Lettre au magazine Life, 23 novembre 1939

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Chers messieurs,

Après avoir attendu plus d’un mois la publication de mon article « Le Super-Borgia du Kremlin », ou au moins quelques explications pour son retard, je dois vous demander avec insistance de m’informer de ce qui interfère avec sa publication.

M. Malamuth, le traducteur de l’article dans une lettre que je n’ai reçue que ce matin, me dit que M. Thorndike lui a téléphoné que l’article n’était pas écrit comme ils le désiraient ; que, quand M. Busch reviendrait d’Europe, il se rendrait probablement au Mexique pour discuter des changements. Je ne comprends pas très bien pourquoi le comité de rédaction ne m’a pas informé directement de ses critiques ou suggestions, il y a un mois environ, ni pourquoi il faut attendre l’arrivée de M. Busch qui, à ce que j’ai compris, se trouve en Europe.

Pour clarifier la situation, je dois rétablir les faits. Pendant la collaboration de M. Busch avec moi ici, j’ai mentionné au cours d’une conversation privée quelques-unes des circonstances mystérieuses qui touchent la mort de Lénine. M. Busch a trouvé la question si intéressante qu’il a proposé au comité de rédaction de votre revue de m’adresser une lettre me demandant officiellement l’article. J’ai répondu à Mlle Schrift que j’étais en principe prêt à accepter cette proposition. Toute l’initiative est donc revenue au comité de rédaction de Life Magazine.

Le 27 septembre, M. Busch, au nom des bureaux de la rédaction, m’a proposé de remettre l’article pour le 21 octobre. Il a aussi exprimé son désir d’un résumé de l’article avant sa rédaction « afin de simplifier notre recherche de matériaux d’illustration ».

Le 30 septembre, j’ai envoyé ce résumé à M. Busch. Par lettre datée du 3 octobre, M. Busch m’a écrit qu’il « indiquait la possibilité que l’article ait même plus de succès que le premier ».

En même temps, dans sa lettre, M. Busch me faisait quelques suggestions intéressantes pour la structure technique. M. Busch concluait cette partie de sa lettre comme suit : « Comprenez, s’il vous plaît, que les divisions ci-dessus ne sont d’aucune façon arbitraires, et que j’espère que vous les écarterez résolument si vous le jugez bon. »

Les suggestions de M. Busch coïncidaient dans leur plan général avec celui que j’avais élaboré depuis le 30 septembre. C’est pourquoi je ne doutais pas le moins du monde que l’article satisferait le comité de rédaction.

Pourtant, pendant plus d’un mois, je n’ai reçu aucune information du comité de rédaction qui avait signé un contrat pour l’article. En même temps, j’ai reçu des informations authentiques selon lesquelles des personnes qui n’ont rien à voir avec l’équipe de Life discutant de la valeur de mes assertions sur la mort de Lénine, expriment des doutes sur la possibilité, pour Life, de publier un tel article et ainsi de suite. Et cela en dépit de l’accord entre M. Busch et moi que le sujet de cet article ne serait divulgué à personne avant de paraître dans Life Magazine.

Permettez-moi d’exprimer une hypothèse. Dans les conversations avec M. Busch, j’ai remarqué en plaisantant que les staliniens et les libéraux staliniens, qui sont très nombreux dans les cercles littéraires aux États-Unis (bien que ce nombre diminue rapidement), pousseraient de terribles hurlements à propos de la publication de ce second article. M. Busch me répondit en ce sens : cela ne troublerait pas le moins du monde le comité de rédaction de Life.

Et maintenant, j’apprends que M. Granville Hicks a réussi à publier dans Life une protestation contre mon premier article (je n’ai pas encore vu moi-même cette protestation). Je connais le caractère des campagnes que ces gens sont capables de mener : protestations écrites et orales, appels téléphoniques, télégrammes, etc. Ces messieurs trouvent naturel que Staline tue des centaines de vieux révolutionnaires, des centaines des meilleurs généraux et ainsi de suite, sous les accusations les plus fallacieuses. Ils considèrent comme absolument naturel qu’après avoir accusé tous leurs adversaires d’être des alliés ou des amis de Hitler et après les avoir tués pour ce crime inventé, Staline lui-même ait conclu une alliance avec Hitler. Je n’ai que du mépris pour ces parasites idéologiques et, bien entendu, comme vous le comprenez, je n’étais pas le moins du monde enclin à rendre cet article acceptable par ces gens.

J’ai écrit l’article pour Life Magazine sur la base qui avait été discutée oralement et confirmée ultérieurement par écrit. Abandonnant tout autre travail, j’ai remis l’article au jour fixé par le comité de rédaction. J’ai été informé que, du fait de l’absence de M. Busch, M. Thorndike s’occuperait de la question. Le sort de l’article ne peut dépendre de la présence ou de l’absence de M. Busch. Permettez-moi d’insister sur la publication de l’article et pour son paiement aussi rapides que possible. En tout cas, j’attends maintenant une réponse par avion du comité de rédaction.