une étroitesse de vue pratique.

La question positive de la smytchka depuis 1923 a revêtu la forme négative des ciseaux. La régulation administrative des prix, dans le contexte de la politique fausse suivie dans la question de la distribution du revenu national et par rapport à la « disproportion », pour un certain laps de temps, a touché les contradictions intérieures, les a dissimulées et a nourri l’illusion boukharinienne que les contradictions étaient en train de disparaître.

Nous avons appris par Mikoyan, responsable du commerce intérieur, que, bien qu’il soit difficile de faire que les trusts gouvernementaux dans l’industrie d’État soient soumis à réglementation, la tâche avait été réalisée à 100 % en ce qui concerne les opérations économiques et rurales.

Ainsi, la scolastique théorique sur la période de transition est doublée par des vœux pieux dans l’administration pratique du commerce intérieur. La crise de la collecte du grain en 1928 a été le prix total payé pour les illusions et les erreurs de la période précédente — ou, plus exactement, le début de ce paiement.

Le problème des ciseaux était une expression du problème de transition de la révolution démocratique à la révolution socialiste de façon précise, numérique, en terme de marché. Le renversement du régime féodal monarchique a valu aux paysans un montant d’environ cinq cent millions de roubles économisées sur la rente foncière et les taxes, par an. Les ciseaux — c’est-à-dire la modification du rapport entre les prix agricoles et les prix industriels — a coûté à la paysannerie environ un milliard et demi par an. Ce sont là les indices de base de la smytchka. Ce que la paysannerie a gagné en termes de rente foncière est, évidemment, un bilan définitif du fait que la révolution démocratique a eu des résultats favorables. Ce que les paysans ont perdu à travers les ciseaux est le bilan non définitif, encore en train de changer, pour eux, des résultats négatifs de la révolution socialiste. L’industrie d’État a échangé ses produits contre les produits du travail paysan avec une perte pour le paysan d’un milliard de roubles par an en comparaison avec la période d’avant-guerre. Quand ces chiffres éclairants ont été pour la première fois cités par nous à un plénum du comité central, il y a bien sûr eu une tentative de les contester. Iakovlev, un homme qui minimise volontiers les statistiques, a essayé de réduire le déficit des prix subi par l’agriculture paysanne d’un milliard à trois ou quatre cents millions de roubles. La grève du grain faite par les couches supérieures de la paysannerie démontre qu’il est plus difficile d’avoir affaire avec la réalité économique objective qu’avec son reflet dans les statistiques. Même Iakovlev, ce dompteur des sauvages chiffres arabes, n’a pas pu se résoudre à nier que, pour la paysannerie, le bilan des deux révolutions, la révolution socialiste et la révolution démocratique, a jusqu’à présent, après les sommes positives et négatives que nous avons citées, abouti à un déficit de plusieurs centaines de millions de roubles.

Bien entendu, quand je parle de révolution démocratique, je ne veux pas dire la révolution de Février, qui n’a rien donné à la paysannerie, mais la révolution d’Octobre, qui a résolu la question agraire de façon radicale. La paysannerie a fait une distinction très claire et très précise entre les deux étapes de la révolution, en expliquant qu’elle était pour les bolcheviks, mais contre les communistes. La retraite de la Nep a été le résultat direct du calcul par les paysans de leurs gains et de leurs pertes à partir des révolutions démocratique et socialiste respectivement.

En terme pratique, les tâches de la smytchka, sur la base de la Nep, étaient formulées comme suit : pour réaliser une situation dans laquelle l’industrie d’État et le commerce pourraient échanger les produits du « travail socialiste » contre ceux de l’économie paysanne fragmentée, au moins à si bon marché que l’avait fait le capitalisme d’avant-guerre, et après ça dans le même rapport au moins que le marché capitaliste mondial. La fermeture à temps des ciseaux à leur niveau d’avant-guerre aurait signifié que le problème de smytchka était résolu non pas pour toujours, mais pour une certaine période. Le même serait vrai du problème de réaliser la parité avec les prix sur le marché capitaliste mondial.

Il n’existe pas de calendrier qui nous donne la date limite à laquelle nous avions à résoudre ces problèmes. Mais nous ne pouvons pas laisser ce processus traîner en longueur indéfiniment. La crise chronique de la collecte des grains est la preuve que les choses n’ont que trop longtemps traîné. Et plus cela dure, plus il faudra faire pour sortir de cette crise.

« En Occident, il y a désintégration et déclin. C’est tout à fait naturel. II n’en est pas ainsi en Russie. Dans notre pays, le développement de l’agriculture ne peut pas se faire ainsi pour la seule raison que nous avons ici le pouvoir soviétique, que les instruments de production sont nationalisés, et que, par conséquent, un pareil développement n’est pas possible ».

Conformément à cette logique, le danger de restauration était plus grand avant le capitalisme.

La révolution démocratique et la révolution socialiste dans les villages n’ont pas encore avancé du même pas. Non pas dans le sens où le village n’a pas encore commencé à s’engager dans la production socialiste (cela signifierait que le village n’est plus le village. Réaliser cette sorte de tâche demeure encore une perspective à long terme pour l’avenir). Pas même dans le sens que l’industrie socialiste a démontré aux paysans en pratique qu’elle est de plus en plus avantageuse pour les paysans en comparaison des capitalismes. Nous avons à l’esprit une étape bien plus modeste du développement. L’industrie socialiste n’a pas encore réussi la parité, et il s’en faut de beaucoup, avec la capacité du capitalisme d’avant-guerre de satisfaire les besoins des villages. Les ciseaux de prix rouvrent constamment le gouffre entre les révolutions démocratique et socialiste, donnant à cette disparité un caractère politique très aigu. Jusqu’à ce que cette blessure se referme et se cicatrise, on ne peut pas dire que les bases ont été posées — pas les bases d’un socialisme indépendant se suffisant à lui-même, mais plus simplement, les bases pour des relations justes entre le prolétariat et la paysannerie pendant la période qui nous sépare de la révolution victorieuse du prolétariat dans les pays capitalistes avancés.

Abordons maintenant ce processus économique contradictoire en utilisant les critères proposés au VIIe plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste. Qu’est notre révolution en elle-même et par elle-même ? A la lumière des processus et réalités économiques fondamentaux, il faut répondre ainsi à cette question : notre révolution a un caractère contradictoire, double. Même si nous laissons de côté, pour le moment, la question de savoir comment la révolution traite en sa douzième année le problème des conditions matérielles des ouvriers d’industrie, le fait incontestable demeure que l’aspect socialiste de la révolution d’Octobre jusqu’à présent constitue un déficit très lourd dans le budget de la paysannerie — c’est-à-dire la masse écrasante de la population. Les seuls qui gloseraient sur ce fait seraient des couards de l’espèce réactionnaire socialiste nationale ou des courtiers des Américains qui, pour la plupart, n’ont appris qu’une seule chose de la technologie américaine, l’art de bander les yeux des gens.

Les paysans ont essayé d’opposer le bolchevik au communiste, c’est-à-dire le démocrate révolutionnaire au réorganisateur socialiste de l’économie. S’il y avait, en réalité, à choisir entre deux espèces politiques différentes, le choix ne représenterait aucune difficulté pour les paysans. Ils soutiendraient le bolchevik, qui leur a donné la terre, contre le communiste, qui achète leur grain à un prix très bas et leur vend des produits manufacturés à des prix très élevés et en quantité insuffisante. Mais le cœur de la question est que le bolchevik et le communiste sont une seule et même personne. C’est le résultat du fait que la révolution démocratique n’était que l’introduction de la révolution socialiste.

Et ici, nous revenons à la formule de Marx de la révolution prolétarienne soutenue par une guerre paysanne. Si les paysans avaient reçu la terre d’une dictature démocratique et non d’une dictature prolétarienne, le régime soviétique, étant donné le rapport actuel des prix, n’aurait probablement pas été capable de durer ne serait-ce qu’une année. Mais le problème est que, dans ce cas, il n’aurait jamais été établi d’abord. (Nous avons discuté cela très largement dans un autre chapitre). Nous constatons ici l’importance du contenu qui se trouve encore dans la question des méthodes politiques par lesquelles la révolution démocratique grandit et se transforme en révolution socialiste. C’est seulement parce que la question agraire, en tant que question révolutionnaire-démocratique a été résolue non par une dictature petite-bourgeoise, c’est-à-dire une dictature démocratique, mais par une dictature prolétarienne, c’est seulement pour cela que les paysans non seulement ont soutenu le pouvoir soviétique pendant une sanglante guerre civile de trois années, mais encore accepté le pouvoir soviétique, en dépit des pertes prolongées que l’industrie d’État a signifié pour eux.

De notre analyse, les apologistes du capitalisme et les réactionnaires petits-bourgeois, avant tout les mencheviks, déduisent la nécessité d’un retour au capitalisme. Les calomniateurs semi-officiels donnent à ces apologistes un soutien hypocrite quand ils disent qu’on ne peut tirer de mon analyse aucune autre conclusion. Mais, puisque mon analyse ne peut être réfutée puisqu’elle repose sur des faits et processus indiscutables qu’elle explique parfaitement, le résultat final de la critique semi-officielle est d’encourager les gens à penser conformément aux lignes mencheviques, bien que l’abordant d’un point de vue opposé. Et pourtant ce qui découle de mon analyse, ce n’est pas l’inévitabilité économique d’un retour au capitalisme mais le danger politique de la restauration capitaliste. Et ce n’est pas du tout la même chose. Dire que l’industrie socialiste aujourd’hui est moins avantageuse pour la paysannerie que le capitalisme ne l’était avant la guerre, ce n’est pas la même chose que de dire qu’un retour au capitalisme, sous les conditions actuelles, serait plus avantageux pour le paysan que l’état de choses actuel. Non, un retour au capitalisme maintenant signifierait d’abord une bataille féroce et très dure à l’intérieur du camp impérialiste mondial pour le droit de contrôler cette deuxième édition de « la vieille Russie ». Il signifierait que la Russie redeviendrait un maillon de la chaîne de l’impérialisme, avec le statut clairement compris d’un maillon subordonné, c’est-à-dire sur une base semi-coloniale. Il signifierait la transformation du paysan en payeur de tribut à l’impérialisme alors que le développement des forces productives dans notre pays serait considérablement retardé. En d’autres termes, la Russie ne prendrait pas sa place avec les États-Unis, la France et l’Italie mais tomberait dans la même catégorie que l’Inde et la Chine.

Ces considérations ne relèvent pas toutes de la sphère de la prédiction historique. Le caractère réactionnaire du menchevisme et de l’école d’Otto Bauer est qu’ils pensent à la Russie en terme de « capitalisme » dans un seul pays plutôt que d’examiner la question du destin d’une Russie capitaliste à la lumière des processus internationaux.

Il est difficile de demander ou de s’attendre à ce que les paysans soient guidés dans leurs attitudes à l’égard du pouvoir soviétique par un pronostic historique complexe, quelle que soit sa clarté et son caractère indiscutable aux yeux de tout marxiste sérieux. Même les prolétaires et a fortiori les paysans, procèdent à partir de leur propre expérience vécue. L’esclavage colonial est une perspective historique et, en même temps, une amère réalité passée. C’est pourquoi la situation actuelle, qui est caractérisée par l’absence de bases fermes pour la smytchka, donne naissance non à la nécessité économique, mais au danger politique d’un retour au capitalisme.