Premier congrès des soviets des députés ouvriers et soldats de Russie

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Le premier Congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie eut lieu à Petrograd du 3 au 24 juin (du 16 juin au 7 juillet) 1917. Plus de mille délégués y assistèrent. Les bolcheviks qui, à cette époque, étaient en minorité dans les Soviets, avaient 105 délégués. La majorité appartenait aux socialistes révolutionnaires et aux mencheviks. A l'ordre de jour figuraient les questions suivantes : l'attitude à l'égard du Gouvernement provisoire, la guerre, la préparation à l'Assemblée constituante, etc. Lénine prononça au Congrès deux discours : sur l'attitude à l'égard du Gouvernement provisoire et sur la guerre. Sur toutes les questions fondamentales, les bolcheviks proposèrent leurs propres résolutions. Ils dénonçaient le caractère impérialiste de la guerre, la funeste politique de conciliation avec la bourgeoisie et exigeaient la remise de tout le pouvoir aux Soviets. Dans ses décisions, le Congrès s'affirma en faveur du soutien du Gouvernement provisoire, approuva la préparation par celui ci d'une offensive des troupes russes sur le front et se prononça contre le passage du pouvoir aux Soviets. [N.E.]

1 - Discours sur l’attitude envers le gouvernement provisoire, 4 (17) juin[modifier le wikicode]

Camarades, dans le court laps de temps qui m'est imparti, je ne pourrai m'arrêter qu'aux questions de principe essentielles soulevées par le rapporteur du Comité exécutif et par les orateurs qui lui ont succédé : je pense que cette façon de faire est la plus rationnelle.

La première et principale question qui se posait à nous était celle ci : Où siégeons nous ? Qu'est ce que les Soviets réunis ici en congrès des Soviets de Russie ? Qu'est-ce que cette démocratie révolutionnaire dont on parle tant ici précisément pour cacher qu'on ne la comprend pas du tout et qu'on la renie totalement ? N'est il pas en effet étrange de parler de démocratie révolutionnaire devant le congrès des Soviets de Russie et d'estomper le caractère de cet organisme, sa composition sociale, son rôle dans la révolution, de ne pas en souffler mot et de prétendre en même temps au titre de démocrate ? On nous expose le programme d'une république parlementaire bourgeoise, tel qu'il en a existé dans toute l'Europe occidentale ; on nous expose un programme de réformes admises aujourd'hui par tous les gouvernements bourgeois, y compris le nôtre, et l'on nous parle en même temps de démocratie révolutionnaire. Devant qui parle t on ? Devant les Soviets. Eh bien, je vous le demande : y a t il en Europe un pays bourgeois, démocratique, républicain, où il existerait quelque chose d'analogue à ces Soviets ? Vous êtes bien obligés de me répondre que non. Pareille institution n'existe nulle part ni ne saurait exister, parce que de deux choses l'une : ou bien un gouvernement bourgeois avec les « plans » de réformes qu'on nous a exposés, qui ont été proposés des dizaines de fois dans tous les pays et sont restés sur le papier ; ou bien l'organisme auquel on en appelle aujourd'hui, ce « gouvernement » de type nouveau créé par la révolution, et dont on ne trouve des exemples que dans l'histoire des plus grands élans révolutionnaires, comme ceux de 1792 et de 1871 en France, et de 1905 en Russie. Les Soviets sont une institution qui n'existe dans aucun Etat parlementaire bourgeois du type ordinaire, et qui ne peut exister à côté d'un gouvernement bourgeois. C'est cet Etat de type nouveau, plus démocratique, que nous avons appelé dans les résolutions de notre Parti république démocratique du prolétariat et de la paysannerie, et où le pouvoir n'appartient qu'aux Soviets des députés ouvriers et soldats. On a tort de penser que c'est là une question de théorie ; on a tort de vouloir faire croire qu'il est possible de l'éluder; on a tort de se dérober en alléguant que telles ou telles institutions coexistent en ce moment avec les Soviets des députés ouvriers et soldats. Oui, elles coexistent. Mais c'est précisément ce qui entraîne une quantité inouïe de malentendus, de conflits et de frictions. C'est précisément ce qui détermine, après le premier essor, après le premier mouvement en avant de la révolution russe, la stagnation et le recul auxquels nous assistons maintenant dans notre gouvernement de coalition[1] , dans toute la politique intérieure et étrangère, en relation avec l'offensive impérialiste qui se prépare.

De deux choses l'une : ou bien un gouvernement bourgeois ordinaire, et alors les Soviets paysans, ouvriers, soldats et autres sont inutiles ; ils seront dissous par les généraux, les généraux contre révolutionnaires qui ont l'armée en main et ne prêtent aucune attention aux déclamations du ministre Kérenski, ou bien ils périront d'une mort sans gloire. Il n'est pas d'autre voie pour ces institutions qui ne peuvent ni rétrograder ni piétiner sur place, et ne sauraient exister qu'en allant de l'avant. C'est un type d'Etat qui n'a pas été inventé par les Russes, mais engendré par la révolution, car autrement celle ci ne saurait vaincre. Les frictions, la lutte des partis pour le pouvoir sont inévitables au sein du Soviet de Russie. Mais il s'agira là de l'élimination des erreurs possibles et des illusions par l'expérience politique des masses elles mêmes (rumeurs) et non par les rapports de ministres qui invoquent ce qu'ils ont dit hier, écriront demain et promettront après demain. Cela est ridicule, camarades, du point de vue de cette institution créée par la révolution russe et pour laquelle se pose aujourd'hui la question : être ou ne pas être ? Les Soviets ne peuvent continuer d'exister comme ils existent actuellement. Des personnes adultes, ouvriers et paysans, doivent se réunir, adopter des résolutions et entendre des rapports qui ne peuvent faire l'objet d'aucune vérification avec pièces à l'appui ! Des institutions de ce genre marquent la transition vers une république qui créera, non en paroles, mais en fait, un pouvoir ferme, sans police ni armée permanente, un pouvoir qui ne peut encore exister en Europe occidentale, un pouvoir sans lequel la révolution russe ne saurait vaincre, c'est à dire triompher des grands propriétaires fonciers, triompher de l'impérialisme.

Sans ce pouvoir, il ne peut être pour nous question de vaincre ; et plus nous réfléchissons au programme que l'on nous recommande ici et aux faits devant lesquels nous sommes placés, plus apparaît criante la contradiction essentielle. On nous dit, comme l'ont fait le rapporteur et les autres orateurs, que le premier Gouvernement provisoire[2] était mauvais ! Mais quand les bolcheviks, ces malencontreux bolcheviks, ont dit : « Pas de soutien, pas de confiance à ce gouvernement », on ne nous a pas ménagé les accusations d'« anarchisme » ! Maintenant, tout le monde dit que le gouvernement précédent était mauvais. Mais en quoi le gouvernement de coalition, avec ses ministres pseudo socialistes, diffère t il du précédent ? N'est-ce pas assez bavardé à propos de programmes et de projets, oui, n'est ce pas assez, n'est il pas temps de passer à des actes ? Un mois s'est écoulé depuis que, le 6 mai, a été formé le gouvernement de coalition. Voyez ce qui se passe, voyez la débâcle économique que connaissent la Russie et tous les pays entraînés dans la guerre impérialiste. Comment s'explique cette débâcle ? Par la rapacité des capitalistes. La voilà, la véritable anarchie ! Et ceci résulte d'aveux publiés non par notre journal, par un quelconque journal bolchevique Dieu nous en préserve ! mais par la très ministérielle Rabotchaïa Gazéta[3] : les prix industriels des fournitures de charbon ont été re1evés par le gouvernement « révolutionnaire » !! Et le gouvernement de coalition n'a rien changé à cet égard. On nous demande : mais peut on instaurer le socialisme en Russie ; peut on, en thèse générale, procéder d'un coup à des réformes radicales ? Ce ne sont là, camarades, que des échappatoires. Marx et Engels ont toujours dit : « Notre doctrine n'est pas un dogme, mais un guide pour l'action[4]. » Le capitalisme à l'état pur se transformant en socialisme à l'état pur n'existe nulle part ni ne peut exister en temps de guerre ; ce qui existe, c'est quelque chose d'intermédiaire, quelque chose de nouveau, sans précédent, car des centaines de millions d'hommes sont en train de périr dans une guerre criminelle entre capitalistes. Il ne s'agit pas de promettre des réformes, ce sont des paroles creuses ; il s'agit de prendre les initiatives qui s'imposent au moment présent.

Si vous voulez invoquer la démocratie « révolutionnaire », faites une distinction entre cette notion et celle de démocratie réformiste avec ministère capitaliste, car il est temps enfin de laisser là les phrases sur la « démocratie révolutionnaire », et les congratulations réciproques à propos de cette « démocratie révolutionnaire », pour passer à la définition de classe, comme nous l'a enseigné le marxisme et, d'une façon plus générale, le socialisme scientifique. Ce qu'on nous propose, c'est le passage à une démocratie réformiste avec ministère capitaliste. C'est peut être très bien du point de vue des modèles habituels d'Europe occidentale. Mais, en ce moment, toute une série de pays sont près de leur perte, et les mesures pratiques, si compliquées, dit on, qu'elles seraient d'une application malaisée et nécessiteraient une mise au point spéciale, ainsi que le. disait l'orateur précédent, le citoyen ministre des Postes et Télégraphes, ces mesures sont parfaitement claires. Il a dit qu'il n'est point en Russie de parti politique qui se déclare prêt à assumer la plénitude du pouvoir. Je réponds « Si, ce parti existe ! Aucun parti ne peut s'y refuser, et notre Parti ne s'y refuse pas il est prêt, à tout instant, à assumer la plénitude du pouvoir » (applaudissements, rires). Vous pouvez rire autant qu'il vous plaira, mais si le citoyen ministre nous pose cette question en même temps qu'à un parti de droite, il recevra la réponse qui s'impose. Aucun parti ne peut s'y refuser. Tant que la liberté subsiste, tant que les menaces d'arrestation et de déportation en Sibérie menaces proférées par les contre révolutionnaires avec lesquels nos ministres pseudo socialistes font équipe ne sont que des menaces, chaque parti dit : faites-nous confiance et nous vous exposerons notre programme.

Notre conférence du 29 avril a exposé ce programme[5] . Malheureusement, on n'en tient pas compte et on ne s'en inspire point. Il est sans doute nécessaire de l'expliquer d'une façon populaire. Je vais m'efforcer de faire, à l'intention du citoyen ministre des Postes et Télégraphes, un exposé populaire de notre résolution, de notre programme. En ce qui concerne la crise économique, notre programme exige tout de suite il n'est besoin ici d'aucun délai la publication de tous les bénéfices exorbitants, atteignant jusqu'à 500 et 800%, que les capitalistes empochent non pas en tant que capitalistes sur le marché libre, dans un capitalisme « à l'état pur », mais grâce aux fournitures de guerre. Voilà où le contrôle ouvrier est réellement indispensable et possible. Voilà une mesure que vous devez prendre au nom du Soviet, puisque vous vous dites démocratie « révolutionnaire », et qui peut être appliquée du jour au lendemain. Ce n'est pas là du socialisme. C'est ouvrir les yeux du peuple sur cette anarchie véritable et sur ce véritable jeu avec l'impérialisme, jeu où sont engagés le patrimoine du peuple et les centaines de milliers de vies qui périront demain parce que nous continuons à étrangler la Grèce. Rendez publics les profits de messieurs les capitalistes, faites arrêter 50 ou 100 des plus gros millionnaires. Il suffirait de les garder quelques semaines, fût ce dans des conditions aussi privilégiées que celles qui sont faites à Nicolas Romanov, simplement pour les contraindre à révéler le dessous des cartes, les combinaisons frauduleuses, les malpropretés, la course au profit qui, sous le nouveau gouvernement aussi, coûtent tous les jours des milliers et des millions à notre pays. Voilà la principale cause de l'anarchie et de la débâcle économique, voilà pourquoi nous disons : chez nous tout est resté comme devant ; le ministère de coalition n'a rien changé, il n'a fait qu'ajouter un peu de déclamations et de pompeuses déclarations. Aussi sincères que soient les hommes, quelle que soit la sincérité avec laquelle ils désirent le bien des travailleurs, la situation n'a pas changé ; 1a même c1asse est restée au pouvoir. La politique qui se fait actuellement n'est pas une politique démocratique.

On nous parle de la « démocratisation du pouvoir central et du pouvoir local ». Mais ne savez vous pas que ces mots ne sont neufs que pour la Russie ? Que, dans d'autres Etats, des dizaines de ministres pseudo socialistes ont fait au pays des promesses de ce genre ? Quelle importance ont elles quand nous sommes en présence de ce fait patent, concret : la population locale élit les autorités, mais l'a b c de la démocratie est violé par la prétention du pouvoir central à nommer ou à confirmer les autorités locales. La dilapidation du patrimoine national par les capitalistes continue. La guerre impérialiste se poursuit. Et l'on nous promet des réformes, encore des réformes, toujours des réformes qui ne peuvent d'aucune façon être réalisées dans ces conditions, car la guerre étouffe tout et prime tout. Pourquoi n'êtes vous pas d'accord avec ceux qui disent que la guerre ne se fait pas pour les profits des capitalistes ? Où est le critère ? C'est, d'abord et surtout, de savoir quelle classe est au pouvoir, quelle classe reste maîtresse de la situation, quelle classe continue à gagner des centaines de milliards par des opérations bancaires et financières ? C'est toujours cette même classe capitaliste ; la guerre qui se poursuit reste donc impérialiste. Le premier Gouvernement provisoire, de même que le gouvernement auquel participent des ministres pseudo socialistes, n'y ont rien changé : les traités secrets restent secrets, et la Russie fait la guerre pour les Détroits, pour continuer la politique de Liakhov[6] en Perse, etc.

Je sais que vous ne voulez pas cela, que la majorité d'entre vous ne le veut pas, non plus que les ministres : on ne saurait vouloir cela, car cela signifie le massacre de centaines de millions d'hommes. Mais prenez l'offensive dont parlent tant aujourd'hui les Milioukov et les Maklakov. Ils comprennent parfaitement de quoi il retourne ; ils savent que ce problème est lié à celui du pouvoir, de la révolution. On nous dit qu'il faut distinguer entre les problèmes politiques et les problèmes stratégiques. Il est même ridicule de poser une question de ce genre. Les cadets[7] comprennent fort bien qu'il s'agit d'un problème politique.

Que la lutte révolutionnaire pour la paix, commencée par en bas, puisse mener à une paix séparée, c'est une calomnie. La première mesure que nous prendrions, si nous étions au pouvoir, serait de faire arrêter les plus gros capitalistes, de rompre toute la trame de leurs intrigues. Faute de quoi toutes les phrases sur la paix sans annexions ni contributions ne sont que paroles en l'air. Notre deuxième mesure serait de déclarer aux peuples, par dessus la tête de leurs gouvernements, que nous tenons tous les capitalistes pour des brigands, aussi bien Térechtchenko qui ne vaut pas mieux que Milioukov, lequel est tout simplement un peu plus bête que les capitalistes français, anglais et tous les autres.

Vos Izvestia[8] eux mêmes se sont empêtrés ; au lieu d'une paix sans annexions ni contributions, ils proposent le maintien du statu quo. Non, ce n'est pas ainsi que nous comprenons la paix « sans annexions ». Et, en l'occurrence, le congrès paysan[9] lui même est plus près de la vérité quand il parle d'une république « fédérative » ; il exprime ainsi l'idée que la république russe ne veut opprimer aucun peuple, ni d'une manière nouvelle ni à l'ancienne manière, qu'elle ne veut fonder ses rapports sur la violence avec aucun peuple, ni avec la Finlande ni avec l'Ukraine auxquelles le ministre de la Guerre cherche si souvent chicane et contre lesquelles on suscite des conflits inadmissibles et intolérables. Nous voulons une république de Russie une et indivisible, et un pouvoir ferme ; mais un pouvoir ferme ne s'obtient que par l'accord volontaire des peuples. « Démocratie révolutionnaire » : de grands mots, mais on les applique à un gouvernement qui envenime par de mesquines chicanes la question de l'Ukraine et de la Finlande, alors que ces pays ne prétendent même pas se séparer de la Russie et disent simplement : n'attendez pas l'Assemblée constituante pour appliquer l'a b c de la démocratie !

Il vous sera impossible de conclure une paix sans annexions ni contributions tant que vous n'aurez pas renoncé à vos propres annexions. Car enfin, c'est ridicule, c'est une comédie, cela fait rire chaque ouvrier d'Europe : en paroles, dit il, ils sont bien éloquents, ils invitent les peuples à renverser les banquiers ; mais ils envoient leurs propres banquiers siéger au ministère. Arrêtez les, faites toute la lumière sur leurs machinations, débrouillez les fils de leurs intrigues, mais vous ne le faites pas, bien que vous disposiez d'organisations puissantes auxquelles il est impossible de s'opposer. Vous avez connu 1905 et 1917, vous savez que la révolution ne se fait pas sur commande, que dans les autres pays les révolutions se sont faites au prix de dures et sanglantes insurrections, alors qu'il n'existe pas en. Russie de groupe ni de classe capable de s'opposer au pouvoir des Soviets. En Russie, cette révolution est possible, à titre d'exception, sous une forme pacifique. Que cette révolution propose, aujourd'hui ou demain, la paix à tous les peuples en rompant avec toutes les classes capitalistes, et nous aurons dans le plus bref délai l'assentiment de la France et de l'Allemagne en la personne de leurs peuples, parce que ces pays n'en peuvent plus, parce que la situation de l'Allemagne est désespérée, qu'il n'est plus de salut pour elle, et parce que la France...

(le président : « Votre temps de parole est écoulé. »)

J'en ai encore pour une demi minute...

(Rumeur. Cris : « Continuez ! » Protestations. Applaudissements.)

(le président : « Le bureau propose au congrès de prolonger le temps de parole de l'orateur. Qui est contre ? La majorité est pour. »)

Je disais que si, en Russie, la démocratie révolutionnaire était une démocratie non en paroles, mais en fait, elle s'attacherait à faire avancer la révolution et non à s'entendre avec les capitalistes ; non à discourir sur la paix sans annexions ni contributions , mais à liquider les annexions en Russie et déclarerait ouvertement qu'elle considère toute annexion comme un crime et un brigandage. Il serait alors possible d'éviter l'offensive impérialiste qui menace d'entraîner la perte de milliers et de millions d'hommes pour le partage de la Perse et des Balkans. Alors s'ouvrirait le chemin de la paix, chemin qui n'est pas facile nous ne le prétendons pas et qui n'exclut pas une guerre vraiment révolutionnaire.

Nous ne posons pas cette question comme la pose aujourd'hui Bazarov dans Novaïa Jizn[10] ; nous disons seulement que la Russie est placée dans des conditions telles que sa tâche, à la fin de la guerre impérialiste, est moins difficile qu'il ne semble. Et elle est placée dans des conditions géographiques telles que les puissances qui, s'appuyant sur le capital et sur ses intérêts rapaces, se hasarderaient à partir en guerre contre la classe ouvrière russe et le semi prolétariat, c'est à dire la paysannerie pauvre, qui se range à ses côtés, assumeraient, si elles s'y décidaient, une tâche ardue. L'Allemagne est au bord de l'abîme et, depuis l'entrée en guerre de l'Amérique qui veut dévorer le Mexique et qui, demain, sans doute, engagera la lutte contre le Japon, la situation de l'Allemagne est désespérée : elle sera anéantie. La France, qui par sa situation géographique a le plus à souffrir et dont l'épuisement est a son comble, est moins affamée que l'Allemagne mais a perdu infiniment plus de matériel humain que cette dernière. Si donc 1'on avait commencé par mettre un frein aux profits des capitalistes russes en leur ôtant toute possibilité de s'approprier des centaines de millions de bénéfices ; si vous aviez proposé à tous les peuples la paix contre les capitalistes de tous les pays en déclarant expressément que vous n'aurez ni conversation ni relation avec les capitalistes allemands et avec ceux qui, directement ou non, ont pour eux des complaisances ou se commettent avec eux, et que vous refusez toute discussion avec les capitalistes français et anglais vous auriez mis les capitalistes en accusation devant les ouvriers. Vous ne considéreriez pas comme une victoire la délivrance d'un passeport à MacDonald[11], lequel n'a jamais soutenu aucune lutte révolutionnaire contre le capital et qu'on laisse venir parce qu'il n'exprime ni les idées, ni les principes, ni la pratique, ni l'expérience de la lutte révolutionnaire contre les capitalistes anglais qui a valu à notre camarade MacLean et à des centaines d'autres socialistes anglais d'être emprisonnés, tout comme notre camarade Liebknecht, condamné au bagne pour a voir dit : « Soldats allemands, tirez sur votre kaiser. »

Ne serait il pas plus juste d'envoyer les capitalistes impérialistes au bagne qu'à la troisième Douma spécialement ressuscitée à cet effet je ne sais plus très bien du reste s'il s'agit de la troisième ou de la quatrième que la majorité des membres du Gouvernement provisoire nous préparent et nous promettent chaque jour, et au sujet duquel on rédige déjà de nouveaux projets de loi au ministère de la Justice ? MacLean et Liebknecht sont les noms de socialistes qui appliquent l'idée de la lutte révolutionnaire contre l'impérialisme. Voilà ce qu'on doit dire à tous les gouvernements si l'on veut se battre pour la paix ; il faut les mettre en accusation devant les peuples. Vous placerez ainsi dans une situation embarrassante tous les gouvernements impérialistes. Mais, pour le moment, c'est vous qui vous êtes placés dans une situation embarrassante parce que, dans votre appel pour la paix du 14 mars[12], vous dites aux peuples : « Renversez vos tsars, vos rois et vos banquiers », alors que nous, qui disposons d'une organisation sans précédent, forte par le nombre, par I'expérience et par ses possibilités matérielles : le Soviet des députés ouvriers et soldats, nous faisons bloc avec nos banquiers, nous constituons un gouvernement de coalition pseudo socialiste, et nous rédigeons des projets de réforme comme on en a rédigé en Europe pendant des dizaines et des dizaines d'années. Là bas, en Europe, on se moque de cette façon de lutter pour la paix. Là bas, on ne nous comprendra que le jour où les Soviets prendront le pouvoir et agiront en révolutionnaires.

Un seul pays au monde peut tout de suite prendre des mesures sur le terrain de la lutte des classes pour faire cesser la guerre impérialiste, contre les capitalistes, sans révolution sanglante. Un seul pays, et ce pays est la Russie. Il en sera ainsi tant qu'existera le Soviet des députés ouvriers et soldats. Il ne pourra subsister longtemps à côté d'un Gouvernement provisoire du type ordinaire. Et il ne restera ce qu il était que jusqu'au moment où l'on sera passé à l'offensive. Le passage à l'offensive marque un tournant dans toute la politique de la révolution russe, c'est-à-dire le passage de l'attente, de la préparation de la paix par une insurrection révolutionnaire venant d’en bas, à la reprise de la guerre. La voie qui s'offrait était le passage de la fraternisation sur un front à la fraternisation sur tous les fronts ; de la fraternisation spontanée se traduisant par l'échange avec un prolétaire allemand affamé d'une croûte de pain contre un canif ce qui rend passible du bagne, à la fraternisation consciente.

Quand nous aurons pris le pouvoir, nous materons les capitalistes, et alors la guerre ne sera plus celle qui se fait aujourd'hui, car le caractère d'une guerre est déterminé par la classe qui la mène et non par ce qui est écrit sur le papier. On peut écrire sur le papier tout ce que l'on voudra. Mais aussi longtemps que la classe des capitalistes est représentée au gouvernement par la majorité, la guerre reste impérialiste, quoi que vous écriviez, en dépit de votre éloquente et de la présence de ministres pseudo socialistes. Tout le monde le sait, tout le monde le voit. L'exemple de l'Albanie, l'exemple de la Grèce, de la Perse[13] l'ont montré avec tant de clarté et d'évidence que je m'étonne de voir tout le monde attaquer notre déclaration écrite sur l'offensive[14] , alors que personne ne dit mot des exemples concrets ! Il est facile de promettre des projets ; mais on ajourne sans cesse les mesures concrètes. Il est facile de rédiger une déclaration sur la paix sans annexions ; mais l'exemple de l'Albanie, de la Grèce et de la Perse est survenu après la formation du cabinet de coalition. N'est ce pas à ce propos que le Diélo Naroda[15], qui n'est pas l'organe de notre parti, mais celui du gouvernement, celui des ministres, a écrit que c'est une avanie que l'on fait subir à la démocratie russe, que l'on étrangle la Grèce ? Et ce même Milioukov, dont vous faites Dieu sait qui alors qu'il n'est dans son parti qu'un membre comme un autre, aucune différence entre lui et Térechtchenko , a écrit que la diplomatie alliée a fait pression sur la Grèce. La guerre demeure impérialiste et, quelle que soit votre volonté de paix, si sincère que soit votre sympathie pour les travailleurs, si sincère que soit votre désir de paix je suis entièrement convaincu qu'il ne peut pas ne pas être sincère dans la masse , vous êtes impuissants parce qu'on ne peut mettre fin à la guerre qu'en continuant à développer la révolution. Avec la révolution en Russie a commencé par en bas la lutte révolutionnaire pour la paix. Si vous aviez pris le pouvoir en main, si le pouvoir était passé aux organisations révolutionnaires pour lutter contre les capitalistes russes, les travailleurs des autres pays auraient eu confiance en vous, vous auriez pu proposer la paix. Dès lors notre paix eût été assurée, du moins de deux côtés, du côté de deux peuples dont le sang coule à flots et dont la cause est désespérée : du côté de l'Allemagne et de la France. Et si les circonstances nous avaient alors placés en face d'une guerre révolutionnaire cela, personne n'en sait rien, et nous n'excluons pas cette éventualité , nous aurions dit : « Nous ne sommes pas des pacifistes, nous ne renonçons pas à la guerre, si la classe révolutionnaire est au pouvoir, si elle a réellement enlevé aux capitalistes toute possibilité d'influer sur la direction des affaires, d'aggraver la débâcle économique qui leur permet de gagner des centaines de millions. » Le pouvoir révolutionnaire aurait expliqué et déclaré à tous les peuples sans exception, qu'ils doivent être libres ; que le peuple allemand n'a pas à faire la guerre pour garder l'Alsace et la Lorraine, ni le peuple français pour conserver ses colonies. Car, si la France se bat pour ses colonies, la Russie, elle, possède Khiva et Boukhara, qui sont aussi des sortes de colonies. Ce sera alors le partage des colonies. Mais comment les partager, suivant quelle norme ? Suivant la force. Or, le rapport des forces s'est modifié, la situation des capitalistes est telle qu'il n'est d'autre issue que la guerre. Quand vous aurez pris le pouvoir révolutionnaire, un chemin révolutionnaire vers la paix s'ouvrira devant vous : vous lancerez aux peuples un appel révolutionnaire ; vous leur fournirez l'exemple de la tactique à suivre. Dès lors, le chemin conduisant à la conquête révolutionnaire de la paix s'offrira à vous et vous permettra très probablement de sauver de la mort des centaines de milliers d'hommes. Vous pouvez être certains que les peuples allemand et français se prononceront alors en votre faveur. Quant aux capitalistes anglais, américains et japonais, si même ils voulaient faire la guerre à la classe ouvrière révolutionnaire – dont les forces décupleront quand les capitalistes auront été matés et écartés, et que le contrôle sera passé à la classe ouvrière , si même les capitalistes américains, anglais et japonais voulaient la guerre, il y a 99 chances sur 100 qu'ils ne pourraient la faire. Il vous suffira de déclarer que vous n'êtes pas des pacifistes, que vous défendrez votre république ouvrière, prolétarienne, votre démocratie contre les capitalistes allemands, français et autres, pour que la paix soit assurée.

C'est pourquoi nous avons attaché une telle importance à notre déclaration sur l'offensive. Nous sommes à un tournant de la révolution russe. Celle ci a commencé par recevoir l'aide de la bourgeoisie impérialiste anglaise, qui considérait la Russie un peu comme la Chine ou l'Inde. Au lieu de cela, à côté du gouvernement où les grands prolétaires fonciers et les capitalistes sont aujourd'hui la majorité, ont surgi les Soviets, organismes représentatifs, comme le monde n'en avait encore jamais connu et d'une force sans précédent, que vous tuez par votre participation au ministère de coalition de la bourgeoisie. Au lieu de cela, la révolution russe a fait que la lutte révolutionnaire soutenue d'en bas contre le gouvernement capitaliste est accueillie partout, dans tous les pays, avec trois fois plus de sympathie. La question se pose ainsi : avancer ou reculer ? On ne peut pas piétiner sur place en période de révolution. Aussi l'offensive marque t elle un tournant de la révolution russe, sous le rapport non pas stratégique, mais politique et économique. Aujourd'hui, l'offensive signifie objectivement, indépendamment de la volonté ou de la conscience de tel ou tel ministre la continuation de la boucherie impérialiste et du massacre de centaines de milliers, de millions d'hommes, pour étrangler la Perse et d 'autres peuples faibles. Le passage du pouvoir au prolétariat révolutionnaire bénéficiant de l'appui de la paysannerie pauvre, c'est le passage à la lutte révolutionnaire pour la paix sous les formes les plus sûres, les plus indolores que connaisse l'humanité ; le passage à un état de choses où le pouvoir et la victoire seront assurés aux ouvriers révolutionnaires de Russie et du monde entier.

(Applaudissements d'une partie de l'assemblée.)

2 - Discours sur la guerre, 9 (22) juin[modifier le wikicode]

Permettez moi, camarades, d'aborder l'examen du problème de la guerre, en vous rappelant deux passages de l'appel à tous les pays publié le 14 mars par le Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd. « Le moment est venu », y était il dit, « d'entreprendre une action décisive contre les visées de conquête des gouvernements de tous les pays ; le moment est venu pour les peuples de régler eux mêmes la question de la guerre et de la paix ». L'autre passage de cet appel s'adresse aux prolétaires de la coalition austro allemande : « Refusez de servir d'instruments de conquête et de violence aux rois, aux grands propriétaires fonciers et aux banquiers ». Ces deux passages sont répétés sous des formes variées dans des dizaines, des centaines, et je crois même des milliers de résolutions d'ouvriers et de paysans russes.

Ma conviction est qu'ils montrent le mieux tout ce qu'a de contradictoire et d'on ne peut plus confus la situation dans laquelle la politique actuelle des mencheviks et des populistes[16] a plongé les ouvriers et les paysans révolutionnaires. D'une part, ils sont pour la guerre ; de l'autre, ils figurent parmi les représentants de classes qui ne sont point intéressées aux visées de conquête des gouvernements de tous les pays, et ils ne peuvent pas ne pas le dire. Cette psychologie et cette idéologie, si confuses qu'elles soient, sont très profondément ancrées dans l'esprit de la quasi totalité des ouvriers et des paysans, elles traduisent la conscience du fait que la guerre est due aux visées de conquête des gouvernements de tous les pays. Mais, par ailleurs, on comprend fort mal, ou pas du tout, que le gouvernement, quelle qu'en soit la forme, représente les intérêts de classes déterminées et que, par suite, l'opposer au peuple, comme dans le premier extrait cité par moi, c'est faire preuve d'une confusion théorique et d'une impuissance politique extrêmes, se vouer soi même et vouer toute sa politique à des situations et à des attitudes des plus instables, des plus précaires. Il en est de même pour la dernière partie du deuxième texte cité ; on y trouve cette belle exhortation : « Refusez de servir d'instruments de conquête et de violence aux rois, aux grands propriétaires fonciers et aux banquiers. » Fort bien. Mais refusez aussi de servir d'instruments aux vôtres. Car si vous, ouvriers et paysans russes, vous vous adressez aux ouvriers et aux paysans d'Autriche et d'Allemagne, dont les gouvernements et les classes dirigeantes poursuivent la même guerre de brigandage et de spoliation que les capitalistes et les banquiers russes, anglais et français ; si vous leur dites : « Refusez de servir d'instruments à vos banquiers », sans interdire l'entrée du ministère à vos propres banquiers que vous placez à côté de ministres socialistes, vous invalidez tous vos appels, vous démentez par vos actes toute votre politique. Tout se passe comme si vos excellentes intentions, vos excellentes aspirations n'existaient pas, car vous aidez à poursuivre, du côté russe, cette même guerre impérialiste, cette même guerre de conquête. Vous allez à l'encontre des masses que vous représentez, car elles ne se placeront jamais du point de vue des capitalistes, ouvertement exprimé par Milioukov, Maklakov et autres qui vont disant : « Il n'est pas d'idée plus criminelle que de penser que l'on fait la guerre dans l'intérêt du capital. »

J'ignore si cette idée est criminelle ; je ne doute pas qu'elle le soit du point de vue de ceux qui aujourd'hui n'existent qu'à moitié et qui n'existeront peut être plus demain ; mais elle est la seule juste, elle seule traduit l'idée que nous nous faisons de cette guerre, elle seule traduit les intérêts des classes opprimées, ceux de la lutte contre les oppresseurs. Et que l'on ne se fasse pas d'illusions quand nous disons que la guerre est capitaliste, que c'est une guerre de conquête. Cela n'implique pas le moins du monde que les crimes de telle ou telle personnalité, de tel ou tel monarque, ont pu provoquer ce conflit.

L'impérialisme marque un certain degré de l'évolution du capital mondial ; après des dizaines d'années de préparation, le capitalisme a abouti à ceci qu'un petit groupe de pays immensément riches ils ne sont pas plus de quatre : Angleterre, France, Allemagne et Amérique ont accumulé tant de richesses, se chiffrant par centaines de milliards, ont accumulé tant de force dans les grandes banques et chez les grands capitalistes ils ne sont pas plus de deux ou trois, une demi douzaine au maximum, dans chacun de ces pays , une force si colossale qu'elle a envahi tout l'univers et a littéralement partagé la planète au point de vue territorial, au point de vue colonial. Les colonies de ces puissances se côtoient dans tous les pays du globe. Ces Etats se sont partagé la planète également au point de vue économique, car il n'est pas un coin de terre où n'aient pénétré les concessions, où n'aient pénétré les tentacules du capital financier. Telle est la base des annexions. Les annexions ne sont pas une invention, elles ne résultent pas de la brusque transformation d'hommes épris de liberté en réactionnaires. Elles ne sont que l'expression politique et la forme politique du règne des banques géantes, qui découle inévitablement du capitalisme sans que ce soit la faute de personne, les banques reposant sur les actions et l'impérialisme sur l'accumulation des actions. Les grandes banques, elles, qui dominent l'univers grâce à leurs capitaux se chiffrant par centaines de milliards et qui rattachent des branches entières de la production aux associations de capitalistes et de monopolistes : tel est l'impérialisme qui a divisé l'univers en trois groupes de rapaces immensément riches.

L'Angleterre est à la tête de l'un de ces groupes, le premier, le plus proche de nous en Europe, tandis que l'Allemagne et l'Amérique sont à la tête des deux autres, leurs auxiliaires étant contraints de les aider aussi longtemps que durent les relations capitalistes. Aussi vous suffit il de bien vous représenter le fond du problème, que sentent d'instinct tout opprimé, l'immense majorité des ouvriers et des paysans russes, pour comprendre tout ce qu'a de ridicule l'idée de combattre la guerre avec des mots, des manifestes, des proclamations, des congrès socialistes. Idée ridicule, car vous aurez beau publier des déclarations, vous aurez beau faire des révolutions politiques vous avez renversé Nicolas Romanov en Russie, vous êtes jusqu'à un certain point en république ; la Russie a fait un pas immense en avant, rattrapant peut être d'un seul coup, ou presque, la France qui, dans d'autres conditions, a mis un siècle à en faire autant, et demeure un pays capitaliste , les banques restent toutes puissantes. Les capitalistes sont toujours là. Ils ont dû jeter du lest, mais n'en a t il pas de même en 1905, et s'en sont ils trouvés plus mal ? La chose est nouvelle pour les Russes, mais toutes les révolutions d'Europe l'ont bien montré : chaque fois que la vague révolutionnaire monte, les ouvriers obtiennent davantage, mais les capitalistes gardent le pouvoir. La lutte contre la guerre impérialiste n'est possible que si elle est une lutte des classes révolutionnaires contre les classes dominantes à l'échelle du monde entier. Il ne s'agit pas des grands propriétaires fonciers en général, bien qu'il y en ait en Russie et qu'ils y jouent un rôle plus grand que nulle part ailleurs ; ce n'est pas cette classe qui a créé l'impérialisme. Il s'agit de la classe des capitalistes, à la tête de laquelle se trouvent les principaux magnats de la finance et les grandes banques. Et tant que cette classe, qui exerce sa domination sur les prolétaires opprimés unis aux paysans pauvres, leurs alliés les semi prolétaires, comme il est dit dans notre programme n'aura pas été renversée, cette guerre sera sans issue. Pour nourrir l'illusion que l'on peut, à l'aide de proclamations, d'appels aux autres peuples, unir les travailleurs de tous les pays, il faut vraiment se placer à un point de vue borné, exclusivement russe, ignorer qu'en Europe occidentale, où les ouvriers et les paysans sont accoutumés aux révolutions politiques pour en avoir vu des dizaines, la presse se moque de ces phrases et de ces appels. On ignore là bas qu'en Russie la masse ouvrière s'est réellement levée, qui dans son immense majorité croit sincèrement et condamne les visées de conquête des capitalistes de tous les pays ; elle souhaite que les peuples s'arrachent au joug des banquiers. Mais on ne comprend pas, en Europe, qu'ayant des organisations telles que n'en possède aucun autre peuple : les Soviets des députés ouvriers, paysans et soldats, qui sont armés, vous envoyiez vos socialistes siéger au ministère et donniez tout de même le pouvoir à ces banquiers. A l'étranger, on ne vous accuse pas seulement de naïveté : cela ne serait rien encore. Les Européens ont cessé de comprendre la naïveté en politique, cessé de comprendre qu'il y a en Russie des dizaines de millions d'hommes qui pour la première fois s'éveillent à la vie, qu'on ignore en Russie le lien qui existe entre les classes et le gouvernement, entre le gouvernement et la guerre. La guerre est la continuation de la politique bourgeoise, et rien de plus. La classe dominante détermine aussi la politique en temps de guerre. La guerre n'est que politique d'un bout à l'autre, la poursuite des mêmes fins par les mêmes classes à l'aide d'autres moyens. C'est pourquoi, lorsque vous écrivez dans vos appels aux ouvriers et aux paysans des autres pays : « Renversez vos banquiers », tout ouvrier conscient d'Europe se met à rire, à moins qu'il ne pleure et ne se dise avec amertume: « Qu'y pouvons nous, s'ils ont renversé là bas un idiot à demi sauvage, un monstre de monarque comme ceux dont nous nous sommes débarrassés depuis longtemps c'est tout notre crime - et soutiennent maintenant avec leurs ministres « pseudo-socialistes » les banquiers russes ? »

Les banquiers restent au pouvoir, dirigent la politique étrangère par le moyen de la guerre impérialiste et maintiennent dans leur intégrité les traités conclus en Russie par Nicolas II. Cela est particulièrement frappant chez nous : toutes les grandes lignes de la politique extérieure de l'impérialisme russe ont été déterminées non par les capitalistes actuels, mais par le gouvernement antérieur et Nicolas Romanov que nous avons renversé. Il a conclu ces traités, ces traités restent secrets, les capitalistes ne peuvent les publier puisqu'ils sont des capitalistes. Mais aucun ouvrier, aucun paysan ne peut comprendre ce brouillamini, car il se dit : puisque nous invitons à renverser les capitalistes dans les autres pays, à bas nos propres banquiers pour commencer ! Faute de quoi, personne ne nous croira, personne ne nous prendra au sérieux et l'on dira de nous : Vous êtes des barbares russes bien naïfs, vous écrivez des choses excellentes en elles mêmes, mais sans contenu politique ; ou, ce qui est pis, on nous prendra pour des hypocrites. Voilà ce que vous trouveriez dans la presse étrangère, si la presse de toutes nuances pénétrait librement en Russie au lieu d'être retenue à Tornéo par les autorités anglaises et françaises. Un aperçu des journaux étrangers suffirait à vous montrer dans quelle contradiction flagrante vous tombez ; il vous convaincrait que l'idée de combattre cette guerre par des conférences socialistes, par des accords passés avec des socialistes dans des congrès, est on ne peut plus ridicule et erronée. Si l'impérialisme était la faute ou le crime de certaines personnes, le socialisme pourrait rester le socialisme. Mais l'impérialisme est le dernier degré de développement du capitalisme, lorsque celui ci a abouti au partage du monde et au conflit à mort de deux gigantesques groupements. Il faut servir l'un ou l'autre, on bien les renverser tous les deux ; pas d'autre solution. Quand vous repoussez une paix séparée en disant : « Nous ne voulons pas servir l'impérialisme allemand », vous avez parfaitement raison, et c'est pourquoi nous sommes aussi les adversaires de la paix séparée. Mais vous continuez en fait, contre votre gré, à servir l'impérialisme anglo-français et ses visées de conquête et de brigandage identiques à celles qui sont inscrites dans les traités conclus par les capitalistes russes avec l'aide de Nicolas Romanov. Nous ne connaissons pas le texte de ces traités, mais quiconque a suivi la littérature politique, quiconque a parcouru ne serait ce qu'un ouvrage traitant de la vie économique et de la diplomatie, en connaît le contenu. D'ailleurs, si j'ai bonne mémoire, Milioukov a lui même parlé dans ses livres de ces traités et de ces promesses : il y est question de piller la Galicie, les Détroits, l'Arménie, de garder les anciennes annexions et d'y ajouter quantité d'autres. Nul ne l'ignore et l'on continue pourtant à tenir les traités secrets en nous disant : si vous les annulez, ce sera la rupture avec les Alliés.

J'ai déjà dit qu'il ne pouvait être question pour nous de paix séparée. La résolution de notre parti fait ressortir, sans que le moindre doute soit possible, que nous condamnons la paix séparée comme toute autre entente avec les capitalistes. La paix séparée, c'est pour nous l'entente avec les forbans allemands non moins pillards que les autres. Mais l'entente avec le capital russe au sein du Gouvernement provisoire de Russie, c'est aussi une paix séparée. Les traités tsaristes sont encore en vigueur, eux aussi ils pillent et étranglent d'autres peuples. Quand on dit : « Paix sans annexions ni contributions », ce que doivent dire tout ouvrier et tout paysan russe, parce que la vie le leur apprend, parce qu'ils ne sont pas intéressés aux bénéfices des banques, parce qu'ils veulent vivre, je leur réponds : « Vos chefs du Soviet actuel des députés ouvriers et soldats, qui appartiennent aux partis populiste et menchevique, se sont empêtrés dans ce mot d'ordre. Ils lui ont donné, dans leurs Izvestia, la signification d'un retour au statu quo, c'est-à-dire à la situation d'avant la guerre. N'est-ce pas là une paix capitaliste ? Et quelle paix capitaliste ! Sachez, quand vous formulez ce mot d'ordre, que le cours des événements peut porter vos partis au pouvoir. Cela est possible en période de révolution. Vous devrez faire ce que vous dites. Or, si vous proposez tout de suite la paix sans annexions, elle sera acceptée par les Allemands et repoussée par les Anglais, car les capitalistes anglais n'ont pas perdu un pouce de territoire et ont exercé leurs rapines sur tous les points du monde. Les Allemands ont beaucoup pillé, mais aussi beaucoup perdu et, de plus, ils se sont trouvés face à face avec l'ennemi le plus formidable : l'Amérique. Si, proposant une paix sans annexions, vous entendez par là le retour au statu quo, vous aboutissez fatalement à une paix séparée avec des capitalistes. Les capitalistes allemands, voyant devant eux l'Amérique et l'Italie avec lesquelles ils avaient naguère des traités, diront alors : « Oui, nous acceptons cette paix sans annexions ; loin d'être une défaite, elle est pour nous une victoire sur l'Amérique, et l'Italie. » Vous aboutissez objectivement à la paix séparée avec des capitalistes, dont vous nous accusez, parce que dans votre politique vous ne rompez pas en principe, dans vos actes, dans vos démarches pratiques, avec les banquiers qui représentent la domination impérialiste dans le monde entier, et que vos ministres « socialistes » et vous-mêmes soutenez au Gouvernement provisoire.

Vous vous placez ainsi dans une situation précaire, contradictoire, et les masses ne vous comprennent pas. Les masses, qui n'ont pas intérêt aux annexions, disent : nous ne voulons pas nous battre pour les capitalistes, quels qu'ils soient. Quand on vient nous dire que des congrès et des ententes entre socialistes de tous les pays peuvent mettre un terme à une politique de ce genre, nous répondons : si l'impérialisme était le fait de quelques criminels, peut-être. Mais l'impérialisme, c'est le développement du capitalisme mondial, auquel est lié le mouvement ouvrier.

La victoire de l'impérialisme est le début de la scission des socialistes en deux camps, scission inévitable, inéluctable dans tous les pays. Quiconque continue à parler aujourd'hui des socialistes comme d'un tout, comme de quelque chose qui peut être un tout, se trompe et trompe les autres. C'est tout le cours de la guerre, ce sont les deux années et demie de guerre, qui ont provoqué cette scission, depuis que le manifeste de Bâle, adopté à l'unanimité, a dit que cette guerre a pour cause le capitalisme impérialiste. Le manifeste de Bâle[17] ne souffle mot de la « défense de la patrie ». On ne pouvait rédiger un autre manifeste avant la guerre, de même que pas un socialiste ne proposera aujourd'hui de rédiger un manifeste sur la « défense de la patrie » dans une guerre entre l'Amérique et le Japon, où sa peau, ses capitalistes et ses ministres seront hors de cause. Rédigez une résolution pour des congrès internationaux ! Vous savez que la guerre entre le Japon et l'Amérique est mûre, qu'elle s'est préparée des dizaines d'années durant, qu'elle ne sera pas l'effet du hasard ; il importe peu, pour la tactique à suivre, de savoir qui a tiré le premier. Il serait ridicule de le croire. Vous savez fort bien que les capitalismes japonais et américain sont des forbans au même titre. On invoquera de part et d'autre la « défense de la patrie » ; ce sera ou bien un crime ou bien une terrible défaillance au nom de la « défense » des intérêts de nos ennemis les capitalistes. Voilà pourquoi nous disons que le socialisme s'est scindé sans retour. Des socialistes ont renié totalement le Socialisme ; ceux qui sont passés du côté de leur gouvernement, de leurs banquiers, de leurs capitalistes, quelques réserves qu'ils fassent à leur égard, quelques blâmes qu'ils leur adressent. Il s'agit bien de blâmes ! Ceux que l'on adresse aux socialistes allemands, coupables de soutenir leurs capitalistes, dissimulent trop souvent la justification du même « péché » chez les Russes !

Si vous accusez les social chauvins allemands, c'est à dire des hommes qui sont socialistes en paroles peut être nombre d'entre eux sont ils des socialistes au fond d'eux mêmes , et chauvins en fait car ils défendent en fait non le peuple allemand, mais les capitalistes allemands sordides, après au gain et pillards, ne défendez pas les capitalistes anglais, français et russes. Les social chauvins allemands ne sont pas pires que ceux qui, dans notre ministère, continuent la même politique des traités secrets et de brigandage en la dissimulant sous des vœux innocents, remplis de bonnes intentions, dont je reconnais du point de vue des masses la sincérité absolue, mais dans lesquels je ne reconnais pourtant, ni ne puis reconnaître, un seul mot de vérité politique. Ce ne sont là que vos désirs; mais la guerre, elle, demeure impérialiste et se poursuit en vertu des mêmes traités secrets ! Vous invitez les autres peuples à renverser leurs banquiers, mais vous soutenez les vôtres ! Quand vous parlez de paix, vous ne précisez pas quelle paix vous avez en vue. Quand nous avons signalé cette contradiction flagrante d'une paix sur la base du statu quo, nul ne nous a répondu. Vous ne pourrez pas dire dans votre résolution sur la paix sans annexions qu'il ne s'agit pas d'un statu quo. Vous ne pouvez pas dire qu'il s'agit d'un statu quo, c'est à dire d'un retour à la situation d'avant guerre. Que faire alors ? Enlever à l'Angleterre les colonies allemandes ? Essayez donc au moyen d'accords pacifiques ! Vous serez la risée de tout le monde. Essayez, sans révolution, d'enlever au Japon Kiao Tchéou et les îles du Pacifique sur lesquels il a fait main basse !

Vous voilà empêtrés. Quand nous disons, nous, « sans annexions », ce mot d’ordre n'est pour nous qu’un élément subalterne dans la lutte contre l’impérialisme mondial. Nous voulons, disons-nous, affranchir tous les peuples, en commençant par les nôtres. Vous parlez d’une guerre contre les annexions et d’une paix sans annexions, et vous poursuivez chez vous, en Russie une politique annexionniste. C’est là une chose inouïe. Vous, votre gouvernement, vos nouveaux ministres, continuez en fait à l’égard de la Finlande et de l’Ukraine une politique d’annexions. Vous cherchez noise à un congrès d’Ukraine auquel vos ministres[18] interdisent de se réunir. Et ce ne serait pas là une annexion ? Cette politique insulte aux droits d’un peuple que les tsars ont martyrisé parce que ses fils voulaient parler leur langue maternelle. C'est craindre la naissance de républiques séparées. Cela n'a rien d'effrayant aux yeux des ouvriers et des paysans. Que la Russie soit une fédération de libres républiques ! Les masses, ouvrières et paysannes ne feront pas la guerre pour s'y opposer. Que chaque peuple s'émancipe, et en premier lieu toutes les nations avec lesquelles vous faites la révolution en Russie. Sans quoi, vous vous condamnerez à être en paroles une « démocratie révolutionnaire », alors qu'en réalité toute votre politique est contre révolutionnaire.

Votre politique étrangère est antidémocratique et contre révolutionnaire, tandis qu'une politique révolutionnaire pourrait vous mettre dans l'obligation de soutenir une guerre révolutionnaire. Mais pas nécessairement. Et le rapporteur et la presse, depuis quelques temps, se sont longuement étendus sur ce point. Je tiens à m'y arrêter, à mon tour.

Comment pensons nous, pratiquement, sortir de cette guerre ? On ne pourra sortir de cette guerre, disons nous, que par la révolution. Soutenez la révolution des classes opprimées par les capitalistes, renversez la classe des capitalistes, dans votre pays, et donnez ainsi l'exemple aux autres pays. C'est là, et là seulement, qu'est le socialisme. C'est là, et là seulement, qu'est la lutte contre la guerre. Le reste n'est que promesses, phrases, vœux anodins. Le socialisme s'est scindé dans tous les pays du monde. Vous continuez à vous fourvoyer en nouant contact avec les socialistes qui soutiennent leurs gouvernements, et vous oubliez qu'en Angleterre et en Allemagne les vrais socialistes, qui expriment le socialisme des masses, ne sont qu'une poignée et se trouvent en prison. Mais eux seuls expriment les intérêts du mouvement prolétarien. Et si la classe opprimée arrivait au pouvoir en Russie ? Quand on nous dit : comment ferez vous pour sortir seuls de la guerre ? nous répondons : on ne peut en sortir seul. Toutes les résolutions de notre parti, tous les discours de nos orateurs dans les meetings disent qu'il serait insensé de croire que l'on puisse sortir seul de cette guerre. Cette guerre brasse des centaines de millions d'hommes, des capitaux par centaines de milliards. Elle ne comporte d'autre issue que le passage du pouvoir à la classe révolutionnaire, obligée en fait de briser l'impérialisme, c'est à dire de rompre les liens de la finance, de la banque et des annexions. Tant que cela n'est pas fait, il n'y a rien de fait ! La révolution s'est bornée à substituer au tsarisme et à l'impérialisme une pseudo-république profondément impérialiste qui, même en la personne des représentants des ouvriers et des paysans révolutionnaires, ne sait pas se comporter démocratiquement, c'est-à-dire sans craindre la séparation, à l'égard de la Finlande et de l'Ukraine.

Nous aspirons, dit on, à une paix séparée. C'est faux. Pas de paix séparée, disons nous, avec aucun capitaliste, et avant tout les capitalistes russes ! Or, le Gouvernement provisoire a conclu une paix séparée avec les capitalistes russes. A bas cette paix séparée ! (Applaudissements) Nous n'acceptons aucune paix séparée avec les capitalistes allemands et nous n'engagerons avec eux des pourparlers d'aucune sorte ; mais nous ne voulons pas non plus de paix séparée avec les impérialistes anglais et français. Rompre avec ces derniers, nous dit on, c'est s'entendre avec les impérialistes allemands. C'est faux. Il faut rompre tout de suite avec eux, car c'est une alliance de brigandage. On dit que la publication des traités est impossible, car elle déshonorerait tout notre gouvernement, toute notre politique aux yeux de chaque ouvrier et de chaque paysan. Si l'on publiait ces traités et si l'on disait nettement aux ouvriers et aux paysans russes, au cours de réunions publiques, notamment dans tous les villages reculés : « Voilà pour quoi tu te bats maintenant pour les Détroits, pour garder l'Arménie », chacun dirait « Nous ne voulons pas de cette guerre ! » (le président : « Votre temps de parole est écoulé. » Des voix : « Continuez. ») Encore dix minutes. (Des voix : « Continuez. »)

Je dis que l'alternative : « Avec les impérialistes anglais ou avec les impérialistes allemands ! » ou bien : « La paix avec les impérialistes allemands, c'est la guerre avec les impérialistes anglais, et vice versa», est fausse. Cette alternative est du goût de ceux qui ne veulent pas rompre avec leurs capitalistes et leurs banquiers, admettent avec eux toute alliance quelle qu'elle soit. Elle n'est pas du nôtre. Nous parlons de défendre l'alliance avec la classe opprimée, avec les peuples opprimés. Demeurez fidèles à cette alliance, et vous serez une démocratie révolutionnaire. Ce n'est pas une tâche facile. Elle ne nous permet pas d'oublier que dans certaines conditions, nous n'éviterons pas une guerre révolutionnaire. Aucune classe révolutionnaire ne peut renoncer d'avance à la guerre révolutionnaire sans se condamner à un pacifisme ridicule. Nous ne sommes pas des tolstoïens. Si la classe révolutionnaire prend le pouvoir, s'il ne subsiste dans son Etat aucune annexion, si les banques et le grand Capital n'ont plus aucun pouvoir, ce qui n'est pas chose facile en Russie, cette classe fera une guerre révolutionnaire non pas en paroles, mais en fait. On ne saurait renoncer d'avance à la guerre révolutionnaire. Ce serait verser dans le tolstoïsme, dans le philistinisme ; ce serait oublier toute la science marxiste, l'expérience de toutes les révolutions européennes.

On ne saurait soustraire la Russie seule à la guerre. Mais elle a en puissance des alliés formidables, qui à l'heure actuelle ne vous croient pas justement parce que votre attitude est contradictoire ou naïve, parce que vous conseillez aux autres peuples de renoncer aux annexions alors que vous mêmes vous en faites. Vous dites aux autres peuples : renversez les banquiers. Mais vous ne renversez pas les vôtres. Essayez d'une autre politique. Publiez les traités et flétrissez les devant chaque ouvrier, devant chaque paysan, au cours de réunions publiques. Dites : aucune paix avec les capitalistes allemands et rupture complète avec les capitalistes anglo-français. Que les Anglais évacuent la Turquie et cessent de se battre pour Bagdad. Qu'ils évacuent l'Inde et l'Egypte. Nous ne voulons pas nous battre pour qu'ils conservent les fruits de leurs rapines. Pas plus que nous ne voulons dépenser la moindre parcelle de notre énergie pour que les forbans allemands gardent les leurs. Si vous agissez de la sorte jusqu'ici vous n'avez fait qu'en parler ; or, en politique, on ne croit pas aux paroles, et l'on a bien raison , si non seulement vous le dites, mais si encore vous agissez, vos alliés actuellement en puissance ne manqueront pas de se manifester. Voyez l'état d'esprit de tout ouvrier et de tout paysan opprimés. Ils sympathisent avec vous, déplorant que vous soyez si faibles que, ayant des armes, vous laissiez les banquiers en place. Les ouvriers opprimés de tous les pays sont vos alliés. Ce que la révolution de 1905 a montré en fait se reproduira. Elle était terriblement faible à ses débuts. Mais quel a été son résultat international ? Comment cette politique, comment l'histoire de 1905 ont elles orienté la politique extérieure de la révolution russe ? Vous faites maintenant la politique extérieure de la révolution russe en plein accord avec les capitalistes. Or, 1905 a montré quelle doit être la politique extérieure de la révolution russe. C'est un fait qu'après le 17 octobre 1905[19] des manifestations monstres ont commencé dans les rues et des barricades ont été dressées à Vienne et à Prague. Après 1905 il y a eu 1908 en Turquie, 1909 en Perse, 1910 en Chine[20].Si vous en appelez à une démocratie vraiment révolutionnaire, à la classe ouvrière, aux opprimés, au lieu de vous entendre avec les capitalistes, vous aurez pour alliés non les classes d'oppresseurs, mais les classes opprimées, non les nations où les classes d'oppresseurs l'emportent temporairement aujourd'hui, mais celles que l'on est en train de démembrer.

On nous a rappelé ici le front allemand. Nul d'entre nous n'y a proposé le moindre changement, à part la libre diffusion de nos appels rédigés d'un côté en russe et dé l'autre en allemand. Les capitalistes des deux pays sont des forbans, y est il dit ; les éliminer, c'est faire un pas vers la paix. Mais il y a aussi d'autres fronts. Nous avons sur le front turc une armée dont j'ignore l'effectif. Admettons qu'il y ait là bas trois millions d'hommes. Si cette armée, qui occupe actuellement l'Arménie et y procède à une annexion que vous tolérez, tout en prêchant aux autres peuples la paix sans annexions, bien que vous ayez la force et le pouvoir ; si cette armée adoptait ce programme, si elle faisait de l'Arménie une république indépendante et lui donnait l'argent que nous prennent les banquiers anglais et français, cela n'en vaudrait que mieux.

On dit que nous ne pouvons nous passer du soutien financier de l'Angleterre et de la France. Mais il nous « soutient » comme la corde soutient le pendu. Que la classe révolutionnaire russe dise : « A bas ce soutien, je ne reconnais pas les dettes contractées envers les capitalistes français et anglais, j'appelle à l'insurrection générale contre les capitalistes. Pas de paix avec les capitalistes allemands, pas d’alliance avec les capitalistes anglais et français ! »

Si cette politique était appliquée, notre armée de Turquie serait rendue libre et pourrait se porter sur d'autres fronts, car tous les peuples de l'Asie verraient que le peuple russe ne se borne pas à proclamer la paix sans annexions sur la base du droit des peuples à disposer d'eux mêmes, mais que l'ouvrier et le paysan russes se mettent effectivement à la tête de toutes les nations opprimées ; que pour eux la lutte contre l'impérialisme ne se réduit pas à un simple vœu et à une pompeuse phraséologie ministérielle, mais répond aux intérêts vitaux de la révolution.

Notre situation est telle que nous pouvons être menacés d'une guerre révolutionnaire, mais celle ci n'est pas fatale. Il est douteux, en effet, que les impérialistes anglais puissent nous faire la guerre si vous donnez l'exemple concret à tous les peuples voisins de la Russie. Prouvez que vous libérez la république arménienne, que vous passez un accord avec les Soviets des députés ouvriers et paysans de chaque pays, que vous êtes partisans d'une libre république, alors la politique de la révolution russe sera réellement révolutionnaire, réellement démocratique. Elle ne l'est encore qu'en paroles, elle est en fait contre-révolutionnaire, car vous êtes liés par l'impérialisme anglo-français sans vouloir le dire tout haut, sans oser en convenir. Il eût mieux valu, au lieu de lancer cet appel à « renverser les banquiers étrangers », dire tout net au peuple russe, aux ouvriers et aux paysans : « Nous sommes trop faibles pour secouer le joug des impérialistes anglo-français, nous sommes leurs esclaves, et c'est pourquoi nous faisons la guerre. » Cette triste vérité aurait eu une portée révolutionnaire, elle aurait réellement rapproché la fin de cette guerre de rapine. Voilà qui est mille fois plus important qu'un accord avec les social chauvins français et anglais, la réunion des congrès où ils se rendront, que la continuation d'une politique qui fait que pratiquement vous craignez de rompre avec les impérialistes d'un pays en restant les alliés d'un autre. Vous pouvez vous appuyer sur les classes opprimées des pays d'Europe, sur les peuples opprimés des pays plus faibles que la Russie étouffait sous les tsars, qu'elle étouffe comme aujourd'hui l'Arménie, vous pouvez, en vous appuyant sur eux, donner la liberté, en aidant leurs comités ouvriers et paysans, vous prendrez la tête de toutes lès classes opprimées, de tous les peuples opprimés, dans la guerre contre l'impérialisme allemand et l'impérialisme anglais, incapables de s'unir contre vous parce qu'ils sont engagés dans une lutte à mort, empêtrés dans d'inextricables difficultés, alors que la politique étrangère de la révolution russe, l'alliance sincère, réelle, avec les classes opprimées, avec les peuples opprimés, peuvent être couronnées de succès, ont quatre vingt dix neuf chances de succès sur cent.

Nous avons lu récemment dans un journal de notre parti paraissant à Moscou la lettre d'un paysan commentant notre programme. Je me permettrai d'en citer, pour terminer, quelques lignes qui montrent comment un paysan a compris notre programme. Cette lettre a paru dans le n° 59 du Social Démocrate[21], organe de notre parti à Moscou, et a été reproduite dans le n° 68 de la Pravda: « Il faut un. peu plus serrer la vis à la bourgeoisie pour qu'elle craque sur toutes les coutures ! Alors la guerre finira. Mais si nous ne la serrons pas assez, ça ira mal.»

(Applaudissements.)

  1. Le premier gouvernement de coalition fut formé le 5 (18) mai 1917, sa composition rendue publique le 6 (19) mai. En firent partie, à côté des représentants de la bourgeoisie, les socialistes-révolutionnaires Kérenski et Tchernov, un apparenté Péréverzev, les mencheviks Skobélév et Tsérétéli, et le « socialiste populiste » Péchékhonov. [N.E.]
  2. Le gouvernement provisoire fut constitué le 2 (15) mars 1917 suivant l'accord conclu entre le Comité provisoire de la Douma d'Etat et les leaders s. r., mencheviques du Conseil exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd. La composition du gouvernement fut la suivante : prince G. Lvov (président du Conseil des Ministres et ministre de l'Intérieur), P. Milioukov, leader des cadets (ministre des Affaires étrangères), A. Goutchkov, leader des Octobristes (ministre de la Guerre et provisoirement de la Marine), d'autres représentants de la grosse bourgeoisie et des propriétaires fonciers et le troudovik A. Kérenski (ministre de la Justice). [N.E.]
  3. « Rabotchaïa Gazéta » [le Journal ouvrier], organe central des mencheviks ; parut quotidiennement du 7 (20) mars au 30 novembre (13) décembre 1917. A partir du 30 août (12 septembre) devint l'organe du C.C. menchevique. Le journal soutenait le Gouvernement provisoire et combattait le parti bolchevique dirigé par Lénine. Il accueillit avec hostilité la Révolution socialiste d’Octobre et l'instauration du pouvoir soviétique. [N.E.]
  4. Voir la lettre d'Engels à Sorge datée du 29 novembre 1886. [N.E.]
  5. Lénine fait allusion aux décisions de la Septième Conférence du P.O.S.D.(b) de Russie (conférence d'Avril), qui se tint à Petrograd du 24 au 29 avril (7 12 mai) 1917 (voir Le P.C.U.S. dans les résolutions et les décisions de ses congrès, conférences et des sessions plénières du Comité central, I° partie, 1954, pp. 332 353). [N.E.]
  6. Liakhov, colonel de l'armée tsariste ; il commanda les troupes russes qui, en 1908, écrasèrent la révolution bourgeoise en Perse. Parlant de la politique de Liakhov, Lénine fait allusion à l'écrasement par le gouvernement tsariste du mouvement révolutionnaire et du mouvement de libération nationale. [N.E.]
  7. Cadets, membres du parti constitutionnel démocrate, principal parti de la bourgeoisie monarchiste libérale en Russie. Le parti fut fondé en octobre 1905 ; il comprenait des représentants de la bourgeoisie, des propriétaires fonciers venus des zemstvos et des intellectuels bourgeois. Milloukov, Mouromtsev, Maklakov, Chingarev, Strouvé, Roditchev étaient parmi leurs chefs de file. Par la suite, les cadets devinrent le parti de la bourgeoisie impérialiste. Pendant la première guerre mondiale, ils soutinrent activement la politique extérieure annexionniste du gouvernement du tsar. Au cours de la révolution de février, ils essayèrent de sauver la monarchie.
    Après la victoire de la Révolution d'Octobre, les cadets furent des ennemis irréconciliables du pouvoir soviétique, prenant part à toutes les interventions contre révolutionnaires et campagnes des interventionnistes. Ils ne cessèrent pas leur activité contre révolutionnaire dans l'émigration, après la défaite des interventionnistes et des gardes blancs. [N.E.]
  8. Les Izvestia du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd, quotidien qui parut à partir du 28 février (13 mars) 1917.
    Après la formation, au I° Congrès des Soviets de Russie, du Comité Exécutif Central des Soviets des députés ouvriers et soldats, le journal devint l'organe du Comité à partir du l° (14) août 1917 (n° 132) parut sous le titre d'Izvestia du Comité Exécutif Central et du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd. A partir du 29 septembre (12 octobre) (n° 184) il prend le titre d'Izvestia du Comité Exécutif Central du Soviet des députés ouvriers et soldats. Durant toute cette période le journal se trouva aux mains des mencheviks et des socialistes révolutionnaires et mena une lutte acharnée contre le parti bolchevique.
    Après le II° Congrès des Soviets de Russie la composition du comité de rédaction des Izvestia fut profondément modifiée, le journal devint l'organe officiel du pouvoir soviétique ; il publia les premiers documents importants du gouvernement des articles et des discours de Lénine. En mars 1918, le journal fut transféré à Moscou. En décembre 1922, après la formation de l'U.R.S.S., le journal devint l'organe du Comité Exécutif Central de l'U.R.S.S. et du Comité Exécutif Central de Russie. A la suite d'une décision du Présidium du Soviet suprême de l'U.R.S.S. en date du 24 janvier 1938, le journal fut réorganisé, et du 26 janvier 1938 à 1991 il parût sous le titre d'Izvestia des Soviets des députés des travailleurs. [N.E.]
  9. Le premier Congrès des députés paysans de Russie s'est tenu à Petrograd du 4 au 28 mai (du 17 mai au 10 juin) 1917. 1 115 délégués des provinces et des unités de l'armée y assistèrent. Les bolcheviks prirent une part active aux travaux du congrès, dénonçant la politique impérialiste du Gouvernement provisoire bourgeois et l'esprit de conciliation des mencheviks et des socialistes révolutionnaires. Lénine intervint sur la question agraire. il réclama la confiscation immédiate des terres des grands propriétaires fonciers et leur remise aux comités paysans, ainsi que la nationalisation de toutes les terres du pays. L'emprise des socialistes révolutionnaires détermina le caractère des décisions du congrès. Celui ci approuva la politique du Gouvernement provisoire bourgeois et l'entrée des « socialistes » dans ce gouvernement Il s'affirma aussi partisan de la continuation de la guerre « jusqu'à la victoire finale » et de l'offensive sur le front qui était en cours de préparation. Il se prononça contre la remise immédiate des terres des grands propriétaires fonciers aux paysans et décida de renvoyer le règlement de la question agraire à l'Assemblée constituante. [N.E.]
  10. « Novaïa Jizn » [La Vie nouvelle], quotidien d'orientation menchevique, organe du groupe des social démocrates dits « internationalistes ». Ce groupe rassemblait les mencheviks partisans de Martov et des intellectuels isolés de tendance semi menchevique. Le groupe Novaïa Jizn oscillait constamment entre les conciliateurs et les bolcheviks.
    Le journal parut à Petrograd à partir d'avril 1917 ; après la Révolution d'Octobre, il adopta une attitude hostile au pouvoir soviétique et fut interdit en juillet 1918. [N.E.]
  11. Il s'agit du passeport délivré par le gouvernement anglais au dirigeant du Parti ouvrier indépendant Ramsay MacDonald, qui se rendait en Russie sur l'invitation du Comité Exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd. Son voyage fut empêché par l'Union des marins anglais qui refusèrent de conduire le navire sur lequel embarquait MacDonald. [N.E.]
  12. L'Appel du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd « Aux peuples du monde entier » fut adopté par le Soviet le 14 (27) mars 1917 et publié le lendemain dans les grands journaux.
    Les chefs socialistes révolutionnaires et mencheviques avaient été contraints de l'adopter sous la pression des masses révolutionnaires qui réclamaient la fin de la guerre. Le message appelait les travailleurs des pays belligérants à manifester en faveur de la paix. Toutefois il ne dénonçait pas le caractère annexionniste de la guerre, ne formulait aucune mesure pratique de lutte pour la paix et approuvait, au fond, la continuation de la guerre impérialiste par le Gouvernement provisoire bourgeois. [N.E.]
  13. En juin 1917, l'Italie occupa l'Albanie, promulguant une indépendance nominale qui était en fait un protectorat.
    Sous la pression de l'Angleterre et de la France un coup d'Etat eut lieu en Grèce. Etablissant le blocus économique, qui causa dans ce pays une famine effroyable, occupant un important territoire, les alliés forcèrent le roi Constantin à abdiquer, et appelèrent au pouvoir Vénizolos, personnage dévoué à leur cause. La Grèce fut ainsi amenée à prendre part au conflit aux côtés de l'Entente, contre la volonté de l'immense majorité de la population.
    Pendant les hostilités la Perse (Iran) fut occupée au sud par les Anglais et au nord par les Russes, perdant définitivement toute indépendance (début 1917).
    Toutes ces grossières interventions impérialistes reçurent la caution diplomatique du Gouvernement provisoire. [N.E.]
  14. Il s'agit de la déclaration faite par le bureau de la fraction bolchevique et le bureau des social démocrates internationalistes unifiés au I° Congrès des Soviets de Russie, demandant la discussion en priorité de la question de l'offensive sur le front préparée par le Gouvernement provisoire. La déclaration disait que cette offensive était imposée par les magnats de l'impérialisme allié ; que les milieux contre révolutionnaires de la Russie comptaient ainsi concentrer le pouvoir entre les mains de groupements diplomatico-militaires et capitalistes, et porter un coup vigoureux à la lutte révolutionnaire pour la paix et aux positions conquises par la démocratie russe. La déclaration mettait en garde la classe ouvrière, l'armée et la paysannerie contre la menace qui pesait sur le pays et appelait le congrès à infliger une riposte immédiate à la pression contre révolutionnaire.
    La proposition du bureau de la fraction du P.O.S.D. (b) R. fut rejetée par le congrès. [N.E.]
  15. « Diélo Naroda » [la Cause du peuple], quotidien du parti socialiste révolutionnaire. Parut à Petrograd de mars 1917 à juin1918 en changeant plusieurs fois de nom. Cette feuille préconisait le jusqu'auboutisme et la compromission, apportant son appui au Gouvernement provisoire bourgeois. Elle reparut en octobre 1918 à Samara (trois numéros) et en mars 1919 à Moscou (dix numéros). Il fut alors interdit pour activité contre révolutionnaire. [N.E.]
  16. Par « populistes » Lénine désignait les trois partis petits bourgeois de tendance populiste : troudoviks, socialistes révolutionnaires et « socialistes populistes ». [N.E.]
  17. Le Manifeste de Bâle (1912), manifeste sur la guerre, adopté par le Congrès Socialiste International réuni en session extraordinaire à Bâle les 24 25 novembre 1912. Ce document mettait les peuples en garde contre la menace imminente de la guerre impérialiste, soulignait les buts de brigandage de cette guerre et appelait les socialistes de tous les pays à mener une lutte énergique pour la paix, opposant à l'« impérialisme capitaliste la puissance de la solidarité internationale du prolétariat ». Le manifeste de Bâle reprenait les thèses de la résolution du Congrès de Stuttgart (1907), proposées par Lénine : en cas de déclenchement d'une guerre impérialiste, les socialistes devaient mettre à profit la crise économique et politique créée par la guerre pour accélérer la fin de la domination de la classe capitaliste, pour préparer la révolution socialiste. [N.E.]
  18. Il est question ici de l'interdiction par Kérenski, ministre de la Guerre du Gouvernement provisoire, du congrès des Armées ukrainiennes. Passant outre, le congrès se tint à Kiev du 5 au 12 (18 25) juin 1917. Les 2 000 délégués adoptèrent l'« Acte universel » rendu par la Rada centrale et proclamant l'autonomie de l'Ukraine.
    Dans ses articles « L'Ukraine » et « L'Ukraine et la défaite des partis dirigeants de la Russie », Lénine critiqua violemment la politique ukrainienne contre révolutionnaire du gouvernement provisoire, des mencheviks et des s. r. [N.E.]
  19. Allusion au manifeste impérial du 17 octobre 1905. Le tsar y promettait des « libertés civiques » et une Douma « législative ». Ce manifeste était une concession arrachée au tsarisme, était une concession arrachée au tsarisme qui cherchait à gagner du temps, à diviser les forces révolutionnaires, à briser la grève qui avait déferlé sur le pays et à étouffer la révolution. Les bolcheviks démasquèrent cette manœuvre politique de l'autocratie. Le 18 (31) octobre 1905, le C.C. du P.O.S.D.R. publia un « Appel au peuple russe ! » où il expliquait la duplicité du manifeste impérial et engageait le peuple à pour suivre la lutte révolutionnaire. [N.E.]
  20. La révolution de 1905 1907 en Russie provoqua un mouvement révolutionnaire parmi les peuples d'Orient. En 1908, une révolution bourgeoise eut lieu en Turquie. La révolution bourgeoise qui avait commencé en Perse en 1907 aboutit en 1909 à la déposition du shah. En 1910 se développa en Chine un mouvement révolutionnaire dirigé contre les féodaux chinois et les impérialistes étrangers ; il aboutit à la révolution et à la formation, en décembre 1911, d'une république bourgeoise. [N.E.]
  21. « Le Social Démocrate », quotidien, organe du Bureau régional de Moscou, du Comité de Moscou et, plus tard, du Comité régional de Moscou du Parti bolchevique ; parut de mars 1917 à mars 1918. Après le transfert du Comité central du parti à Moscou, le journal fusionna avec la Pravda. [N.E.]