Lettre au SWP, 4 septembre 1938

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


Les Staliniens en action

Chers Amis,

A l’instant même, nous recevons des États-Unis d’une source absolument digne de confiance l’information suivante, à laquelle nous vous demandons de donner la plus grande publicité possible. Notre informateur, pour des raisons de sécurité, n’a pas pris le risque de s’adresser directement à vous et a préféré passer par nous. Mais vous pouvez dire en toute tranquillité que vous avez reçu cette information sur place, à New York.

Il y a quelques mois, Hernán Laborde, dirigeant du parti stalinien mexicain, « est parti pour Moscou ». En réalité, Laborde est resté tout ce temps illégalement aux États-Unis Sa tâche, comme on le verra d’après ce qui suit, était d’utiliser la préparation des congrès de septembre au Mexique pour porter à Trotsky, Diego Rivera et leurs amis un coup décisif. En liaison avec le travail de la commission du congrès, la police apparemment est plus ou moins arrivée sur la piste de Laborde. En tout cas, c’était l’impression des chefs du parti communiste qui ont pris peur d’un scandale international et de voir compromise l’agence de New York du G.P.U. Laborde a reçu l’ordre de quitter immédiatement les États-Unis Il n’y a pas de raison de penser qu’il est allé en U.R.S.S. Au contraire, il existe des preuves qu’il est revenu clandestinement au Mexique où il a conservé son incognito pour étayer la version de son séjour en U.R.S.S.

Le parti communiste mexicain est maintenant intégralement subordonné aux dirigeants du parti communiste des États-Unis et c’est par ce dernier qu’arrivent tous les ordres de Moscou. Cet étrange ordre des choses est très aisément explicable. Le Mexique n’a pas d’institution soviétique et les agents du G.P.U. au Mexique, sans couverture diplomatique, sont obligés au secret le plus strict. Ils évitent donc tout contact direct avec le parti communiste local, craignant qu’il n’ait dans ses rangs des agents de la police. Aux États-Unis, les agents les plus importants du G.P.U. jouissent de l’immunité diplomatique et peuvent donc transmettre les instructions les plus secrètes à ceux des dirigeants du parti communiste qui jouissent de la confiance totale du G.P.U. Ces personnes de confiance, à leur tour, transmettent leurs instructions au Mexique.

Les dernières instructions reçues par Laborde à la mi-août étaient de renforcer la campagne de persécution contre Trotsky et ses amis en ne se bornant plus à des mesures politiques et bureaucratiques, mais en passant à l’action « directe » (littéralement). En relation avec les meurtres de trotskystes en France, en Suisse et surtout en Espagne, il n’est pas difficile de deviner ce que signifie l'« action directe ».

Le comité central du parti communiste mexicain a déjà informé New York qu’ils ont commencé à exécuter les instructions reçues. Une réunion strictement conspirative a été convoquée avec la participation de certains membres du comité central seulement et des organisateurs d’« actions de combat », parmi eux deux ou trois étrangers qui étaient venus au Mexique en liaison avec la préparation du « congrès contre la guerre et le fascisme ». A cette réunion, le rapporteur (apparemment Laborde en personne) a exigé non seulement que la campagne politique contre les trotskystes soit renforcée et multipliée par dix, mais que soit créée l’atmosphère nécessaire « pour la liquidation physique de Trotsky et de quelques-uns de ses amis » (expression littérale). En ce qui concerne la campagne « politique », le rapporteur a promis une aide matérielle complète de la part du ministre de l’éducation, M. Vázquez Vêla et de ses proches collaborateurs. Une campagne parallèle, selon le mot même du rapporteur, est menée par le secrétaire syndical Lombardo Toledano qui, au cours de son récent voyage en Europe, a reçu du G.P.U. les instructions nécessaires (en particulier un film calomniateur contre Trotsky). Parmi les délégués au congrès se trouvent nombre d’agents étrangers du G.P.U. dont la tâche principale consiste à créer au Mexique une « atmosphère favorable » pour exécuter les tout dernières instructions de Moscou.

Nous le répétons encore, nous garantissons absolument la fiabilité de notre source. Vous pouvez en toute sécurité commencer une campagne, avec toute l’énergie nécessaire, y entraînant tous nos amis. Il est très important de ne pas perdre un instant. Il faut en particulier inviter les représentants de la presse mexicaine à New York et leur transmettre les faits ci-dessus.