Lettre à Marie Engels, 13 novembre 1838

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Brême, le 13 novembre 1838.

Ma chère Marie,

Tes deux lettres m'ont fait un grand plaisir et je vais essayer de te raconter un peu quelque chose, pour autant que l'espace et le temps me le permettent. Il est en effet trois heures passées et il faut que cette lettre soit postée à quatre heures. Mais je ne vois vraiment rien à te dire, il ne se passe rien d'extraordinaire ici, si ce n'est que les Brêmois ont à nouveau posté leurs deux magnifiques canons devant le bâtiment de la garde, qu'au lieu de « Fussbank » [tabouret] on dit ici « Fusstritt », et que l'on porte ici beaucoup de mackintoshes, qu'il a fait très froid cette nuit et qu'il y avait des fleurs de givre aux fenêtres, et que maintenant le soleil brille, etc... Encore une chose qui me vient à l'idée et qu'il faudrait que tu dises à Maman : J'ai demandé fin septembre aux Græber qu'ils m'envoient les Volksbücher s'ils allaient à Cologne, et qu'ils se fassent rembourser par Papa, or, comme ils n'y sont pas allés eux-mêmes, ils ont écrit à leur cousin ; au cas où celui-ci en enverrait quelques-uns par l'intermédiaire du pasteur Græber, parfait, et Papa me ferait bien plaisir en réglant la question de la fracture ; s'il n'en envoie pas, parfait également, et vous n'aurez pas de tracas à vous faire. J'aurais bien écrit plus tôt à ce sujet, mais je n'ai su qu'aujourd'hui quel serait le processus exact. Wilhelm Græber m'écrit aussi — qu'à Berlin il n'y a pas de véritables cabinets, mais uniquement des chaises-percées qu'il faut louer à part pour 5 groschen d'argent par mois, mais qu'eux, en tant que fils de pasteurs, sont exonérés là aussi de cette taxe. Ils me parlent longuement de leur excursion à travers le Harz et de leur ascension du Blocksberg, et me racontent leur voyage de Berlin à Madgebourg en compagnie d'un sous-officier de la Garde long comme un jour sans pain. Si tu viens me voir un jour, je te lirai toute l'histoire ainsi que celle de la belle Dorothée qui s'est passée dans la vallée de la Sieber, dans le Harz, où un seigneur très très riche tomba amoureux d'une fillette de sept ans et donna à son père un anneau en disant qu'il reviendrait et l'épouserait lorsque l'année lui irait. Et lorsqu'au bout de dix ans il revint, la jeune fille était morte depuis un an et lui mourut à son tour de chagrin ; sur cette histoire Fritz Græber a fait une touchante chanson, etc... Mais ma page est bientôt remplie, j'ai encore une lettre à copier qui doit partir avec celle-ci et j'irai les mettre à la poste. T'arrive-t-il d'écrire à Ida ? La petite Julie de Mannheim a beaucoup plu à M. Holler, mais Karl, était furieux qu'il lui ait si souvent rendu visite, mais ne le dis à personne. Adieu, chère Marie, ton

Friedrich.