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Mise en garde
La situation de la fraction Staline en U.R.S.S. et dans l'I.C., qui devient toujours plus critique (sa base économique est de plus en plus minée et se révèle plus clairement tous les jours) et les incontestables succès de l'Opposition communiste de gauche obligent les staliniens à sans cesse aviver leur lutte contre nous. Cette lutte revêt et revêtira des formes diverses que l'on peut réduire à trois types:
-a- les attaques physiques,
-b- la calomnie,
-c- la provocation.
L'attaque physique a conduit en U.R.S.S aux assassinats légaux de bolcheviks-léninistes (Blumkine, Silov, Rabinovitch) par le G.P.U., c'est-à-dire par les Agabekov ou les Iagoda qui ne diffèrent pas des Agabekov. En Chine et en Grèce, les assassinats sont perpétrés dans des embuscades. Dans d'autres pays, on n'en est pas encore arrivé au meurtre - on se contente pour l'instant de raids et de raclées, comme à Leipzig.
La calomnie à son tour prend des formes différentes, conservant invariablement son caractère vil. Ainsi Blücher, sur ordre de Staline, a parlé de deux "trotskystes" qui ont déserté l'Armée rouge en Extrême-Orient. Les journaux soviétiques ont parlé du sabotage sur les chemins de fer par les "trotskystes" et des sabotages de trains organisés par eux. Des informations de ce genre, fabriquées sous la direction immédiate de Staline (il est particulièrement adroit dans ce domaine) sont systématiquement mis en circulation. Leur objectif est clair: préparer de nouvelles et sanglantes attaques contre les révolutionnaires décidés qui refusent de trahir la révolution d'Octobre.
En Europe, cette calomnie prend un caractère plus prudent et plus général: "contre-révolutionnaire", "contre la défense de l'U.R.S.S.", "soutien de la social-démocratie", etc. Divisant, empoisonnant et affaiblissant l'avant-garde prolétarienne, les staliniens essaient d'empêcher une conciliation entre l'Opposition de gauche et la base prolétarienne du parti parce qu'un tel accord, qui est essentiel au succès du communisme, infligerait un coup terrible à l'appareil stalinien. Cela confirme, de nouveau le fait que le régime de Staline est devenu l'obstacle principal dans le développement de l'U.R.S.S. et de l'I.C.
La troisième forme de la lutte - la provocation - est grandement facilitée par le fait qu'elle se situe parmi les membres d'un même parti. Le G.P.U. noie les cellules de l'Opposition, les groupes, les colonies de déportation, etc. avec ses agents, qui ensuite avouent ou poussent les autres à avouer. Ces mêmes agents du G.P.U. attribuent à l'Opposition des "officiers de Wrangel" réels ou supposés, déserteurs, et des saboteurs de chemins de fer, préparant ainsi la base de nouvelles attaques.
Incontestablement, au fur et à mesure que grandit l'Opposition internationale, les méthodes de provocation seront appliquées à une échelle toujours plus grande contre les autres sections nationales: c'est la source des plus graves dangers. Staline a déjà montré qu'il ne s'arrêterait devant rien dans sa lutte contre l'Opposition de gauche même pas à un bloc avec les diplomates et la police bourgeoise. Les conditions de l'expulsion de Trotsky en Turquie parlent d'elles-mêmes. L'accord de Staline et de Thaelmann avec le gouvernement social-démocrate qui a interdit l'entrée de Trotsky en Allemagne, la conférence de Cachin avec Bessedovsky et Dovgalevsky sur le même sujet, le bloc de Staline avec l'éditeur allemand du livre calomniateur de Kerenski, le caractère scandaleux de l'expulsion de notre ami Andrès Nin, le dirigeant des communistes espagnols de l'Esthonie réactionnaire, tout cela ne constitue partie de ses exploits du genre.
Les staliniens italiens ont révélé dans leur presse les pseudonymes clandestins des oppositionnels, les exposant ainsi aux attaques de la police. Il est inutile d'ajouter que les Agabekov, qui grouillent dans le G.P.U., lancés dans la lutte contre les bolcheviks-léninistes sont tout à fait capables de livrer les oppositionnels aux mains de la police capitaliste; en tout cas, Staline ne les punira pas pour l'avoir fait.
L'Opposition est donc de plus en plus exposée aux coups simultanés et parfois joints des agents de Staline et de la police bourgeoise et souvent il n'est pas facile de distinguer qui donne le coup. Par exemple, très récemment, deux agents provocateurs, jouant aux oppositionnels, ont essayé de pénétrer dans le cœur de l'Opposition et il est difficile de déterminer s'ils étaient payés par l'Okhrana polonaise, la police française ou l'agence de Staline. Il est certains que semblables cas se multiplieront.
Nos camarades de Leipzig ont montré une discrétion remarquable en refusant de donner à la police social-démocrate, alertée par des voisins, les noms de ceux qui avaient attaqué la maison du camarade Düchner . Nous attendons un verdict sur les crimes de Staline non de la police social-démocrate mais des ouvriers communistes. Mais il est tout à fait évident que si attaques et provocations deviennent plus fréquentes, par la logique de la lutte et indépendant de nous, elles seront rendues publiques, pour ne pas parler de la possibilité qu'un nouvel Agabekov, désertant dans le camp capitaliste, puisse révéler à la presse les complots staliniens contre l'Opposition comme Bessedovsky a raconté ses négociations avec Cachin. Il n'est pas nécessaire d'indiquer le dommage qui est fait en définitive aux intérêts de l'U.R.S.S. et au prestige de l'I.C. par le poison que des activités de cette sorte introduisent dans le mouvement ouvrier.
Quelle doit être l'attitude de l'Opposition devant les attaques physiques, la calomnie et la provocation ?
1 . Nous devons être guidés dans notre politique non par la revanche aveugle contre la police secrète de Staline mais par un objectif politique : compromettre les méthodes criminelles et leurs auteurs aux yeux des ouvriers communistes.
2 . Nous devons soigneusement éviter toute initiative qui pourrait, même par la faute des staliniens, introduire directement ou indirectement des préjugés contre l'U.R.S.S. ou l'I.C. Et nous ne devons pas une minute identifier soit l'U.R.S.S. soit l'I.C. à la fraction stalinienne.
3 . Tout en faisant notre possible pour empêcher que les crimes staliniens soient utilisés par l'ennemi de classe contre la révolution prolétarienne, il est néanmoins indispensable de communiquer aux rangs communistes, oralement, par circulaires, et par l'intervention dans des réunions du parti, tous les faits sur les attaques, les calomnies, et les provocations qui ont été vérifiés.
4 . Après chaque nouveau cas susceptible d'éveiller la conscience révolutionnaire des ouvriers communistes, il est indispensable d'expliquer encore et encore et de répéter que l'Opposition communiste de gauche ne souhaite qu'une lutte idéologique ouverte et empreinte de camaraderie dans l'intérêt de la révolution prolétarienne et que l'Opposition appelle inlassablement les membres du parti à établir des méthodes honnêtes de luttes d'idées, sans lesquelles il est impossible d'éduquer de vrais révolutionnaires.
5 . Pendant l'élection des délégués aux conférences, de membres aux organes locaux et centraux de l'Opposition, de rédacteurs, etc., le passé des candidats doit être soigneusement vérifié de façon a empêcher l'infiltration d'agents provocateurs. Une des meilleurs formes consiste à enquêter parmi les ouvriers qui ont été en contact proIongé avec la personne donnée.
Tous les cas ayant le caractère mentionné ci-dessus doivent être immédiatement communiqués au Secrétariat International, avec une information exacte sur les circonstances, les noms des participants, etc. Cela nous permettra de mener campagne à l'échelle internationale.
Nous ne doutons pas - et toute l'expérience passée du mouvement révolutionnaire nous le prouve - que si toutes nos sections montrent fermeté, persévérance et vigilance dans cette lutte, toutes les méthodes empoisonnées du stalinisme se retourneront contre le stalinisme lui-même et serviront à renforcer la position des bolcheviks-léninistes.