Lettre à Pierre Naville, 17 mars 1937

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


Coyoacán, le 17 mars 1937

A Pierre Naville

Copies à Nicole, Held, Nelz, Dauge,

Sneevliet et Tchécoslovaquie.

Copie Isaacs

Cher camarade Naville,

Je ne vous ai pas écrit plus tôt parce que je suis vraiment accablé par le travail et aussi parce que j’étais et je reste très frappé par la nonchalance extraordinaire avec laquelle les dépositions ont été faites (pas la vôtre). J’ai écrit maintes fois là-dessus à L. et à d’autres. J’espère bien qu’on refera la plupart de ces dépositions dans le sens de la précision nécessaire. Quelle valeur peuvent avoir des racontars sur des visites à Royan, si on ne donne pas de dates précises, et on ne dit pas pourquoi on était obligé de venir à Royan, si on ne rapporte pas ce qu’on a entendu dire par d’autres sur le voyage de Marseille à Royan, si on ne donne pas les détails des discussions politiques, surtout concernant l’URSS et sa défense ?

Vous communiquez que le Comité français se répand en province et qu’on se prépare à passer à la création d’une commission d’investigation. C’est très bien, à condition qu’on ne répète pas les procédés employés avec les dépositions, mais qu’on agisse vite et fort.

Mais, et ici je touche le point principal, on ne peut plus avoir deux commissions d’investigation à droits égaux, une à New York et l’autre à Paris. Ce serait la pire confusion. Tous les matériaux se concentrent maintenant à New York et à Mexico. Le centre d’investigation est indiqué par toute la situation, c’est New York. Peut-être aurai-je la possibilité d’y aller pour faire mes dépositions. Dans le cas contraire, je ferai mes dépositions ici devant une commission rogatoire. En somme, le Comité français doit volontairement se subordonner à la Commission américaine. S’il pouvait envoyer un ou deux de ses représentants à New York, au moins pour quelques semaines, ce serait excellent. Ces représentants pourraient diriger à Paris le travail d’investigation sur les bases élaborées en commun à New York. Il s’agit pour l’instant de soutenir le Comité de New York dans la voie de la création de la commission d’investigation. Il serait excellent que tous les comités de Paris, Lyon, etc., invitent par télégramme le Comité de New York à prendre immédiatement l’initiative de l’investigation dans ses mains, en s’appuyant sur les mandats des comités européens. Des télégrammes semblables pourraient et devraient être envoyés par les organisations respectives de Belgique, Hollande, Suisse, Tchécoslovaquie, etc. Est-ce que vraiment on ne serait pas capable de cet effort, qui n’est nullement extraordinaire ? On piétine depuis trop longtemps sur place. J’envoie la copie de cette lettre à Nicole, Held, Nelz, Dauge, Sneevliet et en Tchécoslovaquie et j’attends une réaction immédiate. Les camarades qui dans une situation si exceptionnelle et dont dépend beaucoup de choses — et des choses importantes — démontrent de l’insouciance et de la nonchalance et perdent de nouveau du temps, doivent être considérés comme absolument étrangers à notre cause. C’est au moins mon sentiment personnel.

J’espère donc de votre part et de la part des autres un plein rendement.

Mes saluts les plus chaleureux à Denise et à tous les amis.

L. Trotski

P.S. Je ne parle pas ici de la direction du POUM et de tout le fameux Bureau de Londres. Toutes les choses artificielles se décomposent rapidement dans l’atmosphère terrible de cette époque. Ceux de nos amis qui courtisent la direction du POUM au lieu d’aider le parti par la critique marxiste sévère seront punis par les événements et quand les meilleurs éléments du POUM tireront les leçons amères de la fausse politique, ils se tourneront vers nous, les vrais amis, et non pas vers les conciliateurs bienveillants.

L.T.