Lettre à Martin Abern, 11 mai 1939

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L'Affaire avec Mendel

Cher Camarade Abern,

Merci pour votre communication détaillée concernant les doléances et les désirs de Longmans Green. Autant que je comprenne, M. Mendel vous a dit qu’il avait accepté l’introduction de 10000 mots et, après l’avoir reçue, insisté pour une partie supplémentaire « de 2000 mots environ ». Cette information est exacte, à l’exception de l’allusion aux 2000 mots. Il insistait pour que je donne à mon essai « la grande dimension qu’il mérite ». Je donne ici les trois citations décisives de trois des lettres de M. Mendel.

Le 14 février, il m’écrivait :

« Également, je suis d’accord que votre essai ait 10000 mots. Après tout, je n’ai rien d’autre à l’idée que de sortir votre livre exactement comme vous l’avez planifié. Je suis particulièrement heureux que vous n’ayez pas donné à votre livre le caractère d’un manuel d’économie, mais d’un moyen populaire d’informer les gens sur les idées et les objectifs de Karl Marx. »

Avant le 1er mars, comme indiqué dans le contrat, j’ai envoyé l’introduction de 10000 mots environ. M. Mendel a trouvé que c’était trop exclusivement américain et a insisté pour que j’élargisse l’introduction. Dans sa lettre du 14 mars, il écrivait ce qui suit :

« … Je ne doute pas qu’une fois que vous aurez compris les possibilités qui sont devant vous, vous donnerez à votre essai la grande dimension qu’il mérite. I! est vrai que cela peut vous prendre du temps, mais l’occasion en vaut la peine. »

J’ai refusé de le faire, considérant que le matériel américain dans mon introduction avait une valeur internationale. M. Mende! a commencé une véritable campagne de lettres, d’insistance et de « menaces ». Il nous assurait que Longmans Green ne voulait pas le publier parce qu’il n’était pas assez complet et ainsi de suite. M. Rühle était bombardé de lettres de ce genre. Le 29 mars, j’ai reçu une nouvelle lettre de M. Mendel, dans laquelle il écrivait :

« Je suis sûr que vous avez à votre disposition les sources et informations qui vous permettront d'élargir la dimension à l’échelle mondiale. Vous pouvez inclure dans cette nouvelle conclusion une remarque en ce sens que l’Amérique avait essentiellement et seulement été utilisée comme exemple typique. »

La question de la longueur ou de l’abréviation n’a pas été mentionnée une seule fois dans la correspondance et la limitation à 2000 mots n’a jamais été posée. J’ai finalement écrit une nouvelle conclusion d’environ 3 000 mots. Le texte anglais est un peu plus long comme toujours, mais la différence pouvait être de 500-1000 au plus.

Maintenant a commencé une nouvelle campagne avec les mêmes arguments. Longmans Green ne souhaite pas la publier parce qu’elle est trop longue, parce que les staliniens n’aiment pas ce que j’écris et ainsi de suite. Je suppose que la véritable raison est que j’ai écrit une introduction marxiste au Capital de Marx. Si l’éditeur souhaitait une introduction conservatrice, il aurait dû s’adresser au Père Coughlin ou au Professeur Laskyde New York. Mais bien entendu, dans ce cas, il n’aurait pas eu le texte de M. Rühle qui a été écrit sous mon contrôle et pour mon introduction.

Sur la base de la correspondance existante, dont je vous ai donné les citations les plus importantes, tout tribunal américain reconnaîtra que j’ai entièrement raison. La rupture du contrat me libérera les mains et je pourrai ainsi publier le livre partout et je suis certain qu’il aura une très grande diffusion.

C’est pourquoi je ne vois pas la moindre raison de mutiler mon travail, sur lequel j’ai passé beaucoup de temps.

P.S. La proposition de publier tout le texte de l'introduction dans une revue est plutôt étrange, car, selon les termes du contrat, tous les droits de reproduction sont entre les mains de l’éditeur. S’il existe une possibilité de le faire, il est obligé de le faire. Mais le texte est écrit pas comme un article de revue, mais comme une introduction au Capital de Marx et doit être publié sous cette forme.

Personnel

Cher Camarade Abern,

Cette lettre est personnelle et n’est destinée qu’à vous. La lettre jointe, vous pouvez, de votre propre initiative, la montrer à M. Mendel ou à Longmans Green. Pour avoir la preuve absolue que ce n’est pas une question de longueur, mais de tendance politique, qui les gêne, vous pouvez, en votre nom personnel, proposer l’hypothèse que la seconde partie, la partie supplémentaire, soit raccourcie en ce sens que la section « Le miroir idéal du Capitalisme » soit la dernière et que les deux derniers chapitres soient éliminés.

Je suis certain qu’ils vont protester parce qu’ils veulent éliminer les choses désagréables que je dis sur le New Deal et l’avenir de l’économie américaine. Ce serait mieux que vous fassiez cette proposition par écrit, comme une proposition que vous êtes prêt à me faire. Alors nous aurons un bon document pour un procès éventuel.

Il faut que j’indique ici que dans sa dernière lettre, M. Mendel écrit « en passant » que Longmans Green est très désireux d’avoir le second livre de Marx avec mon introduction. Cette correspondance est une série de manœuvres, de mensonges et petites intrigues.