Pourquoi l’exil de Trotski ?

De Marxists-fr
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La décision du collège spécial du G.P.U. expulsant Trotsky du territoire russe formule contre lui l’accusation d’avoir organisé un « parti contre-révolutionnaire » dont l’activité a été « ces derniers temps » dirigée vers « des préparatifs pour la lutte armée contre le pouvoir des soviets ». Les mots « ces derniers temps » cherchent à indiquer un changement radical dans la politique de l’Opposition et en même temps servir de justification à une répression politique plus sévère contre l’Opposition.

Il y a longtemps que Staline cherche à introduire « l’insurrection armée » dans cette affaire. La position principielle de l’Opposition pour une réforme radicale du parti et la révolution a constitué pour Staline un obstacle considérable. Dans sa lutte contre le régime stalinien, l’Opposition a plus d’une fois prédit que les usurpateurs bureaucratiques seraient de plus en plus obligés, pour se justifier, d’invoquer le danger de soulèvement armé de l’Opposition.

L’affirmation la plus claire et la plus cynique de cette perspective a été faite par Staline lui-même, au plénum d’août du comité central en 1927, quand il lança à l’Opposition : « Ne comprenez-vous vraiment pas que ces cadres ne peuvent être écartés que par une guerre civile ? » Cet appareil même — les « cadres » — se dressait lui-même ouvertement contre le parti et toute lutte pour changer la politique ou la composition de l’appareil était assimilée à une guerre civile. La position politique de Staline se réduit en substance à la même chose ; le G.P.U. la traduit dans le langage de la répression.

L’exil de Trotsky, la possibilité de l’exil des Oppositionnels les plus connus, a comme objectif immédiat non seulement d’isoler politiquement la direction des masses des Oppositionnels ouvriers, mais aussi de préparer les conditions pour une répression nouvelle, accrue, des rangs grossissant des Oppositionnels. Au XVe congrès les staliniens ont clamé que la « liquidation » complète de l’Opposition était un fait accompli et ont promis un « monolithisme » du parti non moins complet. Mais au cours de l’année écoulée, l’Opposition n’a cessé de grandir et est devenue un facteur politique important dans la vie des masses ouvrières.

Inévitablement, au cours de 1928, les staliniens ont dû renforcer les mesures répressives qui révélaient pourtant leur faillite tous les jours dans la lutte pour une ligne politique juste. Il ne suffit pas de proclamer que l’Opposition est « un parti contre- révolutionnaire » ; personne ne le prend au sérieux. Plus ils excluent et exilent d’oppositionnels, plus il en apparaît dans le parti. Au plénum de novembre du C.C. du P.C.U.S., Staline lui- même l’a reconnu. Il ne reste plus à Staline qu’à essayer de tracer une ligne de sang entre le parti officiel et l’Opposition. Il doit absolument lier l’Opposition à des crimes terroristes, la préparation d’une insurrection armée, etc. Mais précisément cette route est bloquée par la direction de l’Opposition. Comme cela a été montré par le honteux incident de l’ « officier de Wrangel » que Staline essaya d’implanter dans l’Opposition à l’automne 1927, il suffisait d’une déclaration d’un membre de l’Opposition pour que le truc de Staline lui retombe dessus.

Mais l’essentiel, la liquidation physique des vieux révolutionnaires connus du monde entier, aurait présenté en soi des difficultés politiques.

D’où le plan de Staline : introduire une accusation de « préparatifs pour une lutte armée » comme prémisse d’une nouvelle vague de répression ; sous ce prétexte, exiler hâtivement les chefs de l’Opposition à l’étranger et se donner ainsi les mains libres pour une entreprise criminelle contre les jeunes Oppositionnels de base dont les noms ne sont pas encore connus des masses, surtout à l’étranger. C’est là le type de question — le seul — que Staline pense jusqu’au bout.

C’est pourquoi on peut certainement s’attendre après l’exil des dirigeants de l’Opposition à une tentative de la clique de Staline pour provoquer d’une façon ou d’une autre un groupe oppositionnel ou un autre dans une aventure, et, en cas d’échec, fabriquer et attribuer à l’Opposition un « acte terroriste » ou un « complot militaire ». Une semblable tentative a été faite dans les dernières semaines, bâtie selon toutes les règles de la provocation bonapartiste. Quand les circonstances le permettront, nous publierons dans tous ses détails le récit de cette tentative de provocation manquée. Pour le moment, il suffit de dire qu’il ne s’agit pas certainement de la dernière. Il y en aura une autre. Dans ce domaine, Staline suivra ses plans jusqu’au bout. Et il n’a rien d’autre à faire.

Telle est la situation à présent. La politique impuissante des tournants et des soubresauts, les difficultés économiques croissantes, la montée de la méfiance dans le parti à l’égard de la direction ont obligé Staline à tenter d’aveugler le parti par une monumentale mise en scène. Il lui faut un coup, une secousse, une catastrophe.

Dire cela tout haut signifie empêcher dans une certaine mesure le plan stalinien. La défense de l’Opposition du parti communiste contre les fraudes et les « amalgames » de Staline est la défense de la révolution d’Octobre et de l'I.C. contre les méthodes destructrices du stalinisme. Elle est maintenant le premier des devoirs de tout communiste et révolutionnaire authentique.

Il faut barrer la route aux usurpateurs bonapartistes. Il faut dévoiler leurs méthodes, empêcher leurs nouvelles initiatives. Il faut lancer devant les masses laborieuses internationales une campagne de révélations. La lutte de l’Opposition coïncide ici avec la lutte pour la révolution d’Octobre.