Lettre à Salomon Kharine, 9 mai 1929

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On n’a pas un demi-siècle

Cher Ami,

1. Avant toute chose je veux dissiper les soupçons injustifiés que vous nourrissiez à l’égard de Weber. Il m’a envoyé une copie de son contrat avec les Éditions Laub et m’a donné les précisions suivantes : non seulement l’éditeur ne lui a pas encore versé le premier kopek sur les 10 % prévus, mais le traducteur, le camarade Müller n’a pas non plus reçu ses honoraires, et a été contraint de faire appel aux tribunaux. Vous devez donc comprendre que vos accusations n’étaient pas fondées. Un heureux hasard a permis de dissiper ce pénible malentendu.

2. L’histoire de ma brochure russe est absolument lamentable. Cette brochure a perdu aujourd’hui toute signification. Le temps est en politique un facteur de première importance, que tous les camarades, visiblement, ne maîtrisent pas. Les camarades de Contre le courant me reprochent d’avoir donné à Treint, pour qu’il la publie, la liste de ce que nous nous apprêtons à éditer. Mais cela fait déjà deux semaines que Treint a publié cette liste. Quand sortira Contre le courant? Nous n’en savons rien.

3. J’ai envoyé deux livres aux Éditions Rieder. Je voudrais faire paraître ces deux livres en russe également. Mais ma première expérience est très démoralisante. Est-il vraiment impossible d’organiser convenablement à Paris l’édition de livres et de brochures en russe ?

4. L’expédition, en temps voulu, en Russie de ma lettre aux ouvriers a eu finalement un impact politique important. Treint a non seulement été le premier à éditer cette lettre, mais il m’a tenu au courant de ce qu’il faisait pour qu’elle soit diffusée dans différents pays et en Russie. Les autres camarades sont restés muets sur ce point. Dans de telles circonstances, avons-nous le droit de repousser Treint? Pas le moins du monde.

5. Nos amis se comportent, au fond, comme si l’Histoire leur laissait encore un demi-siècle pour se préparer. Ils se prennent pour des oppositionnels, mais leurs méthodes d’action les rangent parmi les bons social-démocrates. Il est clair que notre activité doit viser la classe sociale au-dessous, sinon nous ne sortirons pas de l’impasse.