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Special pages :
Lettre à Wilhelm Graeber, 20 novembre 1840
| Auteur·e(s) | Friedrich Engels |
|---|---|
| Écriture | 20 novembre 1840 |
Brême, le 20 novembre 1840.
Mon cher Wilhelm !
Voilà bientôt six mois que tu ne m'as écrit. Que faut-il penser de tels amis ? Tu n'écris pas, ton frère n'écrit pas, Wurm n'écrit pas, Grel n'écrit pas, Heuser n'écrit pas, pas un mot de W. Blank et j'ignore encore plus ce que devient Plümacher, qu'est-ce que cela veut dire, sacré tonnerre ? Mon rouleau de tabac pesait encore 7 livres la dernière fois que je vous ai écrit, il m'en reste à peine un pouce cube et je n'ai pas encore de réponse. Au lieu de m'écrire, vous menez joyeuse vie à Barmen ; croyez-vous, mes gaillards, que je ne connais pas le nombre de verres de bière que vous avez bus depuis lors, que ce soit d'un trait ou non ?
C'est toi, notamment, qui devrais rougir de partir en guerre contre les vérités politiques que j'énonce, toi, espèce de bonnet de nuit de la politique ! Pourvu qu'on te laisse en paix dans ton presbytère, (car je ne pense pas que tu veuilles prétendre à de plus hautes fonctions !) et que tu puisses chaque soir aller te promener avec Madame et éventuellement tes petits pastoureaux, et pourvu qu'un boulet de canon ne t'éclate pas sous le nez, tu seras fin heureux et tu ne te soucieras pas du sacrilège Friedrich Engels qui s'attaque par ses raisonnements à l'ordre établi. Ah, vous êtes de fameux héros ! Mais vous serez pourtant entrainés dans la politique, que vous le vouliez ou non, le flot du temps submergera vos petites vies idylliques et vous serez alors bel et bien au pied du mur. Activité, vie et enthousiasme juvénile, voilà les vraies valeurs !
Vous avez sans doute entendu parler de l'histoire désopilante dont notre ami commun, Krummacher, fut le protagoniste. Maintenant les choses sont à peu près tassées, mais ça a chauffé ! Les partisans de Paniel se sont formés en bataillons, ont pris d'assaut l'arsenal de la garde civique et ont défilé à travers la ville avec un drapeau tricolore. Ils chantaient : « Nous menons une vie libre, vive Paniel, Paniel est un brave homme. » Les partisans de Krummacher se groupèrent sur la place de la Cathédrale, envahirent l'Hôtel de Ville juste pendant une séance du conseil municipal et pillèrent la réserve d'armes. Armés de hallebardes et de masses d'armes, ils se rangèrent en carré sur la place de la Cathédrale et braquèrent les deux canons du poste Obernstrasse d'où venaient les partisans de Paniel et attendirent leurs ennemis. Mais ceux-ci, voyant les canons braqués sur eux, arrivèrent par l'autre côté sur la place du Marché et l'occupèrent. La cavalerie, forte de 600 hommes, occupa le Marche aux herbes, juste en face des partisans de Krummacher et attendit l'ordre de foncer dans le tas. C'est alors que le bourgmestre Smidt sortit de l'Hôtel de Ville, et s'étant avancé au milieu des parties adverses, il se campa d'un pied ferme sur la pierre où fut exécutée l'empoisonneuse Gottfried, pierre qui dépasse du pavé d'un demi-pouce à peine, et il dit, en se tournant vers les partisans de Krummacher : « Vous autres, gens d'Israël », puis tourné vers les partisans de Paniel : « Ανδρες αθηνανιοι » [gens d'Athènes]. Puis, se tournant tantôt à droite, tantôt à gauche, il tint le discours suivant : « Dans la mesure où Krummacher est étranger, il n'est pas convenable que la querelle qu'il a provoquée se vide dans notre ville. Je propose aux respectables parties en présence qu'elles se rendent sur le champ de manœuvres qui est un emplacement fort bien adapté à des scènes de ce genre. »
Cette proposition ayant été acceptée, les partis se retirèrent par des portes différentes, après que Paniel se fût armé du bouclier et de l'épée de Roland qui sont en pierre. Le pasteur Mallet, qui avait fait la campagne de 1813, prit le commandement des partisans de Krummacher, forts de 6239 hommes et demi : il ordonna qu'on achète de la poudre et qu'on prenne quelques pavés pour en charger les canons. Arrivé au champ de manœuvres, Mallet fit occuper le cimetière attenant qui est entouré d'un grand fossé. Il monta sur la tombe de Gottfried Menken et ordonna qu'on hisse les canons sur le rempart qui entoure le cimetière. Mais manquant de chevaux, ils ne purent faire bouger les canons de place. Il était alors neuf heures du soir et il faisait nuit noire. Les armées bivouaquèrent, Paniel dans le village de Schwachhausen et Mallet dans les faubourgs. Ils avaient installé leur quartier général dans le manège de la Herdentor, déjà occupé par une troupe d'écuyers, mais le pasteur Kohlmann, de Horn, ayant dit l'office dans le manège, les écuyers prirent la fuite. Tout ceci se passait le 17 octobre ; le 18 au matin, les deux armées se mirent en marche. Paniel qui avait 4267 fantassins 3/4 et 1689 cavaliers 1/4 attaqua. Une colonne d'infanterie conduite par Paniel lui-même se lança à l'assaut de la première ligne de Mallet, composée de ses catéchumènes et de quelques zélatrices. Trois vieilles femmes ayant été embrochées et six catéchumènes abattus, le bataillon se débanda et fut bousculé par Paniel lui-même dans le fossé. Sur l'aile droite de Paniel se trouvait le pasteur Capelle qui, avec ses trois escadrons de cavalerie, composés de jeunes employés de comptoir, contourna Mallet pour l'attaquer par derrière, occupa les faubourgs et enleva à Mallet toute latitude de manœuvre. L'aile gauche gauche de Paniel conduite par le pasteur Rothe avança en direction de la route de Horn et repoussa vers le gros de la troupe de Mallet l'Union des jeunes dont les membres ne savaient pas se servir des hallebardes. Alors six d'entre nous, qui étions en train de faire de l'escrime, entendirent qu'on tirait. Nous sortîmes à tout allure avec nos plastrons, nos gants, nos masques et nos casquettes d'escrime : la porte de la ville était fermée, nous attaquâmes la garde pour nous procurer la clef et arrivâmes la rapière à la main sur le champ de bataille. Richard Roth, de Barmen, reforma la troupe des jeunes en pleine débandade, tandis que Höller, de Solingen, se jetait avec le reste des catéchumènes dans une maison. Moi-même et trois autres nous désarçonnâmes quelques partisans de Paniel, enfourchâmes leurs chevaux, repoussâmes, soutenus par la troupe des jeunes, la cavalerie ennemie ; le gros de la troupe de Mallet approchait, nos rapières distribuèrent quartes, tierces, effroi et mort, et en une demi-heure les rationalistes étaient dispersés. Alors Mallet s'approcha de nous pour nous remercier et lorsque nous vîmes pour qui nous avions combattu, nous nous regardâmes d'un aire étonné.
Se non è vero, è come spero bene trovato [Même si ce n'est pas vrai, ce n'est, je l'espère, pas mal inventé]. Mais écrivez bientôt et activez Wurm afin qu'il m'écrive !
Fr. Engels.