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Special pages :
Pour l’Ukraine soviétique !
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 11 mai 1920 |
Note de la MIA : Quelques dates pour mieux comprendre
Après avoir signé avec le chef « nationaliste » ukrainien Petlioura un accord dans lequel ce dernier cède d’avance à la Pologne une partie des territoires ukrainiens (voir ci-après), le maréchal Pilsudski lance l’armée polonaise à l’assaut de l’Ukraine le 25 avril. En quelques jours ces dernières prennent Jitomir, Berditchev, Moghilev, puis, le 6 mai, Kiev. La contre-offensive de l’armée rouge commence le 25 mai et le 12 juin l’armée rouge reprend Kiev, puis Minsk le 11 juillet, et Brest-Litovsk le 1er août. Elle pénètre ensuite en Pologne jusqu’au coup d’arrêt qui lui est donné à la mi-août par l’armée polonaise devant Varsovie. C’est pour les dirigeants polonais « le miracle de la Vistule » Dans sa contre-offensive, dès le 21 août l’armée polonaise reprend Brest-Litovsk. Le 21 septembre des pourparlers de paix – interrompus fin avril – entre la Pologne et la Russie soviétique reprennent à Riga et aboutissent à un armistice le 12 octobre.
Un grave danger venu de l’Ouest, de la Pologne, fond sur l’Ukraine soviétique. Les hobereaux se sont déjà emparés d’une partie significative de la terre d’Ukraine. Mais non content de s’emparer, les armes à la main, de provinces purement ukrainiennes, le gouvernement des grands propriétaires polonais présente sa campagne de pillage comme un combat pour « la libération de l’Ukraine ».
Comme aucun nigaud ne croira que Pilsudski, avec ses magnats et ses capitalistes, se prépare à libérer l’Ukraine, ces messieurs propulsent en avant pour la montre, le prétendu « général » Petlioura, en le présentant comme destiné à libérer et à diriger l’Ukraine. Les troupes polonaises, voyez-vous, se contentent d’aider Petlioura, les magnats et les capitalistes polonais, voyez-vous, ne veulent rien pour eux-mêmes ! Ils veulent seulement aider les ouvriers et les paysans opprimés par le pouvoir soviétique, et le garant de cette aide est Petlioura lui-même, qui entre en Ukraine dans les fourgons polonais.
Qui est donc Petlioura ? Nous le connaissons par ses actes. Au début de la révolution il devint membre de la Rada de Kiev ; lorsque les classes travailleuses d’Ukraine se révoltèrent contre la Rada et fondèrent le pouvoir soviétique, Petlioura se tourna vers les kaisers allemand et autrichien et demanda humblement à leurs grandeurs impériales d’envoyer des troupes allemandes en Ukraine pour soutenir le pouvoir de la Rada de Kiev. Les troupes de Guillaume vinrent, s’emparèrent de toute l’Ukraine, clouèrent les travailleurs à la terre, puis les autorités militaires allemandes d’un coup de botte rejetèrent dans un coin le pitoyable traître ukrainien, qui ne leur servait plus à rien. A sa place les Allemands installèrent l’hetman Skoropadski. Tel fut le premier chapitre de l’activité du grand Petlioura.
En novembre 1918 éclata la révolution allemande ; Guillaume Hohenzollern tomba et à sa suite leur commis ukrainien, l’hetman Skoropadski. L’Ukraine fit alors briller les yeux des capitalistes anglo-français. Des troupes françaises débarquèrent à Odessa.
Le général Petlioura sortit alors de l’obscurité, et demanda aux gouvernements capitalistes d’Angleterre et de France le plus grand nombre possible de troupes pour y installer le pouvoir du directoire petliouriste. Pour les en remercier Petlioura promit aux usuriers de Londres et de Paris de les servir fidèlement, c’est-à-dire sur le dos et aux frais du paysan ukrainien. Et Petlioura reçut de l’argent et des armes des impérialistes anglo-français. Il entreprit alors de construire son armée. Mais la seconde révolution soviétique éclata en Ukraine, chassa les troupes françaises de la rive de la Mer noire et, en même temps que les ordures des grands propriétaires et de la bourgeoisie, balaya et le seigneur Petlioura et son directoire. Tel est le second chapitre de l’histoire de Petlioura.
Après avoir servi le kaiser allemand contre l’Ukraine, après avoir tenté de vendre son âme à la bourse anglo-française, mais avoir subi un nouvel échec total, Petlioura grelottait quelque part, ignoré de tous.
Mais alors s’ouvrit le troisième chapitre. Les grands propriétaires polonais décidèrent de reprendre à tout prix leurs terres et leurs usines de sucre en Volhynie, en Podolie et dans la région de Kiev. Leur fidèle créature, le chef de l’Etat polonais et le commandant en chef des armées polonaises, Pilsudski repoussa toutes les propositions de paix du gouvernement soviétique et décida d’attaquer l’Ukraine. Mais pour camoufler au moins partiellement le caractère de rapine de sa campagne et pour tromper les couches les plus ignorantes de la population ukrainienne, monsieur Pilsudski décida d’embarquer avec lui en Ukraine monsieur Petlioura. Inutile de préciser que Petlioura vendit volontiers ses services aux grands propriétaires polonais, comme il les avait vendus auparavant au kaiser allemand et à la bourse anglo-française. Ainsi la noblesse polonaise reçut-elle la possibilité de piller l’Ukraine sous la bannière de Petlioura. Pour remercier les magnats polonais de lui avoir trouvé une fonction, Petlioura transféra en toute propriété à la Pologne toutes les terres situées à l’ouest de la ligne Zbroutch, Styr ou Goryn, c’est-à-dire toute la Galicie orientale, la Volhynie occidentale, les régions de Polésie et de Kholmsk. Dans ces régions vivent sept millions un quart d’habitants, dont cinq millions un quart d’Ukrainiens.
Mais il y a encore dans l’Ukraine de la rive droite et en partie dans l’Ukraine de la rive gauche des benêts – surtout dans le milieu des koulaks ignorants – qui croient que le pouvoir en Ukraine reviendra effectivement à Petlioura et aux koulaks, qui mettront la main sur les terres et sur toutes les richesses du pays. Ils se trompent. Ce n’est pas pour Petlioura et pour les koulaks petliouristes que les hobereaux polonais font la guerre. C’est la noblesse polonaise qui mettra la main sur les terres et les richesses. A moins que Pilsudski ne récompense par de la terre ukrainienne, les paysans polonais qui manquent de terre, pour ne pas offenser les grands propriétaires en Pologne.
Alors, même les koulaks bornés de la rive droite comprendront que Petlioura n’est rien d’autre qu’un traître, qui, comme sur un marché, fait commerce de l’Ukraine, en la proposant à tour de rôle aux Allemands, aux Français et aux Polonais. Alors beaucoup de petits partisans, aujourd’hui déroutés par Petlioura, retourneront leurs armes contre les hobereaux polonais et contre Petlioura. Alors même les gens les plus ignorants et les plus fermés de l’Ukraine occidentale comprendront que l’Ukraine ne peut préserver son indépendance et son autonomie que sous le pouvoir soviétique.
Non, les hobereaux polonais ne s’empareront pas de l’Ukraine même temporairement. Dès que Kiev est tombé entre les mains des grands bandits seigneuriaux un cri d’indignation et un appel ont retenti à travers toute la Russie : Vers le sud, au secours des ouvriers et de la paysannerie laborieuse d’Ukraine !
De tous les fronts où la Russie soviétique l’a emporté, de l’est, du sud et du nord, les meilleures unités, les meilleurs commandants et les meilleurs commissaires vont vers l’ouest, contre les armées de gardes blancs polonais. Tout ce qu’il y a d’honnête en Ukraine même se lève. Le grand combat contre notre dernier ennemi s’achèvera par l’écrasement des hordes de Pilsudski et de Petlioura.
La victoire sera à nous. En avant pour l’Ukraine soviétique !
11 mai 1920
Nejine.
V pouti n° 114