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Special pages :
Lettre accompagnant la déclaration du 22 août 1929
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 25 septembre 1929 |
Chers Camarades,
Je vous envoie la déclaration au comité central et à la commission centrale de contrôle faite par des Oppositionnels exilés et arrêtés. Cette déclaration a été rédigée par les camarades Rakovsky, V.Kossior[1] et M. Okoudjava. Début septembre, quelques quatre cents oppositionnels éparpillés en environ quatre vingt-cinq colonies et prisons différentes avaient signé cette déclaration. Parmi les signataires, outre les trois mentionnés ci-dessus, se trouvaient N. Mouralov, B.Mdivani, L.Sosnovsky, Kavtaradzê, Rafail, V.Kasparova, Maliuta, V.Sibiriakov, E.Solntsev, Lazko et N.V.Netchaiev. I.N. Smirnov[2] a préparé un projet de déclaration à lui dont on nous dit qu'elle a un caractère capitulard.
Comme cette déclaration est plutôt longue et que toutes les publications de l'Opposition ne pourront pas l'imprimer en entier, j'ai marqué en marge, en cas de besoin, les passages les plus importants.
Je joins aussi une copie de ma propre lettre ouverte aux camarades signataires de cette déclaration et je vous demande de bien vouloir la publier.
Il me semble que les choses ne devraient pas simplement se borner à la publication des documents ci-joints. C'est une question trop importante, et, avec une politique juste de notre part, elle pourrait jouer un grand rôle aussi bien dans le développement de l'Opposition russe que de l'Opposition internationale.
On pourrait certes formuler bien des critiques au texte de cette déclaration. J'en ai présenté quelques-unes, sous une forme constructive et positive, dans ma lettre ouverte. On ne peut pas oublier que ce document a été rédigé par correspondance entre des personnes exilées et emprisonnées et qu'il constitue, comme toujours dans ces cas un compromis entre différentes nuances d'opinion. On s'en plaindra et à gauche et à droite. Mais on doit savoir en extraire l'idée essentielle. A un moment où l'U.R.S.S. connaît de sévères difficultés internes et externes, l'Opposition réclame sa place dans le parti, afin de pouvoir défendre la cause de la révolution internationale de façon qui concorde avec ses propres vues. Au moment où le nombre des défections augmente dans l'I.C. vers l'Opposition de droite ou même directement vers la social-démocratie, l'Opposition communiste de gauche réclame une place pour elle-même dans les rangs de l'I.C. et d'abord dans ceux du parti communiste soviétique.
Que doit faire l'Opposition internationale par rapport à cette importante initiative de l'Opposition russe ? En profiter pour dévoiler les mensonges sur le caractère "défaitiste contre-révolutionnaire", etc. de l'Opposition, devant tous les ouvriers communistes qu'on a abusés. Il faut se servir de cette déclaration pour secouer, desserrer, renverser les barrières artificielles que la direction de l'I.C. a érigées entre les membres des partis communistes officiels et l'Opposition de gauche.
La déclaration est écrite sur un ton très prudent, conformément à son objectif. Cet objectif est indiqué très clairement dans les deux dernières lignes : les signataires n'escomptent évidemment pas un résultat immédiat, mais souhaitent "gagner la sympathie et le soutien de l'écrasante majorité des rangs du parti et de la classe ouvrière". Ce dont il s'agit ici, c'est de l'emploi de la politique de front unique à l'égard des partis communistes officiels. Certains des signataires de la déclaration iront peut-être plus à droite, c'est-à-dire vers les capitulards, quand ils recevront la réponse des staliniens sur laquelle il n'y a d'avance aucun doute. Mais on peut vraisemblablement s'attendre à une large discussion dans les cellules du parti sur l'existence même de cette déclaration, et à ce qu'elle attire l'attention de nombreux ouvriers d'esprit révolutionnaire et augmente les contacts de l'Opposition et son influence dans les rangs du parti.
Quelques ultra-gauchistes verront peut-être dans cette déclaration un geste capitulard. Mais si nous cédions devant de tels ultra-gauchistes, nous serions bientôt devenus une secte. C'est pourquoi la question de la Déclaration, de la façon de l'interpréter. et de la campagne d'agitation que nous devons développer autour d'elle pour briser le barrage et atteindre la base du Parti – ces questions peuvent, me semble-t-il, n'avoir pas moins d'importance que le conflit sino-soviétique pour l'évolution ultérieure des groupes de l'Opposition internationale.
- ↑ Khristian G. Rakovsky (1873-1942), vétéran du mouvement social-démocrate dans la plupart des pays d'Europe (Roumanie, Bulgarie, Suisse, Allemagne, France), avait rejoint les bolcheviks en 1917. Chef de l'administration politique de l'Armée rouge, puis président du conseil en Ukraine, il avait été envoyé comme ambassadeur par Staline pour l'éloigner du pays où il était influent. Il était déporté à Astrakhan et avait rédigé la Déclaration entre autres pour enrayer la panique qui avait saisi les déportés après les premières capitulations à la suite des "trois". Vassili V. Kossior (1891-1938), métallo bolchevik en 1907, avait été membre de l'Opposition ouvrière et avait rallié plus tard l'Opposition unifiée. Il était également déporté à Pokrovsk.
- ↑ Nikolai I. Muralov (1877-1937), bolchevik en 1903, lié à Trotsky, avait été l'un des principaux chefs de l'Armée rouge. Il était déporté à Tara. Polikarp G. dit Budu Editrani (1877-1937), bolchevik en 1903 avait été le chef du bureau caucasien du P.C. et s'était heurté à Staline et Ordjonikidze. Il avait été en France comme délégué commercial et était depuis le mois de janvier, où il avait été arrêté en déportation, enfermé dans l'isolateur de Celjabinsk.
Sosnôvskij était également à Celjabinsk. Sergéi I. Kavtaradze (1885-1971), ancien chef du gouvernement géorgien de 1922 à 1923, était également déporté à beljabinsk~, Rafail B. Farbman, dit Rafail, ouvrier tailleur, bolchevik en 1910, ancien du C.C. du parti ukrainien, ancien "déciste", était déporté à Iénisséisk. Varsenica D. Djavada, épouse Kasparova (1875-1937), une ancienne de l'Armée rouge et de l'I.C., amie personnelle de Trotsky était déportée à Kurgan. Vladimir I. Maljut, bolchevik de 1916, était déporté à Mesen. Vladimir D. Vilenskij, dit Sibirjakov (1888-193?), militant depuis 1903, ouvrier devenu écrivain et spécialiste d'Extrême-Orient, était déporté à Usclije.
Eleazar B. Solncev (1900-1936), ancien de l'Institut des professeurs rouges, historien et économiste, organisateur de l'Opposition de gauche à l'étranger après 1926 était rentré en 1928 et avait été arrêté et emprisonné à eljabinsk. Mikhail Lazko, bolchevik en 1905, était déporté à Turgai. Niklai V. Nevealev, secrétaire de Trotsky dans le train blindé pendant la guerre civile, était déporté à Narym. Ivan Nikititch Smirnov (1881-1936). un des vieux-bolcheviks les plus populaires, appelé par Lénine "la conscience du parti", héros de la guerre civile où il avait été proche de Trotsky, était déporté à Novo-Bajazet.