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Special pages :
Manifeste du Conseil national du Parti Ouvrier
Auteur·e(s) | Jules Guesde Parti ouvrier français Paul Lafargue |
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Écriture | juillet 1893 |
LE
CONSEIL NATIONAL
DU PARTI OUVRIER
Aux Travailleurs de France
CAMARADES,
Dans leur rage impuissante contre la marche ascendante du Parti ouvrier, nos adversaires de classe ont recours à la seule arme qui leur reste : la calomnie. Ils sont en train de dénaturer notre internationalisme comme ils ont essayé de dénaturer notre socialisme. Et, bien que ceux qui affectent de nous présenter comme des sans-patrie soient les mêmes hommes qui, depuis un siècle, n’ont su que faire envahir et démembrer la patrie, livrée par leur classe au banditisme de la finance cosmopolite et exploitée jusqu’au sang de La Ricamarie et de Fourmies, pas plus que nous leur avons permis de confondre la solution collectiviste avec l’anarchie, cette caricature de l’individualisme bourgeois, nous ne les laisserons traduire notre glorieux cri de : Vive l’Internationale ! par l’inepte hoquet de : à bas la France !
Non, l’internationalisme n’est ni l’abaissement, ni le sacrifice de la patrie. Les patries, lorsqu’elles se sont constituées, ont été une première et nécessaire étape vers l’unité humaine à laquelle nous tendons et dont l’internationalisme, engendré par toute la civilisation moderne, représente une nouvelle étape, aussi inéluctable. Et de même que la patrie française ne s’est pas organisée contre les différentes provinces qu’elle arrachait à un antagonisme caduc pour les solidariser, mais en leur faveur et pour leur plus libre et large vie, de même la patrie humaine que réclame l’état social de la production, de l’échange et de la science, ne s’opère pas, ne peut pas s’opérer aux dépens des nations de l’heure présente, mais à leur bénéfice et pour leur développement supérieur.
On ne cesse pas d’être patriote en entrant dans la voie internationale qui s’impose au complet épanouissement de l’humanité, pas plus qu’on ne cessait à la fin du siècle dernier d’être Provençal, Bourguignon, Flamand ou Breton en devenant Français.
Les internationalistes peuvent se dire, au contraire, les seuls patriotes, parce qu’ils sont les seuls à se rendre compte des conditions agrandies dans lesquelles peuvent et doivent être assurés l’avenir et la grandeur de la patrie, de toutes les patries, d’antagoniques devenus solidaires.
En criant : vive l’Internationale ! ils crient vive la France du Travail ! vive la mission historique du prolétariat français qui ne peut s’affranchir qu’en aidant à l’affranchissent du prolétariat universel !
Les socialistes français sont encore patriotes à un autre point de vue et pour d’autres raisons : parce que la France a été dans le passé et est destinée à être dès maintenant un des facteurs les plus importants de l’évolution sociale de notre espèce.
Nous voulons donc — et ne pouvons pas ne pas vouloir — une France grande et forte, capable de défendre sa République contre les monarchies coalisées et capable de protéger son prochain 89 ouvrier contre une coalition, au moins aussi éventuelle de l’Europe capitaliste.
C’est la France qui, avec Babeuf, Fourier et Saint-Simon, a commencé l’élaboration des idées socialistes auxquelles Marx et Engels ont apporté leur couronnement scientifique.
C’est la France qui, après avoir déchaîné sur le monde la Révolution bourgeoise, préface indispensable de la Révolution prolétarienne, a été le grand champ de bataille de la lutte de classe, mettant sans compter au service de la rédemption du travail ses héroïques insurgés de Lyon (1832) et de Paris (1848 et 1871).
C’est la France qui, bien que décimée par les massacres versaillais, relevait en 1889, dans son immortel Congrès de Paris, le drapeau de l’Internationale tombé dans son propre sang et initiait les Premier-Mai : c’est elle qui, la première plantait sur les hôtels de ville enlevés à coup de bulletins de vote le rouge drapeau du prolétariat en marche vers la conquête du pouvoir politique.
Et c’est parce que son passé révolutionnaire répond de son avenir socialiste que lorsqu’elle s’est trouvée en péril, il y a vingt-trois ans, elle a vu accourir pour sa défense, sous les plis du drapeau tricolore, les internationalistes d’Italie, d’Espagne et d’ailleurs, pendant que la naissante démocratie socialiste allemande se mettait, au péril de sa liberté, en travers d’un démembrement aussi imbécile que criminel.
Mais, parce que nous sommes patriotes, nous ne voulons pas la guerre qui, quelle que soit son issue, ne ferait, contre l’Occident épuisé, que le jeu de la barbarie asiatique représentée par le tzarisme russe.
Nous voulons la paix, la paix à outrance, parce qu’elle travaille pour nous et contre la domination capitaliste et gouvernementale qu’il s’agit d’anéantir et qui ne peut prolonger sa misérable et néfaste existence que par la division et l’entr’égorgement des peuples.
Nous voulons la paix, parce que l’ordre bourgeois est condamné à en mourir.
Et maintenant que nous avons établi comment loin de s’exclure, patriotisme et internationalisme ne sont que deux formes, se complétant, du même amour de l’humanité, nous répétons bien haut à la face de nos calomniateurs :
Oui, le Parti ouvrier français ne fait qu’un avec le parti ouvrier belge contre la monarchie bourgeoise des Cobourg.
Oui, le Parti ouvrier français ne fait qu’un avec les travailleurs et les socialistes d’Italie contre la monarchie de Savoie.
Oui, le Parti ouvrier français ne fait qu’un avec le jeune et déjà si puissant Parti du Travail d’outre-Manche contre le constitutionnalisme oligarchique et capitaliste d’Angleterre.
Oui, nous ne faisons et nous continuerons à ne faire qu’un avec les prolétaires des deux mondes contre les classes dirigeantes et possédante de partout.
Et nous comptons sur nos camarades français, sur le peuple de l’atelier et du champ, pour se joindre au Conseil national du Parti dans ce double cri, le même :
Vive l’Internationale ! Vive la France !
Le Conseil national du Parti ouvrier
G. Crépin ; S. Deureure ; Ferroul, député,
Jules Guesde ; Paul Lafargue, député ;
Prévost ; Quesnel.
Paris, juillet 1893.