Proposition de déclaration au Reichstag

De Marxists-fr
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Au sujet du projet qui nous est soumis, nous déclarons :

Il s'agit d'une guerre impérialiste, particulièrement du côté allemand, qui a pour but des conquêtes de grand style. il s'agit, du point de vue de la course aux armements, dans le meilleur des cas, d'une guerre préventive provoquée par le parti de la guerre allemand et autrichien dans l'ombre du semi-absolutisme et de la diplomatie secrète, guerre dont l'opportunité est apparue favorable au moment où d'importants crédits militaires allemands ont été obtenus et un progrès technique réalisé. Il s'agit également d'une entreprise bonapartiste en vue de la destruction et de la démoralisation du mouvement ouvrier. L'attentat de Sarajevo a été chois comme prétexte démagogique. l'ultimatum autrichien du 23 juillet à la Serbie était la guerre, la guerre voulue. Tous les efforts de paix ultérieurs n'étaient que simple décor et subterfuges diplomatiques, qu'ils fussent entrepris sérieusement ou non par ceux qui y participèrent. C'est ce que nous ont appris avec une netteté croissante ces quatre derniers mois.

Cette guerre n'a pas été déclenchée pour le bien du peuple  allemand. Ce n'est pas une guerre pour la défense du territoire  et de la liberté. Ce n'est pas une guerre pour une plus haute  "civilisation " - les plus grands pays européens de même « civilisation » se battent entre eux, et cela précisément parce que ce  sont des pays de même « civilisation », c'est-à-dire de  "civilisation"  capitaliste. Sous la bannière trompeuse d'une guerre de nationalités  et de races, on poursuit une guerre où l'on trouve dans chaque  camp le mélange le plus confus de races et de nationalités. Le  mot d'ordre : "contre le tsarisme" n'a eu d”autre but que de  mobiliser les instincts les plus nobles du peuple allemand, ses  traditions révolutionnaires, au service des buts de guerre, de la  haine entre les peuples. L'Allemagne, dont le gouvernement s'est  tenu prêt à apporter au tsar sanglant une aide militaire contre  la grande révolution russe, L'Allemagne, où la masse du peuple  est économiquement exploitée, politiquement opprimée, où les minorités nationales sont étranglées par des lois d'exception, n'a aucune  vocation à jouer au libérateur des peuples. La libération du peuple  russe doit être l'œuvre du peuple russe lui-même, tout comme la  libération du peuple allemand ne peut être le résultat des tentatives  de bienfaisance d`autres Etats, mais l'oeuvre du peuple allemand  lui-même.   

Pour mener à bien les manœuvres scandaleuses grâce auxquelles  la guerre a été déclenchée et en vue d'interdire toute opposition  et de faire croire à l'unanimité chauvine du peuple allemand, l'état  de siège a été proclamé, la liberté de presse et de réunion supprimée,  le prolétariat en lutte désarmé et contraint à une « union sacrée >>  au plus haut point unilatérale, qui - mal dissimulée derrière des  «aveux» accessoires - n'est qu'une forme stylistique de la paix  des cimetières.


Une énergie d'autant moindre a été déployée pour atténuer  l'effroyable disette qui a frappé la majeure partie de la population.  Même en ces temps difficiles, le gouvernement n'a pu se résoudre  à prendre les mesures nécessaires sans tenir compte des objections  de ceux qui mettent leur intérêt personnel, aujourd'hui comme toujours, au-dessus de celui des masses.

Quant à la façon dont la guerre est menée, elle suscite notre  opposition farouche.  

La proclamation du principe : << Nécessité fait loi a est la négation  même de tout droit international.

Nous protestons contre la violation de la neutralité du Luxembourg  et de la Belgique, violation de traités solennels, invasion d'un peuple  pacifique. Toutes les tentatives faites ultérieurement pour l'excuse  ont échoué.       

Nous condamnons le traitement cruel infligé à la population civile  des territoires occupés. La dévastation de localités entières,  l'arrestation et l'exécution d'innocents pris comme otages, le massacre  d'individus désarmés, sans égard à l'âge ni au sexe, qui ont eu lieu en représailles d'actes de désespoir et de légitime défense, justifient  la plus sévère condamnation. La même faute commise par d'autres armées ne peut servir d'excuse.

Nous regrettons les anomalies que manifeste encore le traitement des  prisonniers de guerre dans tous les pays, l'Allemagne y compris.  Nous exigeons dans cette question, comme pour le traitement des ressortissants civils des pays ennemis, une réglementation  immédiate dans un esprit humanitaire et sous le contrôle   des neutres. Nous rejetons le principe des représailles.

Nous nous opposons résolument à toute annexion qui heurte le  droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et ne sert que les intérêts  capitalistes. Loin d'être une assurance de paix, toute paix aboutissant  à des  conquêtes ouvrira une ère de course aux armements aggravée et portera dans son sein une nouvelle guerre.   

Nous sympathisons avec les enfants du peuple qui accomplissent  sur le champ de bataille des exploits surhumains en vaillance, en  privations et en abnégation. Nous sommes avec eux comme avec  notre propre chair et notre propre sang, dont nous demanderons,  le moment venu, un compte impitoyable. Mais nous condamnons  d'autant plus cette guerre ; notre devoir vis-a-vis du peuple allemand  et de l'humanité tout entière, vis-à-vis du prolétariat international  auquel il appartient indissolublement, nous oblige à nous opposer  de toutes nos forces à cet entre-déchirement des peuples.       

Nous exigeons la conclusion d'une paix rapide et honorable. Nous  remercions nos amis des pays neutres de leurs précieuses initiatives  dans ce sens et saluons les efforts de paix des puissances non belligérantes, dont le rejet ne sert que les buts de la politique d'annexions  et des capitalistes de l'industrie des armements intéressés à une longue durée de la guerre.  Nous mettons les gouvernements et les classes dirigeantes de  tous les pays belligérants en garde contre la poursuite de ce carnage  et appelons les masses laborieuses de ces pays à en imposer la  cessation. Seule une paix née sur le terrain de la solidarité inter-  nationale peut être une paix sûre. Prolétaires de tous les pays,  unissez-vous à nouveau malgré tout !

          En élevant une protestation contre la guerre, ses responsables  et ceux qui la mènent, contre la politique générale qui l'a provoquée,  contre les plans d'annexion, contre la violation de la neutralité de  la Belgique, contre la dictature militaire, contre l'oubli des devoirs  politiques et sociaux dont les classes dirigeantes se rendent coupables  mais et surtout maintenant, nous refusons les crédits demandés.