Lettre à la direction du SWP, 19 avril 1938

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Réflexions sur la situation française

Chers Amis,

Personnellement, nous n’avions pas suffisamment discuté ici de la question française. C’est maintenant le plus important de tout. Le développement de notre section française n’est pas satisfaisant. Elle ne nous communique aucune statistique, ce qui est un mauvais signe en soi. Leur journal ne paraît pas régulièrement. Il en va de même de leur soi-disant mensuel. Ils n’ont pas un seul homme ayant des capacités d’organisation. En même temps, ils ont reçu des coups sévères à travers la conspiration stalinienne, fasciste ou stalino-fasciste contre eux.

Je ne sais pratiquement rien de l’état réel de l’organisation Commune, mais son journal est incomparablement plus riche. Jusqu’au mois dernier, il paraissait toutes les semaines ; maintenant, il paraît en petit format trois fois par semaine. Ils publient un gros recueil « théorique » et beaucoup de tracts et de brochures. Cette compétition provoque une confusion générale et est extrêmement préjudiciable à notre section. Nous ne pouvons pas ignorer simplement l’organisation Commune. Nous devons aider notre section à vaincre l’organisation Commune. Cela ne peut se faire qu’en combinant profondément des mesures négatives et des mesures positives.

Concernant notre section

1. Une commission spéciale avec votre participation devrait vérifier leur organisation, leur administration et leurs livres de compte, surtout ceux de leurs deux publications.

2. Il faudrait exiger des mesures d’organisation très concrètes comme condition d’une aide internationale pour eux.

3. La section française devrait être placée au centre de l’attention de toute l’Internationale (C’est mon opinion qu’il est plus important aujourd’hui d’envoyer de l’argent en France qu’en Chine).

4. Si Sh[achtman] reste en Europe, il devrait consacrer la plus grande partie de son temps à la question française, particulièrement au mensuel théorique.

Concernant le groupe Commune

1. Ils vont sûrement faire appel à la conférence sous une forme ou sous une autre. Il serait bon de provoquer un tel appel quelques semaines avant la conférence. Nous ne devrions pas les rejeter d’avance. Au contraire, nous devrions leur montrer que nous sommes prêts à reconsidérer nos relations – bien entendu, sur la base de certains principes et certaines conditions.

2. Ici aussi, nous devons commencer par la vérification de leurs comptes, mais naturellement d’un autre point de vue. Nous devons leur expliquer que l’élimination de tout soupçon à cet égard est pour nous, en tant qu’organisation internationale, une condition impérative de toute discussion ultérieure. S’ils s’opposent à cette vérification, malgré notre insistance, ils se vouent à leur perte ; nous allons alors publier l’information selon laquelle les discussions ont été interrompues parce qu’ils ne pouvaient tolérer le contrôle international de leurs sources financières. Ce serait pour eux un coup mortel. C’est pourquoi ils ne rejetteraient pas l’intervention d’une commission de contrôle s’ils peuvent révéler leurs propres « secrets financiers ». Ce point me semble être pour nous d’une grande importance, dans les deux cas, qu’ils acceptent ou rejettent notre contrôle.

3. Si la commission de contrôle établit que La Commune n’existe que grâce aux affaires commerciales de M[olinier], comme je le suppose, la commission devrait déclarer, sur la base de toutes les décisions antérieures, que nous ne pouvons pas tolérer une situation dans laquelle un camarade dirigeant fait de l’argent par le moyen d’affaires douteuses, puis détermine la politique au moyen de cet argent. A mon avis, la décision devrait être que M[olinier] doit abandonner son travail en France pour au moins deux ans. Si lui ou eux rejettent cette proposition, nous devrions rendre public le fait que les discussions ont été interrompues comme conséquence de leur refus de séparer la politique révolutionnaire des affaires commerciales de M[olinier]. Une telle déclaration au nom de l’organisation internationale leur porterait un coup mortel.

4. S’ils acceptent les deux conditions mentionnées ci-dessus, la situation serait très favorable. Nous commençons alors des discussions politiques et d’organisation. Nous condamnons leurs méthodes d’organisation. Nous condamnons leurs erreurs politiques, leurs intrigues, etc. Nous créons, sous le S.I., une commission avec l’objectif de promouvoir l’unification. Si Sh[achtman] reste en Europe, il devrait présider cette commission.

Je crois que ce serait la meilleure façon d’aider la section française. Pour la période de transition après l’acceptation de toutes les conditions mentionnées ci-dessus, nous pourrions, jusqu’à la fusion, accepter l’organisation Commune comme un groupe sympathisant. Cela donnerait au S.I. plus de droit et de possibilités d’intervenir dans la vie interne de cette organisation.

L’ensemble de cette procédure est très délicate. C’est pourquoi le secret absolu sur l’ensemble du plan est nécessaire. En même temps, nous serons très fermes vis-à-vis de nos camarades dirigeants français qui vont sûrement rejeter d’avance toute manœuvre de grande envergure comme une « capitulation » etc. Nous devons leur faire comprendre que nous ne sommes pas prêts à tolérer plus longtemps l’état misérable de la section française dans une situation politique aussi décisive.

Je vous prie de me faire connaître si vous êtes d’accord avec la ligne générale de ce plan.