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Special pages :
Lettre de Moscou de N, 25 décembre 1929
Auteur·e(s) | Opposition de gauche |
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Écriture | 25 décembre 1929 |
Bulletin de l’Opposition n° 9, février-mars 1930
On sait maintenant sans aucun doute que le camarade Blumkine a été fusillé et que cela a été fait à l'instigation de Staline. Cet acte vil de vengeance ce soulève la colère de vaste secteurs du parti. Mais tout reste secret. Une des sources de ces rumeurs est Radek. On connaît bien son bavardage nerveux. Il est maintenant complètement démoralisé ‑ c'est caractéristique des capitulards. Dans le cas d'I.N. Smirnov, cela prend la forme d'une profonde dépression; Radek, quant à lui, cherche à l'éviter en répandant rumeurs et ragots dont l'objectif est de prouver la sincérité profonde de son "repentir". Il est hors de doute que Iaroslavsky utilise ce trait de Radek pour mettre en circulation les fables nécessaires. Il était utile de souligner tout cela afin d'éclairer ce qui suit.
Voici la version des faits attribuée à Radek qui circule ici : lorsque Blumkine est arrivé à Moscou, son premier soin a été de chercher Radek avec qui il avait, les dernières années, plus de contact qu'avec les autres, et qu'il considérait comme un dirigeant de l'Opposition. Blumkine voulait s'informer et voir clair, et comprendre en particulier les raisons de la capitulation de Radek. Il n'avait pas pu encore réaliser que l'Opposition avait déjà en Radek un ennemi implacable qui, après avoir perdu tout vestige de sens moral, ne reculerait devant aucune abomination. Il faut par ailleurs tenir compte d'une caractéristique de Blumkine, sa tendance à idéaliser moralement des individus, d'une part, et, de l'autre, l’intimité de ses relations antérieures avec Radek.
Blumkine a parlé avec Radek des idées et des plans de L.D. au sujet de la nécessité de lutter en secret pour leurs idées. En guise de réponse, Radek selon ses propres dires, a exigé de Blumkine qu'il se rendre tout de suite au G.P.U. et raconte tout. Quelques camarades disent que Radek a menacé Blumkine de le dénoncer sur‑le‑champ s'il ne le faisait pas. C'est parfaitement vraisemblable, étant donné les déclarations hystériques de ce tas de mastic[1].
Nous ne doutons pas que c'est ce qui s'est réellement passé. A la suite de cette conversation, selon la version officielle, Blumkine s'est "repenti", s'est présenté de lui-même au G.P.U. et lui a remis la lettre de Trotsky qu'il avait sur lui. Non seulement cela, mais il a lui-même exigé d'être fusillé (littéralement). Sur quoi Staline a eu à trancher et il a donné à Menjinsky et lagoda l'ordre de fusiller Blumkine. Evidemment Staliine avait déjà pris cette décision qu'il avait fait confirmer par le Politburo pour lier les mains aux capitulards droitiers. Inutile de dire qu'ils avaient été d'accord avec lui.
Comment prendre cette version officielle ? Son caractère mensonger saute aux yeux. Nous n’avons aucune information sûre, puisque, autant que nous sachions, Blumkine n’a pas eu le temps d'informer ceux de l’extérieur de ce qui arrivait. Mais le développement réel des événements est suffisamment clair – au moins dans ses aspects généraux. Après sa conversation avec Radek, Blumkine était trahi. Il ne lui restait plus qu'à se présenter au G.P.U., surtout dans la mesure où la lettre de L.D., par son contenu, ne pouvait que constituer une réfutation catégorique de toutes les calomnies propagées pour justifier son expulsion. Y avait‑il des adresses dans cette lettre ? Nous ne le pensons pas, car aucun des camarades que Blumkine aurait pu utiliser pour prendre des contacts n'a été inquiété.
Blumkine a‑t‑il capitulé ? S'il avait réellement capitulé, c'est‑à‑dire adopté la position de Radek, il n'aurait pu que livrer les noms des camarades à qui était destinée la lettre de Trotsky. Moi-même je n'aurais pas été épargné. Et pourtant, je le répète, personne n'a été arrêté. En outre, si le camarade Blumkine avait capitulé, le G.P.U. n'aurait pas été obligé de satisfaire sa ''revendication'' d'être fusillé, mais l'aurait utilisé à d’autres fins, car cela constituait une chance exceptionnelle. Il est hors de doute que le G.P.U. a essayé, mais qu'il s’est heurté au mur de l'opiniâtreté de Blumkine. Alors Staline a donné l'ordre de le fusiller. Et quand de sourdes rumeurs commencèrent à circuler dans le parti, Iaroslavsky, par l’intermédiaire de Radek, a mis en circulation la version que nous avons rapportée plus haut. C’est sous cet angle que nous nous représentons cette affaire.
Staline ne pouvait pas ne pas comprendre que le meurtre de Blumkine ne passerait pas inaperçu dans le parti et que cela nuirait en définitive énormément au "brutal et déloyal"[2] usurpateur. Mais la soif de vengeance l'a entraîné. Sur ce point, il circule dans le parti depuis longtemps l'histoire suivante : un soir de l'été 1923, à Zoubalova, Staline confia à Dzerjinsky : "Choisir sa victime, préparer son coup pour se venger sans merci, puis aller se coucher, quoi de plus doux dans la vie ?". Boukharine a fait allusion à cette conversation dans sa conversation sur sa lutte contre les staliniens qui aété publiée l'an dernier. Les livres de L.D. paraissent à l'étranger, ses articles, son autobiographie. Il doit se venger. Staline a fait arrêter sans aucune raison la fille de L.D., mais comme elle était sérieusement malade ‑ il lui fallait un pneumothorax ‑ le Politburo n'a pas osé ‑ malgré l'insistance de Staline, dit‑on ‑ la garder en prison, surtout du fait que la seconde fille de Trotsky est morte tuberculeuse il y a un an et demi dans des circonstances identiques. Il s'est borné à exiler son gendre, Platon Volkov, il y a deux mois. M.Nevelson, le mari de la fille décédée de Trotsky, est depuis longtemps en prison. Mais cette vengeance‑là est trop ordinaire et par conséquent inadéquate. Le besoin d'une vengeance impitoyable, grâce à Radek et avec son aide, est tombé sur Blumkine. Staline a donné l’ordre de le fusiller, puis... il est allé se coucher.
N.