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Special pages :
Lettre aux amis, 16 mai 1928
Les Conditions à Alma-Ata
Comment allons-nous ici? Il nous a fallu répondre des dizaines de fois à cette question déjà car le nombre de nos « correspondants » augmente très vite. Je reconnais pourtant l’entière validité de cette question, puisque moi-même je lis avec le plus grand intérêt les lettres dans lesquelles les camarades parlent d’eux-mêmes, de l’endroit où ils sont, de la façon dont ils sont installés, comment ils vont et quel travail ils font.
Pour rendre compte brièvement : pendant à peu près trois semaines, nous avons vécu dans un hôtel, après quoi on nous a donné la possibilité de nous reloger dans un appartement qui comprenait d’abord la moitié d’une maison, mais comprend maintenant la maison tout entière. Cette « maison » cependant comprend quatre pièces. Exceptionnellement, l’appartement a l’électricité. Du fait de l’extrême faiblesse de la production de la centrale locale, il n’y a l’électricité que dans les institutions gouvernementales et chez les employés du gouvernement. Pourtant, du fait de cette même faiblesse de la production et de la médiocrité générale de la centrale, le courant électrique, qui est censé fonctionner, selon le schéma officiel, en gros de 7 heures du matin à minuit, joue de vilains tours, disparaissant à tout moment pour quelques minutes, parfois pour une demi-heure, ou plus. L’appartement est plongé dans l’obscurité et ses occupants s’interpellent : « Est-ce qu’on allume les bougies et la lampe à kérosène ? Ou est-ce qu’on attend que l’électricité revienne ? »
Quant à la possibilité de se ravitailler, on a assisté aussi à de sérieuses interruptions, surtout pour ce qui est du pain. Ici, voici déjà un mois et demi que la ville souffre de diverses pénuries, notamment de pain : files d’attente terriblement longues, quantité très limitée de pain de très médiocre qualité. Le prix du poud de farine de blé sur le marché libre est resté constamment au niveau de dix roubles, mais au cours du mois dernier il a commencé à monter et a atteint 25 roubles. Je dois dire cependant que, personnellement, à cet égard, on nous a donné toutes sortes de traitements préférentiels. Il n’y a eu qu’un seul moment critique, quand il était absolument impossible d’avoir du pain. Mais, juste avant, de façon tout à fait inattendue, nous avons reçu au courrier un paquet de Moscou, de P. S. Vinogradskaia, contenant la plus belle des farines. Avec ça, nous avons fait notre propre pain, de la qualité la meilleure.
Il y a aussi de grandes difficultés ici avec la viande et toute sorte de nourriture en général. En ce qui concerne les produits manufacturés, ce qu’on envoie ici avant tout ce sont les résidus des usines, les produits défectueux. A la librairie, je n’ai pu trouver un seul des livres dont j’ai besoin. Il s’avère que la bibliothèque ne manque pas de livres, au moins pas de livres anciens, mais qu’ils sont dans un total désordre, pas catalogués et éparpillés par monceaux chaotiques. J’y ai pourtant eu accès et j’ai pu prendre ceux dont j’avais besoin. Elle a très peu de livres parus pendant la guerre ou depuis la révolution et absolument aucun livre étranger. Le nombre de journaux qu’elle reçoit est aussi insignifiant. Tout cela, il faut l’obtenir d’ailleurs.
En ce qui concerne ce qu’on appelle notre « régime », on a pu remarquer au début un excès de zèle qui a abouti à des conflits très vifs. Maintenant ces choses sont réglées et je ne peux personnellement pas me plaindre sur ce point.
La conception d’Alma-Ata comme ville méridionale a besoin d’être sérieusement amendée. En tout cas le printemps de cette année a été très tardif, les belles journées ont été rares, entremêlées de jours de pluie et même de neige avec une dernière chute importante à la fin d’avril qui a endommagé les cerisiers. Toute la région, comme c’est le cas de l’Asie centrale en général, est le domaine d’une poussière horrifiante, surtout d’une poussière de sols salins. C’est une région de malaria et il n’y a aucun doute, j’ai attrapé la malaria. J’absorbe consciencieusement ma quinine tous les matins et cela donne de bons résultats.
La ville est construite en terrasses qui descendent vers la plaine. Plus une partie de la ville est située vers le bas et plus elle est malariale. Nous vivons au milieu et avons par conséquent un taux moyen de malaria. En été, il est presque impossible de vivre ici à cause de la chaleur et de la poussière, et encore de la malaria. A ce moment, il y a une migration vers les « montagnes » ou, plus proprement, les collines, qu’on appelle ici les « endroits où l’on s’arrête ». Il y a de grandes étendues d’orchidées et on a construit des « datchas » de bois, en réalité des baraquements. Pendant la période estivale, les maisons sont aussi faites de lattes entrelacées que pour des raisons que j’ignore on appelle ici vannerie. Nous nous sommes aussi procuré une maison d’été.
Primitivement, nous avions prévu d’y aller au début mai, mais nous sommes déjà le 16 et ne sommes pas encore partis – à la fois parce que la maison d’été n’est pas encore équipée et à cause de la pluie qui a considérablement rafraîchi la température.
Nous sommes abonnés à la Pravda, aux Izvestia et à Ekonomitcheskaia Jizn. Jusqu’à une date récente, les camarades nous envoyaient des publications de Bakou et de Tiflis. Sosnovsky nous envoie souvent des coupures de presse très intéressantes de journaux sibériens et autres. Les journaux étrangers sont venus de Moscou et surtout du camarade Rakovsky à Astrakhan. Récemment, nous avons reçu quelques journaux étrangers directement de l’étranger. J’ai emporté avec moi quelques livres pour mon travail (bien moins, malheureusement, que ce que l’ont prétendu les journaux qui ont menti sur le nombre énorme de « malles »). Nos amis nous ont envoyé des livres de Moscou. Quelques-uns sont venus de l’étranger.
Pendant tout ce temps, j’ai travaillé avant tout sur la Chine et partiellement sur l’Inde. Je continue à me consacrer avant tout à l’Orient. Mais je n’ai pas l’intention de me limiter à l’Orient. Je voudrais dresser une sorte de bilan du développement d’après-guerre de l’économie mondiale, de la politique mondiale et du développement révolutionnaire mondial. A mes moments de loisirs, j’écris mes mémoires, quelque chose qu’Evgenii Préobrajensky m’a poussé à faire. En outre, je traduis des choses pour l’Institut Marx et Engels. Et il me semble que j’ai longuement répondu à la question de savoir comment nous allons.