Lettre à Marie Engels, Août 1841

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[Barmen, environ fin août 1841].

Chère Marie,

Puisqu'il faut que je t'écrive à tout prix, je te dirai d'abord de ne pas trop espérer de cette lettre, car ici il ne se passe rien. Des mariages, des visites : j'y vais, je bois, je mange, mais je ne me sens pas capable de m'étendre sur de tels sujets. D'ailleurs tu n'as pas l'habitude d'entendre de tels bavardages de ma part. Je reste presque toute la journée dans ma chambre, lis et fume comme la cheminée d'une machine à vapeur, je fais de l'escrime à en casser des lames et je m'amuse de mon mieux. Cet infâme mauvais temps me mettrait presqu'au bord du désespoir ; impossible d'aller à Elberfeld sans courir le risque de se faire tremper trois fois comme une soupe. Et il n'y a malheureusement entre Elberfeld et ici qu'un seul endroit où l'on puisse s'arrêter et trouver refuge : le temple de la bière. De surcroît, le verre de bière y coûte dix sous d'argent. D'ailleurs au lieu d'avancer, tout fait machine arrière : pas encore question de partir pour Berlin ; ça viendra en son temps ; je ne me fais aucun souci et laisse les autres s'en faire pour moi. Si tu désires recevoir plus de lettres, donne signe de vie et envoie-moi d'agréables nouvelles.

Ton frère Friedrich.