Lettre au SWP, 21 mai 1938

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


Une Leçon pour les journalistes

Chers Camarades,

Cette fois, je veux donner une leçon à quelques journalistes américains en la personne de M. Alvin M. Josephy, qui a obtenu de moi un article avec des arguments mensongers et l’a falsifié dans l’intérêt des staliniens et, comme je le suppose, de son portefeuille. J’ai à votre disposition toutes les preuves juridiques parce que j’ai fait signer à l’homme une copie de mes réponses et l’obligation que je lui faisais de les publier intégralement ou ne pas les publier du tout.

En quoi consistent les arguments mensongers et les falsifications ?

1) Josephy s’est présenté comme un représentant du New York Herald Tribune. Compte tenu de l’importance de ce journal, j’ai accepté de lui donner une interview par écrit, pour laquelle j’ai travaillé un jour entier avec mes collaborateurs. Mais Josephy n’a pas publié l’interview dans le Herald Tribune, mais dans le demi-stalinien Ken qui n’a pas pour moi le moindre intérêt. Je n’aurais jamais donné d’interview à Ken. Ainsi M. Josephy s’est présenté à moi avec des arguments mensongers.

2) Compte tenu de l’importance politique des questions écrites, j’ai donné des réponses écrites et obligé, par l’intermédiaire de ma collaboratrice, Rae Spiegel, M. Josephy à signer l’obligation de publier le texte entier : « Les réponses authentiques doivent être publiées dans leur totalité et exactement comme elles ont été écrites. Autrement, elles devraient m’être retournées. (Signé) Léon Trotsky. Copie approuvée par (signé) A. M. Josephy. » Néanmoins, Josephy a introduit dans mes réponses de nombreux changements et omissions. La copie incluse avec des annotations au crayon rouge montre toutes ces déformations du texte. Ces déformations sont dictées par les objectifs politiques spécifiques du stalinisme dans la mesure où il s’agit des politiques de Hitler et Mussolini d’une part et des causes de la défaite de la révolution espagnole de l’autre. Ces deux questions constituent la base des attaques venimeuses des staliniens contre ma ligne politique, et M. Josephy, en dépit de son engagement signé, a consciemment falsifié le texte de mes réponses et les a accompagnées d’un commentaire hostile qui aurait été impossible s’il n’avait pas déformé mes réponses à moi.

3) Comme s’il voulait prouver lui-même sa mauvaise volonté, M. Josephy affirme que « Il (Trotsky) et Rivera ne s’adressent plus la parole, bien que l’un soit l’hôte de l’autre ». La raison qu’il en donne est dans l’égocentrisme des deux hommes, etc. Toute l’histoire n’est qu’une pure invention. Nous n’avons pas eu le moindre conflit avec Diego Rivera sur aucune question. Nous sommes et avons été tout le temps liés par l’amitié personnelle et politique la plus étroite, sans aucune ombre.

4) Les autres falsifications calomnieuses sont de moindre importance, mais chacune d’elles a le même objectif que la distorsion du texte original de mes réponses à ses questions. Cela peut être montré avec tous les détails nécessaires.

5) Conclusion : M. Josephy a commis un acte de falsification consciente et préméditée et de calomnie pour les objectifs politiques des staliniens. Le crime est d’autant plus répréhensible qu’il a signé un engagement de reproduire intégralement mes réponses et qu’il définit lui-même comme suit ma position en matière d’interviews : « Acculé au mur par les sympathisants de Staline, ses seuls moyens de se défendre sont d’être interviewé et que ses déclarations soient reproduites correctement dans la presse internationale. » En considération de tout cela, je juge absolument nécessaire de déposer une plainte contre M. Josephy. Les conditions me semblent non seulement favorables, mais idéales. Le montant des dommages qu’on pourrait demander à M. Josephy peut être établi après votre accord de principe. Vous pouvez vous-mêmes en fixer le montant afin de ne pas perdre de temps.