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Special pages :
Lettre à Raïssa Adler, 25 mai 1929
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 25 mai 1929 |
Informations et projets
Chère Raïssa Tïmoféïevna,
Nous sommes restés si longtemps sans vous écrire, que vous pourriez, à bon droit, en être fâchée contre nous. Mon long silence s’explique par l’arrivée plusieurs fois retardée de Frank. Nous l’attendions depuis longtemps déjà, et j’avais l’intention de vous écrire dès son arrivée, pensant que peut-être il apporterait avec lui des nouvelles. Aujourd’hui, enfin, il est arrivé. Par suite d’un malentendu, il se trouve que personne, contrairement à ce que nous supposions, n’est allé l’attendre à la gare. Mon fils doit arriver de la ville avec lui : nous habitons à présent en dehors de la ville, à une heure et demie en bateau à vapeur. Si les informations que nous apporte Frank le nécessitent, je vous enverrai un complément à cette lettre.
Nous vivons actuellement dans un cadre campagnard très agréable: la nature est superbe, et il n’y a pas à se plaindre du climat. Nous travaillons beaucoup. J’ai passé des accords avec différents éditeurs européens et américains pour l’édition d’un grand nombre de mes livres. Pour le moment, je travaille encore à mon autobiographie, qui prend des dimensions beaucoup plus importantes que ce que j’avais d’abord envisagé. Lorsque Frank sera là, à partir de demain, donc, je commencerai la rédaction en parallèle de deux autres livres, l’un sur la Révolution d’octobre, l’autre sur Lénine.
Ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de visites (relativement s’entend). Plusieurs éditeurs sont venus (allemands et américains) ; également des amis français : ils ont été sept à séjourner ici. Nos vieux amis, Rosmer et sa femme, sont encore chez nous en ce moment.
J’ai reçu une grande quantité de documents concernant l’Opposition autrichienne. Une partie de ces documents venait de vous. Ils me seront tous utiles, car ils permettent de pénétrer au cœur des débats en cours. Ce qui me paraît absolument indispensable, c’est de mettre sur pieds une sorte de bureau technique commun pour tous les groupes allemands et autrichiens : il faut parvenir au moins à ce que les traductions, en particulier les traductions du russe, se fassent en un seul lieu. C’est de cela avant tout que je parlerai avec Frank.
Notre projet de création d’une revue internationale de l’opposition avance plus lentement que nous ne le pensions. Selon toute vraisemblance, c’est Rosmer qui sera à la tête de l’édition française ; il est l’homme qui jouit de la plus grande autorité sur les différents groupes, et celui en qui ils ont la plus grande confiance.
Nos amis autrichiens connaissent-ils le camarade Weber, dirigeant de l’opposition de Wedding ; et que pensent-ils de lui ? Je pose cette question parce qu’on est en train de songer à lui demander son étroite collaboration pour l’édition allemande de la revue internationale de l’opposition.
En ce qui concerne la vive polémique actuelle, et en particulier les attaques de Frey contre vous personnellement, Raïssa Tïmoféïevna, je n’ai pas besoin de vous expliquer que cela ne me fait pas plaisir du tout. Mais je ne vois pas d’autre moyen de mettre fin à ce type de polémique interne empoisonnée, que de chercher à souder, ou tout au moins à rapprocher dans des tâches communes les groupuscules qui sont les plus proches de nous.
Je n’ai pas répondu à la dernière longue lettre du camarade Landau, pour la raison que je vous ai dite : j’attendais l’arrivée de Frank par qui je compte, en principe, faire passer ma correspondance allemande. Je vous prie de transmettre mon cordial salut à Landau, ainsi que mes excuses pour mon retard. Je vais lui écrire à nouveau, bien entendu.
Quant à notre santé, à Natalia Ivanovna et à moi, elle est dans l’ensemble satisfaisante, malgré des hauts et des bas, et bien que nous ayons sans aucun doute besoin d’une cure.
Presque tout de suite après mon arrivée à Constantinople, j’ai reçu, en provenance de Brünn, un télégramme de Kovaf, le directeur de la Maison du peuple. II m’informait de la possibilité de me faire séjourner en Tchécoslovaquie le temps d’une cure, et il proposait de venir à Constantinople pour négocier cela. J’ai alors décliné son offre, car j’attendais d’un jour à l’autre la permission de partir pour l'Allemagne. Nos amis autrichiens ne pourraient-ils essayer de savoir de quel côté se range Kovaf, ami ou ennemi? Quelles sont mes chances de pouvoir aller en Tchécoslovaquie? Kovaf a-t-il abandonné l’idée de venir à Constantinople ? Si lui-même, ou un autre de nos amis tchèques, souhaite venir ici, je ne pourrai que m’en réjouir.
Il me semble que c’est tout.