Lettre à V. B. Eltsine, 2 octobre 1928

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Pas de concessions aux conciliateurs

Cher Camarade Eltsine,

II y a longtemps que je ne vous ai pas écrit et je suis à blâmer pour cela. Pour dire vrai, je pensais que Liova vous tenait plus ou moins au courant. Et, bien sûr, c’était le cas.

Dans votre dernière lettre, vous parlez surtout des oppositionnels conciliateurs. Vous nous invitez à les combattre de façon plus décisive. Avec votre idée de base, à savoir qu’il ne peut pas y avoir de concession dans ce domaine, je suis bien entendu en complet accord. Dans la mesure où le conciliationnisme a essayé de trouver une expression politique sous la forme de propositions précises, de thèses, etc., il a rencontré notre rejet largement unanime. Résultat, nous n’avons pas trop mal régularisé notre front vis-à-vis du VIe congrès. Exception faite de Serebriakov, qui sombre toujours plus dans le philistinisme, tous les camarades ont signé la déclaration au congrès. En disant cela, je n’implique pas que tous les camarades sont du même avis. Incontestablement il existe des nuances aussi bien que des divergences fort importantes. Nous avons vu que des camarades atteints de conciliationnisme ont commencé à rechercher, non seulement des points d’accord avec les centristes (en en inventant là où il n’en existe pas) mais aussi des points de divergence entre nous, centrant fatalement autour de ces mêmes inévitables thèmes : les deux partis et... la révolution permanente. Il est tout à fait clair que nous avons affaire là à un état d’esprit, c’est-i-dire à quelque chose qui résiste beaucoup aux arguments. Décider d’avance qu’ils sont inéluctablement voués à prendre une forme politique et en tirer les conclusions nécessaires serait prématuré actuellement, pour être modéré. Il serait tout à fait inacceptable de pousser dans cette direction des camarades alors qu’ils sont saisis seulement de vagues humeurs conciliationnistes ou qu’ils ont fait un faux pas. Nous sommes en train de traverser un escarpement assez abrupt de l’histoire et, que certains camarades hésitent, aussi déplaisant que cela soit, c’est inévitable. Certains recouvreront leur équilibre et d’autres le perdront tout à fait. Une chose est claire : on ne peut pas faire en ce domaine de concessions politiques.

Bien entendu vous avez lu le discours d’Ouglanov. C’est le plus « juteux » de tous les discours officiels de la période récente. La partie qui traite de la « nouvelle question » de l’Opposition est particulièrement bonne. D’autres rapports complètent cette partie du discours d’Ouglanov et montrent que lu taupe de l’Histoire est en train de creuser, en dépit de tous les discours tonnants sans exception.

Les camarades sont préoccupés maintenant par la question île mon transfert et de mon départ d’Alma-Ata. Je ne l’attends pas. Où m’enverraient-ils? A Rakovsky, qui a été envoyé à Astrakhan par ordre du comité central, on refuse le droit d’aller a Kislovodsk pour une cure, ce qui lui est absolument nécessaire. Maintenant, après un certain nombre de télégrammes et de protestations, les dirigeants pensent qu’il leur est moins que jamais possible de faire des concessions. Après tout, la question du « prestige » — ce fétiche des faibles — a été nettement posée. Je me sens mieux maintenant et j’assume désormais une charge normale de travail. A quel point ce mieux est stable, ce n’est que l’automne qui le montrera. En tout cas je maintiens la perspective de continuer à résider ici. Les camarades qui ont envoyé des télégrammes et des protestations devraient se limiter à cela. Aller plus loin ne serait pas à conseiller, d’un point de vue pratique. Ils n’atteindraient pas leur but et pourraient sans nécessité compliquer la situation pour nombre de nos amis. J’insiste beaucoup là-dessus,

Travaillez-vous systématiquement sur quelque chose? Le congrès m’a quelque peu écarté des plans que j’avais tracés pour mon travail de recherche. J’espère y revenir cet hiver si le cours des événements le permet. Je vous serre fort la main et vous fait tous mes vœux.