Lettre à Maurice Paz, 20 avril 1929

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Les Affaires courantes

Cher Ami,

Je réponds à votre lettre du 14 avril.

1. Je m’étonne beaucoup que vous n’ayez pas reçu les chapitres 14 et 15.

2. Est-ce que Wabirdawa déposé déjà l’argent au nom d’Alfred ?

3. Je veux faire imprimer maintenant quelques livres en russe, mais je ne puis vous imposer cette besogne, d’autant moins que vous envisagez maintenant un hebdomadaire. Les camarades qui sont ici m’indiquent deux camarades, Jean Jacques et Meichler qui sont tout à fait qualifiés pour organiser les éditions russes sous la direction d’Alfred.

4. Le texte russe pour les éditions et l’ordre des éditions seront établis d’ici avec les préfaces nécessaires, etc.

5. Après avoir réfléchi, je préfère que les articles se rapportant au Comintern paraissent, ensemble, dans le même volume. Ce qui veut dire que l’article « Qui dirige le Comintern ? » fera la dernière partie du livre qui se composera de « Et Maintenant ? », « La Critique du Programme », « La Question chinoise ». D’ailleurs je vous ai déjà envoyé la préface qui traite de ces quatre parties ensemble. Cette composition sera beaucoup plus logique.

Pour compléter le volume contenant « La Révolution défigurée », je trouverai un ou deux discours se rapportant aux choses russes et qui complètent ce volume beaucoup plus logiquement que l’article « Qui dirige le Comintern ?» Je vous enverrai pour cet autre volume une nouvelle préface avec les discours susnommés ; dans un délai assez rapproché.

6. Est-ce qu’on a envoyé de l’argent pour Bordiga ou sa famille ? Si ce n’est fait, il faut le faire sans tarder. S’il y avait besoin d’une somme plus grande que celle sur laquelle nous nous sommes entendus, on peut naturellement en disposer. Peut-être ce sera mieux encore de fixer une contribution mensuelle de la part des amis qui peuvent le faire, afin que lui et sa famille sachent qu’ils peuvent disposer régulièrement d’une certaine somme.

7. Sur Treint, il y a eu un malentendu déplorable. Léon a envoyé à Treint l’index des œuvres de Lénine et des documents sans préciser le but de cet index. Or Treint a compris cela comme la proposition de ma part de faire le nécessaire pour l’édition de ces œuvres. Voilà d’où provient sa lettre à Joseph dont le ton me paraît tout de même exagéré. Par un télégramme envoyé hier, dont la copie a dû vous parvenir, je me suis empressé de dissiper ce malentendu.

Comment je considère la question Treint en principe, je l’ai exposé dans ma lettre à Joseph. Je serais très heureux qu’il vous en fasse la traduction par écrit. Je ne puis quand même croire que c’est un cadavre, car, pour un cadavre, il est trop actif. Il fait répandre ma lettre assez largement en français et en russe, souvent en accompagnant l’envoi d’une lettre insistant sur la nécessité d’une diffusion intense. Je ne pourrais rompre avec lui que sur des divergences de principes ou sur un acte de déloyauté envers l’Opposition. J’exigerai de lui, s’il veut entretenir des relations politiques personnelles avec moi, qu’il cesse la polémique venimeuse contre C[ontre] l[e] C[ourant]. Naturellement, je ne puis me répéter, si c’est nécessaire pour quelqu’un, que j’envisage d’appuyer en premier lieu notre action en France sur C[ontre\ L[e\ C[ourant]. Vous devez d’ailleurs ne pas perdre de vue qu’il existe semblable situation en Allemagne et en Autriche et peut-être ailleurs. Il s’agit d’un tir à longue portée. Si pour le moment cela apporte des inconvénients secondaires, c’est seulement par ce procédé que nous briserons le conservatisme de groupements plus ou moins arbitraires afin qu’ils ne s’opposent pas à une action en des moments plus importants.

8. Je suis extrêmement étonné de l’attitude de Wabirdaw en ce qui concerne les deux derniers articles pour la presse bourgeoise. Pendant presque deux mois, il n’a rien fait pour les placer, mais précisément, ces articles sont pour moi les plus importants du point de vue politique. Le côté financier dans ce cas-ci ne m’intéresse guère, il s’agit seulement de les faire paraître dans la presse bourgeoise. J’aurais pu les donner facilement à une agence américaine qui insistait beaucoup par son représentant à Constantinople auprès de mon fils, pour que je lui donne n’importe quels articles. Si Wabirdaw veut rester en relations continues, qu’il garde en première ligne intérêts politiques quand je les indique. Vous pourriez le lui dire fermement et amicalement à la fois.

Mais dites-moi, je vous prie, si ces commissions ennuyeuses à l’égard de Wabirdaw etc. ne vous prennent pas trop de temps. Maintenant que j’ai des amis français ici, nous pourrions peut- être, sans grands inconvénients, correspondre de Constantinople avec les éditeurs, pour vous débarrasser de cette besogne et vous laisser plus de temps pour votre travail politique.

9. Et maintenant, au dernier point, le plus important pour l’instant.

Je vous ai télégraphié « N’envoyez plus personne ». Ce télégramme me fut dicté par l’appréhension que la police turque n’ait cette idée qu’il s’agissait d’une conférence internationale, etc. Or je dois reconnaître que la police turque se montre en général beaucoup plus intelligente que je ne l’avais supposé. Elle est maintenant au courant que les jeunes camarades sont venus pour l’aider dans les œuvres et pas autre chose.

Pendant leur court séjour ici, je me suis totalement persuadé de l’utilité de toute cette entreprise improvisée qui m’a surpris au premier moment. Leur collaboration me sera d’une utilité inappréciable, surtout maintenant où je vais déménager et organiser mon travail sur des bases plus stables.

Quant à la question M[olinier]. J’ai eu une conversation détaillée avec Marzet. Il m’a expliqué la source des rumeurs dont vous parlez et, par cela même, l’insignifiance de ces rumeurs. Personnellement M[olinier] est un des hommes les plus serviables, pratiques et énergiques qu’on puisse imaginer. C’est lui qui a trouvé un logement, débattu des conditions avec le propriétaire etc. Il est tout prêt à rester avec nous pendant quelques mois, avec sa femme. Or, en plein accord avec Marzet, je suis sûr que sa collaboration sera pour moi d’une grande utilité, surtout en ce qui concerne la vie pratique.

Je vous mets sous ce pli copie de deux déclarations faites à la presse, nationale et internationale, de Constantinople ces jours derniers. Vous en tirerez ce que vous jugerez utile.