Lettre au GPU, 5 mars 1929

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Sur l'Expulsion du Consulat

A votre injonction aujourd’hui d’avoir à quitter le consulat, je fais la réponse suivante :

Boulanov et Volynsky m’ont offert au nom du G.P.U., c’est- à-dire du comité central du P.C.U.S., les conditions suivantes d’installation à Constantinople :

a) Des agents du G.P.U. louent un appartement dans une maison privée à la campagne dont la situation présente au moins la garantie topographique minimale qu’il ne sera pas facile pour les Gardes blancs et fascistes étrangers de faire un attentat contre ma vie et d’en finir.

b) Sermouks et Poznanskydoivent être amenés ici par le prochain bateau, c’est-à-dire dans pas plus de trois semaines.

c) Jusqu’à leur arrivée, je vivrai — selon le choix que je ferai — soit dans le consulat (ce qui, selon le G.P.U., était préférable) soit dans une résidence privée du type indiqué plus haut, sous la protection temporaire d’agents du G.P.U.

Aucune de ces conditions n’a été remplie.

a) Sur les cinq ou six appartements qui ont été signalés, seul l’un d’entre eux offrait, dans une certaine mesure, des garanties de sécurité. Mais, pour l’obtenir dans des conditions correctes, cela prendrait deux à trois semaines et je ne suis pas du tout certain de pouvoir faire face aux exigences financières d’une telle demeure.

b) En dépit de l’engagement explicite, Sermouks et Poznansky n’ont pas été autorisés à venir.

c) Fokine est parti sans avoir rempli aucune des obligations qui, selon Boulanov, lui incombaient.

En attendant, Constantinople grouille de Gardes blancs. Les journaux blancs dépassent ici la vente d’un millier d’exemplaires. Les affirmations selon lesquelles les Blancs « actifs » auraient été expulsés sont totalement absurdes. Bien entendu, les plus actifs sont gardés clandestinement, pour ne pas mentionner le fait qu’ils viennent d’ailleurs à tout moment et trouvent de l’aide parmi les « inactifs ». Pour eux, l’impunité est assurée d’avance.

Dans ces conditions, le refus de Moscou de remplir ses obligations et d’envoyer Sermouks et Poznansky et simultanément votre injonction d’avoir à quitter le consulat sans m’avoir offert un logement convenable constituent une injonction d’avoir à m’offrir de moi-même aux coups des Gardes blancs.

Après que vous m’ayiez dit le refus de Moscou de remplir la promesse concernant Sermouks et Poznansky, j’ai dit que pour éviter un scandale mondial pour des questions de logement, j’essaierai de trouver en Allemagne et en France des amis qui m’aideraient à m’installer dans un logement privé ou m’escorteraient dans un autre pays (au cas où je recevrais un visa).

Malgré le fait que les personnes que j’ai décidé d’envoyer pour cela ne soient pas encore parties, vous me présentez de nouveau l’injonction d’avoir à quitter le consulat. Cette précipitation contredit directement les exigences les plus élémentaires de ma sécurité et de celle de ma famille.

Je ne désire nullement compliquer encore une situation qui l’est suffisamment. Je n’ai aucun intérêt à rester au consulat même un jour de plus que nécessaire. Cependant je n’ai pas l’intention de renoncer aux exigences de sécurité pour ma famille les plus élémentaires. Si vous essayez de résoudre cette question, non sur la base d’un accord, mais en m’isolant physiquement, moi et ma famille, comme vous me l’avez dit aujourd’hui, je me réserve une pleine liberté d’action. Le comité central du P.C.U.S. portera toute la responsabilité des conséquences.